Les Moulins. |
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Moulins à vent, Moulins à eau. |
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Philippe
Bellan |
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Historique
Origine:
Les premiers systèmes de broyage des céréales,
utilisées pour la nourriture humaine depuis le néolithique, sont manuels
(moulins à sang): pilons, rouleau à mouvement alternatif
ou meules à main de petit diamètre : 50 cm (meules en sablier des Romains).
Note: les moulins à sang sont mus par la force physique animale ou humaine.
Ce sont les animaux, les esclaves ou les femmes qui sont chargés de ce travail.
L'énergie humaine et animale continuera d'ailleurs d'être utilisée
pour moudre le grain sous forme de manège avec un cheval ou un autre animal de
trait, bien après la fin du Moyen Age, et l'on trouvera
encore des moulins manuels dans les maisons jusqu'à la fin du XIXe siècle.
On ne sait pas dater exactement son apparition, mais il semble être
utilisé à Rome vers le Ier siècle
av JC. Sa diffusion en Italie aurait été favorisée par Jules César. Vitruve
décrit le moulin à eau à la fin du II siècle av JC, mais l'appelle "hydralète", ce qui laisse
penser à une origine grecque, peut-être de la Grèce d'Asie. Il se serait
alors diffusé vers l'occident mais aussi vers l'orient, car des moulins ont été
retrouvés en Chine.
(Le problème de savoir si
les premiers moulins étaient mus par une roue horizontale ou une roue verticale
n'est actuellement pas résolu).
La diffusion des moulins à eau est assez lente, aussi bien en Italie qu'en Gaule.
On trouve cependant à Barbegal, près d'Arles, un ensemble de 8 moulins échelonnés de part et d'autre d'une chute d'eau alimentée par un aqueduc, ceci vers la fin du IIe ou au IIIe siècle après JC.
Les villes d'Italie sont progressivement équipées de moulins vers le IVe et le VIe siècle. Les invasions barbares vont vider les villes au profit des campagnes et des "villas" romaines.
Ces villas vont construire, à leur tour, des
moulins. Cette diffusion est facilitée par les progrès de la métallurgie,
malgré la mauvaise qualité du fer de l'époque, elle est aussi aidée par la
mise au point de barrages sur les cours d'eau.
La fin des invasions barbares, l'augmentation de la population européenne
vont déclencher, au IXe siècle, une forte croissance du nombre des moulins.
Les fleuves à débits réguliers vont ainsi être équipés de telle sorte que
80 % des
sites d'utilisation de l'énergie hydraulique répertoriés en 1789, auront une
origine carolingienne.
Le moulin à eau apparaît alors comme une source de richesse et les
moulins, qui, jusque là étaient exploités par de petites communautés
villageoises, vont être alors pris en charge par les seigneurs ou construits et
exploités par les monastères.
Aux Xe, XIe, et XIIe siècles, de nombreuses industries vont utiliser l'énergie
hydraulique : fabrication de poudres, meunerie, brasserie, huilerie, décorticage
du riz mais aussi irrigation.
L'invention, au XIIIe siècle, de l'arbre à cames va permettre
l'utilisation du moulin pour le foulage des draps, le forgeage du fer et même
le sciage du bois ou du marbre. Plus tard, la fabrication du papier, les
fonderies, les filatures, le broyage des minerais seront, eux aussi, réalisés
à l'aide des moulins à eau.
Le
moulin bateau ou moulin à nef
Son apparition peut être datée du VIe siècle. Un texte fameux
attribue au général Bélisaire l'installation sur des bateaux de mécanismes
de moulins à eau, afin de nourrir les habitants de Rome, assiégés par les
Ostrogoths, en 537.
Au Xe siècle, des moulins bateaux serviront à moudre la farine de presque toutesles grandes villes. Toulouse, en particulier, dispose de moulins près du Bazacle et du Château Narbonnais. 60 moulins bateaux au XIIe siècle. Au XVIe siècle, ce sont 55 moulins bateaux qui alimentent Paris en farine.
Monocoques, comme à Toulouse, ou double-coques, leur coexistence sera toujours difficile avec les navires servant au transport des marchandises, et ils disparaîtront progressivement. On en trouvera cependant encore sur la Loire et le Doubs jusqu'au début du XXe siècle.
Obligatoirement situé sur le littoral de la Manche ou de l'Atlantique,
il semble apparaître vers l'an mil. Il ne fonctionne, en général, qu'à marée
descendante et nécessite la construction de digues importantes pour retenir
l'eau: 250 m de longueur, 5 à 6 m de haut sur la Rance.
Son apparition est plus tardive.
Si l'on connaît des moulins mus par le vent, dès le VIe et le VIIe siècles en Afghanistan, il ne semble pas que les moulins à vent occidentaux aient la moindre filiation avec ces moulins à axe vertical.
La diffusion des moulins à vent en Occident, à la fin du XIIe siècle,
à peu
près simultanément en Angleterre, en Flandres, en Normandie et en Provence, ne
semble pas,non plus, avoir une origine orientale ni être due à une technique
ramenée par les Croisés.
Ces premiers moulins à vent sont, probablement, en bois (analogues aux moulins actuels des Flandres et de Hollande), leur "cage" tournant autour d'un pivot.
L'existence et la forme des voiles utilisées laissent aussi penser que
leur développement est lié aux traditions marines des régions concernées.
Les premiers moulins de la région toulousaine sont, d'après les
textes, à Pexiora en 1245 et à Saint Papoul, en 1255.
Au XIIIe siècle,
les moulins à vent sont dispersés le long du littoral et ne s'insèrent à
l'intérieur des terres que dans les régions ventées, en complément des
moulins à eau. Ils resteront toujours minoritaires (1 moulin à vent pour 5
moulins à eau), sauf dans certaines régions à vents très fréquents
(Lauragais, Provence), ou très pauvres en rivières.
Ils sont surtout utilisés pour moudre le blé, mais nous trouvons, dans
le Nord, 2 autres utilisations qui leur semblent réservées: la fabrication de
l'huile et l'assèchement des marais et des polders.
Aux XIIe ou XIVe siècle, les moulins tours, construits en pierre ou en
briques, remplaceront les moulins en bois dans le sud de la France et sur les côtes
de Bretagne. Le reste de la France, excepté l'Est qui ne possédera jamais de
moulins à vent, comptera, à la fois, des moulins en bois et des moulins tours.
