Château la TOUR BLANCHE.

 

 

Monsieur OSIRIS.

 

Mémoire de Bommes, livre 4.

  

Sommaire: Monsieur OSIRIS. Le bateau soupe
La fortune de M. Osiris. Construction du bateau
Le mécène et le philanthrope L'institut PASTEUR.
Le domaine de la tour Blanche Legs OSIRIS

 

 

 

Monsieur OSIRIS

 

Le Bordelais qui… lança l'ancêtre des  "Restos du Coeur"

 

Qu'évoque aujourd'hui le nom d'Osirîs ?

 

Le dieu de l'Égypte ancienne ? Le château  "La Tour Blanche "  Fondation OSIRIS, premier cru de Sauternes, pour les œnologues et les amateurs de bon vin  ?

Ce nom est également connu des Arcachonnais  car il figure sur la façade d'une école communale et de la synagogue.

Certains Arcachonnais  et Bordelais  peuvent également avoir reçu, dans leur enfance, le prix Osiris.

Mais les Bordelais les plus anciens associent Osiris au bateau soupe qui a été amarré pendant près de trente ans, quai Sainte Croix.

 

Peu d'entre eux savent cependant que derrière ce nom se cache Daniel Iffla, juif bordelais d'origine modeste qui était monté à Paris pour devenir au cours du XIXe siècle, un des plus grands financiers de France.

 

Daniel Iffla était né à Bordeaux le 23juillet 1825 au 25 de la rue Bouhaut (partie de la rue Sainte Catherine comprise entre le cours Victor Hugo et la place des Augustins), d'une famille originaire de Salé (Maroc) arrivée dans notre ville vers 1720 et dont plusieurs membres étaient marchands.

 

Aucun détail n'est connu sur son enfance bordelaise. Après des études à l'école Turgot à Paris, il devenait à quinze ans petit employé chez un agent de change, où il développa son sens de la comptabilité avant de faire carrière à la banque de Jules Mires et Moïse Millaud, tous deux israélites marranes bordelais.

 

Pourquoi a-t-il progressivement substitué à son nom patronymique celui d'Osiris ?

 

L'autorisation lui en avait d'ailleurs été donnée par un décret impérial du 24 août 1861; il était alors âgé de trente cinq ans.

 

Avait-il été gagné par la mode « retour d'Égypte » (I'égyptomania) qui régnait au XIXe siècle ?

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Vient-il de la légende qui entourait sa naissance ? (Lorsque sa mère était enceinte, elle eut des inquiétudes au sujet de son propre frère, marin au long cours embarqué sur le navire « Osiris » qui était en danger ; elle aurait fait le vœu que si l'enfant à naître était un fils et si le frère revenait sain et sauf, ce fils porterait le nom d'Osiris).

 

Une appartenance possible à la franc maçonnerie (dont Osiris est un symbole clé) est aussi parfois avancée.

 

Quoi qu'il en soit, la date à laquelle Daniel lffla était autorisé à s'appeler Osiris correspond à l'arrêt de son activité à la banque Jules Mires qui était mêlée à de violents incidents de bourse, pour effectuer lui-même à titre privé et sans être installé en qualité de banquier ou d'agent de change, des opérations financières.

 

Cette époque était d'ailleurs particulièrement propice aux affaires. La bourgeoisie triomphait, la France construisait son empire colonial, l'Europe capitaliste prenait son essor avec la révolution industrielle (les chemins de fer, l'électricité, le pétrole, l'automobile, l'aviation).

 

C'est également au cours de cette période que plusieurs juifs bordelais montaient à Paris pour y faire fortune, dont les frères Pereire.

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La fortune de Monsieur Osiris.

 

La légende de l'acquisition de sa fortune débute à J'époque de son mariage.

 

Le jeune Daniel Iffla, qui n'était pas riche, aurait demandé la main de Léonie Carlier à son père et aurait essuyé un refus. Désespéré, il aurait joué le tout pour le tout à la bourse et les opérations terminées, il en aurait retiré une fortune relative... et épousé la fille.

