Visages
de

Barsac.

Tome I.

Page 114.

 

 

Quadrige patriotique.

IV-L'attente et le châtiment.

L'attente !

     Décembre 1940.

Devant la cheminée où brûle un petit feu, 
Assise et immobile, à peine éclairée par la flamme 
Avec un front pensif, sous de blancs cheveux, 
Dans le silence noir, somnole une femme.

Elle rêve au désert brûlant du Sahara 
Où son fils est parti voila bientôt vingt ans, 
Et, pendant des semaines et des mois, elle attend 
De son enfant chéri, une lettre qui ne vient pas.

 

La vieille femme est morte. Aujourd'hui, près de l'âtre, 
Dans la même attitude et la même anxiété, 
Sa fille aux cheveux noirs, à la gorge d'albâtre, 
Espère des nouvelles du mari prisonnier.

 

Dans la guerre ou la paix, jeune ou vieille, 
C'est le lot de la femme, au cours de longues veilles, 
D'attendre et de souffrir, de rire et de pleurer, 
Et, dans tous ses amours, de craindre et d'espérer.

0 vous femmes qui enfantez dans la douleur, 
Pourquoi faut-il toujours pour augmenter vos peines, 
Que des fous couronnés, vers froids ou chauds climats, 
Fassent partir époux et fils au-devant du trépas
Pour la vaine gloire de leurs pays et de leurs armes ?

 

Pour remédier, à toutes ces folies sanguinaires. 
Il faudrait pouvoir extirper de leur coeur 
L'orgueil et l'ambition, les remplacer par la douceur; 
Ou bien les enchaîner dans un lieu solitaire,

 

Où, comme Bonaparte, sur un rocher désert, 
Ils pourraient méditer sur leur gloire abattue, 
Entendant sans répit, s'élevant dans les airs, 
Les plaintes déchirantes des nations vaincues.

Et que tous ces grands morts, se levant de leurs tombes,
Par milliers, par millions, les jeunes et les vieux,
En bataillons serrés défilent dans leurs yeux,
Jusqu'à ce que, de remords, à leur tour ils succombent.

 

Que leurs cadavres nus étendus sur la terre, 
Soient livrés longuement aux chiens et aux vautours; 
Que périsse avec eux la gloire militaire.
Afin que nous puissions en paix finir nos jours.

 

Les femmes de chez nous, les filles et les aïeules,
N'attendraient plus anxieuses leurs fils et leurs époux;
Nous verrions beaucoup moins de femmes toutes seules
Et l'air de nos foyers n'en serait que plus doux !

 

P.G. (Décembre 1940).

   

 

 

 

Réalisée le12 avril  2004  André Cochet
Mise ur le Web le   avril  2004

Christian Flages