L'imaginaire
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Philippe
Bellan |
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Roques sur Garonne 19 octobre 2002. |
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philippe.bellan@insa-tlse.fr |
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Avant
de parler de l'Imaginaire des Moulins, je voudrais faire deux remarques préalables. La première est un hommage à Claude Rivals, qui nous a quittés, il n'y a pas six mois, et de qui j'ai tout appris sur les moulins et dont les livres m'ont fourni la presque totalité de ce document. Ethnologue, spécialiste des
moulins à vent, il s'est intéressé, depuis toujours, à la vie du meunier et
à la contribution du moulin et du meunier à la vie et à l'imaginaire de
l'européen, aussi bien de l'habitant des campagnes que du citadin. Ce sont ses
notes, ses articles, ses livres qui constituent le principal de ce texte. La deuxième fait appel à la bienveillance des auteurs et des éditeurs de livres sur les moulins et les meuniers que j'ai pillés, sans honte, pour illustrer mes propos. Je leur en demande pardon, ou, plutôt, je les remercie de m'avoir fourni, de vous avoir fourni, une telle quantité d'illustrations à ce propos. J'indiquerai, à la fin de mon exposé, les titres et les auteurs de ces ouvrages que je vous conseille bien vivement de lire car, je suis certain qu'il feront votre joie comme ils ont fait la mienne.
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Une des
premières représentations d’un moulin à vent. |
I – Le moulin et le meunier,
omniprésents dans la vie rurale et citadine depuis un millénaire.
A – Commençons par donner quelques dates :
I° siècle avant Jésus Christ.
Apparition du moulin à eau, probablement en Grèce d'Asie. En effet, si Vitruve décrit un moulin déjà parfaitement au point, dans les premières années de notre ère, les textes plus anciens le font remonter à quelques décennies auparavant et l'appellent "hydralète" ou "moulin grec".
Ce moulin à eau va se diffuser dans toute l'Europe, peut-être apporté par les Romains, au II° et III° siècles de notre ère.
Sur ce
dessin du « Vieil Rentier d’Audenarde » (fin XIII° siècle),
on voit encore un moulin à vent du type à pivot et un paysan utilisant
un crible. |
VI° siècle après Jésus Christ.
Apparition du moulin bateau.
Il semblerait que ce soit, lors du siège de Rome par les Goths, en 537, que le fameux général Bélisaire ait fait porter les moulins dans des bateaux, sur le Tibre, pour continuer à fabriquer de la farine et nourrir les habitants.
Vue de
Marseille au XVII° siècle. |
IX° siècle.
Apparition des moulins à marée, mais surtout, apparition du meunier.
Jusque là, on pense que les moulins romains et gallo-romains étaient actionnés par des ouvriers, travaillant par rotation dans le moulin.
La croissance importante des moulins à eau, au VIII° siècle, liée à une augmentation des surfaces emblavées, crée un nouveau personnage, propriétaire quelques fois, mais plus souvent "fermier", chargé, tout seul ou avec un aide, du fonctionnement et de l'entretien du moulin.
Ainsi le meunier apparaît, personnage particulier dont nous allons essayer de déceler les caractéristiques, les qualités, les défauts, tels que les percevaient ses contemporains.
Vue de Rhodes au XV° siècle. |
XII° siècle.
Apparition du moulin à vent.
C'est vers 1180, en Normandie et en Angleterre, que les premières citations le localisent. Probablement issu de la collaboration de marins et de paysans, il se diffuse rapidement dans toutes les régions où le vent est présent. On le repère très tôt, en Provence et, vers 1220, nous le trouvons cité dans nos régions, à Fanjeaux, Pexiora, Saint Papoul.
On distingue très bien les endroits
où se trouvent les moulins- bateaux de Toulouse. |
B – Cela fait donc mille ans,
au moins, que le moulin et le meunier, se sont installés dans les campagnes, au bord des rivières, ou sur quelques collines.
Le moulin s'insère donc dans le paysage européen, le meunier trouve sa place dans le paysage social.
Ce
n'est que vers le XI° siècle que sa présence se manifeste dans les textes,
dans les images. Les premiers parchemins sont dédiés aux textes religieux et
le moulin ne trouve pas de raison d'y figurer. Mais, dès que les manuscrits se
mettent à conter des histoires profanes, le moulin apparaît dans les gravures,
le meunier dans les textes.
Planche de l’Encyclopédie
d’Alembert et Diderot (XVIII°). |
L'archéologie et les textes nous permettent de voir que tous les cours d'eau sont exploités, même les étangs, les torrents : on compte, au XI° siècle, à peu près 20 000 moulins en France. Les emplacements ne changent pas beaucoup jusqu'à la fin du Moyen Age, simplement, au lieu d'un jeu de meules, on en trouvera deux, au lieu d'un moulin par emplacement, nous en trouverons plusieurs, les uns à coté des autres ou les uns derrière les autres sur le même cours d'eau.
Une nouvelle croissance du nombre des moulins se fait aux XV° et XVI° siècle, et l'on comptera à ce moment 80 000 moulins en France. Au XIX° siècle, leur nombre atteindra 100 000, puis décroîtra pour n'être plus que 30 000 vers 1900.
Ces nombres sont impressionnants, et indiquent que c'était un moulin pour 200 habitants que comptait, en moyenne, la France, pendant tout ce millénaire, un peu plus d'un moulin par village.
C'est ce qu'essaient de montrer les quelques gravures jointes.
Plan de Paris au XVII° siècle. |
II –Le
meunier fait partie de la vie quotidienne de l'européen de naguère.
Nous trouvons ainsi quelques images de moulins dans les gravures ou les manuscrits, et nous voyons apparaître le meunier dans les histoires contées sur ces manuscrits.
Le moulin rentre dans la vie du village, de la cité, par l'intermédiaire du moulin à farine.
Les moulins sont les petites tours que
l’on aperçoit sur cette carte. |
Il existe, bien sûr, d'autres moulins que le moulin à grains, mais ils sont moins intégrés à la vie quotidienne : moulins à huile, moulins pour fouler les draps, pour fabriquer le tan (pour tanner les peaux, les parchemins, les vêtements), pour écraser le pastel, broyer les minerais, pour aiguiser les couteaux, pour tourner le bois, pour monter l'eau et la reverser dans les canaux d'irrigation, pour fabriquer le plâtre, pour marteler le fer ou le cuivre, pour animer les soufflets qui excitent le feu, …
La vallée du Dadou, dans le Tarn, à
l’est de Réalmont et Albi. |
La nourriture, pendant le Moyen Age, est essentiellement basée sur les céréales et principalement le blé, l'orge, le millet et, plus tard, au XV° siècle, le maïs. La transformation de ces céréales en farine ne se fait plus sur les anciens moulins à bras, ensemble de deux meules de petit diamètre (50 cm), dont la pierre supérieure est actionnée à la main. Le travail est long, fastidieux, et son rendement très mauvais : le grain est mal écrasé, en partie concassé, et il est difficile de séparer la farine du son et des "issues". Le moulin à eau, le moulin à vent sont plus puissants, les meules plus grandes et plus lourdes, la farine est plus fine (très loin cependant de notre farine actuelle).
Moulins sur un ruisseau à la limite de l’Ariège et
la Haute-Garonne, entre salies du Salat et Saint Girons. |
Le paysan, comme l'habitant des villes, va donc porter son grain à moudre, à peu près hebdomadairement. En effet, la farine ainsi fabriquée ne se conserve pas bien et fermente vite. La mouture ainsi obtenue est passée au "crible" pour éliminer le son, pétrie et cuite au four communal, en général. Ainsi, le meunier s'est installé dans la vie de chacun et ceci, pour bien longtemps.
