Les Châteaux
du Sauternais
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P.O.
MIDI 17.01.1925
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Mémoire de Bommes, livre 4. |
Auteur inconnu. |
Il existe chez nous un territoire privilégié,
de soixante kilomètres carrés à peine
dont les produits sont connus dans le monde entier...
C'est
la région des grands vins de Sauternes, dont l'illustre appellation est
exclusivement réservée aux. communes de Sauternes, Bommes, Fargues, Preignac,
Barsac.
Cette
région occupe la rive gauche de la Garonne, entre Langon et Bordeaux. On y
accède de Paris, par la grande ligne Bordeaux Toulouse Cette, aux stations de
Barsac et de Preignac, deux grosses gares d'expédition du grand vin de
Sauternes.
Les
brumes quotidiennes qui montent le matin dans cette vallée de la Garonne,
durant la belle saison, font de ce coin le pays idéal pour la production du
Sauternes... Que faut-il « pour faire du Sauternes » ?
Des
grains souples et moelleux, à la peau fine, qu'on ramasse un par un,
repassant jusqu'à huit ou dix fois dans la même vigne durant la longue période
de la vendange.
Celle-ci
réclame, en effet, un beau temps et il n'est pas rare de profiter, jusqu'après
la Toussaint, de tous les jours ensoleillés qui se présentent. C'est ainsi
qu'il n'arrive au pressoir que des grains parfaitement rôtis (ou pourris,
suivant l'expression consacrée).
Si l'on tient compte de la faible étendue de cette région viticole, de son rendement restreint en vin (environ 1.000 bouteilles pour un hectare de vignes), du prix de revient élevé, on jugera de la valeur du Sauternes authentique, vin nécessairement rare et cher : le public ne le saura jamais trop, et nous y insistons dès le début de notre étude.
Nous
insistons également sur ce point, que le moyen le plus sûr de reconnaître
un vrai vin de Sauternes, est d'exiger les triples marques de garantie de mise
en bouteilles au château (étiquette, capsule, bouchon étampé).
Il
faut espérer qu'on arrivera quelque jour à éviter complètement la fraude
sur ce vin fameux, et le très avisé Syndicat Viticole de la région de
Sauternes et Barsac s'y emploie activement, sous l'impulsion du comte B. de
Lur Saluces, de M. James Maxwell, du colonel Milleret, du vicomte de Roton, de
MM. Gounouilhou, Lafon, Lemaire, Pontalier, pour ne citer que ses principaux
dirigeants.
On ne saurait trop féliciter ce Syndicat de lutter contre le Sauternes à 10 francs la bouteille, une fumisterie de premier ordre, qu'il faut stigmatiser sans répit, car elle fait un tort immense à notre réputation mondiale, à ce grand art français de la gourmandise, que des esprits bien inspirés s'efforcent de remettre en faveur.
La
consommation de nos grands vins, vraies gloires nationales, mérite d'être
encouragée. Cette modeste étude voudrait y contribuer pour sa part et nous
remercions ici toutes les bonnes volontés qui, nous ayant compris, ont voulu
faciliter notre tâche, pour la si intéressante région de Sauternes que nous
allons parcourir avec autant de suite que le permet « le chevauchement » des
propriétés sur divers pays...
Sauternes
est une commune de quelque 900 habitants, qui se fait gloire d'avoir donné
son nom à cette région de grands vins qui comprend officiellement, outre
Sauternes même, les communes de Bommes, Fargues, Preignac et Barsac.
Le
Chàteau Yquem,
autrefois propriété de la famille Eyquem (dont le langage populaire a fait
«Yquem»), qu'un mariage apporta, avant la Révolution, à la famille de Lur
Saluces, appartient aujourd'hui à M. le comte Bertrand de Lur Saluces (également
propriétaire du Château Filhot, qui constitue sa résidence).
90
hectares de vignes superbement exposées, de précieuses traditions de
culture, de vendange et de vinification, contribuent à la production
exceptionnelle du premier des grands vins blancs du monde que la clientèle se
dispute à des prix fabuleux.
Les
vins de la grande année 1921 (dont la qualité dépasse tout ce qu'on avait
jamais obtenu à Yquem) se traitent couramment 50 francs la bouteille, dans le
commerce de gros... On devine à quel prix le public peut se procurer un tel
vin, véritablement apanage exclusif des grands gourmets.
