Messiurs et
Chers amis,
Nous
boici donc réunis; Si je monte à la trivune, Soyez-en
sûrs, c'est sans rancune, Et certes, en boici la raison
: Il s'agit de ma bie de garçon, Que je publie et mets
au grand jour, Abec ses valoches et son amour. Personne,
je pense, ne troubera mal, Et quand même cela me serait
égal, A ce que j'engage filles et garçons A puiser dans
ma bie de vonnes leçons Oui, je dis de vonnes leçons, Et pour
cela j'ai des raisons;
|
Messieurs
et Chers amis,
Nous
voici donc réunis; Si je monte à la tribune, Soyez-en
sûrs, c'est sans rancune, Et certes, en voici la raison
: Il s'agit de ma vie de garçon, Que je publie et mets
au grand jour, Avec ses valoches et son amour. Personne,
je pense, ne trouvera mal, Et quand même cela me serait
égal, A ce que j'engage filles et garçons A puiser dans
ma vie de bonnes leçons Oui, je dis de bonnes leçons, Et pour
cela j'ai des raisons;
|
4
Car pour
bien bibre Il faut être libre; De plus connaître le vien et le
mal Et ne pas bibre comme un paubre animal. Accourez donc, torts et
bossus, Dussiez-bous être tous pendus, Entendre ce famux
récit Qui sort de la plume d'un vandit. Je bais commencer mon
vavardage, Tandis qu'on me prépare un potage, Et si bous m'écoutez,
ça sera mon vonhur, Car, bous le sabez, je ne suis pas
mentur. Boyons, un coup à boire, Cela rappelle la mémoire
: Messiurs et dames, vien à botre santé, Je lèbe le coude……,
escamoté. |
4
Car pour
bien vivre Il faut être libre; De plus connaître le bien et le
mal Et ne pas vibre comme un pauvre animal. Accourez donc, torts et
bossus, Dussiez-vous être tous pendus, Entendre ce fameux
récit Qui sort de la plume d'un bandit. Je vais commencer mon
bavardage, Tandis qu'on me prépare un potage, Et si vous m'écoutez,
ça sera mon bonheur, Car, vous le savez, je ne suis pas
menteur. Voyons, un coup à boire, Cela rappelle la mémoire
: Messieurs et dames, bien à votre santé, Je lève le coude……,
escamoté. |
4
Dès l'âge
de quatorze ans Je suibais les junes gens; J'allais à
Noaillant ; Que faire, l'insolent. J'y abais une vonne
amie Que j'aimais à la folie, Et sans mentir, ma foi
, Elle balait plus que moi.
|
4
Dès l'âge
de quatorze ans Je suivais les jeunes gens; J'allais à
Noaillan ; Que faire, l'insolent. J'y avais une bonne
amie Que j'aimais à la folie, Et sans mentir, ma foi
, Elle valait plus que moi. |
5
Mes
compagnons de boyage, Qui pas un n'était
sage, S'abisèrent un soir au val, Ét ça fut un grand
mal, De faire les freluquets. Ah ! Il fallait boir
ces cadets De l'Anglés, Peyremat, la Boueyrique, Touts
munits d'esbentails à bourrique, Bitoun, Castigues et
Targos, Daou même esbentail nous briset lous os. Quand
je me rappelle, le Diavle m'emporte, Comme nous passâmes la
porte D'une salle de danse, Tous en grande
cadence; Passer de long en large et en trabers Par
dessus femmes et filles à l'enbers. C'était un soir, au quartier
de Cachats, Qu'on nous fit perdre le goût des
entrechats. Ces professurs nous donnèrent le pas A coups
de triques, fourches, échalats. Jugez si j'eus pur pour ma june
peau, Moi élebé à la douçur d'un château; C'était pour
moi la première affaire, Aussi montrai-je du
caractère. Si du moins la braboure existe en
fuyant, Croyez-moi, j'étais pas le plus faignant; J'abais
pourtant l'occasion de pousser une botte, Et je poussai mes
souliers bers la Saubote;
|
5
Mes
compagnons de voyage, Qui, pas un n'était
sage, S'avisèrent un soir au bal, Et ce fut un grand
mal, De faire les freluquets. Ah ! Il fallait voir
ces petits De l'Anglés, Peyremat, la Boueyrique, Tous
munis d'éventails à bourrique,* Bitoun, Castigues et
Targos, Du même éventail nous brisèrent les os. Quand je
me rappelle, le Diable m'emporte, Comme nous passâmes la
porte D'une salle de danse, Tous en grande
cadence; Passer de long en large et en travers Par
dessus femmes et filles à l'envers. C'était un soir, au quartier
de Cachats, Qu'on nous fit perdre le goût des
entrechats. Ces professeurs nous donnèrent le pas A
coups de triques, fourches, échalas. Jugez si j'eus peur pour ma jeune
peau, Moi élevé à la douceur d'un château; C'était pour moi la
première affaire, Aussi montrai-je du caractère. Si du moins la
bravoure existe en fuyant, Croyez-moi, j'étais pas le plus
faignant; J'avais pourtant l'occasion de pousser une botte, Et je
poussai mes souliers vers la Saubote;
*(Il
s'agit d'un fouet.) |
6
Et d'une
horrible pur, Je fuyais comme un bolur A trabers le pré de Pierre
Ménat; J'en franchis le pont miux qu'un chat. Mes camarades qui
m'abaient suihi de près, L'un tombe et le signal est donné; Ils
jurent entr'ux de ne pas céder la place Qu'au dernier os vrisé de lur
carcasse.
Effectibement,
Mais
doucement, Les coups de poings sont donnés à discrétion,
Sans qui me bint à l'idée d'en prendre portion : J'étais là
sul, j'abais pur du comvat; Fuir plus loin, j'abais pur du savat.
Que faire. J'abais mon fusil douvle sur le vras, Alors je tire en
l'air pour faire mes emvarras.
A ce
vruit,
Les hommes
quittent fur lit, Courent au secours abec des vadines d'assomurs,
Poursuibant nos vrabes comme des bolurs. En cridant :
arrebire aqui ! arrebire là-bas ! Té, n'én bala un que passe én
d'aquet pas. Et tout ça benait dans ma direction. Bous croyez que
j'ai attendu, pas si crayon. Un frissonnement me prit de la tête aux
pieds, Et pour driber plus bite, je quitte mes souliers; J'en pris
un à chaque main, Et je partis aussi prompt qu'un
lapin.
|
6
Et d'une
horrible peur, Je fuyais comme un voleur A travers le pré de
Pierre Ménat; J'en franchis le pont mieux qu'un chat. Mes camarades
qui m'avaient suivi de près, L'un tombe et le signal est donné;
Ils jurent entre eux de ne pas céder la place Qu'au dernier os
brisé de leur carcasse.
Effectivement,
Mais
doucement, Les coups de poings sont donnés à discrétion,
Sans que me vint à l'idée d'en prendre portion : J'étais là
seul, j'avais peur du combat; Fuir plus loin, j'avais peur du sabat.
Que faire. J'avais mon fusil double sur le bras, Alors je tire en
l'air pour faire mes embarras.
A ce bruit,
Les hommes
quittent leur lit, Courent au secours avec des badines d'assommeurs,
Poursuivant nos braves comme des voleurs. En criant : regarde
ici ! regarde là-bas ! Tiens, en voila un que passe à cet
endroit. Et tout ça venait dans ma direction.
Vous croyez que j'ai attendu, pas si couillon. Un frissonnement me
prit de la tête aux pieds, Et pour courir plus vite, je quitte mes
souliers; J'en pris un à chaque main, Et je partis aussi prompt
qu'un lapin.
|
7
C'est des
ailes que j'aurais boulu; Je lur aurais montré mon
c... J'arribe donc à la Saubotte tout essouflé ;
Mais un nommé Cague-Saou m'abait debancé, Car
sitôt qu’il me bit, De honte il pâlit.
Tiens, te boilà dit-il; ou sont les
autres ? Ils s'amusent dis-je, à se brosser les côtes;
Car s'ils abaient fait comme nous dux, Fuir le
comvat comme des petux, Ils auraient au moins gagné à
fuir La conserbation de lur cuir. Oui , sans
doute, dit Cague Saou, Mais tout aco ne guérit pas lur
maou. A ma foi, mon ami, qu'y faire ?
Saube qui put, c'est mon affaire. Il est brai
qu'ils bont nous traiter de lâches, De drôles, de poltrons
et de ganaches. Eh vien ! nous répondrons à cette
interpellation Par l'épée, la canne, le demi-espadron;
Par-là nous ferons boir que nous sommes des gaillards
A ne pas souffrir qu'on nous traite de vavillards,
Et s'ils ont le malhur de nous parler sabatte, Je
les démolis à coups de patte. Eh vien ! Cague-Saou,
comment troubes-tu ce récit. Jeu troby, me respound, qu'as
fort bien méntit, Et bédy qu'es de l'abis daou Testut de
Carasse, Que dit : n'es pas méntir per counserba sa
carcasse. |
7
C'est des
ailes que j'aurais voulu; Je leur aurais montré mon
c... J'arrive donc à la Saubotte tout essoufflé ;
Mais un nommé Cague-Sel m'avait devancé, Car sitôt qu’il me
vit, De honte il pâlit. Tiens, te
voilà dit-il, où sont les autres ? Ils
s'amusent dis-je, à se brosser les côtes; Car s'ils avaient
fait comme nous deux, Fuir le combat comme des péteux,
Ils auraient au moins gagné à fuir La
conservation de leur cuir. Oui , sans doute, dit
Cague-Sel, Mais tout ceci ne guérit pas leur mal.
A ma foi, mon ami, qu'y faire ? Sauve qui
peut, c'est mon affaire. Il est vrai qu'ils vont nous
traiter de lâches, De drôles, de poltrons et de ganaches.