Les merveilles de Rigomer. |
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Pour échapper à ses adversaires sortis d'un château, Gauvain, qui se trouve à l'extérieur, descend de cheval et se réfugie dans l'anfractuosité d'un mur. Le héros ne s'aperçoit pas qu'il met le pied sur la planche d'un moulin à eau : dès qu'on met le pied sur la planche, le moulin se met à tourner, celui qui se trouve sur la planche est aussitôt précipité dans l'eau qui court sous le château, où la noyade est assurée. Gauvain est sauvé de ce péril par un esquif qui survient opportunément. |
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Vie de Thomas Beckett. |
Le Roman de Castelain de Coucy et de la Dame du Fayel. |
Par Guesnes de Pont Saint Maxime Fin du XII° siècle |
fin du XIII° siècle |
Le jeune Thomas, encore enfant, tombe à l'eau, la tête en avant, dans un conduit menant à la roue d'un moulin ; il aurait pu y périr si, par chance, le meunier n'avait terminé son travail et n'avait arrêté le mécanisme en fermant la vanne.
C'est miracle que Thomas ne décède ce jour-là. En réparation du crime commis, il donne à la sœur de Thomas un moulin qui produit une rente de 10 marcs par an. |
Dans ce roman, on narre un rendez-vous galant à l'intérieur d'un moulin. C'est un moulin à eau car on parle d'un gué, dont l'eau est très froide. La Dame du Fayel s'y laisse tomber délibérément (nous sommes en hiver). Elle y reste le temps que son mari et l'écuyer l'en tirent. On la mène, toute glacée, au moulin proche. Malgré la saison, il n'y a pas de feu à l'intérieur. Le meunier l'installe dans une chambre dont la porte ferme avec un verrou et où il y a un lit avec des couvertures. Son épouse en sécurité, le mari regagne son logis, accompagné de l'écuyer qui viendra rapporter les vêtements secs à la Dame. Pendant ce temps, le Castelain de Coucy, caché dans le moulin, profite de l'aubaine. Il serre la Dame dans ses bras et la réchauffe tendrement. La scène permet ainsi de brèves retrouvailles entre deux amants surveillés par un mari jaloux. |
De ce contact permanent avec le meunier, des dictons, des proverbes, des comptines sont apparues, vantant le travail du meunier, ou la fainéantise de son âne (associé au meunier depuis le XI° siècle), prenant des images de son quotidien pour se moquer ou en tirer une philosophie.
Dans la littérature, le moulin et le meunier apparaissent souvent comme un décor : c'est la rivière proche qui a un rôle moteur, mais quelques fois le moulin, souvent isolé du village, peut servir de lieu pour des rencontres amoureuses.
Rabelais. |
Le meunier
d'Arleux. |
Lorsqu'il était enfant, Gargantua jetait des pierres pas moins grosses que les meules d'un moulin. Après sa victoire sur Rince-Godets, Gargantua reçoit du roi Arthur, en présent, un petit moulin à vent en or massif, aux ailes en toile d'argent, ce qui le faisait rire : il décide alors qu'il veut être meunier. Il fait marcher les moulins de Pievenan du souffle de ses narines. Dans l'Allier, il met en panne le moulin sur le ruisseau de Villeneuve dont il boit toute l'eau de la réserve. On sait qu'il meurt après avoir avalé, dans les Deux-Sèvres, un moulin à vent incendié, ce qui lui cause d'horribles brûlures d'estomac, dont il périt consumé. Les meuniers invoquaient ou maudissaient Gargantua, selon qu'il soufflait bon vent ou que les rivières se tarissaient. |
Une jeune fille amène son blé à moudre au moulin. C'est un moulin à eau. Le meunier est très occupé car il y a d'autres travaux qui attendent déjà. L'attente se prolonge et, peut-être, le meunier fait-il semblant de travailler pour que le soir arrive sans que la jeune cliente ne soit servie. Il lui propose alors de l'héberger car, dit-il, son valet vient de lui annoncer qu'il n'y a plus d'eau dans la réserve : le moulin doit s'arrêter pour que la réserve se reconstitue pendant la nuit. Le meunier fait passer la jeune fille pour sa nièce auprès de sa femme. Il lui propose un lit près du foyer, dans la pièce commune, non loin de la chambre qu'il partage avec son épouse. Il espère que la jeune fille va accepter ses propositions sans que sa femme en soit informée. Mais l'épouse et la jeune fille réussiront à déjouer la ruse du meunier : à la fin du récit, l'épouse prend la place de la jeune fille dans le lit près du foyer, et la jeune fille s'en va dans le lit conjugal ! Il y a permutation de places, ce qui trompe le trompeur. |
Cette fréquentation quasi-hebdomadaire du moulin et du meunier, en fait, comme la forge, l'auberge, le lavoir, la sortie de la messe, le rendez-vous de toutes les nouvelles du village. Au moulin, chacun est servi à son tour et donc, souvent, il faut attendre ; le meunier travaille et les paysans, les aides, les femmes, les servantes bavardent, introduisant ainsi un moment de détente et de distraction dans le labeur quotidien.
Vers le XVIII° siècle, les paysans, les bourgeois découvrent ainsi le moulin comme un endroit agréable, bucolique, un lieu de rencontre et de fêtes. On se réunit autour du moulin pour s'amuser, rire et danser. Le moulin prend ainsi une importance accrue.
Expressions. |
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On ne peut être au four et au moulin | Renvoyer quelqu'un à son moulin |
Venir moudre à notre moulin | Se battre contre les moulins à vent |
Faire venir l'eau à notre moulin | Entrer comme dans un moulin |
A jeté son bonnet par dessus les moulins | Naitre au four et au moulin |
Tirar foc de las dents coma peiro de molin | Blanc coma le moquet de farina |
S'es decapelada | Cadun vira l'aigo a son molin |
Qui va al molino s'infarina | Cal pas anar moler als molin del s autres |
Traer el agua a su molino. | Qui ven al molin es per moler |
Ognuno tira l'acqua al propio molino | Qui dintro dins un molin risco d'estre enfarinat |
On remarque que certaines expressions se retrouvent presque identiquement dans la sagesse des régions ou des pays voisins : « Faire venir l’eau à notre moulin » se retrouve en Italien, en espagnol et en occitan. De même : « Qui va au moulin, en sort tout blanc » se trouve en italien et en occitan. Image colorée dans « Blanc comme la fleur de farine ». « A jeté son bonnet par dessus les moulins » se retrouve en occitan, sous une forme différente, mais faisant toujours appel à l’image du moulin. Etait-ce vraiment un lieu de perdition ? « Il ne faut pas aller moudre au moulin des autres » a-t-il un lien avec « naître au four et au moulin » qui se disait d’une naissance illégitime ? Quant au dernier, « Celui qui vient au moulin, c’est pour y moudre », est-ce une expression du type « Fais bien ce que tu fais » ou un avertissement ? |
Dictons |
Comptines |
Au moulin et à la mariée, il manque toujours quelque chose. | La femme au pétrin, Le clerc au pupître, Le chanoine au chapître, Et l'âne au moulin. |
Parece raudal de molino | |
Espaldas de molinero y puerco de panadera | |
No se hallan dondequiera. | Arri, arri, mon caval Nos n'anarem a la sal Arri, arri, mon polin Nos n'anarem al molin Al pas, al trot, al galop ! |
A buen ano y malo, molinero u hortelano. | |
Trimar coma l'ase del Basacle. | |
Qui
veut ouïr des nouvelles Au four et au moulin, on en dit de belles. |
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Une
boutique de forgeron de campagne, Un moulin de paroisse et une auberge, Les trois meilleurs endroits pour les nouvelles. (Ecosse) |
Cric,
Cric, canta doçament la molin Cric, Crac, canta per molinar la blat Cric, Cric, la farina es al fornilh Cric, Crac, aurem encara de bon pan. |
Pan d'un jorn, vin d'un an, farina d'un mes. | |
Rouge
le soir fait lever la poussière, Rouge le matin, fait tourner le moulin. |
Le
meunier moud, La petite roue tourne, Mon enfant s'est mis en colère Ne sait lui-même pas pourquoi (Lorraine) |
Pluie de juin, Ruine de moulin. | |
Quelques proverbes espagnols : « On dirait le bruit du moulin » rappelle que ces machines sont bruyantes et que le paysan d’autrefois vivait dans un monde moins agressif qu’aujourd’hui. Les meuniers qui portent et déplacent les sacs de céréales sont des hommes forts : Epaules de meunier et cochon de boulangère Ne se trouvent pas n’importe où. Quant au meunier, il est inévitable : Bon an, mal an, on voit le meunier ou le jardinier ! Ce dicton occitan fait référence à l’âne, compagnon du meunier, et à son labeur permanent : « Trimer comme l’âne du Bazacle ». Le bon pain dure un jour, le vin un an, la farine un mois. C’est pourquoi il faut revenir voir le meunier fréquemment. |
Chansons d’enfants, de mère, d’aïeule, pour amuser ou calmer : Hue, hue, mon cheval Cric, cric, chante doucement le moulin, Nous irons chercher du sel, Cric, crac, chante pour moudre le blé, Hue, hue, mon poulain, Cric, cric, la farine est au four, Nous irons au moulin. Cric, crac, nous aurons encore du bon pain. Au pas, au trot, au galop ! |
III – Le meunier et l'Eglise.