Le
Château
Filhot « frère cadet d'Yquem », étale son immense domaine (350
hectares) également sur la commune de Sauternes et produit un vin qui a, en
primeur, les mêmes acheteurs qu'Yquem, c'est-à-dire les plus grosses maisons
de Bordeaux, associant ainsi sa réputation à celle du premier grand vin
blanc du monde.
Le
Château Guiraud (ancien cru de Bayle), dans
les familles Bernard et Maxwell depuis de longues années, possède 60
hectares de vignes sur une étendue totale de 180 hectares, car seuls ont été
conservés pour le vignoble, les terrains convenant le mieux et susceptibles
de donner un produit supérieur, grâce aux méthodes de culture pratiquées.
Les vins du Château‑Guiraud, se développent remarquablement en
bouteilles.
Sur
les bords de la gracieuse rivière du Ciron, les propriétaires du Château
Guiraud, élèvent des animaux sélectionnés (race bordelaise pure) très
remarqués dans la Gironde. Il faut dire qu'en effet, ce pays n'est pas
exclusivement viticole et que l'élevage se développe de plus en plus dans
les régions voisines de la forêt landaise.
Le
Sauternes participe en quelque sorte à cette vie de la forêt, et l'on y fait
en particulier de délicieuses chasses à la palombe.
Entremêlées
en quelque sorte avec celles du Château Yquem, les vignes du Château Raymond
Lafon (Louis Pontalier) donnent des vins recherchés.
On
cite comme remarquables, les vins 1921 du Château
Lafon (propriété de M. Edmond Désir Lafon, maire de Sauternes),
comportant une enclave dans la partie nord d'Yquem et, vers le midi, une
croupe magnifiquement exposée, contigüe à la meilleure crête du Château
Guiraud.
Le
Château La tour Blanche, propriété
de l'État (donation Osiris), est administré par I'Office départemental
agricole de la Gironde. On y a créé (suivant le désir du donateur) une
Ecole de Viticulture et de Vinification s'adressant aux jeunes gens aussi bien
qu'aux viticulteurs adultes, qui recevront tous renseignements sur les cours,
en s'adressant à la Direction des Services agricoles de la Gironde, à la préfecture
de Bordeaux.
C'est
la société anonyme des propriétés de la famille Cordier qui est
actuellement métayer du domaine.
Dominant la région de sa
belle architecture, le Château de Rayne
Vigneau, aujourd'hui propriété des héritiers du vicomte de Pontac, est
administré par M. le vicomte de Roton (maire de Bommes, secrétaire général
du Syndicat Viticole de la région de Sauternes et Barsac). Les vins des années
1919 à 1924 sont actuellement considérés parmi les mieux réussis du Château
Rayne Vigneau.
Ajoutons que les précieux
terrains de ce vignoble renferment quantité de pierres rares (en provenance
des Pyrénées ou du Plateau Central) : jaspes, opales dites "de Hongrie
", cornalines serpentines, cristaux de roche, dragées de quartz, calcédoines,
agates, etc., outre de très variés minéraux et minerais extraordinaire mélange
qui donne au terroir de Rayne Vigneau ses propriétés spéciales et à ses
vins leur fameux bouquet.
Le
Château Rabaud Promis (Mme Vve Promis)
fut acquis au début du XXe siècle par M. Adrien Promis, d'une ancienne
famille de viticulteurs girondins.
Les vins du Château Rabaud Promis, acquièrent un merveilleux arôme en vieillissant. Ceux des années 1914/1916/1917/1919/1920/1921 et 1922 sont cités comme particulièrement remarquables. (Bien exiger sur l'étiquette la marque Rabaud Promis).
Limitrophe d'Yquem,
le Château de Suduiraut, resté aux mains
de l'ancienne famille de Suduiraut jusqu'à la Révolution, compte plus de
cent hectares de vignes réputées. Ses grands vins, son étendue, son superbe
ensemble, les ombrages du parc dessiné par Le Nôtre, font du Château de
Suduiraut (Mme Petit de Forest), une des plus remarquables propriétés de la
Gironde.