Dès le XVIIIe siècle, les progrès techniques apportés aux moulins
hydrauliques d'une part, une réglementation contraignante faisant suite à une
augmentation anarchique de leur nombre d'autre part (distance supérieure à 80
m des chemins royaux et supérieure à 50 m des chemins publics conduiront de
nombreux meuniers à déplacer leur moulin à vent : Saint Lys, Vinsac, relègueront
les moulins à vent à une production de farine limitée aux besoins locaux.
Les problèmes
de la banalité.
A partir du Xe siècle, les seigneurs et les abbés, constatant que les moulins qui se répandent alors, sont sources de richesse, vont essayer de confisquer cette manne. Ils vont, d'une part, rappeler que seuls les propriétaires des cours d'eau non navigables ont le droit d'utiliser l'eau, d'autre part, ils vont eux-mêmes, prendre en charge la construction de nouveaux moulins.
Le fonctionnement sera confié à un meunier, sorte de fermier chargé de l'exploitation et du petit entretien. Les nouveaux constructeurs prendront à leur charge les grosses réparations.
En contre partie, pour payer l'entretien,
les utilisateurs devront acquitter un droit de mouture (1/20, 1/16, ou même
1/13 des céréales portées à moudre) en outre, ils devront assurer
l'entretien des accès au moulin. C'est le principe de la banalité celle-ci
peut être imposée par le seigneur ou négociée et concédée par contrat.
Cette organisation peut être très variable suivant les régions : dans le Nord, ce droit féodal est strict et nécessité par l'organisation sociale issue des carolingiens, dans le Midi, où l'émiettement et la faiblesse du système féodal sont endémiques, cette organisation est beaucoup plus superficielle: bon nombre de petits moulins, dans notre région comme en Provence, appartiendront et seront utilisés par la communauté villageoise.
De la même manière, si, dès le XIIIe siècle, les boulangers auront
le droit d'avoir leur propre four, tous les autres travaux devront être effectués
dans les fours banaux.
La nuit du 4 août 1789, supprimera le système de la banalité. Les
moulins seront souvent repris par le dernier meunier et cette libération sera
l'occasion de la construction de nouveaux moulins.
Par ailleurs, depuis le XIIIe siècle, les moulins sur les voies navigables, une grande partie du réseau fluvial de l'époque, étaient confrontés au problème de la navigation et de l'irrigation.
Une réglementation avaient été
mise en place pour permettre ces différentes activités dans le respect des
droits et des intérêts de chacun, en répartissant les charges d'entretien et
de nettoyage du lit des rivières. Au XIXe siècle, l'Administration reprendra
à son compte cette réglementation des droits d'eau et la développera.
L'évolution
vers la minoterie et la disparition des moulins.
Au XIe siècle, on comptait environ 50 000 moulins en France. Ce nombre va croître jusqu'au XVIe siècle où l'on relève 75 000 moulins, chiffre qui va rester sensiblement constant jusqu'au début du XIXe siècle ; on constatera une floraison de nouveaux moulins à ce moment là, suite à la suppression de la banalité, et le nombre de moulins approchera les 100 000, mais cela ne durera que quelques décennies.
Avec la diffusion de la machine à vapeur, les petits moulins vont disparaître:
au début du XXe siècle, on n'en comptera plus que 30 000, en 1995 on trouve
700 minoteries ou moulins, mais seulement une centaine fournissent réellement
de la farine.
En effet, en 1784, à
Londres, pour la première fois, une machine à vapeur est utilisée pour moudre
du grain. La puissance disponible va permettre de concurrencer les moulins
traditionnels: alors que l'on arrivait difficilement à faire tourner 2 paires
de meules avec une seule roue hydraulique, Watt va installer une machine qui
fait tourner 12 paires de meules, sans se préoccuper du débit de l'eau dans le
canal d'amenée ou du niveau de la réserve.
De 1810 à
1821, on passera de 5 000 moulins à vapeur, à 10 000, en Angleterre !
L'énergie hydraulique va résister, par des améliorations
techniques :
- la roue, qui est mue par l'eau va être améliorée (Poncelet
introduira la forme courbe des pales pour réduire l'effet de choc) et deviendra
la turbine, qui se diffusera vers 1850 ,
- la transmission du mouvement aux meules, jusqu'alors à l'aide de
roues et de dents en bois, sera progressivement remplacée par des engrenages en
fonte ,
-les meules vont aussi bénéficier d'améliorations: tout d'abord en
utilisant la pierre de la Ferté sous Jouarre, et en fabriquant ensuite des
meules en plusieurs morceaux (les "carreaux"), de dureté plus
importante vers la périphérie , les meules seront aussi plus petites et leur
rainures atteindront la vingtaine , les meules en pierre vont ensuite être
remplacées par des cylindres en fonte et acier: diffusés dès 1878,
ils se généraliseront
au début du XXe siècle ,
- les moulins vont s'équiper d'appareils de bluterie (séparation du
son de la farine), abandonnée jusque là au boulanger ou au client, d'autre
part, le blé sera nettoyé avant broyage,
- les moutures vont aussi évoluer: d'un rendement de 30 à 45 % de
farine au XVe siècle, elles passeront à des rendement de l'ordre de 75
%,
essentiellement en repassant plusieurs fois les "issues" sous les
meules,
- enfin, l'automatisation des manipulations va réduire le personnel,
qui a tendance à s'éloigner vers la ville, et augmentera la régularité de la
production.
Mais cette évolution va se faire en favorisant les moulins déjà importants. La production de farine va devenir excédentaire en 1930, une nouvelle réglementation va instaurer un système du contingentement.
Les petits moulins au XIXe siècle, vont multiplier leur nombre de meules (moulins à vent du Lauragais), compléter l'énergie hydraulique ou éolienne par des moteurs, à vapeur, puis électriques et, enfin, à essence. Le contingentement va les faire disparaître néanmoins les uns après les autres.
Quelques moulins à eau essaieront cependant de se sauver en fabriquant de l'électricité.
La sauvegarde des moulins traditionnels
Au début du XXe siècle, devant la disparition de nombreux moulins, une campagne pour leur sauvegarde fût entreprise. En 1927, un peintre américain Herman WEBSTER décide d'illustrer une série d'articles en faveur de la sauvegarde des moulins traditionnels.
Mais le mouvement va s'essouffler avec
la deuxième
guerre mondiale.
Dans les années 60, une reprise de ces activités est lancée par le Ministère de la Culture, qui facilite le classement au titre de Monuments historiques de nombreux moulins. Des subventions pour la restauration de ces moulins sont accordées.