A – Parlant de fêtes, il est intéressant de rechercher quels personnages ont été élus "patrons des meuniers". Assez curieusement, il n'y a pas un saint qui a fait l'unanimité. De nombreux martyrs ont été adoptés comme "patrons" des meuniers, souvent parce que leur martyre est lié au moulin, essentiellement parce qu'ils furent, avant ou après leur mort, jetés à l'eau attachés à une meule.
Dans
l’image du haut, la légende de Saint Martin et les armes de Toulouse |
Par exemple, Vincent de Sarragosse, personnage historique vivant vers l'an 300, jeté en prison par le gouverneur romain Dacien, est déchiré par des ongles de fer sur un chevalet, puis rôti sur un gril, couché, enfin, sur des tessons de verre dans sa prison pour faire bonne mesure.
Après sa mort son corps est exposé dans un lieu sauvage, mais un corbeau le défend contre un grand loup. Dacien décide alors de faire coudre son corps dans une peau de bœuf et le jette dans la mer, une pierre de meule autour du cou.
Sainte Catherine d'Alexandrie |
Issue d'une famille noble d'Alexandrie, elle aurait refusé d'épouser l'Empereur lui-même, en raison de son " mariage mystique " avec le Christ. Elle soutint aussi, victorieusement, une dispute contre 50 philosophes alexandrins, chargés par l'empereur Maximien de lui démontrer l'inanité de la foi chrétienne. Furieux de son échec, Maximien fait brûler vifs les philosophes, puis condamne Catherine à être déchirée par une roue garnie de pointes. Celle-ci se brise miraculeusement (foudre tombe sur la roue et aveugle les bourreaux). Catherine meurt enfin, décapitée. Elle a été l'objet d'une immense vénération au Moyen-Age. Elle est surtout représentée avec la ou les roues brisées de son supplice. Elle est la patronne des métiers se servant d'une roue : potiers, brunisseurs, rémouleurs, charrons, fileuses, et, bien sur, meuniers. Son historicité est douteuse. |
Ou bien Victor de Marseille, qui est condamné par l'empereur Maximien a être broyé entre deux meules ; il est décapité après que les meules se soient brisées au contact de son corps.
Il y a ainsi une dizaine de "patrons" des meuniers, mais chacun d'entre eux n'a été vénéré que par un petit nombre de meuniers, souvent dans une petite région.
Sainte Catherine d'Alexandrie, par contre, a été considérée comme
leur patronne par beaucoup. Elle fût l'objet d'une immense vénération pendant
tout le Moyen Age et est évoquée par Jeanne d'Arc avec Sainte Marguerite comme
faisant partie des "Dames" qui lui commandèrent d'aller délivrer la
France des Anglais. Son martyre à l'aide de roues armées de pointes de fer, en
a fait la patronne de tous les métiers utilisant la roue, donc des meuniers.
Saint Martin de Tours |
Il a été, pendant tout le Moyen Age, et jusqu'à une période récente, le saint le plus populaire de France. Né en Hongrie, il s'est enrôlé, tout jeune, dans l'armée, son père exerçant déjà ce même métier dans l'armée romaine. Il sert en Gaule et en Italie. C'est en Gaule que se situe, en 337, l'épisode de sa vie le plus connu : un jour d'hiver, se trouvant en garnison à Amiens, Martin rencontre, près d'une porte de la ville, un mendiant nu et grelottant de froid. Il coupe alors son manteau et en donne une moitié au pauvre qui l'implore. Pendant la nuit qui suit, le Christ, revêtu du demi-manteau donné au pauvre, apparaît en songe à Martin et le remercie pour ce geste de charité. Martin décide alors de quitter l'armée romaine et de se convertir. Mais l'empereur lui refuse son congé et ce n'est que quelques années plus tard que Martin reçoit le baptême de saint Hilaire, évêque de Poitiers. Il fonde alors un monastère à Ligugé, en Poitou, acquiert une grande renommée et est nommé évêque de Poitiers à la mort d'Hilaire. Il exerce sa charge pendant 26 ans, tout en continuant à vivre en moine, au monastère de Marmoutier, qu'il vient de fonder. La légende a ajouté beaucoup d'épisodes à la vie de Saint Martin. Il est enterré à Tours et son tombeau a été un des plus grands pèlerinages de la Chrétienté. |
Mais le "patron" le plus reconnu par les meuniers est Saint
Martin de Tours. Saint très populaire en France jusqu'à une période récente,
il est invoqué dans le nom de 500 communes et 3000 paroisses. L'histoire de son
manteau partagé avec un pauvre est connu de tous. Cependant rien dans sa vie ni
sa légende ne le rapproche ni des moulins, ni des meuniers. On ne sait pourquoi
tant de meuniers l'ont considéré comme leur "patron", et, parmi
ceux-ci, les meuniers du Bazacle, à Toulouse.
Pendant tout le Moyen Age, le dimanche le plus proche de la fête de Saint Martin (le 11 novembre), une fête populaire très importante se déroulait à Toulouse. Les meuniers étaient nombreux : ils accomplissaient la mouture des céréales par équipe, se relayant sans discontinuer, nuit et jour. C'étaient en fait des ouvriers mais ils constituaient un groupe important avec leurs familles et amis.
Avec eux, participaient à la fête et à la procession, les "peseurs" qui pesaient le grain à l'arrivée et la farine à la sortie, soit des bateaux, soit des moulins-terriers. De même, les "parieurs" des moulins (ceux qui possédaient une ou plusieurs parts) se joignaient au cortège.
Le "régent" des meuniers, les "officiers de l'honneur du Bazacle", les Capitouls, le Sénéchal ainsi que les membres du Parlement participaient aux processions et à l'office religieux.
Mais la place la plus importante était tenue par le personnage le plus important de la confrérie, sorte de contre-maître chargé de la surveillance et de l'entretien de l'usine surnommé Saint Martin, il présentait un aspect bien profane du saint patron.
B - Le moulin a, par ailleurs, été "récupéré" par l'Eglise pour représenter le passage des préoccupations terrestres à la recherche de la béatitude céleste.
Le moulin, qui ne produit pas, comme les paysans, mais "transforme" le grain (non assimilable par l'homme et les animaux) en farine, est devenu le symbole de la transformation de l'homme. Ce serait Suger, l'abbé de Saint Denis, qui, au XI° siècle, aurait le premier utilisé l'image du moulin pour représenter cette transformation : c'est le "moulin mystique".
Cette image apparaît sur les chapiteaux (Vezelay) ou dans les enluminures, actionné par une roue et encadré par deux personnages, l'un versant le grain, l'autre recueillant la farine ; ce sont quelques fois les prophètes qui apportent le grain et saint Paul, reconnaissable à sa calvitie, qui tourne le moulin.
