Visages |
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Tome I. |
Page 97. |
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Fantaisie
au Pays des
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La ville de Barsac est
universellement connue par ses vins blancs qui sont les plus corsés et les
plus nerveux des vins liquoreux de la région de Sauternes et de Barsac. C'est aussi le pays des murs de clôture
en pierres sèches, élevés autour des vignobles nobles avec la pierre
extraite du sous-sol. Ces muraillots s'écroulent parfois, mais chacun répare
ses brèches et on n'en parle plus. Cependant, depuis une quinzaine
d'années, il y a une brèche dont on parle beaucoup et qu'on ne répare
jamais : c'est la brèche, du port de Barsac, dans la digue rive gauche de
la Garonne. Par trois fois, les obstacles de
gravier, d'acier et de béton qu'on a opposés au courant des crues ont été
déficients, bien que les travaux aient déjà coûté plusieurs millions. Cette brèche expose les cultures
de La Palus et de l'agglomération aux petites crues; elle est en train de
devenir historique, et sa célébrité menace d'éclipser la réputation
vinicole de la commune. La brèche historique la plus célèbre
que nous connaissons est la brèche de Rolland, brèche pratiquée clans la
crête des rochers qui forment l'enceinte du cirque de Gavarnie et qui,
d'après la légende, aurait été ouverte par Rolland d'un coup de sa
fameuse épée Durandal.
Souhaitons que la brèche de
Barsac soit réparée au plus tôt et qu'elle ne passe pas a la postérité. Devant la lenteur des Pouvoirs
publics, se manifestent des courants d'opinion les plus extravagants et les
plus fantaisistes: « Nous continuerons d'être
inondés, disent les pessimistes, et nous serons obligés de bâtir nos
maisons sur pilotis ou d'abandonner l'agglomération pour nous retirer au
Haut-Barsac. » Les sportifs voient dans cette
mare une espérance de piscine pour les jeux olympiques. Les optimistes parlent de faire
venir de la main-d'œuvre étrangère, et ceux qui ont des réminiscences
latines rappellent que Pline cite quelque part des hirondelles qui bâtissent
des digues le long du Nil; d'autres pensent qu'il faut faire appel aux
castors du Labrador et du Canada. Les techniciens se reconnaissent
impuissants à boucher le trou, veulent le contourner en faisant une boucle
concave, alors que partout ailleurs on oppose à l'eau des barrages
convexes; d'autres, voulant abandonner des rives aussi inhospitalières,
proposent une route chaussée de Cérons à Langon, à 12 mètres au-dessus
de l'étiage, rempart formidable et suffisant, mais qui coûterait des
dizaines de millions. Notre brèche sera-t-elle réparée
? Des travaux sont en cours. Pourvu
que nous ne soyons pas condamnés aux travaux forcés à perpétuité. P.
G...
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Réalisée le12 avril 2004 | André Cochet |
Mise ur le Web le avril 2004 |
Christian Flages |