La chance de Daniel Iffla sur le plan personnel fut éphémère puisque son épouse décédait à l'âge de dix neuf ans en donnant le jour à des jumeaux qui ne survécurent pas à leur mère.

Ces « trois cadavres en un seul jour », comme l'avait déclaré Daniel Iffla, ont eu très certainement un impact considérable sur le cours de sa vie qui va se poursuivre pendant cinquante deux ans.

 

Une grande part de mystère, là également, entoure l'acquisition par Monsieur OSIRIS d'une grosse fortune, qui s'élevait à 10 millions de francs en 1886 et à 46 millions à sa mort en 1907.

 

Il s'enrichit à la manière des grands financiers, de coups téméraires et hardis ; il y ajouta, à la façon des petits rentiers, par une économie progressive et une sage gestion.

 

Il passait pour être le premier spécialiste financier de son époque.

 

Il dépensait 50 000 francs par an alors que ses revenus dépassaient 2 millions. Il ne supportait pas de voir 20 sous déboursés inutilement. Il n'avait pas fait installer l'électricité dans son hôtel de la rue de La Bruyère car il estimait ce mode d'éclairage trop coûteux. Il revenait sur ses pas pour éteindre un bec de gaz et déjeunait souvent dans des petits restaurants. On l'aurait même entendu se plaindre du prix élevé d'une potion que lui ordonnait son médecin.

 

Il n'est donc pas étonnant qu'il ait été taxé d'avarice par beaucoup de ses contemporains. Quelques jours avant sa mort, il déclarait à un ami:

 

« On a dit que je thésaurisais ; on s'est moqué de mon avarice. Cela m'est égal. Il m'est agréable de penser que de cette avarice, les malheureux profiteront et que, tout compte fait, c'est pour eux que j'ai travaillé. »

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Le mécène et le philanthrope

 

La fortune que Monsieur Osiris avait amassée en participant à toutes les grandes affaires du Second Empire lui permit de devenir un philanthrope, de son vivant mais surtout vers la fin de sa vie et il semble que la première oeuvre à laquelle il s'intéressa fut celle du « Pain pour tous » qui favorisa l'installation, dans plusieurs quartiers de Paris, de « fourneaux populaires » publics et gratuits de distribution de repas aux miséreux.

 

Il avait également donné une somme de 10 000 francs, distribuée pour moitié aux « marchands des quatre saisons » et aux fabricants de jouets du Jour de l'An, avec condition, en homme d'affaires avisé qu'il était, de rendre le prêt de 50 francs consenti à chacun, après la vente effectuée et le bénéfice réalisé pour être prêté à nouveau l'année suivante et de la même façon.

 

Il versait des dons à la Société d'allaitement maternel, au refuge ouvroir pour les femmes enceintes, à l'établissement de Belleville dirigé par Louise Kopf qui recevait des enfants abandonnés ou orphelins.

 

Il assura le financement de la construction, à l'hôpital de la Salpétrière, de deux pavillons réservés aux femmes.

 

Ses actions de mécénat, marquées par un grand éclectisme, se manifestèrent d'une façon très officielle par la création en 1900 d'un prix triennal de l'Institut de France d'un montant de 100 000 francs destiné à récompenser la découverte ou l'oeuvre la plus remarquable dans « tout ce qui touche à l'intérêt public ». 

Ce prix fut attribué, en particulier au docteur Roux de l'institut Pasteur à Louis Blériot et Gabriel Voisin, pionniers de l'aviation, à Paul Bourget de l'Académie française, au maréchal Lyautey, à Camille Jullian...

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Il fit construire des temples israélites à Paris, à Arcachon où il possédait sept villas, à Saint Mandé et à Tours.