Eh bien !
nous répondrons à cette interpellation Par l'épée,
la canne, le demi-espadon; Par là nous ferons voir que nous
sommes des gaillards A ne pas souffrir qu'on nous traite de
babillards, Et s'ils ont le malheur de nous parler savate,
Je les démolis à coups de patte. Eh
bien ! Cague-Sel, comment trouves-tu ce récit. Moi je
trouve que tu as fort bien mentit, Et je vois que tu es de
l'avis du Têtu de Carasse, Qui dit : n'est pas mentir pour
conserver sa carcasse. |
8
Et jou tapaou, que didi coume Biquette de l'Ardit:
Pas tant d'aounou, un petit mey de proufit. Cé
que ma pet à jou jogue un grand rôle, Et préféry la
counserba, épuey passa per drôle; Car si n'ère estat de la
bitesse de mous pés, Que me l'aouren, sur ma foey, birade à
l'enbés; Epuey si parly coume un capoun ,
Saby que n'in a daoutes, Et préféry aquet
renoun Que d'habita dani les taoupes. Mais
tu que parles espade, espadroun épuey canne, Absolumén
coume un bourcou de cràne, Ban beyre toutare, dichan‑lous
arriba, Si aouras espade, espadroun à proposa;
Toutare que parlabes de poussa une botte, Et déns
un moumént feras caca déns ta culotte. Si proposes, certes
te préndran aou mot, Et sabes qui, Grigouille de
Manot, Que jogue d'aco coume Tayau de la flûte,
Et que ne sera pas lou darney à cerca dispute,
Car si leou arribat, acos un duel proposat; Et
tu, praoube, de t'escapa à trabers sègue et barat Dam la
rapiditat daou praoube Minoche, Une came debat lou bras et
lou pé déns sa poche; Et jou que parly coume S. Paul, la
bouque ouberte, Ne saby pas trop si n'aourey pas moun
alerte, Si ne serey lancat et esperounat à moun tour
Coume Folly pur sang de Carayon-Lalour,
|
8
Et moi je dis comme Biquette de l'Ardit: Pas tant
d'honneur, un peut plus de profit. C'est que ma peau à
moi joue un grand rôle, Et préfère la conserver, et
puis passé pour drôle; Car si n'avait été la vitesse de mes
pieds, Qu'ils me l'auraient, sur ma foi, tournée à
l'envers; Et si je parle comme un peureux, Je
sais qu'il y en à d'autres, Et je préfère ce renom
Que d'habiter avec les taupes. Mais toi qui
parles épée espadon et puis canne, Absolument comme un
bourreur de crâne, On va voir tout à
l'heure, laissons les arriver, Si tu auras épée, espadon à proposer; Tout à
l'heure que tu parlais de pousser une botte, Et dans
un moment tu feras caca dans ta culotte. Si tu proposes,
certes, ils te prendront au mot, Et tu sais qui, Grigouille
de Manot, Qui joue de ça comme Tayau de la flûte,* Et qu'il ne sera pas le dernier à chercher dispute,
Car sitôt arrivé, ça, c'est un duel proposé; Et
toi, pauvre, de t'échapper à travers chaumes et haies Avec
la rapidité du pauvre Minoche, Une jambe sous le bras et le
pied dans sa poche; Et moi qui parle comme Saint Paul, la
bouche ouverte, Ne sais pas trop si n'aurais pas mon
alerte, Si je ne serais pas lancé et éperonné à mon
tour Comme Folly, pur sang de Carayon-Lalour,
*
(Tayau, nom de chien.) |
9
Ou
tannat, flagelle coume Jou chibaou de Moiselle,
Treynat per soun cabalié, est amey la selle.
Coume bédes que n'aourés jamais dit Que
Cague-Saou ère un homme d'esprit. Soubén un ménsounge baou
mey qu'une béritat, Tant per lou brabe coume per lou
scélérat, Et nous aoutes faou sustène qu'en assistat
Sur lou prat aou coumbat de Peyre Menat; Si
nous demanden à beyre les blessures, Diran que n'an feyt
que nous applatir les coutures, Et si trop benen nous
turlupina, Te lous émbiy à touts à caga.
Lons bala qu’arriben, mettén-nous de coustat,
Et Coumpreni Laguine, que dit m'an pelat.
Effectibement, nous comprîmes Laguine Qui
disait en patois, Mais à haute boix ; Pardiu, m'an
jolimént broussat l'esquine; Car si n'ère maimselle
Coquille, Qu'es pu nariouse qu'une canille, Et que
bindren aci nous fa tana la pet, Ma foey acos bien trop per
un pareil aoudet. Oui, dit lou Monte, tu dides coume bos,
Et jou, sans elle m'aouren brisat lous os,
Car tant que m'a cachat et mis én sûretat,
Un aoute es éntrat et l'y a tout rougat. Et
tu trobes qu'acos bien feyt ! La hala séns pan, ni
cruchade, ni farine déns la meyt. |
9
Ou tanné, flagellé comme le cheval de Moiselle,
Traîné par son cavalier, et aussi la selle.
Comme vous voyez que n'aurais jamais dit Que
Cague-Sel était un homme d'esprit. Souvent un mensonge vaut
mieux qu'une vérité, Tant pour le brave comme pour le
scélérat, Et nous il faut soutenir qu'on à assisté
Sur le pré au combat de Peyre Menat; S'ils
nous demandent à voir les blessures, Nous dirons qu'ils
n'ont fait qu'aplatir les coutures, Et si en plus, ils
viennent nous turlupiner, Je te les envoie tous à
caguer. Les voila qui arrivent, mettons-nous de côté,
Et je comprends Laguine, qui dit, ils m'ont pelé.
Effectivement, nous comprîmes Laguine Qui
disait en patois, Mais à haute voix ; Pardieu, ils
m'ont joliment brossé l'échine; Car si ce n'était mademoiselle
Coquille, Qui est plus sale qu'une guenille, Ils
viendraient ici nous faire tanner la peau, Ma foi ce serait bien
trop pour un pareil oiseau. Oui, dit le Monte, tu dis comme
tu veux, Et moi, sans elle ils m'auraient brisé les os,
Car pendant qu'elle m'a caché et mis en sûreté,
Un autre est entré et lui a tout mangé. Et
tu trouves que c'est bien fait ! La voila sans pain,
ni cruchade, ni farine dans la maie. |
10
Praoube g.... ! pot mette ses dénts aou
planchat, Car tout ce qu'abébe, l'y a rougat. Eh bé, ma
foey d'aounou, dit Lilos daou Mouret, Bas beyre que me la
baou mena à Naoutet. Eh bé ! ne feras pas maou, dit
Jeantillot de la Brousse, Seras bien gansourat. dam aquère
trousse, Et te promèty qu'es une fort bonne pet;,
Un cop bien polide, fera un boun mantet, Boun à
résista à la pluge, à la neige, à la grêle, Même aou
bounbardemént d'une citadelle. Bèdes-tu, moun cher, acos
une pèce de rempart; Aco es imprenable un cop bracat,
Epuey ne parlen pas mey d'aquelle bêtise,
Car ban de l'aban coume l'escribisse; Ce que me
tarde d'arribr aou cabaret, Pénsy qu'y trouberan
Cague-Saou epuey Espagnet. Aqui saouran si an assistat
Sur lou prat aou coumbat de Peyre Menat. Oui,
oui, dit Cague-Saou, y ey assistat, Et m'y suey battut én
désespérat. Ah! ah! te bala, dit Laguine, approche,
Saouran s'es exant de reproche. Alors nous
abançons sur la pointe des piés, Comme dux héros couberts
de l'auriers; Là nous troubons une armée en déroute,
Vien disposée à croquer une croûte; De suite
nous entrons ensemvle chez Laillic; Mais Laguine continue à
faire la bernic;
|
10
Pauvre garce ! Elle peut mettre ses dents au plancher, Car tout
ce quelle avait, il l'a mangé. Eh bien, sur mon honneur
dit Lilos du Mouret, Tu vas voir que je vais me
l'emmener à Nautet. Eh bien ! tu ne feras pas mal,
dit Jeantillot de la Brousse, Tu seras bien bridé avec
cette trousse. Et je te promets qu'elle a une fort bonne
peau; Un foi bien polie elle fera un bon manteau,
Bon à résisté à la pluie, à la neige, à la grêle,
Même au bombardement d'une citadelle.
Vois-tu mon cher, ceci est une pièce de rempart;
Ceci est imprenable un fois branché, Et puis
ne parlons plus de cette bêtise, Car allons de l'avant
comme je l'écris; Ce qu'il me tarde. d'arriver au cabaret,
Je pense qu'on y trouvera Cague-Sel et Espagnet.
Là on saura s'ils ont assisté Sur le pré au
combat de Peyre Menat. Oui, oui, j' y ai assisté, dit
Cague-Sel, Et je m'y suis battu en désespéré. Ah! ah! te
voila, dit Laguine, approche, Nous saurons si tu es exempt
de reproche. Alors nous avançons sur la pointe des pieds,
Comme deux héros couverts de lauriers; Là
nous trouvons une armée en déroute, Bien disposée à croquer
une croûte; De suite nous entrons ensemble chez
Laillic Mais Laguine continue à faire le difficile;*
* (En
matière de nourriture.)
|
11
Il
commence par nous apostropher, Nous tenant par le collet;
c'était trop près. A çà, dit Cague-Saou,
Bédy qu'aco finira maou.
qu bos ? Dis doun, Laguine, acos à jou qu’én
bos ? 'èn
0, positibemént à tu, Moussu Lados, Perqué faou
t'appela per toun noum. Lados et Cague-Saou ne soun qu'un
polissoun, Tabé coume l'aoute freluquet, Per
ne pas dire qui, Espagnet, Que s'es escapat coume une
bourrique, Dam la rapiditat daou télégraphe
électrique. Moi m'entendre appeler bourrique !
Cela me fit gonfler comme une varrique; Cette
insulte sonna si mal à mon oreille, Que j'armai mon vras
d'une grosse vouteille, Et je la brandis en l’air
Abéque la rapidité de l'éclair. Apprenez, lâches,
que quand il s'agit d'honnur,
Pas
un miux que moi pour espectatur, Et que jamais je ne recule
une affaire, N'importe quelle arme, sans adbersaire,
Et je bous prie à tous de croire . Que j'ai autant de
cur que le père Grégoire. A la bonne hore, dit La
France, Bala un lapin de grande espérance;
Faou doun bouta aille nadaou, Et qu'un chacun
poupi soun maou,
|
11
Il
commence par nous apostropher, Nous tenant par le collet;
c'était trop près. A çà, dit Cague-Sel, Je
vois que cela finira mal. Dis donc, Laguine, c'est à moi
que tu en veux ? Oui,
positivement à toi, Monsieur Lados, Puisqu'il faut
t'appeler par ton nom. Lados et Cague-Sel ne sont qu'un
polisson, Tout comme l'autre freluquet, Pour
ne pas dire qui, Espagnet, Qui s'est échappé comme une
bourrique, Avec la rapidité du télégraphe
électrique. Moi m'entendre appeler bourrique !