En 1965, a lieu, au Portugal, le
premier congrès pour la sauvegarde des moulins. En 1973, la première
Association Régionale des Amis des Moulins est créée dans le Nord Pas de
Calais. Près de 30 ans après, ce mouvement s'est généralisé et peu de régions,
actuellement, ne disposent pas de leur association de sauvegarde.
Fonctionnement.
On peut considérer, dans les mécanismes qui constituent la partie
active des moulins, 2 grandes fonctions :
-la captation de l'énergie, hydraulique, éolienne
ou autre,
-l'utilisation de cette énergie pour remplir la
fonction qui est la raison d'être du moulin: le broyage des grains, l'écrasement
des noix, des olives, du pastel, le foulage du linge, le martelage du fer, le
concassage des minéraux, etc.
La captation de l'énergie hydraulique.
Jusqu'au XIXe siècle, on distingue 2 grands types
d'entraînement: roue verticale et roue horizontale.
Roue en dessus |
Roue en dessous simple. |
Les moulins à roue verticale, situés globalement au nord d'une ligne Bordeaux-Grenoble.
Ils sont actionnés par une grande roue située à l'extérieur du bâtiment abritant les meules, cette roue est munie de 30 à 40 palettes ou godets sur sa périphérie.
Elle peut être animée, soit en faisant tomber l'eau sur les pales par dessus au moyen d'une conduite artificielle, soit en laissant plonger le bas de la roue dans le ruisseau ou la rivière qui agit ainsi par en dessous.
Roue en dessous |
Un troisième type de roue est la roue "de coté", dans laquelle l'eau attaque les pales au niveau de l'axe et ajoute l'effet de la gravité à la vitesse de l'eau dans le cours d'eau.
Roue en dessous |
Dans les moulins bateaux ou les moulins à roue suspendue (comme au Bazacle à Toulouse), le fonctionnement est celui des roues "par en dessous".
Les moulins à marée utilisent soit l'action en dessous, soit de
coté.
Dans les moulins à roue horizontale, répandus dans le midi de la France, la roue est munie à sa périphérie d'une série de godets ou de pales, légèrement obliques et
différents de ceux des roues verticales, la roue est
placée au dessous de la chambre des meules, donc à l'intérieur du bâtiment,
en principe, au sous-sol, l'eau est amenée sur la roue par une canalisation à
partir d'une retenue d'eau.
Dans certains moulins, la canalisation débouche au dessus
de la roue et
projette avec force l'eau sur les pales, dans d'autres moulins, la roue est noyée
au fond d'un puits et c'est la pression de l'eau sur les pales, combinée à un
mouvement tourbillonnant. qui entretient la rotation. Dans les deux cas, l'eau
s'échappe du moulin en aval.
Des systèmes de vannes, en amont du moulin, permettent d'arrêter ou de "mettre en eau" la roue.
La position, le matériau, la forme des pales ont beaucoup varié et évolué pour améliorer le rendement des différentes roues. Les moulins à roue horizontale nécessitent une retenue d'eau et donc peuvent être utilisés dans les pays où le régime des eaux est faible et irrégulier; les roues verticales sont souvent utilisées dans les rivières à débit régulier. Les moulins à roue suspendue, souvent situés sous les ponts, sont recommandés lorsque le niveau de l'eau dans la rivière varie considérablement.
En 1809, on comptera en
France, 50 000 moulins à
roue verticale
et 32 000 à roue horizontale.
Au milieu du XIXe siècle, la turbine, inventée
par Fourneyron en 1826, combinée à l'amenée d'eau par une conduite forcée réalisant
des hauteurs de chute considérables, a progressivement, remplacé les différents
types de roue décrits ci-dessus.
Elle n'est évidemment utilisable que dans les régions où le vent
souffle d'une manière quasi permanente. Mais, dans tous les pays d'Europe,
contrairement à l'Afghanistan, pays des moulins à vent à axes verticaux, ces
vents n'ont pas de direction fixe. La captation de cette énergie va donc nécessiter
2 mécanismes:
-le mécanisme de captation, proprement dit, les
ailes,
-l'orientation de ce système de captation pour
pouvoir profiter au maximum de tous les vents.
On conçoit bien alors pourquoi on pense que l'apparition des moulins à
vent est liée à la présence de connaissances marines dans la région, cette
hypothèse est confirmée par la forme des voiles utilisées: carrées dans les
régions proches de la Manche et de l'Atlantique (en France, Hollande,
Angleterre), triangulaires sur les bords de la Méditerranée (Baléares, Grèce).
Le mécanisme de captation de l'énergie est constitué par un ensemble
de 4 ailes placées à l'extrémité d'un axe, à peu près horizontal, situé
le plus haut possible dans le toit des moulins tours, en haut de la
"cage" dans les moulins à pivot.
Chaque aile est constituée d'une grande vergue (5 à 10 m de long) sur
laquelle sont emmanchées des barreaux qui vont servir à accrocher et fixer les
toiles qui seront soumises à la pression du vent.
Deux types d'ailes se rencontrent: symétriques où une voile d'environ 1m de large est accrochée de chaque coté de la vergue centrale (dans le Midi), asymétriques, où les deux voiles sont accrochées du même coté de la vergue qui sert alors à "fendre l'air" (Nord).
Comme pour les bateaux, le problème de ces voiles est qu'il faut les mettre, les serrer ou les enlever suivant la force du vent ou les besoins du meunier: cette pose ou dépose se fait, en général, en grimpant sur les ailes, exercice périlleux surtout par grand vent.
Au milieu du XIXe siècle, des ailes, constituées de lattes de bois coulissant les unes sur les autres, coulissement commandé depuis l'intérieur du moulin, les ailes Berton, furent utilisées dans le centre de la France, évitant ainsi l'accrochage et le décrochage des voiles.
Quelques ailes
Berton furent utilisées aussi dans le Midi Toulousain.
Quant au système d'orientation de l'ensemble ailes et axe, de façon à
profiter au maximum des vents, il est réalisé par la rotation horizontale de
cet ensemble. Cependant, dans le détail, la méthode est variable suivant le
type de moulin.
Les moulins à pivot sont constitués d'une "cage" en bois, munie d'une charpente portant l'arbre sur lequel sont fixées les ailes ainsi que le toit de la "cage".
Cette "cage" est emmanchée sur un pivot en bois, solidaire du sol par l'intermédiaire d'un piédestal , ce dernier est constitué de grosses poutres fixées au sol maintenant le pivot vertical.
La partie supérieure de la cage contient donc le grand arbre, au dessous la chambre des meules, encore au dessous la pièce de réception du blé et le mécanisme de blutage (séparation du son de la farine), cette cage est munie d'un escalier, car elle est à 2 ou 3 m du sol, et d'une longue pièce de bois permettant de faire tourner l'ensemble pour mettre les ailes face au vent.