Le moulin mystique sur un chapiteau de
Vézelay : |
Une autre image, contenant un moulin, illustre un passage des évangiles (Saint Matthieu et Saint Luc) : "De deux qui iront à la meule, l'une sera prise et l'autre sera laissée". Deux femmes sont là, séparées par le mécanisme parfaitement illustré du moulin ; l'une est attirée par des anges, l'autre continue sa tâche terrestre.
« Deux femmes vont au moulin, l’une est
prise, l’autre laissée. » Autour de cette parabole, le dessin du
moulin est remarquable : |
Le "moulin des péchés" représente un moulin (symbolisant le Christ), et des personnages allant vers le moulin, portant chacun sur le dos le sac qui contient ses péchés.
Moulin de Jouvence : |
La fontaine de Jouvence, dont parle Pausanias, était une fontaine fabuleuse, dans laquelle Junon venait se baigner tous les jours, afin de paraître toujours jeune devant son époux Jupiter.
Fontaine, eau, bain, rivière. L'aboutissement ne pouvait être autre que le moulin.
Version diabolique du moulin de Jouvence : l’entrée des vieillards se fait par la gauche, indiquée par le panneau et les corbeaux dont tous les becs pointent tous dans la même direction. Les ailes du moulin tournent à une vitesse prodigieuse, des diables et des diablotins les poussent et s’amusent avec. Sur le tertre, des diables et diablotins regardent avec intérêt la transformation réalisée. Au premier plan, un homme emmène une vielle femme infirme sur une brouette. Pourquoi tous ces diablotins ? Pourquoi la cure n’est-elle appliquée qu’aux femmes ? C. Rivals. Le moulin et le meunier. E. Empreinte 2000. |
Le thème apparaît au XVI° siècle, dans tous les pays d'Europe et va fleurir jusqu'au XX° siècle. Assez paradoxalement, c'est l'image du moulin à vent qui est la plus souvent utilisée. Des vieillards, perclus de rhumatismes, pénètrent dans le moulin et des jeunes gens frais et beaux sortent de l'autre coté.
Un image curieuse fait voleter autour du moulin de Jouvence un groupe de diablotins.
Le seigneur, le curé et le meunier. |
Il y a très longtemps, dans un petit village de montagne, il avait un curé qui éclatait de santé ; il aimait la bonne chère et sa soutane ne faisait pas un pli. Le seigneur du lieu, avec qui il était en bons termes, voulait le faire maigrir. Il le fit venir au château et lui dit : "Monsieur le Curé, vous êtes un homme savant, je veux vous poser trois questions très difficiles. Personne encore n'a su y répondre, mais si vous y répondez, je vous offrirai un beau tableau que vous placerez derrière l'autel de l'église. Mais, si vous ne pouvez pas y répondre, vous serez condamné à quinze jours de prison à l'eau et au pain sec." Le curé, épouvanté, commença à trembler de tous ses membres. Le seigneur continua : "Je vais vous dire les trois questions : - Combien je vaux, moi, le seigneur ? - Combien pèse la lune ? - Et, qu'est-ce que je pense en ce moment-ci ? Vous avez un mois pour me porter les réponses." Le pauvre curé s'en alla, tête basse, bien malheureux. Il se voyait déjà au fond de la prison, sans lumière, sans air, sans nourriture. A partir de là, il se fit beaucoup de mauvais sang : il en perdit le manger et le dormir. Il s'amaigrissait de plus en plus, et voyait venir avec terreur le moment où il allait devoir porter les trois réponses au seigneur. Ce curé avait un frère jumeau qui était meunier. Celui-ci lui ressemblait de la figure comme deux gouttes d'eau, mais il était sec comme un morceau de bois, aussi maigre que son frère était gros. Et en plus, il passait pour devin. En effet, depuis le moulin, il pouvait voir les paysans qui se rendaient chez lui, en apportant leur sac de blé. Sa femme les recevait, les faisait parler. Lui, monté au premier, par une fente, écoutait tout ce qu'ils disaient. Puis, doucement, il sortait par une porte dérobée, allait prendre une bêche ou une fourche comme s'il revenait du champ ou du pré, et arrivait en disant : "Tiens, tu es là ! Je sais pourquoi tu viens ! ta vache ne peut mettre bas ou le cochon est malade et il ne mange plus, etc." Pensez si les gens avaient confiance ! La veille du jour où le curé devait apporter sa réponse, ce dernier se promenait en essayant de lire son bréviaire, mais il était sans cesse importuné par l'idée qu'il allait se retrouver, le lendemain soir, en prison, sans lumière, sans air et sans nourriture. Or, il se trouve qu'il rencontra sur le chemin son frère jumeau, le meunier, qui menait son mulet tout chargé de grain. "Tu es malade, mon frère" lui dit le meunier. "Tu es maigre et tu n'as plus l'air content comme toujours". Le curé lui parla alors des trois questions et de ce qu'il allait lui arriver le lendemain. "Je pourrais te donner les réponses aux deux premières questions, mais, moi seul, je pourrais répondre à la troisième. Porte-moi demain une de tes soutanes, un chapeau et j'irai au château à ta place." Le lendemain, le seigneur, tout réjoui attendait le curé. Il savait qu'il s'était bien amaigri et ne voulait pas le mettre en prison ; il avait réussi à le faire maigrir et voulait simplement lui faire encore un peu peur. Quand il le vit arriver, il trouva cependant que la soutane lui dansait beaucoup sur le corps. - "Bonjour, Monsieur le Curé, vous n'êtes pas malade au moins ? je vous trouve bien maigre. - Je ne suis pas malade, mais ces trois questions m'ont bien tracassé. Mais je crois avoir trouvé. - Voyons, il me tarde de vous entendre : Combien je vaux, moi, le seigneur ? - Pour autant que vous valiez, vous ne valez pas autant que Notre Seigneur qui fût vendu trente deniers. Vous pouvez valoir, tout au plus 29 deniers." Le seigneur fût surpris, et flatté (Diable, un denier de moins que Notre Seigneur !) ; il sourit : - " Bonne réponse. A la seconde : Combien pèse la lune ? - La lune fait quatre quart et un quart de livre vaut 125 grammes : la lune pèse donc 500 grammes. - Oui, bien sur … Enfin, je ne peux pas dire le contraire. Bonne réponse. Mais je vous attends à la dernière : Qu'est ce que je pense en ce moment ? - Oh, c'est la plus aisée de toutes : vous pensez parler au curé et vous parlez au meunier!" Il se dévêt, ôte sa soutane, le chapeau et se montre avec sa blouse et sort son bonnet à pompon de sa poche. Le seigneur éclate de rire et lui dit : "Je savais que tu étais un homme rusé. Tu diras à Monsieur le curé que je lui envoie le tableau : il l'a bien gagné. Je croyais être le plus fin du village, mais j'ai trouvé mon maître." (Armengaud-Rivals) |
Le moulin aurait-il partie
liée avec le diable ?