Cela me fit gonfler comme une barrique; Cette
insulte sonna si mal à mon oreille, Que j'armai mon bras
d'une grosse bouteille, Et je la brandis en l’air
Avec la rapidité de l'éclair. Apprenez, lâches,
que quand il s'agit d'honneur, Pas un mieux que moi pour
spectateur, Et que jamais je ne recule une affaire,
N'importe quelle arme, sans adversaire, Et je
vous prie à tous de croire
. Que j'ai autant de coeur que le père
Grégoire. A la bonne heure, dit La France,
Voila un lapin de grande espérance; Faudra donc
mettre ..?..?*. Noël, Et que chacun tète son mal,
*(terme
incompris)
|
12
Epuèy trinqua, dam une boune rasade, A l'aounou
d'aquère mémorable journade Faou l'appela la bataille de
Peyre Menat, Et fa graba sur ladite peyre,
Per une man fort leougeyre, Lou noumbre qu'un
chacun a tuat. Oh ! én d'aquet mot de graba,
Fallut lou beyre se quilla. Jou me sucy battut
coume cinq, Trés seran morts aou matin. Jou,
aou béntrut de la Moulière, D'une paoumade l'ey réduit én
poussière. Un aoute a courut én fier goujat,
D'un cop de griffe l'ey escartelat. Jou, à Cadet
de l'Hercule, D'un cop de pé l'y ey coupat la gule.
Jou, aou tignous de la Rouquette, L'y ey jolimén
tapat sur la berette. Jou, aou grand blanc de Larquey,
L'ey saisit per la braguette et lou cintey, En
l'air te l'ey émbiat, A l'hore qu'es n'es pas toumbat;
Lou crédy crouchat à la lune,, On bien à la
planète de Saturne. Grand Diu ! Mon Diu ! dit
Cague-Saou, Que de morts et blassats à l'hespitaou;
Jamey ne s'es bis déns un si petit billatche Un
si affrus et si cruel carnatche, |
12
Et
puis trinqué, avec une bonne rasade, A l'honneur de
cette mémorable journée Il faut l'appeler la bataille de
Peyre Menat, Et il faut graver sur ladite pierre,
Par une main fort légère, Le nombre que chacun a
tué. Oh ! à ce mot de graves Il fallu les voir se lever.
Moi je me suis battu comme cinq, Trois seraient
morts au matin. Moi, au ventru de la Moulière,
D'un coup de paume je l'ai réduit en poussière. Un autre
a couru en fier goujat, D'un coup de griffe je l'ai
écartelé. Moi, à Cadet de l'Hercule, D'un
coup de pied je lui ai coupé la gueule. Moi, au méchant de
la Rouquette, Je lui ai joliment tapé sur la tête.
Moi, au grand blanc de Larquey, Je l'ai saisi par
la braguette et la ceinture, En l'air je l'ai envoyé,
A l'heure qu'il est il n'est pas encore retombé;
Je le crois accroché à la lune, On bien à la planète
de Saturne. Grand Dieu ! Mon Dieu ! dit Cague-Sel,
Que de morts et blessés à l'hôpital; Jamais il
ne
n'est vu dans un si petit village Un si affreux et si
cruel carnage,
|
13 Car
si ne tapouen tout aco, Marchandise que ne baou pas un so,
Et les y dire un de profundis, Ban, lou
diable m'émporte, infecta lou péis. Enfin, bous boyez cette
mortalité, Eh bé ! pas un sul n'était vlessé,
Car nos casse-bras, casse-reins Abaient fui
à pleines jamves et perdu les chémins, Et moi, en brai
luron, J'étais caché derrière un buisson.
Mais j'en ai déjà fait l'abu, Que j'étais un
paubre puru. Non, si c'était de se vattre en gourmand,
Oh ! là j'ai la balur du chibalier Rolland,
Car si le gastronome est d'un grand mérite, Je
dois aboir la décoration de la marmité. Nous quittâmes la
Saubotte à dux hures duaco, Et un chacun des héros prit son
chemin. De Vernille j'étais sul; sans pur
J'attrape la grille, je franchis le mur Du parc
du château. Que c'était veau ! Qu'un
polisson de ma taille Franchisse fossés, grilles et
muraille ! Les gens du château se disaient,
Ah ! finira maou aquet cadet; Beyrats qu'aquet
lapin Quaouque matin,
|
13 Car si on
enterre pas tout ça, Marchandise qui ne vaut pas un sou,
Et leur dire un déprofondis, Ils vont, le
diable m'emporte, infecter tout le pays. Enfin, vous voyez
cette mortalité, Eh bien ! pas un seul n'était blessé,
Car nos casse-bras, casse-reins Avaient fuit
à pleines jambes et perdu les chemins, Et moi, en vrai
luron, J'étais caché derrière un buisson.
Mais j'en ai déjà fait l'aveu, Que j'étais un
pauvre peureux. Non, si c'était de se battre en gourmand,
Oh ! là j'ai la valeur du chevalier Rolland,
Car si le gastronome est d'un grand mérite, Je
dois avoir la décoration de la marmite. Nous quittâmes la
Saubotte à deux heures du matin, Et un chacun des héros prit son
chemin. De Vernille j'étais seul; sans peur
J'attrape la grille, je franchis le mur Du parc
du château. Que c'était beau ! Qu'un
polisson de ma taille Franchisse fossés, grilles et
murailles ! Les gens du château se disaient,
Ah ! Il finira mal ce cadet; Vous verrez que ce
lapin Quelque matin,
|
14
Lou
trouberan én d'un grinchoun Péndillat coume un
jamboun, On se sera tuat Én franquissant
foussat. Pénsy qu'aco finira leou, Car lou
ban mette tounelié à Bourdeou.. A Bourdeou ! ma
foey Gare la chichoey; Fera couine lou
champignoun, N'y restera rés de boun. Paubre
créature ! Boilà certes ta vonne abanture,
Et sans faire d'enquête, de comodo et incomodû,
Ces varvares m'expédièrent à Vordeaux, En
apprentissage aux Chartrons, Chez Barrière, rue des
Retaillons. Arribé là, je fus un ermite,
J’allais de l'attelier à la marmitte; J'y fis là
dux ans d'apprentissage, Autrement dit, dux ans
d'esclabage. Ce pu de temps me semvlait une éternité,
Tant, j'aspirai ce veau jour de liverté. Elle
arriba cette journée liveratrice Qui déchaîna cet ange de.
Satan sans bice Jugez si j'étais countent de moun
sort, Plus qu'un forçat qui quitte Rochefort.
J’abais donc gagné la clé des champs, Et je
n'employais pas mal mon temps
|
14
On
le trouvera sur une grille Pendu comme un
jambon, Où, il se sera tué En franchissant
le fossé. Je pense que cela finira bientôt,
Car on va le mettre tonnelier à Bordeaux A
Bordeaux ! ma foi Gare à la chichoey; Il fera comme le
champignon, Il ne restera rien de bon.
Pauvre créature ! Voilà certes ta bonne
aventure, Et sans faire d'enquête, de comodo et
incomodo, Ces barbares m'expédièrent à Bordeaux, En
apprentissage aux Chartrons, Chez Barrière, rue des
Retaillons. Arrivé là, je fus un ermite,
J’allais de l'atelier à la marmite; J'y fis là
deux ans d'apprentissage, Autrement dit, deux ans
d'esclavage. Ce peu de temps me semblait une éternité,
Tant, j'aspirai ce beau jour de liberté. Elle
arriva cette journée libératrice Qui déchaîna cet ange de
Satan sans vice Jugez si j'étais content de mon sort,
Plus qu'un forçat qui quitte Rochefort. J’avais
donc gagné la clé des champs, Et je n'employais pas mal mon
temps
|
15
A fureter du côté de la
place Dauphine; Bous boyez que ça prend vonne
mine. J'arribe donc au miliu de la place Et je bis
à droite, à gauche et en face Plus d'une croisée qui abait
sa poupée, Non de bingt-huit sous, mais d'une guinée.
Un flanur qui se troubait dans ce parage Me
dit : bois-tu ces oiseaux au veau plumage, Car nous sommes
ici, Coco, en grand pays giboyux; Mais ça ne baut rien pour
nous, mon biux; C'est trop fin, c'est trop chicard,
Ca ne se vaisse pas pour ramasser nu liard;
Quoiqu'elles soient avonnées au Français, Ca
n'est pas toujours ce qu'il y a de plus frais. Bire, bire
de vord; gagne le Vaux-Hall, Elles sont fraîches, elles
sortent de l'hôpital Moi, content d'une si grande
découberte, A bisiter ce liu je fus très alerte,
Et sans faire un grand détour, J'enfile la
rue Bieille-Tour. Oh ! là j'étais content,
Je gonflais en passant De boir ces vijoux
Me faire les yux doux, M'appeler mon ami,
J'en étais transi. Entrez, dit une des
velles, Chamarrée de dentelles;
|
15
A fureter du côté de la
place Dauphine; Vous voyez que ça prend bonne
mine. J'arrive donc au milieu de la place Et je
vis à droite, à gauche et en face Plus d'une croisée qui
avait sa poupée, Non de vingt-huit sous, mais d'une guinée.
Un flâneur qui se trouvait dans ce parage Me
dit : vois-tu ces oiseaux au beau plumage, Car nous sommes
ici, Coco, en grand pays giboyeux; Mais ça ne vaut rien
pour nous, mon vieux; C'est trop fin, c'est trop chic,
Ca ne se baisse pas pour ramasser un liard;
Quoiqu'elles soient abonnées au Français, Ca
n'est pas toujours ce qu'il y a de plus frais. Vire, vire
de bord; gagne le Vaux-Hall, Elles sont fraîches, elles
sortent de l'hôpital Moi, content d'une si grande
découverte, A visiter ce lieu je fus très alerte,
Et sans faire un grand détour, J'enfile la
rue Vieille-Tour. Oh ! là j'étais content,
Je gonflais en passant De voir ces bijoux
Me faire les yeux doux, M'appeler mon ami,
J'en étais transi. Entrez, dit une des
belles, Chamarrée de dentelles;
|
16
Moi,
content d'une si grande affabilité,
Je m'arrêtais immobile et tout électrisé;
Je ne sabais donc que fâÎre
Là, en présence de ma jolie commère;
Mais une réflexion, me bint à l'instant
Que faire? Pas d'argent.
Aussi poche bide craint pas d'escroc,
Et je me pilotai sur la rue Saint Roch
De loin je sentis cette rue
Exhalant l'odur de molue.
J'arribe, je tomve à l'arrêt, comme Médor,
D'un millier de filles qui étaient dehors,
Assises sur des chaises, les jamves en l'air,
Que l'odur de ces f ...............
en infectaient l'air.
Allignées sur dux rangs,
Montrant aux passans
( Debinez )
Ce quelque chose où l'on ne met pas le nez,
Je ne poubais être plus capon qu'un autre,
Et j'inspectai les rangs d'un bout à l'autre;
A tribord on m'appelait cousin, mon ami,
A babord, cousin, biens donc ici.
Grand Diu ! dis-je, tout ça ma famille !
Ah! la sale pacotille !