C'est donc l'ensemble des mécanismes qui se trouve dans la "cage" et tourne sur le pivot. La cage est ainsi une "boite" de 4m sur 6m et d'environ 7m de haut, surmontée en général d'un toit à 2 pentes. Ce type de moulin, qui est probablement le type des moulins du XIIe siècle, est répandu dans toutes les régions au nord de la Loire, entre la Bretagne et les Vosges, toutes deux exclues
Les moulins tours, très fréquents dans le Midi et en Bretagne, se
trouvent aussi dans les régions où les moulins à pivot existent.
C'est le toit, la charpente et le grand arbre qui porte les ailes, qui pivotent, tournant sur un chemin. de roulement en bois.
La rotation est obtenue
à l'aide d'une longue poutre, solidaire du toit, qui arrive jusqu'au sol: pour
vaincre le frottement bois sur bois du chemin de roulement, un cabestan est nécessaire,
que l'on accroche, à tour de rôle, à des pieux enfoncés dans le sol et répartis
sur un cercle tout autour du moulin.
La chambre des meules, placée dans la tour en pierre ou en brique,
d'une hauteur moyenne de 10m et de 8m de diamètre, est fixe, le mouvement étant
transmis par un axe qui relie la charpente mobile à la chambre des meubles
fixe. Le fût du moulin contient, en général, la chambre des meules, en haut,
et la pièce de réception du blé, qui peut aussi servir de chambre au meunier,
au rez-de-chaussée.
Dans le Lauragais, les meules sont en bas, l'étage étant
quasi-inexistant et ne servant qu'à l'inspection et à l'entretien des mécanismes,
soit, prévues lors de la construction, soit à la suite de modifications au
XIXe siècle, ce sont 2 jeux de meules que l'on trouve souvent au rez de chaussée,
l'un d'entre eux servant au broyage des céréales pour les animaux.
La tour en brique ou en maçonnerie peut présenter des aspects assez différents: cylindrique, comme en Provence, avec un toit tournant à l'intérieur de la partie supérieure du fût pour ne pas donner prise au Mistral qui pourrait soulever le toit , tronconique avec un toit débordant, comme en Lauragais et dans le Pas de Calais, ce qui permet de loger les 2 paires de meules à sa base, polygonale, à 8 cotés, comme dans le Nord - avec une partie basse cylindrique moins large que la partie haute (moulin petit pied) comme en Bretagne.
Le toit est très souvent conique avec une bâtière au dessus de la
sortie du grand arbre portant les ailes. La tête de l'arbre sera quelquefois en
fonte (Lauragais, Haute-Garonne, Nord de la France).
Dans certains moulins tours, la grande pièce de bois qui sert à faire
pivoter le toit (la queue du moulin) est absente. La rotation du toit est alors
réalisée, de l'intérieur, soit avec un système de levier, prenant appui sur
une échelle circulaire solidaire du toit et des points fixes à l'intérieur de
la partie haute du fût, soit par un système de crémaillère (Castelnaudary).
Il existe un hybride de ces deux types de moulins sous la forme du
moulin cavier, très répandu en Anjou, il se présente avec une tour en pierre
ou en maçonnerie, qui constitue le piédestal, portant une petite
"cage" ne contenant que le grand arbre et les ailes. Sous la tour, une
grande pièce, le cavier, reçoit la chambre des meules qui est donc immobile
alors que la "cage" est orientée face au vent pour optimiser le
rendement des ailes.
Elles vont toujours par couple: en dessous, la meule
"dormante" ou "gisante" elle est fixe, en dessus, la meule
"vivante" ou "volante" : elle tourne.
Les deux meules sont constituées soit d'un seul bloc de pierre, soit de
plusieurs morceaux, appelés "carreaux", retenus ensemble par du plâtre,
du ciment et surtout par 2 ou 3 cerclages de fer , leur diamètre varie entre 1
et 2m, sauf dans les petits moulins de montagne où elles sont encore plus
petites.
Les Romains utilisaient des pierres volcaniques, du basalte, plus tard
on a utilisé le silex et surtout le granit (Sidobre, La Ferté sous Jouarre).
Les 2 faces des meules qui sont théoriquement en contact ne sont pas parfaitement planes, d'une part, elles laissent un petit espace entre elles dans la partie proche du centre, de façon à permettre aux céréales de pénétrer dans cet espace, d'autre part, elles portent sur les surfaces se faisant face des rainures, de moins en moins larges et de moins en moins profondes lorsque l'on se rapproche de la périphérie, ces rainures favorisent aussi le déplacement du grain vers l'extérieur: le grain est alors saisi, avec une sorte de mouvement de ciseau qui arrache d'abord l'enveloppe, puis écrase la graine.
Près
de la périphérie, les meules sont très proches l'une de l'autre et écrasent
de manière fine les grains.
Pour
assurer un travail soigné, les meules doivent être équilibrées, la distance
entre les deux faces en contact devant rester constante sur toute la périphérie.
Dans les premiers temps, au Moyen Age, les meules n'étaient que "piquées", c'est à dire étaient rendues rugueuses avec un petit marteau à pointes, appelé "boucharde".
Vers le XVIIIe siècle, des saignées radiales furent
dessinées en creux sur les meules, de 8 à 20 suivant les régions on trouve
encore ce genre de "rhabillage" sur les meules des moulins à vent.
Au
XIXe siècle, sous l'influence des anglais et des américains et pour résister
à la concurrence des moteurs à vapeur, les meules devinrent beaucoup plus
efficaces: d'une part, elle furent construites à l'aide de "carreaux"
plus durs et de grain plus fin sur la périphérie, d'autre part, le
"rhabillage" se fit plus subtil, des saignées, plus soignées, dans
des directions différentes sur les deux meules, avec des directions variables
suivant la distance au centre , le grand soin apporté à ce travail permît
d'augmenter le rendement, c'est à dire de réduire les "issues" et
donc d'augmenter la proportion de farine utilisable pour l'alimentation humaine.
Une
meule a une durée de vie moyenne d'une quarantaine d'années et doit être
"rhabillée" (piquée) tous les 2 ou 3 mois, si l'on désire un bon
rendement.
Au
milieu du XIXe siècle, on comptera à la Ferté sous Jouarre, 23 entreprises de
fabrication de meules, employant 1.400 ouvriers et produisant 5.000 meules par
an.