Le meunier au Paradis. |
Lorsque le meunier voit sa fin approcher, il appelle ses enfants et leur demande de vivre en bons chrétiens et leur précise sa dernière volonté : "Vous m'enterrerez avec le cinquième. " - "Le cinquième ? " - "Oui, la plus grosse mesure à blé qui contiendra dans le cercueil." Il y avait foule. Saint Pierre apercevant Baptiste le repéra et lui dit : "Que viens-tu roder par ici. Tu sais qu'ici il n'y a pas de place pour les meuniers." - "Oui, mais je venais là pour me promener. Ça ne peut faire de mal à personne." A l'arrivée d'un nouveau groupes d'âmes, Baptiste feint d'être bousculé, laisse tomber le cinquième qui roule et passe la porte du Paradis. Le meunier, en s'excusant, le suit. Répondant à saint Pierre qui veut l'arrêter, il dit : "Je vais chercher mon cinquième. Tout simplement." - "Prends le et déguerpit", lui dit alors Saint Pierre. Baptiste retourne le cinquième et s'assied dessus. "Mon cinquième est entré tout seul. Il est bien là où il est. Et moi dessus.". Saint Pierre rouspète, crie et le Bon Dieu, alerté, arrive. "Que se passe-t-il ?" - "Je vous fais juge, Dieu Notre Seigneur tout puissant, cet homme est meunier." - "Ah, tu sais bien que les meuniers ne doivent pas entrer au Paradis." - "Mais je n'y mets pas les pieds : je suis sur mon bien, pas le votre." - "Mais tu es meunier !" - " Le droit est le droit. Je demande un avocat." Saint Martin qui passe à cheval est désigné d'office. "Bon Saint Martin, dit le meunier, je vous prie de plaider ma cause." - "Si Notre Seigneur le veut, je le ferai." Dieu acquiesce et le meunier explique son cas. Saint Martin remarque : "Il y a là une mesure à blé qui entre seule au Paradis et personne ne l'en empêche." - "Exact", répond le Saint aux clefs. "Rien ne s'oppose à ce que la mesure soit au Paradis." - "Non" - "Le meunier ne se trouve pas au Paradis, mais sur sa mesure : si la mesure reste, le meunier doit rester aussi. Le droit est le droit et, au Ciel, la justice ne se fait pas à la tête du client." Saint Pierre perd patience : "Mais avec cette manière n'importe qui peut entrer au Paradis ! C'est trop facile !" - "Peut-être, remarque le Bon Dieu, que ta porte n'est pas assez bien surveillée. Il me semble que Martin a gagné sa cause. La prochaine fois, sois plus vigilant." Voilà pourquoi, il y a, au moins, un meunier au Paradis.
Clic-clac-cataclac, mon conte est terminé. |
IV - Le meunier, personnage marginal, sorcier, diabolique
Le meunier de "Sans souci" |
Frédéric II, roi de Prusse, grand roi, grand philosophe, désirait se construire un palais, loin de la cour, loin de l'étiquette, pour pouvoir, loin des faibles humains, méditer et diner avec son ami Voltaire. Il choisit un très beau site, sur un coteau riant, où s'élevait déjà un moulin à vent, le moulin de "Sans Souci". Le meunier qui habitait là, vivait bien car il avait une bonne clientèle et des hameaux voisins les filles, les garçons allaient à "Sans Souci" pour danser et chanter. En effet, vers la fin du XVIII° siècle, les moulins attiraient le monde populaire et les bourgeois, qui venaient faire la fête à l'ombre de leurs ailes. Frédéric fait donc construire et appelle son palais, du même nom que le moulin : "Sans Souci". Pendant quelques années, il vint y vivre et y méditer dans le plus profond bonheur. Mais, petit à petit, Frédéric agrandit son château et, un jour, gêné par le moulin qui l'empêchait d'allonger une aile, il décide de demander au meunier de s'en aller avec son moulin. Le meunier refuse : "Je ne peux vendre ma maison : mon père y est mort et mon fils y vient de naître …" - "Je suis le maître, dit le roi ; si je veux je peux le prendre." - "Vous ? réplique le meunier, prendre mon moulin ! Oui, s'il n'y avait pas de juges à Berlin !" Charmé par cette réponse, Frédéric décida de changer ses plans et de laisser le meunier tranquille. "Ce sont des jeux de prince : on respecte un moulin, on vole une province !", conclut l'auteur de cette histoire. Andrieux - 1797 |
A - Dans un monde, où tout le monde travaille la terre, produit soit par l'agriculture, soit par l'élevage, le meunier apparaît différent ; comme le seigneur, ou le curé, il ne fait pas tout à fait partie du même monde.
Cependant, à la différence du seigneur et du curé, il travaille ; il se fait même payer, mais il ne produit pas : il transforme. On lui porte du grain, il rend de la farine.
Coupe d’un moulin à eau à roue horizontale, comme ils étaient fréquents dans nos régions. En bas, la chambre des « roudets » (roues horizontales), voûtée, en briques ; on distingue à droite, l’orifice qui projette l’eau sur les roues et à gauche la sortie vers le « canal de fuite ». Au rez-de-chaussée, la chambre des meules avec deux jeux de meules à droite, protégées par les « archures », les trémies au dessus. A gauche, une machine tournante à axe horizontal, un « blutoir » probablement, pour séparer la farine panifiable du son. Au premier étage, l’habitation du meunier. E. Farenc. Les
moulins de la montagne. E. Périé. |
A la différence du forgeron, du charron, il ne fait pas le travail de ses propres mains. Il travaille avec une machine. Ou plutôt, une machine travaille pour lui. Il la dirige.
Il est le seul, dans la campagne ou à la ville, à commander une pareille machine, si compliquée.
Schéma très clair, repris du moulin avec les deux
femmes. |
Le moulin est, en effet, une machine complexe : d'un coté, il faut capter l'énergie, par une roue que l'eau fait tourner, à axe horizontal ou vertical, par des ailes que le vent actionne. Le meunier doit réguler cette énergie, pour qu'elle soit utilisable, en mettant plus ou moins de toile sur les ailes, en régulant le débit d'eau sur la roue, en ouvrant le déversoir si nécessaire, en orientant l'axe des ailes en tournant la "capelade" (le toit et le mécanisme portant les ailes).
Ensuite, il faut transmettre cette énergie à la meule qui tourne (la meule du dessus, car la meule du dessous est toujours fixe). Dans certains cas, cette transmission est "directe", dans d'autres cas, il faut passer d'une rotation autour d'un axe horizontal à une rotation autour d'un axe vertical.
Schéma d’un moulin à eau, proche de celui de la maison en coupe précédente. On aperçoit le dispositif de commande de la vanne qui libère l’eau qiu fait tourner le « roudet ». On distingue aussi, en dessous, à gauche, le mécanisme qui permet de soulever la meule du dessus pour réguler le débit et la finesse de la farine. E. Farenc Les moulins de la montagne. E. Périé. |
Et ce mouvement de la meule du dessus (la meule qui tourne, la meule "volante"), il faut le permettre, en soulevant imperceptiblement cette dernière pour qu'elle puisse se décoller légèrement de la meule gisante, sur laquelle elle repose, et ensuite, tourner pour écraser le grain.
Schéma d’un moulin à vent : on voit le « rouet » entraîné par les ailes, la « lanterne » qui permet de transformer le mouvement en mouvement de rotation à axe vertical, et, à mi-hauteur, un système qui permet d’entraîner deux jeux de meules. En dessous des meules, un système de régulateur à boules, qui augmente ou réduit la l’écartement des meules en fonction de la vitesse de rotation. Devant le « rouet », le contrepoids et le levier de frein qui agit sur le « rouet ». C. Rivals A. Armengaud. Moulins à vent et meuniers des pays d'Oc. Loubatières 1992. |
B - Cette mécanique est subtile, rustique mais fragile, et le paysan qui apporte son blé, le bourgeois qui vient au moulin, n'en voient que très peu de choses (la trémie où l'on met le blé, l'auget qui laisse couler le grain, le coffre qui entoure les meules).
Mais il voit le meunier qui déplace une poignée, tire sur une corde ou la relâche suivant le débit du grain, se pencher sur la roue toute éclaboussée d'eau ou regarder le ciel et se précipiter pour re-orienter les ailes.
Schéma simplifié du moulin à vent, mais, ici, il
n’y a qu’un seul jeu de meules, pas de régulateur à boules, et le
système de frein n’a pas été représenté. |
Pour le paysan, donc, le meunier est "savant", un peu "sorcier" et même peut être un peu "devin". Son isolement (en général, le moulin est hors du village), contribue aussi à le faire paraître différent.
Il connaît le temps, parle par dictons et proverbes et se trompe rarement.
Il est solitaire.
Cette science qu'il est seul à avoir dans le village et qu'il transmet à son fils, petit à petit, cette communication qu'il a avec tout le monde dans le village, lui donnent un esprit délié : le meunier est malin.