J'entrai dans un café
Pour hoir danser
La galope, la chahue
A une Margot aux trois-quarts nue
|
16
Moi, content d'une si grande affabilité, Je m'arrêtais immobile
et tout électrisé, Je ne savais donc que faire Là, en présence de ma
jolie commère; Mais une réflexion me vint à l'instant: Que faire ?
Pas d'argent. Aussi, poche vide ne craint pas l'escroc Et je me
pilotais sur la rue Saint Roch, De loin je sentis cette rue Exhalant
l'odeur de la morue. J'arrive, je tombe à l' arrêt, comme Médor D'un
millier de filles qui étaient dehors, Assises sur des chaises, les
jambes en l'air Que l'odeur de ces fesses en infestait
l'air. Alignées sur deux rangs, Montrant aux passants,
Devinez
? Ce quelque chose où l'on ne met pas le nez. Je ne pouvais être
plus capon qu'un autre, Et j'inspectais les rangs d'un bout à
l'autre. A tribord, on m'appelait cousin, mon ami, A bâbord, cousin,
viens donc ici. Grand Dieu dis-je, tout ça ma famille ! Ah ! La sale
pacotille. J'entrais dans un café Pour voir danser La galope, la
chabine A une Margot au trois quart nue.
|
17
D'autres,
sautant, fringant,
Se
dandinant, se querellant.
L'une, aux prises abec un marin,
Qui me paraissait très-malin;
Qui, d'un gros coup de poing,
La démolit dans un coin.
Ciel de Diu ! quel train !
Brai, j'y perdais mon latin.
Et puis, rebenir dans rue Saint Roch ! ut !
Autant bau-il l'écorcherie du Mut.
Je file mon nud ben les Chartrons
Pour prendre chez Barrière, rue des Retaillons,
Mon paquet et le porter dans rue Doidy,
Chez Madame Lafargue, qui logeait en garni
A quatre francs par mois; mais une compagnie
Du sexe masculin. Boyez quelle infamie !
Je m'installai là comme font tous les crânes,
Et j'eus pour camarade de lit Tibau de Brannes.
Le matin il fit jour, il fallait trabailler;
C'était de rigur, il fallait déjuner
Tibau se lèbe et me dit:
Benez abec moi au vout de rue Saint Esprit;
De rue Saint Esprit au bout de rue Raze
Nous sommes par sept à huit cents sur place.
Je me lèbe, et je m'aville,
Et je me joins à la grande famille.
Je commençais à m'y faire de la bille,
Quand je bois arriber le maître de Capdebille,
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17
D'autres, sautant,
fringant, Se dandinant, se querellant,
L'une aux prises avec un marin, Qui
me paraissait très malin; Qui, d'un grand coup de poing, La démoli
dans un coin. Ciel de Dieu, quel train ! Vrai, j'y perdais mon latin. Et puis revenir rue Saint
Roch ! zut ! Autant vaut-il l'écorcherie
du Mut.* Je file vers les Chartrons Pour
prendre, chez Barrière, rue des retaillons, Mon paquet et le porter dans
la rue Doidy, Chez Mme Lafargue, qui logeait en garni A quatre
francs par mois; mais une compagnie Du sexe masculin, voyez cette
infamie ! Je m'installais là comme tous les crânes, Et j'eus comme
camarade de lit, Thibau de Brannes. Le matin il fit jour, il fallait
travailler. C'était de rigueur, il fallait déjeuner Thibau se lève
et me dit: Venez avec moi au bout de la rue Saint Esprit; De la rue
Saint Esprit au bout de la rue Raze Nous sommes sept à huit cents sur
place. Je me lève et je
m'habille, Et je me joins à la grande famille. Je commençais à m'y
faire de la bile, Quand je vois arriver le maître de
Capdeville, *(Nom
propre signifiant "le muet".) |
18
Qu'on appelle
maitre Martin, Qui bint nous prendre
à sept hures du matin, Nous disant : il m'en faut
sept, Et arribez de suite au quatre-bingt-sept.
Jugez si nous étions contents, Surtout moi,
rapport à mes dents, Qui n'aiment pas à rester sans rien
faire, Comme le reste du corps qui ferait le
contraire. J'arribe donc au chai tout essoufflé;
Je demande en entrant : a-t-on déjuné ?
Comment déjuner ! dit le contre-maitre Espagne,
On dirait que bous sortez de la montagne Bous
saurez que, l'on dèjùne à huit hure ; Installez-bous
et ne comptez pas les hures. Pardon, maitre, mais abant de
commencer, Combien dois-je gagner ? Pardiu,
comme dans un autre attelier. A quarante sous la peau du
tonnelier. Çà n'est pas malin. Non, dit
maître Martin : Eh vien! si cela ne bous contente pas
l'ami, Retournez à la place, et tout sera fini.
Retourner à la place ! Je lui fis 1a
grimace. Oui ! bas-t-en boir s'ils biennent, Jean
Bas-t-en boir s'ils biennent. Bous êtes trop
von enfant, Pour qu'à bous l'on ne tienne.
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18
Qu'on appelle maître Martin, Qui vint nous prendre à
sept heures du matin, Nous disant : il m'en faut sept,
Et arrivez de suite au quatre-vingt-sept. Jugez
si nous étions contents, Surtout moi, rapport à mes
dents, Qui
n'aiment pas à rester sans rien faire, Comme le
reste du corps qui ferait le contraire. J'arrive donc au
chai tout essoufflé; Je demande en entrant : a-t-on
déjeuné ? Comment déjeuner ! dit le contremaître
Espagne, On dirait que vous sortez de la montagne
Vous saurez que, l'on déjeune à huit heure ;
Installez-vous et ne comptez pas les heures.
Pardon, maître, mais avant de commencer, Combien
dois-je gagner ? Pardieu, comme dans un autre atelier.
A quarante sous la peau du tonnelier. Çà n'est
pas malin. Non, dit maître Martin : Eh bien!
si cela ne vous contente pas l'ami, Retournez à la place,
et tout sera fini. Retourner à la place !
Je lui fis la grimace. Oui ! vas-t-en voir
s'ils viennent, Jean Vas-t-en voir s'ils viennent.
Vous êtes trop bon enfant, Pour qu'à vous
l'on ne tienne.
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19
Oui , c'était le moment de se rincer le
vec, Et j'abais déjà à senti l'odur du bifeteck,
Qui se chauffait sur un énorme gril, Qu'à le boir
je m'en grattais le nombril. Et puis leber l'ancre; pas si
vête, Coco, Ce tour surpasserait çux de Vosco
Le grand escamotur, Equilibriste, jonglur,
Qui à ma place, Le grand cocace,
Aurait certainement Escamoté le bifeteck
lestement. Boilà, dit le maitre , une varrique à
réparer, Et mettez-la en rose abant le déjuner.
Déjuner ! c'est que je n'ai ni argent, ni pain.
Eh vien ! tant miux, bous déjunerez demain. Mais
en disant cela, il riait entre ses dents, Mit la main à la
poche, en retira dux francs. Là, anats bous quère daou
frico et daou pan; Si mingeats tout anueyt, n'aourats rés
deman. Abets une gargote aqui déns la ruye,
Que bous béndra de la mouluye, Daou camajot, daou
martrame, Daou merlus, de la baoudane, Dos
chancres, et même de l'andouille. Croyez-bous que ça me
chatouillait la bredouille ? J'enfile le corridor ,
D'un bond je suis dehors,
|
19
Oui , c'était le moment de se rincer le
bec, Et j'avais déjà à senti l'odeur du bifteck,
Qui se chauffait sur un énorme gril, Qu'à le voir
je m'en grattais le nombril. Et puis lever l'ancre; pas si
vête, Coco, Ce tour surpasserait ceux de Vosco
Le grand escamoteur, Équilibriste, jongleur,
Qui à ma place, Le grand cocasse,
Aurait certainement Escamoté le bifteck
lestement. Voilà, dit le maître, une barrique à
réparer, Et mettez-la en rose avant le déjeuner.* Déjeuner ! c'est que je n'ai
ni argent, ni pain. Eh bien ! tant mieux, vous déjeunerez
demain. Mais en disant cela, il riait entre ses dents,
Mit la main à la poche, en retira deux francs.
Là, allez vous chercher de la viande et du pain;
Si vous mangez tout aujourd'hui, vous n'aurez rien demain.
Vous avez une gargote là dans la rue, Que vous
vendra de la morue, Du talon de jambon, de la raie, Du
colin, de la baoudane, Des moules, et même de l'andouille. Croyez-vous que ça
me chatouillait la bredouille ? J'enfile le corridor,
D'un bond je suis dehors,
* (Pour
la réparer, les cercles sont otés d'un bout, la barrique s'ouvre en corolle.) |
20
J'achète un voudin. Je
rentre, et j'entends maître Martin Qui disait : crédi
ne pas me troumpa gaeyre, Qu'an aqui un famux
acabaeyre; Sa mine me dit qu'es un aoudet A
ne pas fa graney de sa pet; , Car jou didi, et ey toujours
dit, Qu'un june homme séns argént es un bandit.
Bous n'abez pas tort, Que je lui dis d'avord :
Après bingt-quatre mois d'apprentissage,
Sans gagner un son ,que mon esclabage, Et
c'est ma duxièmê journée de liverté, Jugez comme je dois
être remonté. Aussi, je ne fis pas grand cas de son récit,
Sachant qu'une autre chemise logeait le vandit. Il
commande son déjuner, frappant sur une varrique, Abec le
ton, l'orgueil d'un président de république, Qui n'a certes
pas comme lui L'abantage d'être si vien ovéi.
Je prends mon pain ainsi que mon voudin, Et boilà
l'arsenal des boraces en train : Poêle, poêlon, gril,
casserole, La patte au plat, fourchette à la créole.
Moi j'étais sul, les autres étaient douvles,
Mangeant cur de buf et du gradouyle. Jugez
que poubait être dans mon bentre un voudin; C’était un
goujon dans la gule d'un requin :
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20
J'achète un boudin. Je
rentre, et j'entends maître Martin Qui disait : je ne
crois guère me tromper, Que nous avons là un fameux
achevé; Sa mine me dit qu'il est un oiseau A
ne pas faire grand chose de sa peau ; Car je dis et ai
toujours dit, Qu'un jeune homme sans argent est un
bandit. Vous n'avez pas tort, Que je lui dis
d'abord : Après vingt-quatre mois d'apprentissage,
Sans gagner un sou, que mon esclavage, Et
c'est ma deuxième journée de liberté, Jugez comme je
dois être remonté. Aussi, je ne fis pas grand cas de son
récit, Sachant qu'une autre chemise logeait le bandit.
Il commande son déjeuner, frappant sur une barrique,
Avec le ton, l'orgueil d'un président de république,
Qui n'a certes pas comme lui L'avantage
d'être si bien obéi. Je prends mon pain ainsi que mon
boudin, Et voilà l'arsenal des voraces en train :
Poêle, poêlon, gril, casserole, La patte au plat,
fourchette à la créole. Moi j'étais seul, les autres
étaient doubles, Mangeant coeur de boeuf et du gras double.