   

Il avait également la passion des grands hommes. Aussi, fit-il ériger plusieurs statues : celles d'Alfred de Musset dans le hall du Théâtre Français à Paris, de Guillaume Tell offerte à la ville de Lausanne, un « Aigle blessé » à Waterloo, Jeanne d'Arc à Nancy, le monument à la mémoire de Madame Boucicaut et de la baronne de Hirsh, célèbres pour leur générosité, édifié square Boucicaut à Paris.

 

Mais la plus grande opération qu'il réalisa de son vivant fut l'acquisition en 1896 « par hasard », comme il se plaisait à le dire du château de La Malmaison qu'il restaura avant de le léguer à l'État pour en faire un musée. Selon le conservateur de La Malmaison, « tout était en 1896 sur le point de disparaître si Monsieur Osiris n'était pas intervenu ».

 

Vers la fin de sa vie, la renommée de monsieur Osiris était à son apogée et les sollicitations arrivaient de toutes parts. D'après ses familiers, « il pratiquait des aumônes cachées et une charité discrète, sans distinction de rang, de fortune, de secte ou de nationalité ».

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Il apparaît, toutefois, qu'il souhaitait consacrer une grande partie de sa fortune à des legs institués par testament. Dans ce volumineux document commencé en 1890 et achevé le 15 mars 1906, il désignait, en ces termes, l'Institut Pasteur comme légataire universel:

 

"Ayant toujours eu l'ardent désir de favoriser les découvertes scientifiques qui peuvent contribuer au soulagement de l'humanité, je place mon legs universel et son exécution sous l'invocation de la mémoire du grand Pasteur, une des gloires les plus belles de mon pays. "

 

Suivait une longue liste de legs particuliers (outre 14 pages concernant des personnes de sa famille ou de son entourage), en direction d'oeuvres touchant tous les centres d'intérêt qu'il avait manifestés depuis sa naissance à Bordeaux, son passage à l'école Turgot, la mort de sa femme et de ses enfants, son goût pour les arts, les lettres, les sciences, les progrès de la médecine, l'instruction publique, le sport...

 

Monsieur Osiris mérite-t-il la reconnaissance de l'humanité, comme la presse le prétendait d'une façon générale après son décès ?

 

Ou bien, faut-t-il prêter l'oreille à ceux qui le présentent comme un homme d'argent, un spéculateur dur en affaires, procédurier et utilisant des moyens douteux pour parvenir à ses fins, ainsi que pourraient le laisser penser certains jugements de tribunaux ?

 

Il est également certain que s'il vivait retiré et de façon modeste, il n'en entretenait pas moins un certain « culte de la personnalité » et la plupart de ses donations étaient assorties d'une condition. les réalisations auxquelles elles étaient attachées devaient porter le nom d'Osiris, ce qui fit dire à un journaliste (La Liberté du 6 janvier 1913) : « Osiris ayant 12 millions en voulut 40 qu'il distribua au moment de quitter les hommes mortels afin d'immortaliser son nom! »

 

Quoi qu'il en soit, trois réalisations touchant les secteurs sanitaire et social doivent être plus particulièrement développées.

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L'institut PASTEUR.

 

En instituant cet organisme comme légataire universel, il lui attribuait le legs le plus important qu'il ait jamais reçu puisqu'il devait rapporter 36 millions de francs or

 

Une partie de ces fonds fut utilisée à l'acquisition de terrains pour l'édification de plusieurs extensions de services et la création en 1908 de l'Institut du Radium qui allait permettre à Marie Curie, après le décès de Pierre Curie survenu en 1906, de continuer à développer des découvertes qui ont révolutionné notre siècle.

 

Selon Jacques Méry, secrétaire général honoraire de l'institut, « le legs Osiris a eu des conséquences certaines sur le destin de l'Institut Pasteur en lui donnant, à un moment important de son histoire, les moyens de son avenir. »

 

Les deux autres réalisations intéressent la Gironde et Bordeaux.

