Visages
de
Barsac.

Page 109.

Quadrige patriotique.

1-Le Combattant.

    Décembre 1914, Perthes-les-Hurlus (Marne).

Au Ciron !

Je ne sais pas Ciron si je te reverrai, 
Car depuis de longs mois, dans la Marne pouilleuse, 
Sous les sombres sapins, dans les tranchées boueuses, 
Je vis, fusil en mains, à demi enterré.

 

Dans les bourgs incendiés, les cloches se sont tues; 
Le canon, au lointain, fait entendre sa voix; 
D'horribles mitrailleuses crépitent dans les bois; 
Le moteur d'un avion ronronne dans les nues.

 

L'éternel ennemi foule le territoire; 
Voilà bientôt trois mois qu'il mène ses chevaux 
Boire l'eau de nos fleuves et troubler nos ruisseaux; 
Dans son Rhin irons-nous mener nos chevaux boire ?

 

J'aimais ton sable fin, ton eau vive et dorée, 
Tes saules chevelus et tes vertes prairies, 
Lorsque roseau en mains, sur les rives fleuries, 
J'allais pour reposer, retremper mes pensées.

 

O Ciron, songe un peu aux rivières tes soeurs,
Que foule le Teuton barbare et retors;
Et s'il te reste encor de la fierté au coeur,
Souhaite comme moi, qu'on le boute dehors

                P.G.