Visages |
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Tome I. |
Page 68. |
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Une
séance de l'Union
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(La séance fut chaude, et on était venu des châteaux et des comptoirs avec l'espoir d'assister à un grand débat. | ||||
M.
BURNET, président de la Ligue des Viticulteurs. Messieurs, je résume ma thèse en ces mots : tout viticulteur girondin compte dans sa famille une fille et un petit-fils. A sa fille, la vigne, il prodigue des soins assidus, vigilants et éclairés; il craint pour elle les intempéries et les maladies, et lorsqu'il rentre au cuvier une vendange saine et de qualité; il n'a gagné que la première manche; la seconde manche comprend la conduite des fermentations, la conservation et le vieillissement du vin. Mais sa
victoire n'est complète que s’il rencontre un négociant ou un
consommateur qui apprécie les mérites de son petit-fils, le vin, et les
lui pave un bon prix. Vous ne
refuserez pas au producteur le droit naturel de disposer librement de son
produit, et vous voterez sans hésitation le principe de la vente directe au
consommateur. M.
CESCATS, président de la Fédération des Vins de la Gironde : Messieurs,
tout en reconnaissant les mérites et le talent de l’orateur qui m'a précédé
à cette tribune, pouvons nous admettre que le rôle ancestral du négociant
soit annihilé, qu'on passe par dessus ses prix courants comme un enfant
saute une barrière et que la clientèle apprenne par d'autres que par nous
les prix de ses vins préférés ? Les grands
marchands de vins ont une mission sociale, celle de recevoir les vins des
propriétaires et de les distribuer, armés pour la lutte contre les
microbes, les ferments, les influences mauvaises de la cave, l'ébranlement
du sol par les véhicules... Seuls, nous possédons le tour de main qui fait le vin résistant et
conciliant; seuls, nous savons l'élever à un titre quasi fixe, à le
stabiliser pour plaire à la clientèle qui est l'élément mobile, lui, «
mobilis in mobile ». Et puis,
laissez moi le proclamer hautement : le vin n'est pas au propriétaire; il
est à nous, comme le cheval est au sportman qui le fait courir et lui fait
gagner des prix et non à l'éleveur ! Des bras
enthousiastes saluèrent cette comparaison saisissante. D'autres
orateurs prirent la parole, mais la cause était déjà entendue. On voulait une
condamnation nette, et un ordre du jour sévère renvoya aux calendes
grecques et gasconnes la vente directe au consommateur et consacra le privilège
des marchands de vins. (D'après Herlot des Grandières, Le roi des vignerons, par Paul
BERTHELOT.)
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Réalisée le 8 avril 2004 | André Cochet |
Mise ur le Web le avril 2004 |
Christian Flages |