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Le domaine de « La Tour Blanche » à Bommes

 

C'est en 1860 que Monsieur Osiris se rendit acquéreur de ce domaine de 65 hectares qui avait été placé en 1855 en tête des premiers crus de vins blancs du Sauternais, juste après Château Yquem, l'unique Premier grand cru.

 

Très en avance sur son temps, Monsieur Osiris réalisa de nombreux travaux sur les problèmes de micro‑organismes, qu'il effectuait dans ses propres chais en liaison avec Pasteur Il s'intéressa également aux microlevures avec le célèbre oenologue bordelais Ulysse Gayon.

 

Par le premier codicille de son testament, il faisait don de ce domaine à l'État sous réserve de la création sur place d'une école de viticulture et de vinification d'enseignement populaire et public.

 

Cette école, ouverte en 1911, accueille chaque année 120 élèves dont une centaine en scolaire et une vingtaine en formation d'adultes.

 

Depuis 1960, les études dispensées sont sanctionnées au bout de deux ans par un BEPA ou BTA spécialisé en viticulture et oenologie.

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Le bateau soupe « Osiris »

 

Dans un deuxième codicille à son testament, monsieur Osiris léguait à la ville de Bordeaux la somme de 2 millions de francs pour: « la fondation d'un asile de jour où seront reçus à des heures différentes fixées par la municipalité bordelaise, des ouvriers âgés et des indigents des deux sexes sons distinction de cultes.

 

Cet asile de jour fonctionnera sur un bateau de construction et d'aménagement appropriés à sa destination et qui sera amarré ou milieu de la Gironde à l'endroit jugé le plus convenable par la municipalité.

Cet établissement portera en façade ces mots "Fondation Osiris" ». '

 

Le Conseil municipal ayant accepté ce legs en sa séance du 23 février 1907, les études nécessaires étaient aussitôt engagées.

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Le bateau soupe construit par la société Dyle et Bacalan, adjudicataire du concours pour une somme forfaitaire de 339 700 francs, était lancé le 19 avril 1912 et amené à son poste d'amarrage, quai Sainte Croix, face à la porte de la Monnaie.

 

L'inauguration officielle eut lieu le 30 décembre 1912 sous la présidence de Charles Gruet, maire de Bordeaux.

 

Le Journal « La Petite Gironde » du 31 décembre 1912, nous donne un aperçu de l'aspect de ce bateau :

 

« Il offre sur l'eau tranquille du fleuve une silhouette élégante. Il ne rappelle point certes, du moins vu de loin, un navire. On dirait plutôt un immeuble original, vaste, avec terrasse, posé miraculeusement sur /a Garonne. »

 

A hauteur du pont, se trouvaient le bureau des entrées, deux vastes réfectoires, la cuisine et sa laverie, le magasin des vivres. Le pont supérieur comprenait deux salles d'attente, les lavabos, le logement du gardien, deux pavillons isolés pour le service médical qui était assuré par le Bureau de bienfaisance du quartier

 

Le chauffage par eau chaude devait permettre d'obtenir une température de 15° par des froids de –30°, l'éclairage électrique et l'eau potable étaient fournis par le réseau de distribution de la ville.

 

Un rapport de la commission administrative de gestion du 30 avril 1915 présente l'activité de cette oeuvre depuis son ouverture, le 31 décembre 1912.

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Cette inauguration fut diversement saluée par la presse du 31 décembre 1912. 

Pour "La France", le bateau soupe maintenant célèbre, on le chan­sonna dans les revues, va prendre son service actif.

Le panache de fumée qui sortira de son mince tuyau de cheminée sera un signe de ralliement pour tous ceux dont l'estomac sera creux.

 

"Le Nouvelliste" et "La Dépêche" ironisèrent en constatant que "la paix semblait revenue entre les conseillers municipaux progressistes, royalistes, radicaux et libéraux qui s'étaient divisés naguère, pour le plus grand bien de notre cité. 