Lorsque la vitesse des meules augmente (débit de la rivière ou vitesse du vent), la quantité de blé fournie doit être augmentée et on doit aussi faire croître la distance séparant les meules de façon à ne pas "brûler" la farine qui deviendrait rougeâtre et serait alors impropre à la consommation, ayant le goût et l'odeur des meules.
Le système qui permet cette opération de
soulèvement de la meule volante est appelé la "trempure".
C'est
donc la meule vivante, la meule du dessus, qui doit être entraînée.
Pour
cela, la meule est trouée en son centre et un morceau de fer en forme de noeud
papillon, l'anille, est scellé en cet endroit. Un barreau de fer se terminant
par une fourche va entraîner la meule en s'encastrant au centre de l'anille.
Deux
cas sont à considérer: Le moulin hydraulique à roue horizontale : le
"grand fer", enfourché sur l'anille, est solidaire de la roue
horizontale et, passant par un trou au centre de la meule dormante, entraîne
directement la meule volante.
Le
moulin hydraulique à roue verticale ou le moulin à vent: Il faut alors changer
la direction du mouvement qui est une rotation d'axe horizontal (axe de la roue
verticale ou axe des ailes du moulin à vent) pour le transformer en rotation
d'axe vertical (axe des deux meules).
1- Arbre tournant. 2- Rouet. 3- Lanterne. 4- Engrenage conique. |
Ceci
se fait par l'intermédiaire l'une grande roue, (appelée rouet), munie de dents
en bois (de 48 à 72 "alluchons"), perpendiculaires au plan du rouet,
qui vont entraîner une petite roue, fixée sur le gros fer enfourché sur
l'anille ; cette petite roue, appelée lanterne, est composée de 2 plateaux
circulaires reliés par des sortes de barreaux.
C'est
en fait un simple renvoi d'angle, mais autrefois construit en bois. Le mouvement
est ainsi transmis aux meules.
1- Roue. 2- Meules. 3- Lanterne. 4- Rouet. |
La démultiplication (le rapport du nombre de dents) sert à faire tourner les
meules à une vitesse de l'ordre de un à deux tours par seconde. Le XIXe siècle
et les progrès de la métallurgie permettront de remplacer souvent ce système
par des engrenages en fonte (Montbrun Lauragais).
Le
blé est déposé dans une pyramide renversée et trouée, appelée trémie, et
se déverse le long du gros fer, guidé jusque là par une sorte de sabot en
bois, l'auget.
Pour éviter que le blé ne traverse le trou central de la meule dormante (appelé oeillard), cet orifice est bouché avec du bois, du plâtre, du chiffon et de la graisse (il y a toujours un arbre qui tourne et qui passe par cet orifice).
Le
blé est alors entraîné vers l'extérieur par la force centrifuge, écrasé
entre les deux meules, broyé et la mouture sort à la périphérie. Un coffre
en bois, appelé archure, empêche la farine de s'envoler dans toute la pièce :
un orifice déversoir permet de recueillir la farine pour la remettre au client.
Tout
d'abord disons un mot sur l'origine du mot minoterie: il viendrait de
"minot" qui était le nom des barils de hêtre utilisé pour
l'exportation des farines au XIXe siècle.
Du
baril le mot est passé au bâtiment où se traitait les céréales et a ainsi
donné minoterie, minotier.
Le
passage du moulin (à eau ou à vent) à la minoterie n'est pas seulement du à
un changement de méthode de broyage du grain (le remplacement des meules par
les cylindres), mais est essentiellement marqué par l'intégration de toutes
les tâches qui précèdent et suivent le broyage ainsi que par l'automatisation
de l'enchaînement des tâches.
Le principe est le même que pour le moulin à eau, mais, dans les minoteries industrielles, c'est un système de turbine qui est employé, même si la conduite forcée est réduite à son minimum.
La
transmission de l'énergie aux différentes machines se fait par des systèmes
de poulies multiples et de courroies; celles-ci sont, en général, protégées
par des gaines en bois ou en métal.
Les meules sont ici remplacées par les cylindres.
Ces derniers ont été inventés en Hongrie vers 1830, mais ne vont se répandre en Europe qu'entre 1875 et 1900.
Ils sont en fonte trempée, munis de cannelures et tournent 2 par 2 comme les meules, en sens inverse, à des vitesses différentes: ce système permet de détacher l'amande de l'enveloppe sans l'écraser brutalement.
En
1884, un concours sera organisé entre les meules de pierre et les cylindres:
ceux-ci seront alors réputés faire de la meilleure farine.
Non
seulement les moulins industriels bénéficient de cette amélioration, mais
aussi les minoteries familiales.
Dès
le XVIIIe siècle, en plus du rainurage des meules, une autre amélioration
avait été apportée, c'était le nettoyage du blé par le meunier. Celui-ci réalisait
ce nettoyage préalable, soit avec un tamis à main (crible), soit avec un
tarare, de façon à éliminer les poussières, les graines étrangères et les
petits cailloux qui jusque là, étaient broyés avec le grain et donc inclus
dans la farine.
A
la fin du XIXe siècle, ce nettoyage se fait plus soigné et évolue vers la
solution actuelle.
-un séparateur-aspirateur qui retire la terre, les graines vides, les poussières par l'aspiration et les petites pierres qui sont plus grosses que les graines.;
-un trieur de graines longues, qui élimine l'orge et l'avoine;
-on
débarrasse ensuite les grains des poils de la pointe et des poussières infiltrées
entre les lobes par passage dans une épointeuse-décortiqueuse qui secoue énergiquement
les grains dans un cylindre en toile d'émeri;
-le
blé est ensuite humidifié à un taux convenable pour que l'enveloppe ne soit
pas trop friable et ne se pulvérise pas;
-il est enfin brossé pour enlever les dernières particules de poussière et passé dans un appareil magnétique qui enlève les petites particules de fer qui auraient pu être déposées par les appareils précédents;
-dans certains cas, le blé est lavé à grande eau et séché à l'air chaud, avant de passer dans les machines que nous venons de citer.
Cette
suite d'opérations se fait évidemment sans intervention manuelle, les poulies
et les vis d'Archimède se combinent à la gravité pour faire passer le grain
d'une machine à l'autre.
Les
différents passages dans les broyeurs
Dans les moulins traditionnels et jusqu'au XVIIIe siècle, le grain passait entre les meules : à la sortie, il était tamisé et la "fleur de farine" était extraite, le reste, les issues, servaient à la nourriture des animaux ... ou des paysans pauvres.