Des histoires le prétendent.
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Le moulin tourne à une vitesse prodigieuse : un diable y réside, parce qu'une jeune fille, que son père voulait livrer au meunier contre argent, a vivement protesté et, dans son désespoir, s'est recommandée au Diable, elle ainsi que son père et le meunier.
Depuis cette parole malheureuse, le Diable est devenu le maître du moulin. Il a gardé les trois personnages prisonniers, et, d'ailleurs, aussi tous ceux qui sont passés par là.
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On raconte qu'il a commerce avec le Diable.
Souvent, ils se combattent.
L'issue du combat est tantôt à l'avantage de l'un, tantôt à l'avantage de l'autre.
D'ailleurs, le meunier est souvent rouquin, du moins c'est ce que l'on prétend dans certains contes. Comme le renard.
Et le renard est assez traditionnellement, la forme que prend le Diable vaincu qui s'enfuit.
L’intérieur du moulin : ce que voyait le client portant son grain au moulin. Tout le mécanisme est caché. On aperçoit, cependant, à gauche, la potence qui permet de lever les meules pour les « piquer » et les rendre planes et rugueuses. E. Farenc Les moulins de la montagne E. Périé |
Le meunier. |
A la limite Tranquille et doux, dans sa maison ailée
Les jours givrés d'hiver, les jours pourris d'automne, Son dos compact se bombe en voûte, Reste aux écoutes.
Il collabore au pain des bourgs et des hameaux ; Qui demeure près des nuages ; Emile Verhaeren. |
On raconte, dans le Berry, que le Diable, pour s'enrichir vite, s'était installé comme meunier ; il s'était construit un moulin tout en fer, indestructible, puissant.
Ainsi, il avait ruiné tous les meuniers des environs. Heureusement, Saint Martin ayant eu vent de l'affaire, intervint. A 100 toises en amont du moulin démoniaque, il construit un moulin en glace.
Ce moulin était si beau que toute la clientèle du meunier diabolique le quitte pour aller porter son grain au moulin de glace. Le moulin de fer se trouva ainsi sans plus avoir de travail.
Le Diable s'en vint proposer à Saint Martin d'échanger son moulin de fer contre le moulin de glace. Saint Martin, qui a une idée derrière la tête, accepte.
Le Diable retrouve alors sa clientèle et ses bénéfices, mais Saint Martin provoque un redoux qui fait fondre le moulin de glace. Le Diable, dépité, abandonne.
C. Rivals Le
moulin et le meunier E. Empreinte 2000 |
Le meunier du moulin noir. |
Le vieux meunier du moulin noir,
Au village là-bas,
Au village là-bas,
Et les maisons et les chaumières
Sur sa butte morne de soir
Jadis avait vécu d'accord
Son cœur avait longuement écouté
Le désert gris des bruyères austères
Il effrayait par son silence
Alors,
Le silence se fit, total, par l'étendue,
Absorbèrent en leur immensité Et exalté jusque dans l'infini, la vie. Emile Verhaeren. |
V – Le meunier et les femmes.
A - Revenons à ce meunier qui, tous les huit jours, reçoit la visite des représentants de chaque famille, pour faire moudre le grain qui servira à faire le pain de la semaine. Lorsque le paysan est aux champs, c'est sa femme qui va porter le blé au moulin. En ville, ce sera aussi, souvent, la femme ou la servante qui ira faire moudre le grain pour la semaine.
Les cent nouvelles nouvelles. Le Meunier et le Seigneur. |
Près d'un château vivait un meunier qui avait jolie femme. |
Et le moulin est aussi le rendez-vous de nouvelles du village ou de la ville voisine. Le meunier est beau parleur et, la curiosité aidant, la femme peut ainsi, en allant voir le meunier, sortir de la ferme et se tenir au courant de la vie des voisins.
C. Rivals Le
moulin et le meunier E. Empreinte 2000 |
Aux XVIII° et XIX° siècles, les minoteries, qui fonctionnent comme des usines, nettoyant et triant le blé avant de moudre, séparant la farine blanche du son, et, surtout, ayant un meilleur rendement en farine panifiable, font une forte concurrence au moulin qui ne bénéficie que de sa proximité.
Alors, les meuniers se mettent à augmenter leur service : ils vont chercher le blé chez le paysan, s'équipent d'un "blutoir" pour séparer la farine des "issues", et rapportent la farine chez le client.
Ce nouveau fonctionnement va rapprocher un peu plus le meunier de la paysanne. Le meunier passe ainsi à la ferme, la paysanne y est, en général, seule, puisque les hommes sont aux champs : c'est elle qui donne le blé et qui réceptionne la farine.
Les transports étant plus fréquents et plus nombreux, le meunier va, quelques fois, remplacer son âne par une charrette et un cheval. Les jours de foire, il va emmener les paysans et les paysannes à la ville et les ramène le soir. Il lui arrive même de faire des courses pour ceux qui le lui demandent.
Dans nos régions, lorsqu'une femme voulait se faire acheter quelques objets par le meunier (tissus, rubans, boutons, …), elle étendait un drap, soit à la fenêtre, soit sur une clôture ou un buisson : cela s'appelait "mettre le blanc". Le meunier savait ainsi qu'il devait s'arrêter pour prendre la commission. Le lendemain, il rapportait ainsi les objets demandés.
Tout cela laissera des doutes et fera jaser. Le meunier en profitait-il ? On ne sait.
De même, la visite au moulin de la fermière, le ronronnement du "babillard" (c'est le tic-tac du moulin, le bruit que fait le taquet contre l'arbre hexagonal qui entraîne la meule, et qui imprime ainsi un léger mouvement à l'auget faisant couler le grain entre les meules), le confort supposé des sacs de farine dans la chambre des meules, prédisposaient à laisser planer des soupçons sur le séjour des femmes au moulin.
Beau parleur aussi, le meunier était assez facilement le sujet d'histoires entre lui et les femmes.
"De mati me souy levado"
"en
chemin je l'ai perdue" et la belle lui demande : "Dis, meunier, pourquoi m'as tu enfarinée ?" "J'enfile
l'aiguille, je couds, je taille, |
B- Les chansons ont ainsi transmis une réputation des meuniers, aimant les femmes et … étant aimé d'elles.
"La Marion va au moulin" De nombreuses versions de cette chanson existent dans différentes régions de France : |
Pendant
que Marion est au moulin, |
Mais, quelques fois, c'est le meunier qui est pris :
"Quon lou moulinié" Rentrant du marché, le meunier trouve son lit défait. "Dis
servante, qui a fait ça ?" |
Meunier, tu dors |
Meunier, meunier tu dors, Tu n'vois pas ton dommage ? Tu ne vois pas ton chat qui t'a pris une saucisse ? Mais si je vois mon chat, mais j'ai peur qu'il me griffe. Mais tu n'vois pas ton voisin qui te vole tes poules ? Mais si j'vois mon voisin, mais j'ai peur qu'il me batte. Tu ne vois pas le vent qui déchire tes voiles ? Mais si je vois le vent, mais j'ai peur qu'il m'emporte. Meunier tu dors, un voleur, un voleur Meunier, tu dors un voleur est chez toi. Meunier tu dors, ta Jean'ton, ta Jean'ton, Meunier tu dors, ta Jean'ton est sortie Ta Jean'ton est sortie avec Pierre, Ta Jean'ton est en train de bien rire. Voilà le feu qui ta maison brûle Voilà le chat qui emport'tes saucisses, Si j'cours le chat, j'ai peur qu'il me griffe Et ton voisi qui emporte tes poules ! Si j'cours mon voisin, j'ai peur qu'il me batte. |
Titre ???? |
|
E ont te'n vas
filheta |
Et où vas-tu fillette, De si bon matin ? Moi, je viens faire de la farine A votre grand moulin. |
Repic (Refrain) |
|
O ! la polida grana Que fa vòstre jardin Dintraz aquí, filheta, La vos vau molinar O ! La doça farina La bèla es endormida |
Oh, la jolie graine Oh la douce farine La belle est endormie |
VI – Le
meunier est-il un voleur ?