"La Liberté" (6/7/1913) estimait "qu'un bateau ne représente qu'assez vaguement une soupière...' et s'interrogeait:' Imagine-t-on de pauvres diables bravant les intempéries et venant des extrémités de la ville au quai de la Monnaie pour prendre un repas.

 

Ces craintes furent rapidement dissipées par la fréquentation soutenue de cette oeuvre. Un rapport de la Commission administrative du 30 avril 1915 fait, en effet, apparaître que depuis son ouverture le 31 décembre 1912, soit en deux ans et demi, il a été servi 347.320 soupes et 74.327 repas.

 

 

Annuellement ont été accueillis [1912 çt 1913).

 

900 hommes et 250 femmes âgé de moins de 50 ans, pouvant travailler mais passagèrement malades ou chômeurs;

 

* 650 hommes et 100 femmes de plus de 50 ans ou infirmes * 250 enfants, notamment le jeudi et le dimanche.

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* 220 femmes enceintes ou mères nourrices.

 

Il est précisé que la mortalité, des nourrissons est très rare. La progression du poids, rigoureusement contrôlée par le service médical, est normale.

 

Ce rapport nous permet d'avoir quelques informations sur le fonctionnement du bateau soupe,

 

• il était ouvert de 9 heure à 12 heures et de 15 heures à 18 heures

 

• les distributions gratuites, de soupe avaient lieu à 10 heures et à 16 heures;

 

• chaque ration contenait environ 350 grammes de pain, 150 grammes de légumes, 250 grammes de bouillon.

 

Les nourrices et les femmes enceintes bénéficiaient de repas gratuits servis entre 11 heures et 17 heures, composés d'une soupe, d'un plat de viande, de légumes, d'un dessert et d'un verre de vin.

 

Il était enfin souligné qu'une valeur moyenne de 34 000 francs de vivres était distribuée annuellement.

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S'il est certain que le bateau soupe a continué à accueillir des nécessiteux jusqu'au début de la seconde guerre mondiale, aucune information n'a pu être recueillie sur son activité jusqu'à sa date de réquisition pendant l'occupation(1).

 

L'indemnité de guerre de 2 700 000 francs (sur 9 millions demandés) versée à la ville de Bordeaux a été utilisée pour la reconstruction du Foyer Leydet qui assure l'aide aux indigents.

 

Une plaque scellée sur un des murs du réfectoire perpétue le souvenir de cette oeuvre de bienfaisance et de son fondateur

 

Le voeu de monsieur Osiris se trouve ainsi pérennisé. Seuls, quelques vieux Bordelais se rappellent du bateau soupe, « victime » de la guerre et qui peut être considéré comme le premier « Resto, du coeur » de Bordeaux.

 

Jean BASSALER

 

Source:"'Monsieur Osiris", communication de Jean Pierre Rey (Directeur général) et Jean Bassaler (Directeur honoraire), C.P.A.M. de la Gironde, 18ème Congrès national des Sociétés historiques et scientifiques, Pau, 25/29 octobre 1993.

 

(1) Grâce à l'obligeance de maître Jacques Vialar, notaire honoraire à Pauillac, nous avons pu retrouver l'épave du bateau soupe. Après avoir été remorquée jusque dans ce port par les troupes d'occupation pour l'installation d'un poste de défense anti‑aérienne (DCA), il fut coulé sur place en 1944. Il est encore possible d'apercevoir ses superstructures à marée basse, à certaines époques de l'année. 

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Construction du BATEAU SOUPE

 à Installer sur la Garonne à Bordeaux.

 

On sait que par son testament M. Osiris a légué à la Ville de Bordeaux une somme de 2 millions, consacrée à la fondation d'un asile de jour, où seront reçus à des heures fixées par la Municipalité des ouvriers âgés et indigents des deux sexes sans distinction de culte.

Cet asile devant fonctionner dans un bateau aménagé à cette destination et devant être amarré au milieu de la Garonne.