Le grain ne passait ainsi qu'une seule fois entre les
meules, seule une partie de la graine comestible était extraite: le rendement
était de l'ordre de 30 à 45 %, les issues (ce qui n'est pas conservé) représentant
les 55 à 70 % . C'était ce que l'on a appelé la mouture à la grosse.
A
début du XVIIe siècle, et pendant les périodes de disette, les issues étaient
repassées entre les meules après tamisage. Ce deuxième passage permettait
d'extraire encore une partie non négligeable de farine consommable.
Mais
cette deuxième mouture, évidemment, échappait aux droits seigneuriaux: elle fût
donc interdite en 1668. Il semble cependant que cette pratique ait continué
jusqu'à son autorisation définitive vers 1740.
Le
premier passage donnait la fleur de farine réservée à la fabrication du pain
blanc, le deuxième passage fournissait la farine pour le pain courant, c'était
ce que l'on appelait la mouture à l'économique.
Actuellement ce système est généralisé: à la sortie des cylindres, la mouture passe par un tamisage fin: les gruaux sont alors renvoyés dans un nouveau jeu de cylindres, tamisage de nouveau et envoi des issues sur les cylindres, etc.
Diagramme de la mouture |
Ainsi
la quasi-totalité de la partie nutritive du grain est recueillie: les
rendements sont alors de 75 % ; on compte 23 % d'issues et une perte de farine
envolée de 2 %.
Ce
taux est le taux officiel à respecter pour la farine panifiable.
On
peut cependant continuer le renvoi sur les cylindres et atteindre des rendements
de 95 %, mais une partie des enveloppes se retrouve alors broyée et incorporée
à la farine: c'est avec cette farine que l'on fait le pain complet.
La
fleur de farine, extraite, au premier passage est utilisée pour la pâtisserie.
Les
meules anciennes qui extrayaient la fleur de farine en un seul passage, y mélangeait
un peu des enveloppes périphériques ainsi que les germes: cela donnait à la
farine une jolie couleur crème, cependant cette mouture se conservait moins
bien que la farine actuelle, plus blanche.
Le
Blutage c'est
l'opération qui consiste à séparer la farine des issues.
Elle se pratiquait autrefois après le retour de la mouture chez le paysan ou chez le boulanger. Au XVIIIe siècle, dans la phase d'amélioration des rendements de la meunerie, avec un meilleur "habillage" des meules et le nettoyage préalable, les meuniers se sont équipés de blutoirs pour faire, eux-mêmes cette opération.
Souvent,
d'ailleurs, le blutoir était actionné par la force motrice du moulin.
Ces
blutoirs sont des tambours à base hexagonale ou octogonale, recouverts sur leur
périphérie de soie fine, ils sont légèrement inclinés sur l'horizontale.
La
farine fine traverse la soie la première et, au fur et à mesure, que l'on se déplaçait
vers la partie basse du blutoir, on
obtient les gruaux de plus en plus lourds.
On attendait que la farine se soit refroidie pour la bluter
(plusieurs jours).
Dans la minoterie moderne, ce Système est remplacé par les "planshisters" (inventés à Budapest, à la fin du XIXe siècle): ces derniers sont constitués de tamis horizontaux, en soie ou en toile métallique, les uns au dessus des autres, animés d'un mouvement de rotation horizontale.
A
la sortie des "planshisters", une petite partie de la mouture est
envoyée dans la chambre à farine, les semoules trop grosses sont envoyées de
nouveau sur les cylindres et la partie intermédiaire est traitée à part
-
le sassage calibre et sépare les restes des enveloppes de la semoule par un
mouvement rectiligne alternatif ;
-
le désagréage détache les grosses semoules de la partie de l'enveloppe qui y
adhère encore: il s'effectue sur des
cylindres finement cannelés tournant à petite vitesse.
Les
résultats de ces opérations sont envoyés de nouveau sur les "planshisters".
La
semoule pure est alors passée au convertisseur pour réduire la mouture à une
texture très fine.
Cette
farine est enfin malaxée pour mélanger en un seul produit homogène les
farines arrivées successivement dans la chambre à farine. Cette
opération a pour but de donner une qualité constante au produit fourni aux
boulangers.
Toutes
ces opérations, comme indiqué plus haut, se réalisent automatiquement sans
intervention humaine directe.
La
dernière opération est l'ensachage.
Les
issues sont alors triées pour être converties en aliment pour les animaux, et
les poussières sont détruites.
Le
meunier est resté jusqu'au XIXe siècle, un personnage particulier et
contradictoire dans la vie quotidienne des campagnes françaises.
Il est, à la fois, au centre de la vie sociale (il transforme le blé en farine, dans un pays où la consommation du pain est la base de l'alimentation; d'autre part, le grain se conserve beaucoup mieux que la farine et, donc, on ne porte au moulin que des petites quantités de grain c'est à dire que l'on va souvent au moulin, et tout le monde va au moulin, sauf, peut être, le seigneur et le riche bourgeois qui vont acheter leur pain chez le boulanger.
Il est donc au courant
de toutes les nouvelles et, chez lui, on se tient au fait de la vie du village,
du canton, du quartier, chez lui on rencontre ses voisins, il est d'autre part,
presque toujours là, la porte toujours ouverte, il est accueillant, mais, en même
temps, il est différent des autres habitants du village.
Il
ne cultive pas ses champs comme les autres paysans, il se rétribue lui même,
en nature, et on le soupçonne d'être un peu voleur, il braconne mais il est
aussi le collecteur des impôts pour le seigneur, cependant, il ne devient pas
riche, au début du XVIIIe siècle, on imposera le paiement en liquide et non
plus le prélèvement de grains, il est jalousé et redouté, il connaît le
vent et la mécanique et est considéré comme un peu sorcier.
Il a mauvaise réputation, car il est quelques fois libre pendant que les maris sont aux champs, il est beau parleur, au courant de tout, même des ragots, un peu fascinant pour les fermières qui portent leur blé à moudre, et un peu à l'écart du village, si ce sont les hommes qui vont au moulin, la meunière est toujours accueillante, peut être, quelques fois, détourne-t-elle l'attention des pratiques de son mari, ... )
Il
est toujours vêtu de blanc, avec son bonnet traditionnel, ses mains sont
souvent parsemées des tâches noires des éclats de pierre
obtenues lors du piquage des meules; la toux permanente, due à la poussière
de farine, est aussi symptomatique de son activité.
C'est
un personnage à part mais nécessaire, et son moulin, surtout si c'est un
moulin à vent est caractéristique du paysage de tout le deuxième millénaire.
Le village, c'est l'église, l'école et le moulin !