Jugez que pouvait être dans mon ventre un boudin;
C’était un goujon dans la gueule d'un requin :
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21
Aussi, j'entendais ma bredouille
Qui faisait le chant de la grenouille. Il me
fallait pourtant remplir ce bide. Et par quel moyen, si ce
n'est par le liquide. Tout-à-coup, je m'aperçois de l'enfer
Armé d'un grand coco de fer, De suite je lui
pousse une bisite, A ce démon d'un grand mérite,
Et je lui donne cinq à six vaisers de grand cur,
Et sur ma vonne foi, sans là moindre horrur.
L'enfer ! qu'elle vètise ! Plutôt le purgatoire,
Car rien n'y manque, pas même le voire; Et
si le Diavle traitait comme çà ses amis, Le Vondieu
n'aurait pas un tourin en paradis. Allons, dit le maître, à
l’oubrage, Le déjuner dure une hure, pas dabantage.
Je reprends ma varrique, je la couche, je la mâte,
Je la belte, je l'a jauge et je la gratte,
Et je relèbe la vonde, qui était trop plate,
Tout aussi adroitement qu'un cochon de sa patte.
Il me restait donc à la contre‑varrer; Je la
faisais tourner sans jamais commencer. Gidal s'aperçut de
ma gaucherie. bous n'abez jamais contre-varré, je
parie; Mais non. Eh vien ! c'est von;
Mettez-bous là, à côté de moi, Et dans huit jours
aucun ne bous fera la loi..
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21
J'entendais ma bredouille Qui faisait le chant de la
grenouille. Il me fallait pourtant remplir ce bide.
Et par quel moyen, si ce n'est par le liquide.
Tout-à-coup, je m'aperçois de l'enfer Armé d'un
grand bol de fer, * De suite je
lui pousse une visite, A ce démon d'un grand mérite,
Et je lui donne cinq à six baisers de grand coeur,
Et sur ma bonne foi, sans la moindre horreur.
L'enfer ! qu'elle bêtise ! Plutôt le purgatoire,
Car rien n'y manque, pas même le boire; Et
si le Diable traitait comme çà ses amis, Le Bon Dieu
n'aurait pas un tourin en paradis. Allons, dit le maître, à
l’ouvrage, Le déjeuner dure une heure, pas davantage.
Je reprends ma barrique, je la couche, je la mâte,
Je la lève, je la jauge et je
la gratte, Et je relève la bonde, qui était trop plate,
Tout aussi adroitement qu'un cochon de sa patte.
Il me restait donc à la contre-varrer; Je la
faisais tourner sans jamais commencer. Gidal s'aperçut de
ma gaucherie. Vous n'avez jamais contre-varré, je
parie; Mais non. Eh bien ! c'est bon;
Mettez-vous là, à côté de moi, Et dans huit jours
aucun ne vous fera la loi.
*(Le
coco est le plus souvent un bol en bois.) |
22
D'avord , c’était un famux luron que Gidal; Son
oubrage luisait comme du cristal. Quoique ses chebilles
fussent coupées à l'hace, On s'y boyait comme dans une
glace. Je debais donc m'associer à ce grand génie,
Pour attraper de lui son secret et sa manie;
Aussi, je ne me fis pas tirer 1'oreilIe
Pensant que j'allais faire merbeille. Il s'y prêta de grand cur, et
je l'en remercie vien, Qu'en moins d'un mois mon oubrage
balut le sien. Jaloux comme une furie de tous mes progrès,
Les autres le boyaient et faisaient esprès.
Ils n'abaient qu'à dire, pour le faire vondir en
rage : Bibe Espagnet ! pour le contre-varrage.
Il fallut pourtant me séparer de çet être; Il ne
poubait souffrir que l'apprenti balut le maitre Je
m'associais alors à un autre plat, Abec l'ami Gautier et
l'ami Granlat; Mais Gidal ne cessait de me taquiner,
Àu point qu’un jour il se fit calotter. Par
derrière, il me faisait des chimagrées, C'était amusant,
cela causait des risées. Je me retourne, il faisait sur moi
le macaque; Je lui tombe dessus et lui applique une claque
Il tombe entre le chapus et la bartabelle.
Je lèbe le pied pour lui vroyer la cerbelle,
Quand un remords de grande compassion Me
dit: laisse bibre ce petit polisson. |
22
D'abord, c’était un fameux luron que Gidal; Son
ouvrage luisait comme du cristal. Quoique ses chevilles
fussent coupées à la hache, On s'y voyait comme dans une
glace. Je devais donc m'associer à ce grand génie,
Pour attraper de lui son secret et sa manie;
Aussi, je ne me fis pas tirer 1'oreilIe
Pensant que j'allais faire merveille. Il s'y prêta de grand coeur, et je
l'en remercie bien, Qu'en moins d'un mois mon ouvrage valut
le sien. Jaloux comme une furie de tous mes progrès,
Les autres le voyaient et faisaient exprès.
Ils n'avaient qu'à dire, pour le faire bondir en
rage : Vive Espagnet ! pour le contre-varrage.
Il fallut pourtant me séparer de cet être; Il ne
pouvait souffrir que l'apprenti valut le maître Je
m'associais alors à un autre plat, Avec l'ami Gautier et
l'ami Granlat; Mais Gidal ne cessait de me taquiner,
Au point qu’un jour il se fit calotter. Par
derrière, il me faisait des simagrées, C'était amusant,
cela causait des risées. Je me retourne, il faisait sur moi
le macaque; Je lui tombe dessus et lui applique une claque
Il tombe entre le chapus et la bartabelle. Je lève le pied pour lui broyer la
cervelle, Quand un remords de grande compassion
Me dit: laisse vivre ce petit polisson.
|
23
Il
se lèbe, dégourdi comme un crapaud, Il fait son paquet et
prend son chapeau; Il part sans nous dire adiu,
Et il n'a plus reparu en ce liu. Pardiu, abés bien feyt,
dit meste Martin, Couménçabe à m'anuja tout aquet
trin. Amey
jou, dit lou countre-meste Espagne, Sous airs me dounaben
jolimént la cagne; ‑ Tamillou que sie partit, dit l'amic
Gautier, Aouran douman la paix déns l'attelier.
Oui, Diu merci, dit l'amic Granlat, Fa tant de
trin, aquet petit escaoudat, Que n'es qu'un esquelette
mountat sus ses cames Que ne pèse pas quarante kilogrammes.
Es qu'Espagnet ne baou pas Gidal ?
Epuey ne parlen pas mey d'aquet original. Mais
bous, anats quitta boste francés, Et parleras coume lous
aoutes lou patois bourdelés. Eh vien ! oui. Puisque
bous me faites ce reproche, Je bais bous parler de la main
gauche. Firy dounc déns aquet chaey une boune campagne, Abéque la protectioun, de meste Espagne.
Péndént aquet témps remountéry ma garde-raoube:
N'én abéby besouing, car ère bien praoube; Mais
charlatan coume un bil charlatan, Espédiéry une lettre
adressade à maman. Et bala soun countenu,
Gueytats si éry un broey moussu;
|
23
Il
se lève, dégourdi comme un crapaud, Il fait son paquet et
prend son chapeau; Il part sans nous dire adieu,
Et il n'a plus reparu en ce lieu. Pardieu, avez
bien fait, dit maître Martin, Cela commençait à m'ennuyer
tout ce bruit.
Même moi dit le contremaître Espagne,
Ses airs me donnaient joliment la flemme;
Tant mieux qu'il soit parti, dit l'ami Gautier,
Demain nous aurons la paix dans l'atelier.
Oui, Dieu merci, dit l'ami Granlat, Il fait tant
de bruit ce petit échaudé, Qui n'est qu'un squelette monté
sur ses jambes Que ne pèse pas quarante kilogrammes.
Est-ce qu'Espagnet ne vaut pas Gidal ?
Et puis ne parlons plus de cet original. Mais
vous, vous allez quitter votre français, Et parlerez comme
les autres, le patois bordelais. Eh bien ! oui.
Puisque vous me faites ce reproche, Je vais vous parler de
la main gauche. Je fis donc dans ce chai une bonne
campagne, Avec la protection, de maître Espagne.
Pendant ce temps je remontais ma garde-robe: J'en
avais besoin car elle était bien pauvre; Mais charlatan
comme un vrai charlatan, J'expédiais une lettre à maman.
Et voilà son contenu, Regardez si j'étais un
joli monsieur;
|
24
Très chère maman , Boici vientôt un an
Que botre garçon Bit en bagabon,
Comme le chien errant Qui attrape en passant
Au coin de la rue Un os de poulet ou de
molue. Abouats qu'escribe de la sorte ère une
infamie Esposa maman à une attaque d'apoplexie.
Praoube femme ! Et jou si infàme !
N'empêche pas que la lettre fit soun effet;
M'achetet tout un rechange, hormis la pet :
Habit blu, giletot épuey un capet gris. Me
ficelaby touts lous diménches coume un marquis Pantaloun
blanc à blouses et à braguette, Me tenéby bandat coume lou
cousin Marquette; Vottes à fer d'ase, crabate en satin
bioulet, Jamey n’aourets dit : acos Espagnet. Lou
capet sur l'aoureille, lou calicot sur l'uil, Eri pu crâne
que lou banquier Samazuil. Lou decey anaby à Giloutin ou
aou Francés; Applaudisséby toujours, pire qu’un
Anglés, Surtout quand jougaben lou Sourdat Labourur,
Barbe-Rousse, ou Bruno lou Filur; Lou plaisir
qu'y prenéby estripabe ma bourse, Ne déchéry lou Sourdat,
Bruno amey Barbe-Rousse,
|
24
Très chère maman , Voici bientôt un an
Que votre garçon Vit en vagabond,
Comme le chien errant Qui attrape en passant
Au coin de la rue Un os de poulet ou de
morue. Avouez qu'écrire de la sorte est une
infamie Exposer maman à une attaque d'apoplexie. Pauvre
femme ! Et moi si infâme !
N'empêche pas que la lettre fit son effet; Elle
m'acheta tout un rechange, hormis la peau : Habit
bleu, petit gilet et puis un chapeau gris. Je me
ficelais tous les dimanches comme un marquis Pantalon blanc
à blouses et à braguette, Je me tenais raide comme le
cousin Marquette; Bottes à fer d'âne, cravate en satin
violet, Jamais on aurait dit : ça c'est Espagnet.
Le chapeau sur l'oreille, le calicot sur l'oeil,
J'étais plus fier que le banquier Samazuil.