A - Si les chansons insistent sur le meunier et les femmes, les proverbes l'accusent violemment d'être un voleur. Chaque style a ses sujets privilégiés ! Le meunier était-il plus coureur que voleur ? On ne sait !
Lorsqu'aux VIII° et IX° siècles, le moulin à eau se répand en France et en Europe, ce sont les seigneurs d'abord, les abbayes ensuite qui ont les moyens de faire construire les moulins. En effet, les cours d'eau appartiennent au seigneur et, pour construire un moulin, il faut son autorisation. Le seigneur construira d'abord pour lui-même, puis donnera son accord pour les moulins des abbayes. Les moulins seront données en fermage à des paysans, et ce sera le début des meuniers.
Pour amortir les frais engagés, il faut que le moulin rapporte et donc travaille. On obligera donc les paysans à aller moudre au moulin du seigneur ou de l'abbé, et on ne donnera pas trop d'autorisations. C'est le régime de la "banalité" qui est ainsi instauré.
Proverbes Le meunier est-il voleur ? |
|
Hardi comme la chemise du meunier Qui prend, chaque matin, un voleur au collet ! |
Ardit
coma la camisa del molinier Que pren cada maitin un volur al galet ! |
Que dit le moulin avec son tic-tacVole pour toi, Vole pour moi, Je te bénis, sac, et je prends un boisseau, N’oublie pas l’âne ! . |
Que ditz lo molin ambe son tic-tac : Rauba per tu, Rauba per ieu, Oblida pas l'ase. |
Je te bénis de nouveau et je prends un boisseau Et quand je te moudrai, il faudra encore payer ce que tu dois |
Bendigote,
saca y un celemin te saco, Vuelvote a bendecir y sacote otro celemin, |
Le
bruit du taquet du moulin : Prends ta coupe, Prends ta coupe Et fais ta coulpe. (Provence) |
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N’aie
confiance ni dans la « maquila » du meunier, |
No fies en maquila de molinero Podes cambiar de molinero Ni en racion de despensero. Cambiares pas de volur ! |
(La « maquila » est la « punhera », c’est à dire la mesure que le meunier se réserve sur la mouture pour payer son travail.) |
|
Sept tisserands, sept meuniers et sept
tailleurs Sont vingt et un voleurs. |
|
Cien molineros, cien sastres y cien
tejedores Son trescientos ladrones. |
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Quand la souris est dans le sac, Elle se prend pour le meunier. (Flandres) |
|
Cent ritons, cent moliniers, cent
talhurs Fan tres cent volurs. |
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Il y a autant de meuniers voleurs Qu'il y a de trous dans un crible. (Angleterre) |
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Every honnest miller has a thumb of gold. | |
Trois proverbes, identiques en français, en occitan, en espagnol ! « Chaque meunier honnête a un pouce en or ! (Allusion à ce fameux pouce, premier voleur, qui est le premier à entrer dans le sac pour en retirer la « punhera ». |
Il est alors très difficile aux paysans ou aux communautés rurales de construire leur propre moulin. Quant aux moulins à main, individuels, qui sont encore dans les fermes, ils sont interdits et pourchassés.
Le montant que le meunier doit prélever sur le paysan est ainsi fixé par ordonnance : il est, en général, de 1/16 ; au XVIII° et au XIX° siècles, il passera à 1/10, pour payer le complément de service du meunier qui va chercher le grain et qui rapporte la farine "blutée" chez le paysan. Ce prélèvement se fait soit sur le grain, soit sur la farine : c'est la "punhera".
Bien entendu, suivant la puissance du seigneur ou de l'abbé, le régime de la banalité sera plus ou moins strict. Le Midi, où les seigneurs sont moins puissants (pas de droit d'aînesse), bénéficie d'un régime plus libéral ; il existe plus de moulins privés que dans le Nord. Les bourgeois, les paysans possèdent des moulins, quelques fois en se mettant à plusieurs pour pouvoir en payer les frais… et en toucher les bénéfices.
B - C'est ce prélèvement en nature, dans le sac de grain ou de farine, qui inquiète le paysan, l'ouvrier et le bourgeois. N'en prend-il pas plus que son du ? N'en prend-il pas trop ?
Comptines |
|
Meunier
larron |
Dansez, p'tite
pouchée, |
Le meunier voleur de farine, Sera pendu par le pouce, Et s'il n'est pas pondu de la sorte, On le pendra par l'orteil. |
Meunier, meunier, tu as volé, Par ta servante et ton valet, Oeufs et volailles sont mangées, Et tou ton pain blanc du moulin. |
Meunier, farinier, Quand le meunier va moudre Troue le sac, Trique, traque, fait la meule Vole la farine, De ton blé, de ton beau blé, Et dit que c’est le rat ! Met un quart (de livre) de coté. |
Molinier, farinier, Quand le molinier va moler (2cops) Trauca sac Trica, traca, fa la mola Pana farina De ton blat, de fin blat Ditz qu'es le rat. Met un carton de costat. |
Dans la première comptine, apparaît, de nouveau, le fameux pouce voleur du meunier : le meunier voleur sera pendu par le pouce. |
Le
meunier et les deux clercs dans
les Contes de Canterburry |
Près de Cambridge, il y avait un moulin. Le meunier est fier et
orgueilleux, grand et fort, voleur par dessus le marché. Laissons Chaucer le
décrire : |
Il
portait dans ses chausses une lame de Sheffield.
Le meunier avait droit de mouture sur toute la région. Le collège de
Cambridge était son client. L'intendant était tombé malade ; le
meunier en profita pour tricher plus qu'avant. Le maître du collège se mit
en colère mais le meunier l'envoya dans les choux en jurant que c'était
faux.
Deux étudiants, sans le sou, à l'affût d'un bon tour, demandèrent
à l'intendant de les autoriser à aller faire moudre leur grain au moulin.
Ils insistèrent tant qu'il les autorisa.
Les voilà partis, épée et bouclier au coté, sans oublier le ni le
sac, ni le cheval.
Arrivés au moulin, ils précisent au meunier qu'ils allaient rester
pendant qu'il moudra leur grain. Le meunier sourit, pensant qu'ils voulaient
le surveiller, mais qu'il serait plus fort qu'eux.
Pendant que le moulin tourne, il quitte la pièce subrepticement, voit
le cheval, le libère et le chasse vers les marais voisins. Le meunier
revient, parle avec les deux clercs jusqu'à ce que tout le blé soit moulu.
Le sac bien rempli et bien ficelé, ils sortent et ne voient plus leur cheval.
Ils en oublient la farine et courent à la recherche du cheval. Le meunier
prend alors dans le sac un demi-boisseau de farine, le donne à sa femme et la
prie d'en faire un bon pain.
Les clercs, fourbus, trempés, après avoir couru dans les marais
reviennent tenant le cheval à la main. Ils trouvent le meunier auprès du
feu. La nuit était tombée. Les clercs penauds lui demandent le gîte et la
nourriture: "Cher hôte, je t'en prie, apporte nous de quoi nous régaler ;
nous paierons jusqu'au dernier sou."
Le meunier fait préparer un repas (bière, pain, oie) et leur prépare
un lit dans sa propre chambre : en plus du lit du meunier, se trouvait le
lit de la fille et le berceau du bébé.
Entendant ces ronflements, les deux clercs décident de se dédommager
de leur mésaventure. L'un d'entre eux va dans le lit de la fille ; celle
ci n'appelle pas au secours. Son ami s'ennuyait ; il alla déplacer le
berceau et le mit près de son lit.
L'épouse du meunier cesse de ronfler, se lève et, revenant au lit, ne
trouvant pas le berceau à sa place, croit s'être trompée, va dans le lit du
clerc. Notre belle bourgeoise fut surprise, mais ne se plaignit pas.