Quant
au blé, c'est une culture, essentielle pendant tout ces temps là. Le mot
"bled" désignait d'ailleurs, au Moyen Age, toutes les graines
domestiquées, le blé proprement dit, mais aussi l'orge et l'avoine, ou l'épeautre,
très apprécié mais abandonné au
XXe siècle, le blé noir, importé d'Orient au XVIe siècle et ayant pris, sans
raison d'ailleurs, le nom de sarrazin.
Ce
blé est une céréale d'autant plus importante que son rendement est faible et
forte sa consommation : du IXe au XIIIe siècle, ce rendement est de 4 grains
pour 1 grain semé, ce n'est qu'en 1900 que ce rendement va doubler (8 grains
pour 1 grain semé), alors qu'actuellement, il est à peu près, de 40 grains
pour 1 grain semé !
Et
jusqu'au XIXe siècle, sa culture se fait essentiellement à la main: semailles
à la volée; récolte à la faucille, battage au fléau, seule la
transformation en farine est mécanisée.
En
outre, sa production est très dépendante des mauvaises années et des guerres.
Sous l'Ancien Régime, l'exportation de blé est interdite et sa circulation
surveillée et soumise à péage.
Si
l'on compare les rendements à l'importance du blé dans la nourriture on
constate que, pendant tout le Moyen Age, la consommation de pain en France est
de 1 kg par jour et par habitant. Ce n'est qu'en 1940, que la consommation aura
diminué de moitié (500 g par jour et par habitant), avec un rendement de
l'ordre de 10 à 1.
Aujourd'hui
que le rendement est de 40 grains récoltés à 1 grain semé, la consommation
n'est plus que de 175 g par jour et
par habitant !
Les
surfaces emblavées ont été divisées par 150 à 200, mais cela ne date que de
moins de 100 ans !
On
comprend alors pourquoi, au XIXe siècle, on trouve encore beaucoup de moulins
dans les campagnes, moulins qui ont actuellement presque tous disparu. Dans le
Gers on trouvait 1092 moulins en 1900 dont 597 moulins à vent, en Gironde, 878
moulins dont 378 moulins à vent; en Haute Garonne 656 moulins dont 242 moulins
à vent. Dans le Lot et Garonne, il y avait 852 moulins, dans le Tarn 321, en
Ariège, 85,…
Nous
venons de voir l'utilisation la plus importante et la plus répandue des
moulins, le broyage des céréales pour l'alimentation humaine et animale.
Le
moulin ne s'est cependant pas limité à cela: en fait, il a été pendant deux
millénaires la seule source d'énergie mécanique qui n'était pas d'origine
animale ou humaine.
Il
a donc participé à de nombreuses activités et été employé dans des métiers
très divers.
Qu'il
serve à écraser des noix, des olives, des graines de lin, du colza..., qu'il
soit dans le Nord ou en Provence, il se présente toujours sous la forme d'une
meule "verticale" qui tourne autour d'un axe horizontal, entraînée
en général par un animal (cheval, mulet, âne, ... ) ; cette meule roule et écrase
les graines ou les fruits oléagineux disposés dans une cuvette circulaire. La
pâte ainsi obtenue est alors pressée ou chauffée pour en extraire l'huile.
Le
système peut être très frustre, et l'énergie déployée est assez faible.
Un
moulin du même genre servait à broyer les feuilles de pastel pour fabriquer
les coques dans notre pays de cocagne du XVe siècle.
La
source d'énergie était soit animale, soit hydraulique, on parle cependant de
moulins pasteliers à vent, dans le Lauragais.
Le
drap, une fois tissé, a besoin d'être "foulé", c'est à dire frappé
avec des sortes de marteaux ; le frottement et la chaleur occasionnée, donne un
"feutre" au drap et le rend moins rêche et plus résistant.
Cette
opération se fait dans un "moulin à foulon" : des maillets, soulevés
alternativement, frappent ainsi les draps nageant dans une cuve emplie d'eau et
de savon pour les dégraisser.
Le
soulèvement des maillets est provoqué par des cylindres munis de cames: les
maillets sont emmanchés à l'extrémité d'un arbre soulevé par les cames et
retombant par leur propre poids.
Le
même système permet de faire fonctionner les moulins à tan, foulant des écorces
qui, réduites en pâte, sont utilisées pour tanner les peaux.
Analogues
sont les moulins battoirs à chanvre ou les moulins à papier, dans lesquels,
les maillets, très nombreux, déchiquètent et malaxent les vieux tissus pour
fabriquer la pâte à papier (depuis le XIVe siècle).
C'est
encore la came (utilisée dès avant l'an mille), qui permet de soulever l'énorme
maillet de fer (le martinet), de plusieurs centaines de kilos, puis le laisse
retomber sur l'enclume entraînée par son propre poids.
Les
martinets étaient utilisés à différentes étapes de la métallurgie du fer:
à la sortie des bas ou des hauts fourneaux, dans lesquels la haute température
était atteinte grâce à des ventilateurs entraînés par des moulins à eau,
le fer était tout d'abord "cinglé" (la pièce était débarrassé de
ses impuretés par martelage), puis "corroyés" (martelée encore pour
mélanger plusieurs qualités de fer), le martinet servait aussi au façonnage
de l'outil à partir d'un lingot préalablement porté au rouge.
Les
mêmes opérations de martelage étaient effectuées sur les cuivres de rosette
(cuivre rouge fondu en galettes irrégulières), dans la dinanderie.
Relativement
anciennes, les forges à martinet ou à la catalane eurent cependant leur apogée
dans la première moitié du XIXe siècle.
C'est
aussi une invention ancienne, celle du système bielle-manivelle, au XIVe siècle
probablement, qui a permis d'utiliser efficacement le moulin pour scier le bois.
Auparavant,
une longue perche de bois, par son élasticité, servait de ressort pour
remonter la scie, qui était entraînée ensuite vers le bas par une roue mue
par le moulin. La force hydraulique actionnait en outre un mécanisme qui
faisait avancer la bille de bois sous la scie.
C'est
cependant au XIXe siècle que des améliorations apportées au système le
rendirent vraiment efficace: la scie est montée dans un cadre rigide qui
participe au mouvement alternatif, la scie mord le bois aussi bien dans son
mouvement ascendant que pendant le mouvement descendant, l'entraînement par
engrenages puis par courroies permit aussi de distribuer l'énergie produite sur
les différentes machines outils des ateliers de menuiserie.
Le
moulin à scier fût aussi utilisé pour scier le marbre.