Le soir j'allais au Giloutin ou au Français;
J'applaudissais toujours, pire qu’un Anglais,
Surtout quand ils jouaient le Soldat Laboureur,
Barbe-Rousse, ou Bruno le Fileur; Le plaisir que
j'y prenais étripa ma bourse, Que je laissais le Soldat,
Bruno et même Barbe-Rousse, |
25
Pas séns regret d’une broye actrice,
Que n'aoury d'abord feyt moun caprice ; Car
si abéby ahut ce que n'abéby pas,
Pribat d'aco, fallut s’èn counsoula; Boly
dire lous milliouns de moussu Aguado, Et per la petite
Eliza aouré bien fallut aco, Per la fa roula à la grande
dosmouns, Quatre chibaous et dus postillouns,
Dux lacays bigarrats de mille coulous Calinant
coucuts et jamais un espous. Oh ! la couquine !
ère un jolit boucin de biande, Mais pas toujours de la
mey friande. Ere graciouse, croquante, séduisante,
coquette. Falèbe la beyre jouga Séns Tambour ni
Troumpette: Habillade én sourdat, Lou
sabre aou constat, Lou maniant aoussi bien que lou pu
malin,
Et lous tres quarts daou temps négade déns lon bin;
Tabé lou rôle d’ibrougne l’y anabe à merbeille :
Aban de débuta, se passabe une bouteille D'aquet famus
bin de Lunel; S'ibrougnabe y épuey jougabe aou naturel.
En sourtén des coulisses, éntrant sur scène,
Partében d’un ride à fa peta la bedenne, De
la beyre dam aquet air si polissoun , Débuta si bien et
pas se téne d'aploun. Quaou doumatche qu'aquet boun
sutjeyt
Sie un aoussi méchant sutjeyt !
|
25
Pas sans le regret d’une jolie actrice,
Qui n'aurait d'abord fait mon caprice ; Car
si j'avais eu ce que n'avais pas, Privé de ça, il fallut
s’en consoler;
Je veux dire les millions de monsieur Aguado, Et
pour la petite Eliza il aurait bien fallu tout ça, Pour
la faire rouler à la grande d'Aumont,
* Quatre chevaux et deux postillons, Deux laquais
bigarrés de mille couleurs Câlinant cocus et jamais un
époux. Oh ! la coquine ! Elle était un joli
bout de viande, Mais pas toujours de la plus friande.
Elle était gracieuse, croquante, séduisante, coquette.
Il fallait la voir jouer sans Tambour ni Trompette:
Habillée en soldat, Le sabre au côté,
Le maniant aussi bien que le plus malin, Et les
trois quarts du temps noyée dans son vin; Ainsi le rôle
d'ivrogne lui allait à merveille : Avant de débuter,
elle buvait une bouteille De ce fameux
vin de Lunel; Elle s'ivrognait et puis jouait au naturel.
En sortant des coulisses, entrant sur scène, Nous
partions d'un rire à faire péter la bedenne, De la voire
avec cet air si polisson , Débuter si bien et ne pas se
tenir d'aplomb. Quel dommage que ce sujet Soit
un aussi mauvais sujet !
*(Grand
attelage de prestige.)
|
26
Coume
coumprenne ?
Anats m'énténde :
Eliza es un grand méchant sutjeyt,
Eliza es un grand grand antjeyt.
Bala pertant duyes grandes béritats,
Et toutes les duyes an ses qualitats;
Mais y a une différénce de l'une à l'aoute,
Coume lou can et lou gat à jouga de la paoute.
Cesséry doun d'ana aou Francés,
Mais anaby aillours que n'ère gaeyre pu frés
Chez Léoun, déns rue Chapelle Saint-Martin,
Fa, coume lous aoutes, moun libertin.
Léoun boulèbe me fa soun héritey,
De compagnie d'un béritable fumey;
Mais
estury assez délicat
Per prenne én horrur un pareil marcat.
Cé qu'appartenén à une famille honeste,
Dibéby m'assoucia à quaoucarés de pu modeste,
Et s'én anabe témps que changessy de directioun;
M'én anabi pusca, cassa, ou fa collatioun,
Aou marais, chez Ribière ou chez Darnail,
Car ère aqui lou grand attirail
Daous puscaeyres, cantaeyres et cassaleyres,
Enfin tout ce qu'appelleù lous acabaeyres.
Faou lous beyre arriba, lou fusil én bandoulière,
Lou paon, à crosse, une grande carnacière
Boundade de sits, périnclettes et alaoudettes;
Bous plumen tout aco, bous féden des brouquettes.
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26
Comment comprendre ? Vous allez m'entendre, Elisa est un grand mauvais sujet,
Elisa est un grand grand sujet. Voila pourtant deux grandes vérités Et toutes les deux ont ses
qualités mais il y a une différence de l'une à l'autre, Comme le
chien et le chat de jouer de la patte. Je cessais donc d'aller au
Français Mais j'allais ailleurs qui n'est pas plus frais Chez
Léon dans la rue Chapelle Saint Martin Faire comme les autres, mon
libertin Léon voulait me faire son héritier En compagnie d'un
véritable fumier, Mais je fus assez délicat Pour prendre en horreur
un pareil marché, C'est qu'appartenant à une famille honnête, Je
devais m'associer à quelque chose de plus modeste, Et il s'en allait
temps que je change de direction, Je m'en allais pécher, chasser ou
faire collation Au Marais chez Rivière ou chez Darnail, Car c'était
là le grand attirail Des pêcheurs, chanteurs et chasseurs Enfin tout
ce que l'on appelait les finisseurs* Il
fallait les voir arriver le fusil en bandoulière, Le bâton à crosse(le
fusil), une grande carnassière Remplie de grives, mésanges et alouettes, Ils vous plumaient tout ça, vous
faisaient des brochettes, *(avec le sens de ceux qui dilapident leur
héritage.) |
27
Daoutes,
pus hurus an quouque ranle caille;
Se counéchen touts, mélangen la ripaille.
Loue puscaeyres arriben cargats d'attirails,
Foines, esparbeys, manches et trémails.
Mouillats dinques à la pet, faou changea de guenilles,
Tandis que daoutes escorchent les anguilles,
Que metten à bouillir déns un padroun
Rasat de bin ; acos un courbouilloun,
Et n'y a pas de potage, seloun ets, de si boun
Que la soupe aou bin, et baoucop de bouilloun.
Un cop escaoufats, lou chant couménce;
L'un n'a pu finit que l'aoute recouménce
Entr'ets ne counéchen pas de tour de rôle,
Tabé féden l'accord de tres caillaous déns une casserole
Lous cassaeyres, nas à nas, se disputent lou talent,
Lous puscaeyres, aou coustat, n'en féden aoutant;
Lous jardineys, ets, entr'ets,
Ne parlen que bouquets,
Epuey caouflous, radis, councoumbres, asperges;
Aqui, anguilles, tanques, brouchets et perges,
Bécassines, canards, ranle caille, ranle gris;
Enfin, quaou es lou meste ? lou qni mey méntis.
Lou saout couménce, èpuey lou tour de force;
Aco ne finis jamey séns quaouque éntorse:
Lou saout daou paou es lou préfèrat,
Ce qu'aqui béden lou mey desgageat.
Bous planten lou paou aou mitan d'un riou,
Et bous observy qu'aco, se
feyt mey que l'estiou;
|
27
D'autres plus heureux ont quelques
râle-caille, Ils se connaissaient tous, mélangeaient la
ripaille, Les pêcheurs arrivaient chargés
d'attirails, Fouënes, éperviers, manches et trémails? Mouillés jusqu'à la peau, il faut changer de
guenilles, Tandis que d'autres pèlent les anguilles, Mettant à
bouillir dans un grand poêlon Rempli de vin, ceci est un court
bouillon, Il n'y a pas de potage, selon eux,
de si bon. Que la soupe au vin et beaucoup de bouillon. Une fois
échauffés, le chant commence, L'un n'a pas fini que l'autre
recommence, Entre eux ils ne connaissent pas de tour de rôle, Aussi
ils faisaient l'accord avec trois cailloux dans une casserole, Les
chasseurs nez à nez se disputant le talent, Les pêcheurs à côté en font
tout autant, Les jardiniers, eux, entre eux, Ne parlent que
bouquets Et puis choux-fleurs, radis, concombres, asperges, Ici,
anguilles, tanches, brochets et perches Bécassines, canards, râle
caille, râle gris, Enfin quel est le maître, celui qui a le plus
menti Le saut commence, et puis le tour de force, Cela ne finit
jamais sans quelque entorse, Le saut de la perche est le préféré, C'est
là qu'on voit le plus dégagé, Ils vous plantent le piquet au milieu du
ruisseau Et je vous dis que ça se fait mieux que l'été,
|
28
Bous limilen Ion saout abéque une gaze, Y faou toumba dessus, ou
toumba déns la base; Ce qu'arribe soubén, qu'aou lin de
toumba de pés, Toumben aou mitan daou riou én trabés.
Jugeats coume aco amuse lou public, De
lous beyre énbasats dinqu'à
l'énbounic, Mais lous crânes saouten séns paou,
Quoi qu'agi doutze à quinze pés, acos égaou :
Lous bala gilet à bas, la manche retroussade, Se passen la
man déns lou péou, mais séns poumade. Bottes, capet,
crabate, tout aco es mis de constat; Lou pu crâne couménce,
se lance coume un gat : Si franquis, es countén, parce
qu`es applaudit;
L'adbersaire se sarre lou bénte, parech pu languit :
Lou bala partit à la grande course, Ce que l'y
pèse lou mey, n'es jamey la bourse.
Lou bala qu'arribe que n'es
ni mort ni biou, Sous pés ban aou tap, et soun cap déns lou
riou. Aqui faou beyre lous sadouts saou gazoun,
Bous oubren une gule à recèbe un jamboun. De
lous beyre basous coume une ténque, Car ce qu'an de mey
sec, acos la léngue. Faou changea de tout, hormis la pet,
Et resta quatre ou cinq hores mudat déns un mantet
Que Darnail tént à la dispositioun D'aquets
flambeaux que bolen se fa un noum,
Ce que m'arribet à jou, que ne
suey pas lou pérou, De sourti daou riou méns sec que de
l'amadou.