A l'aube, le clerc ayant décidé de partir tôt, la fille lui
conseille d'aller reprendre le pain d'un demi-boisseau fait avec sa propre
farine. Le clerc se lève donc et va retrouver son ami ; il est, lui
aussi, trompé et se glisse à coté du meunier et lui raconte sa nuit. Le
meunier se dresse, Il
saisit Alain par la pomme d'Adam,
Le deuxième clerc se leva promptement. La meunière aussi : Elle
trouva vite un bâton près du mur
Le clerc se relève, rejoint son ami et s'enfuit, non sans prendre leur
farine et leur pain. Voici
rossé notre meunier fiérot.
|
Dans les Contes de Canterburry par Chaucer en 1390. Auparavant , même titre première moitié du XIII° siècle Auparavant sous le titre "Gombert et les deux clercs" par Jean Bodel début XIII° siècle (mais Gombert est un paysan) Repris plus tard dans le Décameron (6° nouvelle, 9° journée) (mais le meunier est remplacé par un aubergiste) |
"La bero molinero" La meunière est belle dans son moulin à vent ! Passent trois capitaines qui désirent la belle meunière, Mais comment faire ? Le plus jeune dit : "Nous lui
ferons de la tisane,et nous l'enchanterons"
"Viendrez-vous jolie meunière ?" |
Proverbes |
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Les cochons du meunier sont vite gras. | Dinero tenia el nino, cuando molia el molino |
Le meunier est donc riche (et, en ne faisant rien : c’est le moulin qui travaille !) | Alguacil en andar y molino en moler, ganan de comer. |
Quand le moulin tournait, le petit avait de l’argent ! | El molino, mientras anda, gana. |
Le gendarme qui marche, Le moulin qui moud, Gagnent de quoi manger ! |
En cuanto la piedra va y viene Dios dar del su bien. |
Le moulin, tant qu’il tourne,
rapporte ! Le moulin, tant qu’il tourne, rapporte ! Moulin qui ne tourne pas, ne rapporte pas ! |
Molino que no anda, no gana. |
Tant que la meule tourne Dieu donne du bien. |
Molino de viento, poco trabajo y mucho dinero |
Moulin à vent, peu de travail et beaucoup d’argent. | Quien tiene molino y pie del altar No te sientes con el a solejar. |
A celui qui a un moulin Ou un bénéfice ecclésiastique Ne fais pas perdre leur temps ! |
Au XVIII° siècle, les lois essaieront d'imposer la pesée et le contrôle de la "punhera" par le poids, mais les meuniers y seront hostiles. Serait-ce donc qu'ils volaient ? en tous cas, le client a l'impression d'être volé !
VII – Et
que fait la meunière ?
Qu'en est-il en réalité ?
Pourtant, certaines le faisaient ! Quelques fois, devenue veuve, elle prenait en charge le moulin et remplaçait complètement son mari décédé. Le travail nécessite une condition physique que toutes n'avaient pas.
"La meunière et le chasseur. |
"J'ai
perdu mon chemin, dit le seigneur, |
Lorsque le meunier est là, la tradition veut qu'elle participe à l'opération de la "punhera". S'il le faut, elle détourne l'attention du client en lui proposant un verre au moment crucial, ou, si cela ne suffit pas, à laisser espérer une bonne fortune au client trop soupçonneux !
Quoiqu'il en soit les chansons l'accusent, mais pas toujours !
Les deux gentilshommes et le meunier. |
Deux gentilshommes sont cousins et sont propriétaires d'un moulin, moulin dans lequel se trouve une jolie meunière qui intéresse fort les deux hommes. La meunière entre joyeusement, en chantant, tandis que le meunier est soucieux parce qu'un débiteur ne l'a pas payé et qu'il n'a pas les moyens de lui intenter un procès pour recouvrer sa créance. La meunière se flatte d'avoir rapidement de l'argent. Elle estime qu'elle peut avoir très vite plus de cinquante écus. Elle explique que "les maîtres de notre moulin sont fort amoureux de mon corps". Elle conseille à son mari de faire semblant de s'éloigner pour un mois. A son retour, il trouvera une somme coquette. De fait, les deux seigneurs viennent, l'un après l'autre, en tant que propriétaires, réclamer leur du. La meunière affirme qu'on veut leur prendre leur bien (c'est à dire l'emploi de meunier) et qu'ils ont besoin d'argent. Elle ne peut donc pas les payer. Les gentilshommes insistent. Pendant ce temps, le meunier fait semblant de dormir. Alors les deux gentilshommes se montrent galants envers la meunière, pensant qu'elle serait peut-être plus disposée à leur céder. Elle ne se montre pas farouche, sans céder aux deux hommes. Elle leur accorde, à l'un et à l'autre, un rendez-vous, en début de soirée pour le premier, à la tombée du jour pour le second. Le meunier fait alors semblant de partir en voyage. Le premier gentilhomme arrive. L'arrivée du deuxième gentilhomme empêche les choses d'aller trop loin avec le premier. Ce dernier est alors prié de monter aller se cacher à l'étage, dans le poulailler. Le retour du meunier abrège les galanteries du second, qui est, lui aussi, prié de monter au poulailler. Le meunier et sa femme croquent à belle dents les plats préparés par la meunière (jambons, perdrix, grives) sous les yeux des deux gentilshommes qui avaient espéré chacun en profiter. Puis, selon les vœux du mari, la meunière va chercher successivement les deux épouses des gentilshommes, qui acceptent, tour à tour, de céder aux avances du meunier, sous les yeux dépités des deux maris perchés dans le grenier.
A la fin, le meunier faisant semblant d'entendre du bruit dans le poulailler, prend la pelle à feu, monte et menace les intrus. Ils offrent de l'argent en échange de la vie et la liberté. |
Mais la meunière peut être aussi très sage et ne pas céder aux galants :
Dans une alternance de couplets en français (le seigneur) et en occitan (la meunière), la meunière fait face avec fermeté :
Voici terminée cette petite excursion dans l'histoire du meunier, et dans ce que la sagesse populaire a pensé, dit ou chanté de cet homme sympathique, gai qui a accompagné la vie rurale européenne pendant mille ans, et dont nous commençons à penser qu'il représentait un temps heureux, même si, au fond, son existence, qui comprenait de bons moments, était rude et très dure.
Los darrieèrs molins, |
|
O moulins tant de fois chantés par nos troubadours, | O
molins tant cantats per nostres Trobadors, |
Chansons et gais refrains se sont changés en pleurs | Bascals
e remenilhs se son cambiats en plors ; |
Avec les brises d’antan, a disparu la gaieté ! | Am
las auras d'antan a fugit l'allegria ! |
Ornements du pays lauragais, salut ! | Ondraments
del païs lauragués, adiusiatz ! |
Tout le monde nous voit délaissés | Per caduna e cadun vos vesets delaisats, |
Tandis que meurt, avec vous, quelque chose de la Patrie. | E
mori, am vos aus, quicòm de la Patria. |
Bibliographie |
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(Ouvrages
d'où ont été tirées les photos présentées) |
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Titres | Auteurs | Editeurs |
Les grandes heures des moulins occitans |
Et H. Bézian |
Plon |
Les moulins de la montagne. | E. Farenc |
E. Périé |
Moulins et meuniers dans
les campagnes IX° - XVIII° siécle) |
M. Mousnier |
P.U. Mirail |
Les moulins. | J. Orsatelli |
E. J. Laffitte |
Le moulin et le meunier. | C. Rivals |
E. Empreinte |
Moulins, histoire d'un patrimoine. | C. Rivals |
F.F.A.M. |
Moulins à vent et meuniers des pays d'oc. |
C.
Rivals A. Armengaud
|
Loubatières |
Moulins de France. |
Revue de la F.F.A.M. |
Le 19 octobre 2002
Ph. Bellan.
Réalisée le 26 août 2003 | André Cochet |
Mise ur le Web le septembre 2003 |
Christian Flages |
Mise à jour le |
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