Dès
le Haut Moyen Age (à l'époque carolingienne), le moulin à eau, installé
principalement pour moudre la farine, a été utilisé pour monter l'eau et la
distribuer dans des canaux servant à l'irrigation des champs voisins: la remontée
de l'eau pouvait être réalisée soit par des godets (sur la périphérie d'une
roue ou entraînés par une chaîne), soit par une vis sans fin tournant dans
une canalisation circulaire.
Le
système pouvait ainsi servir à amener l'eau dans la zone à irriguer, ou bien
à extraire l'eau d'une zone inondée et à la drainer dans la rivière voisine.
L'énergie était tirée de la rivière par un moulin à eau.
Ce
sera, par contre, l'énergie éolienne, et donc les moulins à vent, qui seront
utilisés pour l'assèchement des "polders" dans les régions gagnées
sur la mer en Hollande et dans le Nord. L'image des nombreux moulins à vent,
dressés sur les digues de ces pays, ont fait le tour du monde.
Nous
venons de citer quelques utilisations importantes des moulins, essentiellement
des moulins à eau, mais cette énergie était assez systématiquement captée
et utilisée dans les multiples ateliers pendant les derniers siècles avec une
apogée au XIXe siècle ; si la grande industrie a pu profiter de la machine à
vapeur et de l'extraction du charbon, les petits ateliers ne pouvaient ni se
payer les grosses machines coûteuses, ni se déplacer vers les régions de
production de la houille.
Ils
trouvèrent leur énergie dans les cours d'eau, à l'intérieur des villes, dans
les villages, en utilisant le moulin à eau, son faible rendement était
suffisant pour actionner les petites machines et était compensé par son prix
de revient très faible.
Le
moulin à eau permettait ainsi de:
broyer: | le gypse, la chaux pour la fabrication du plâtre. |
le chocolat, pour la confiserie, les pommes pour le cidre. | |
mélanger, malaxer: | l'argile, pour la poterie, la vaisselle, |
la bière, les peaux, la laine. | |
polir, meuler: | pour les pierres dures dans la bijouterie. |
la taille et le polissage des diamants | |
dans les industries de la verrerie, dans la petite métallurgie. | |
tourner: | encore dans la fabrication de la vaisselle. |
dans l'horlogerie, la petite mécanique. | |
pour creuser l'âme des canons |
|
enrouler: | dans les industries de la soie, dans la mercerie. |
dans les filatures, |
|
hacher, râper: | pour préparer les feuilles dans l'industrie du tabac. |
aiguiser: | dans la coutellerie. |
percer: | dans l'industrie horlogère, la mécanique. |
Au
fond, il n'y avait pas beaucoup d'ateliers qui n'utilisaient pas une petite
prise d'eau et un moulin à eau pour économiser l'énergie humaine et réduire
le temps passé à des taches longues et délicates.
Lors
du recensement des machines industrielles de 1809, on relève près de 100 000
moulins, pour une population de 30 millions d'habitants, cela représente 1
moulin pour 300 habitants.
Cependant,
ils n'étaient pas répartis d'une manière régulière : les grandes villes
disposaient de grands moulins avec de nombreuses roues (Paris, Toulouse et ses
moulins du Bazacle, ... ) comptaient 1 moulin pour à peu près 1000 habitants,
tandis que les moulins ruraux, beaucoup plus petits, devaient se répartir à
raison d'un moulin pour 100 habitants.
Le
moulin était ainsi omniprésent dans la vie humaine et sociale des siècles
passés.
A titre d'illustration, on peut citer les navires des pays nordiques, navires marchant à la voile et donc possédant un personnel habitué à l'utilisation du vent, sur ces navires, plusieurs moulins se dressaient sur le château arrière, pour moudre le grain, car on savait que le blé se conserve mieux et plus longtemps que la farine, pour actionner les pompes servant à évacuer l'eau pénétrant dans les cales à travers les interstices de la coque, pour ventiler les cales, les magasins, les coursives et les ponts inférieurs où logeaient les matelots.
Nous l'avons vu, à l'occasion du passage de la meunerie traditionnelle à la minoterie moderne, la fin des moulins a commencé avec l'apparition de la turbine Fourneyron (en 1827), et par l'invention de la conduite forcé de A. Bergès (en 1869).
Cependant,
le coup d'arrêt a été donné quelques années plus tard, avec le passage de
l'énergie naturelle, renouvelable, (vent et eau) à l'énergie électrique
(1890), si facilement transportable, qu'elle est arrivée à l'intérieur de
toutes les maisons, puis si aisément stockable sous la forme de pile qu'elle
est maintenant dans la poche, le sac ou la voiture de chacun.
Ce
n'est pas une raison pour oublier l'histoire bimillénaire du moulin à eau, et,
seulement (?) millénaire, du moulin à vent. Ils ont été tous deux les
compagnons et les soutiens de nos ancêtres et ont marqué leurs vies d'une
empreinte ineffaçable.
Essayons de sauver et de conserver ces témoins en participant à la restauration et à l'entretien de ce Patrimoine molinologique, et ayons à coeur de transmettre à nos enfants et aux générations futures, l'image magique des grandes ailes de toile qui tournent dans le vent et le tic-tac du moulin, obsédant, au dessus du bruit de l'eau qui chute par dessus la digue de la retenue.
Ph.
Bellan.
Toulouse, le 9 mai 2001
Président des Amis des Moulins du Midi Toulousain.
Armengaud
Auguste, Rivals Claude
Moulins
à vent et meuniers des pays d'Oc
Loubatières
1992
Association
Nationale de la Meunerie Française
La
vie des moulins
Jacques
Lallemand 1960
Bézian Jean et Huguette
Les grandes heures
des moulins occitans
Plon
1994
Bouchard Anne
Il était une fois, sur la
Guigne
Diffusion du Lys
1997
Bruggemen Jean
Moulins
Desclée de Brouwer 1997
Cazals Rémy
Cours d'eau, moulins et usines
Archives de l'Aude
1985
Orsatelli Jean
Les moulins
Jeanne Laffitte
1995
Rivals Claude
Le moulin à vent et le
meunier
Berger Levrault
1987
Rivals Claude
Le moulin et le meunier
Empreinte
2000
Rivals Claude
Le moulin, histoire d'un
patrimoine
FTAM
2000
Viallet Hélène
Au fil de l'eau, moulins et
artifices d'autrefois
Arch. dep. Haute Savoie
1996
Les
illustrations de ce document ont été extraites des ouvrages précédents.
Réalisée le 10 janvier 2003 | André Cochet |
Mise sur le Web janvier 2003 |
Christian Flages |