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28
Ils
délimitent le saut avec un carré d'herbe, Il faut tomber dessus ou tomber dans la vase, Ce qui
arrive souvent, au lieu de tomber de pied, Tombent au milieu du
ruisseau en travers. Jugez, comme cela amuse le public, De les voir
envasés jusqu'au nombril, Mais les plus forts sautent sans perche, Quoi qu'ils
n'y ait douze ou quinze pieds c'est égal, Les
voila gilet à bas, les manches retroussées Se passe la main dans les
cheveux, mais sans pommade. Bottes, chapeau, cravate, tout est mis de
côté; Le plus fier commence, se lance comme un chat : S'il
franchit, il est content parce qu'il est applaudit; L'adversaire se
serre le ventre, paraît plus hésitant : Le voila parti à la grande
course, Ce qui lui pèse le plus n'est jamais la bourse. Le voila qui
arrive, il n'est ni mort ni vif, Les pieds vont au bord et sa tête dans
le ruisseau. Là il faut voir les ivrognes sur le gazon, Ils vous
ouvrent une gueule à recevoir un jambon. De les voir vaseux comme une
tanche, Ce qu'ils ont de plus sec, c'est la langue. Il faut changer
de tout, sauf la peau, Et rester quatre ou cinq heures plié dans un
manteau Que Darnail tient à disposition De ces flambeurs qui veulent
se faire un nom, Ce qui m'arriva à moi qui ne suis pas le Pérou. De
sortir du ruisseau moins sec que l'amadou. |
29
Estrénaby aquet diménche un pantalon de nankin, Et
cadançaby ma marche coume un faquin. Arriby chez
DarnaiI, Bédy lou mème attirail, Lou paou
pitat aou même éndreyt. Anén, dissury-jou, bején si serey
pu adreyt Qu'aquère besty de l’aoute tantos,
Que se trémpet de base dinque aous os. Paousi ma
beste et moun capet saou gazoun Saisissy Ion paou , que
n’ère pas trop boun, Et qu’aou liu de me pourta de l’aoute
coustat, Se casse , me f… déns lou foussat.
Ah ! poudets creyre qu’émpéchéry de ploura Une
bande qu'ére debat un aouba, Surtout un que bramabe coume
un taou. Aquets b ..
ne riden
que quand tout baey maou ! Et faou bous dire que si
n'ère estat d'un cop-de-man, Que m'y sery, sur ma foey,
négat coume un can. Me sorten daou riou, me treynen saou
tap, Que n'y bedéby pas mey daou quiou que daou cap.
Mais se troubet aqui Auguste Darnail, Que m'angut
quére ses peilles de trabail; Les mennes esturen labades et
mises à séca Capsus les branques d'un aouba :
Camise, pantaloun, gilet façounnat, Qu'aourets
dit un nabiou paboisat. Abéby aougut lou souin de tira las
espèces, Coumprenets bien, n'abéby pas de pèces :
|
29
J'étrennais ce dimanche là un pantalon
de Nankin, Et cadençais ma marche comme un faquin. J'arrive chez
Darnail, Je vois le même attirail, La perche plantée au même
endroit, Allez, dis-je, voyons si je suis plus adroit Que cette bête
de l'autre tantôt, Qui s'est rempli de vase jusqu'aux os. Je pose ma
veste, mon chapeau sur le gazon Je saisis la perche qui n'était pas
trop bonne, Et qu'au lieu de me porter de l'autre côté, Se casse, me
f.... dans le fossé Ah ! Vous pouvez croire que j'empêchais de
pleurer Une bande qui était sous un aubier, Surtout un qui bramait
comme un taureau. Ces c... ne rient que quand tout va mal ! Et il
faut vous dire que si ce n'avait été d'un coup de main, Je me serais
noyé, sur ma foi comme un chien. Ils me sortent du ruisseau, me
traînent sur le bord, Que je n'y voyais pas mieux du cul que de la
tête. Mais se trouva là Auguste Darnail, Qui partit me chercher ses
vêtements de travail; Les miens furent lavés et mis à sécher Sur les
branches d'un aubier : Chemise, pantalon, gilet façonné, Vous auriez
dit un navire pavoisé. J'avais eu le soin de sortir les
espèces, Comprenez bien je n'avais pas de pièces : |
30
Cinquante gros sos me rémpliben lou boursie,
Qu'imitabe la bourse de moussu Malartic.
Conséntiry doun à coulla sur ma pet Les
peilles d'Auguste, au liu daou mantet. Un cop ficelat,
parlèren de fa collatioun, Et délibéra ce que mingerén de
boun; Lous gratte-pailleys esturen mis de l'aban,
Cartey d'agnet, fragues trémpades aou bin blanc,
Et lou tout accoumpagnat d'une bonne salade, En
respirant lou grand air debat une trillade. Countént, joyux
coume un milord, Même apétit, même boulountad, mais pas
d'or. Quoiqu'aquet métal jaoune sie d'un grand mérite,
M'ayme coume lou diable l’aeygue bénèdite ;
Tabé lou cuibre, coume l'argént blanc, Me courent
darney coume la lèbre aou can. N'abéby doun que d'aquet
métal de cloche, Que transbasey déns lou boussie de Roche,
Car, pas mey que jou, n'abébe déns lou boussie
Que d'aquère matière qu'éngéndre l'arsenic;
Mais, quoique poueyson, produisit soun effet, Nin
abut tout juste per nous rémplir la pet. En sourtén de
taoule poudében fa aou saouteleyt dessus Séns crainte de
perdre un so entre tous lus dus. Mais après la disette
bingut l'aboundance; Tabé, éry pu hurux qu'un rey de
France. Aquère aisance passet coume l'esturbeil,
L'argént foundut coume la rousade aou
soureil.
|
30
Cinquante gros sous me
remplissaient la bourse, Cela imitait la bourse de Monsieur
Malartic. Je consentis donc a coller sur ma peau Le vêtement
d'Auguste au lieu du manteau. Une fois ficelé, ils parlèrent de faire
collation, Et délibérèrent de ce que nous mangerions de bon; Les
gratte-pailliers* furent mis en avant, Quartier
d'agneau, fraises trempées au vin blanc, Et le tout accompagné
d'une bonne salade, En respirant le bon air sous une
treille. Content, joyeux comme un milord, Même appétit, même
volonté, mais pas d'or, Quoique ce métal jaune ait un grand
mérite, Il m'aime comme le diable l'eau bénite; Aussi le cuivre
comme l'argent blanc, Me courent derrière comme le lièvre au
chien. Je n'avais donc que ce métal de cloche, Que je transvasais dans la bourse de
Roche, Car, pas plus que moi, il n'avait rien dans sa
bourse Que de cette matière qu'engendre l'arsenic; Mais quoique
poison, il produisit son effet, Nous en eûmes tout juste pour nous
remplir la peau. En sortant de table nous pouvions faire de la
trampoline Sans
crainte de perdre un sou entre tous les deux. Mais après la
disette, vint l'abondance; Aussi j'étais plus heureux qu'un roi de
France, Cette aisance passa comme l'esturbeil, L'argent fondit comme
rosée au soleil
*(Meules de paille.) |
31
Eren quate assouciats déns la même boutique,
Epuey, bien
énténdut, de la même clique; Gagnaben de l'argént én bloc
et én masse, Tabé jougaben lous escuts aou pile ou
face. Aco ère déns l'annade dix-hueyt cént bingte-trés,
Que fabricaben des barriques chez Nantés A
cinquante francs per doutzenne; N'én fédében trés chacun,
mais pas séns peine : Aco duret à-pu-près un més et
demi, Que dissuren : an assez gagnat, faou nous diberti.
Ba coume dit, nous bala d'accord, Faou
appela lou meste, épuey régla d'abord. Maître, nous ne
boulons plus trabailler, Et nous boulons connaître la bie
d'un rentier C'est de nous leber à dix hures,
Déjuner au restaurant, Faire collation à
Bruges Et souper à Caudéran; Aller et
rebenir en boiture, Comme des conseillers de
préfecture; N'importe quelle en soit la durée,
Il faut que des pabés en sorte la fumée. Bous
boyez que nous sommes résolus; Eh vient ! pas
d'obserbations, des écus. Des écus, morblu !
J'en ai au trou du c… Comment, malhurux, me
quitter soudain, Quand le Médoc ne sait que faire de son
bin ! |
31
Nous étions quatre associes dans la même boutique,
Et puis, bien entendu, de la même clique; Nous
gagnions de l'argent en bloc et en masse, Aussi nous
jouions les écus à pile ou face. Ceci était dans
l'année dix huit cent vingt trois, Que nous
fabriquions des barriques chez Nantés A cinquante francs
par douzaine; Nous en fabriquons trois chacun, mais pas
sans peine : Cela dura à peu près un mois et demi,
Nous nous sommes dit: On a assez gagné il faut nous divertir. Ca
va comme dit, nous voilà d'accord, Il faut appeler le
maître, et puis régler d'abord. Maître, nous ne voulons
plus travailler, Et nous voulons connaître la vie d'un
rentier C'est de nous lever à dix heures,
Déjeuner au restaurant, Faire collation à
Bruges Et souper à Caudéran; Aller et
revenir en voiture, Comme des conseillers de
préfecture; N'importe quelle en soit la durée,
Il faut que des pavés en sorte la fumée. Vous
voyez que nous sommes résolus; Eh bien ! pas
d'observations, des écus. Des écus, morbleu !
J'en ai au trou du c… Comment, malheureux, me
quitter soudain, Quand le Médoc ne sait que faire de son
vin ! |
32 Saint-Julien, Saint-Estèphe et
Château-Margaux, Qui bont faire du bin comme de l'eau;
Et puis, me quitter à l'instant, Abec une
pareille commande du Montferrant; Oli non ! en grâce, ne
faites pas les têtus, Et contribuez à conserber le bin d'un
pareil cru, Car je bous jure ma parole. d'honnur,
Foi d'honnête bolur, Qui baudrait mieux profiter
du bent qui souffle Que de trainer dans quinze jours la
pantoufle. Boyez, réfléchissez‑y vien, Car
le trabail seul est botre vien. Je sais que , je bous dois
de l'argent, Et bous me forcez à régler à l'instant;
Mais abant, boyons : Boulez‑bous trabailler, oui
ou non. Eh vien ! non ; de
l'argent, ou si non Nous allons bous mettre à la
raison. Tant pis pour bous, mauvais garnemens,
Et je bais bous compter bos douze cents francs;
Mais ne bous présentez plus à ma voutique, Car je
bous casse les reins à coups de trique. Gueytats, nous
cassa lous reins à cops de trique ! Aco faillit me douna la
coulique. F.... bête ! f.... grand Jean Madu !