A côté de Suduiraut et
occupant l'extrémité du coteau qui descend de Bommes sur Preignac par les
crus réputés de Rayne Vigneau, Peyraguey, Rabaud
Promis et Suduiraut, le domaine du Château La
Montagne (colonel Milleret) montre, d'un côté son magnifique vignoble
(aux vins de plus en plus appréciés en France et à l'étranger), de l'autre
son château, avec son parc aux hautes futaies où se fait, depuis quelques
années, un important élevage de faisans, enfin ses landes étendues qui
produisent la résine devenue la richesse de la région landaise.
Ce domaine doit son nom à
l'un de ses anciens propriétaires, Sir François de la Montagne (XVIIIe siècle),
membre du Parlement de Bordeaux, personnage très estimé dans la région.
Le Château La Montagne a
été restauré avec goût il y a une vingtaine d'années, par son propriétaire
actuel, et son cuvier vient de recevoir une installation modèle, avec électrification
complète de tous les appareils : palans de déchargement de la vendange,
fouloir, presses hydrauliques, égrappage, mise en barriques. etc., permettant
le traitement des raisins par des procédés rapides et perfectionnés,
initiative que tous les grands domaines du Sauternes seront vraisemblablement
amenés à imiter un jour ou l'autre.
Entre le haut et le bas
Preignac, sur un fond de terrain rocheux, le vignoble du Château
Veyres, à M. Louis Dequéker, attire l'attention par sa tenue. L'emploi
de procédés modernes de vinification contribuent de plus en plus à
l'excellence et à la renommée de ses vins.
A l'entrée du bourg de Preignac, une demeure Louis XV de noble apparence... C'est l'ancien château d'Armajan, qui avait existé sous une autre forme dès le XVIe siècle, car Charles IX s'y arrêta venant de Bordeaux.
Armajan appartenait alors
au riche et noble bourgeois P. Sauvage (dont l'église de Preignac conserve le
tombeau, mausolée remarquable de la Renaissance); sa famille devait apporter
Yquem à la maison de Lur Saluces, quelques années avant la Révolution.
Le Château d'Armajan des
Ormes est aujourd'hui la propriété de M. Armand Gallice, qui entretient
jalousement cette demeure historique et obtient du magnifique vignoble
reconstitué par ses soins des vins très appréciés.
Suivant
la grande route de Preignac à Barsac, nous traversons le beau vignoble du Château
des Rochers, (marquis de Rolland), lui repose en effet sur un sous-sol
rocheux, très favorable à la production. Le château fut construit jadis par
un marquis de Rolland, Président à mortier au Parlement de Bordeaux.
Poursuivant notre route
vers Barsac, en franchissant la rivière du Ciron nous arrivons au Château
Rolland (F. Froidefond) un des crus les meilleurs et les plus justement
renommés de Barsac à juste titre ses vins blancs jouissent d'une réputation
sans cesse accrue en France et à l'Etranger.
Sur les magnifiques
croupes « argilo-calcaires » du Haut Barsac, s'étale le vignoble du Château
Climens (héritiers Henri Gounouilhou), dont la reconstitution, oeuvre de
M. Henri Gounouilhou, a fait l'un des plus beaux de la région de Sauternes.
Ce domaine remarquablement
dirigé, produit des vins dont il est superflu de faire l'éloge, étant données
leur vieille renommée et la faveur dont ils jouissent présentement dans le
commerce bordelais.
Se détachant dans un
cadre de verdure admirable, le beau Château de
Myrat (Mme Martineau), possède un des plus anciens vignobles de Barsac,
produisant des vins très recherchés par le commerce bordelais, eux aussi.
Entièrement
reconstitué avec de fins cépages, le Château
Broustet (Mme G. Supau), produit des vins de longue durée.
Nous
approchons de la gare de Barsac, que domine l'importante installation de M.
Louis Bert, (négociant en vins de Bordeaux et fabricant de vins mousseux),
propriétaire du Château Camperas au vignoble
soigneusement reconstitué.
Bien
campé entre les Châteaux de Myrat et Climens, le Château
Caillou devenu l'objet de grandes améliorations (il a été acquis par M.
Joseph Ballan en 1909), produit des vins pleins de moelleux et de finesse, mis
en bouteille au Château avec le plus grand soin.
On
en pourrait dire autant du Domaine de Baulac (entre les Châteaux Climens et Védrines
également propriété de M. Joseph Ballan.
Réalisée le 15 mars 2002 | André Cochet |
Mise ur le Web le mars 2002 |
Christian Flages |
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