Aquère espressioun me fit ride tout blu. Bous
demandy, et bous déchy à debina, Si un june homme qu'a céns
escuts demande a trabailla ! |
32 Saint Julien, Saint Estèphe et Château
Margaux, Qui vont faire du vin comme de l'eau;
Et puis, me quitter à l'instant, Avec une
pareille commande du Montferrant; Oh non ! en grâce, ne
faites pas les têtus, Et contribuez à conserver le vin d'un
pareil cru, Car je vous jure ma parole. d'honneur,
Foi d'honnête voleur, Qui vaudrait mieux profiter
du vent qui souffle Que de traîner dans quinze jours la
pantoufle. Voyez, réfléchissez-y bien, Car
le travail seul est votre bien. Je sais que je vous dois de
l'argent, Et vous me forcez à régler à l'instant;
Mais avant, voyons : Voulez-vous travailler, oui
ou non. Eh bien
! non ; de l'argent, ou si non Nous allons vous mettre à la
raison. Tant pis pour vous, mauvais garnements,
Et je vais vous compter vos douze cents francs;
Mais ne vous présentez plus à ma boutique, Car je
vous casse les reins à coups de trique. Regardez, nous
casser les reins à coups de trique ! Cela faillit me donner
la colique. F.... bête ! f.... grand Jean Madu !
Cette expression me fit rire tout bleu. Je vous
demande, et vous laisse à deviner, Si un jeune homme qui a
cents écus demande à travailler ! |
33
Mais nani; Boou se
diberti. Coume firen. Partiren quate à fa lous
moussus; Duret méns que la taille, que toumbèren de c…,
Couméncèren à débuta per la Gaillardine, En
prenén un fiacre à la place Dauphine Aco se rancountret
précisemént un dilus Que nous métamorphosèren én moussus;
Lou dimars, countinuèren la ripaille, Aou
Petit amey aou Grand Bersaille Lou dimécre, tour de gule à
la Médoquine, Rafresquissemént aou Roupie épuey à la
Tartine; Lou dijaou, béntrade d'esgargots à Caouderan,
Lou decey, julienne et macaroni aou restaurant;
Lou dibéndre, déjuna aou Toundut, dina à Mérignac,
Collatioun à Bruges, et soupa aou Bouscat;
Lou dissate, grande casse à l'alléye de Boutaou.
Casse én boiture ne pot que fini maou, Surtout la
casse aou fusil; Acos boun à Schikler épuey Rotchil;
Lou diménche, tour de force aou Brouchet. Ma
foey, aqui qu'acabéry lou paquet, Epuey firy un tour de la
pu grande souttisse, Saoutéry daou pount de peyre saou
pount de serbice. Sourten d'aqui, ban à la salle
Mouill-Quiou, Moun boussic sec coume moun traouc de quiou.
Estury doun pribat, Et certes bien
countrariat
|
33
Mais non; Il veut
s'amuser. Comme nous fîmes. Nous Partîmes quatre à
faire les messieurs; Cela dura moins que la taille, nous
tombâmes de c…, Nous débutâmes par la Gaillardine,
En prenant un fiacre à la place Dauphine Ceci se
fit précisément un lundi Que nous nous métamorphosâmes en
monsieur; Le mardi continuèrent la ripaille,
Au Petit et puis au Grand Versailles, Le
mercredi, tour de gueule à la Médoquine, Et puis
rafraîchissement au Roupie et puis à la Tartine; Le jeudi,
ventrée d'escargots à Cauderan, Le soir, julienne et
macaroni au restaurant; Le vendredi déjeuner au
Tondu, dîner à Mérignac, Collation à Bruges, et souper au
Bouscat; Le samedi, grande chasse à l'allée de Bouteau.*
Chasse en voiture ne peut que finir mal, Surtout
la chasse au fusil; Ceci est bon à Schikler et puis
Rotchil; Le dimanche, tour de force au Brochet.
Ma foi, ici j'avais le paquet, Et puis je fis un
tour de la plus grande sottise, Je sauter du pont de pierre
sous le pont de service. Nous sortons de là, allons à la
salle Mouille-cul, Ma bourse sèche comme mon trou du Cul.
Je fus donc privé, Et certes bien
contrarié
*(Elle
existe encore à Bordeaux.) |
34
De fa dansa les marchandes de ris,
De castagnes, chancres, esquiris, Chardines,
petouncles et eous frés, Enfin, ce qu'appellen les reynes
daou marés; Et lou tout per ma faoute, per ma faoute,
Et per ma trop grande faoute; De qué !
surtout de me rouga cént escuts, Déns une semane qu'esturen
descousuts. Et ne pas me rappela lou tort de Baraquet,
Que disébe ; drôle, garde une père per la set.
Et jou que n'ey gardat ni père, ni poume, ni abricot,
Qu'ey bibut coume lou Cafre épuey l'Otentot,
Qu'es
toujours, countént si sa pénse es counténte, Epuey droumi
coume lou boussut de Malénte. Mous praoubes escuts !
Bous bala doun founduts, Epuey escamoutats
de l'adresse de Bireboquet, Per ainsi dire, d'un tour de
gobelet. A bous aoutes que m'adressy, junesse ;
Si boulets bioure hurus, méprisats la paresse,
Car lou trabail donne la santat, procure l'appétit
Entretént la bourse et rénd l'homme desgourdit.
Gueytats lou flanur de suite plounjat déns lou bice,
Si leou qu'es desbourdat per la faignantisse :
Lou bedets tout ébétat, épuey de méchante mine,
Sale, desguenillat, et rounjat per la bermine.
Certes n'es pouin déféndut de fa quaoque baloche;
Mais si abets dux escuts, que l'un garde la poche.
|
34
De faire danser les marchandes de ris,
De châtaignes, moules, anchois, sardines,
pétoncles et oeufs frais, Enfin, ce que l'on appelle les
reines des marées; Et le tout par ma faute, par ma faute,
Et par ma trop grande faute; De quoi !
surtout de dépenser cent écus, Dans une semaine ils
furent liquidés Et de ne pas me rappeler du conseil de Baraquet,
Que disait ; drôle, garde une poire pour la soif.
Et moi qui n'ai gardé ni poire, ni pomme, ni abricot,
Que j'ai vécu comme le Cafre et puis l'Hottentot, Qui est
toujours, content si sa panse est contente, Et puis dormir
comme le bossu de Malente. Mes pauvres écus ! Vous
voilà donc fondus, Et puis escamotés par l'adresse de
Bireboquet, Pour ainsi dire, d'un tour de gobelet.
A vous je m'adresse, jeunesse ; Si vous
voulez vivre heureux, méprisez la paresse, Car le travail
donne la santé, procure l'appétit Entretient la bourse et
rend l'homme dégourdit. Regardez le flâneur de suite plongé
dans le vice, Sitôt qu'il est pris par la
fainéantise : Vous les voyez tout hébétés, et puis de
méchante mine, Sales, déguenillés, et rongés par la
vermine. Certes il n'est point défendu de faire quelque
bamboche; Mais si vous avez deux
écus, que l'un garde la poche. |
35
D'aquère manière serats l'amic daou tort de
Baraquet, Parce qu'aourats gardat une père per la set.
Et jou qu'ey feyt coume lou peysan Destiou, Que
m'ey rougat la cousty amey lou costiou, Paille, paillasse,
épuey lous matelas, Asture que didi: t'én soubindras,
Martin de Landiras. Lou léndeman me réndiry à la
place, Et baci lou coumble de ma disgrâce;
Rés mey à fa, Qu’à me proumena,
Per énténde mijour souna, Séns saougé oun ana
dîna. Et moun praoube bénte crusat coume un tunel,
Et per lou bourra, pas une patate aou naturel.
Fallut doun me débia et courre de chaey én chaey,
Désempuey Lormount dinque aou Pount de la Maey; Y
réncountraby toujours quouqu'amic d'énfance, Me sarraben la
man, et me rampliben la pance. Toujours én course, coume
lou Juif Errant, Cercant plegues et bosses, coume un Grand
groumand; Ficellat, mailloutat déns moun grand habit
blu, Quoique raspat, m'appellaben moussu.
Mous souliers, estalounats et presque séns semelles,
Lou capet traoucat, duyes cordes per bretelles,
De mes caousses lou jarret debingat lou taloun ,
Lous grenadiers à l'esquine, amey fedéby lou lioun.
Oh ! la sale bie que la bie de bandit ! Tantos
éry sadout, tantos éry languit,
|
35
De cette manière vous serez de l'avis de
Baraquet, Parce que vous aurez gardé une poire pour
la soif. Et j'ai fait comme le paysan Destiou,
Je me suis mangé la côte et le côté, Paille, paillasse, et
puis le matelas, A cette heure je dis: tu t'en souviendras,
Martin de Landiras. Le lendemain je me rendis à la place,
Et voici le comble de ma disgrâce; Plus rien à
faire pour moi. Qu’à me promener Pour entendre
midi sonner, Sans savoir ou aller dîner. Et
mon pauvre ventre creux comme un tunnel, Et pour le remplir, pas
une patate au naturel. Il fallu donc me décider et courir
de chai en chai, Depuis Lormont jusqu'au Pont de la
Maye; J'y rencontrais toujours quelque ami d'enfance,
Il me serait la main et me remplissait la panse
Toujours en course, comme le Juif Errant,
Cherchant plaies et bosses, comme un Grand gourmand;
Ficelé, mailloté, dans mon grand habit bleu,
Quoique râpé, ils m'appelaient monsieur. Mes
souliers, sans talons et presque sans semelles, Le chapeau
troué, deux cordes pour bretelles, De mes chaussettes, le
mollet devint le talon , Les grenadiers à l'échine, je
sentais le lion. Oh ! la sale vie que la vie de bandit !
Tantôt j'avais mangé, tantôt j'avais faim,
|
36
Me fallut quitta la bille, gagna la campagne
, Net, poulit coume un baquey de Bretagne;
Ery résolut d'habita Beychebelle ou Macaou, Lous
uns disében feras bien, lous aoutes feras maou; Daoutes, à
ta place, m'én anguery à Preignac, Daoutes, à Sauternes,
Boumes ou Barsac, Et jou ey préférat la coumune de
Saouterne, Et m'y bala installat coume Croqùe Mitaine.
Aoury certes pouscut habita Preignac, Que n'én
sery pas méns rafalat, Macaou tabé, coume Beychebelle
Tant sery jou f à
l'ancre coume à la belle. Coume bédes
qu'ey feyt la boumbërôumbette, Asture baou bous régala d'une
cansounnette.
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Il me fallut quitté la ville, gagner la
campagne, Net, poli comme un vacher de Bretagne;
J'étais résolu d'habiter Beychevelle ou Macau,
Les uns disaient, tu feras bien, les autres, tu feras mal;
D'autres, à ta place, j'irais à Preignac,
D'autres, à Sauternes, Bommes ou Barsac, Et moi
j'ai préféré la commune de Sauternes, Et m'y voilà installé
comme Croque Mitaine. J'aurais certes pu habité
Preignac, Que je n'en serai pas moins "rafalat", Macau aussi, comme
Beychevelle Tant serait-je foutu, à l'ancre comme à la belle.
Comme vous voyez j'ai fait la bamboula, A cette heure je vais vous régaler d'une chansonnette.
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