Un concours ouvert parmi les grandes maisons de construction maritimes vient d'aboutir, et le bateau refuge rêvé par M. Osiris sera bientôt construit et amarré sur la Garonne entre le Pont de Pierre et la passerelle.

Ce concours qui comprenait deux épreuves successives réunissait sept concurrents.

Le projet présenté par la Société Dyle et Bacalan, fait en collaboration avec MM. Freylon et Trégan, architectes, et dont nous donnons plus haut une fidèle reproduction, fut classé premier.

C'est cette société qui sera chargée de l'exécution du travail si le Conseil Municipal et le Préfet donnent leur approbation.

Le prix de la construction de ce bateau  asile sera de 340.000 frs. La coque en tôle d'acier mesurera 50 mètres de longueur et 12 mètres 50 de largeur. Il constituera une sorte d'édifice  supporté par un flotteur dans le genre des pontons d'accostage, réuni à la terre par une passerelle articulée en fer de construction élégante et légère.

 

Sur le premier pont se trouveront les installations principales ; cuisines avec guichets de distribution, réfectoires dont un de 80 places pour hommes, et de 26 places pour femmes, bureau de surveillant, magasin, W.C. etc.

 

Sur le pont supérieur, promenoir couvert, lavabos, salles d'attente, cabine médicale, poste de garde et logement du gardien.

 

Les communications seront larges et faciles, et ce bateau sera éclairé et aéré par de larges baies. Le chauffage central et l'éclairage électrique sont prévus.

 

La construction du bateau asile Osiris sera chose faite d'ici un an, et ainsi seront réalisées les dispositions testamentaires de notre concitoyen. 

 

(La Petite Gironde, 19 Mars 1911

Archives Municipales de Bordeaux)

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L'Institut PASTEUR

La découverte par Pasteur de la vaccination antirabique eut un retentissement considérable dans le monde entier. Pasteur était déjà célèbre, il avait créé avec son génie et bien des batailles, une nouvelle science, la microbiologie. Mais avec la guérison du jeune Joseph Meister, sa victoire sur la rage devait lui donner la véritable gloire universelle.

         On a du mal, aujourd'hui, à imaginer ce que pouvait être cette maladie dans l'esprit des hommes à la fin du siècle dernier. Très présente dans beaucoup de pays, elle n'était pas très répandue en France, mais par l'inéluctabilité de ses conséquences, par le caractère affreux de son évolution, elle restait une des grandes peurs moyenâgeuses et donna à celui qui avait réussi à la vaincre un prestige considérable.

Aussi, lorsque l'Académie des Sciences décida la construction par souscription publique d'un Institut offert à Pasteur pour y poursuivre ses travaux, ce fut un véritable élan national, et même international, qui incita les pouvoirs publics mais surtout les particuliers à apporter avec enthousiasme leur contribution à l'oeuvre projetée.

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Riches et pauvres, tous participèrent. Les listes de souscription sont émouvantes. On y trouve toutes les catégories sociales : tous les gendarmes d'une petite brigade du Jura, un facteur, un braconnier, mais aussi l'Empereur du Brésil, le Sultan de Turquie, l'Empereur de Russie, Mme Boucicaut, alors propriétaire du Bon Marché, l'un des premiers grands magasins de Paris, et M. Balladur de Smyrne, ancêtre probable d'un autre Balladur...

Jules Renard dans son journal nous rapporte, telle que Lucien Guitry la lui avait contée, la visite de M. Pasteur à Mme Boucicaut.

Guitry raconte:

"Pasteur se présente chez Mme Boucicaut, la propriétaire du Bon Marché. On hésite à le recevoir. "C'est un vieux monsieur" dit la bonne. "Est-ce Pasteur de la rage des chiens ? ". La bonne va demander. "Oui" dit Pasteur. Il entre. Il explique qu'il va fonder un Institut. Peu à peu, il s'anime, devient clair, éloquent. "Voila pourquoi je me suis imposé le devoir d'ennuyer les personnes charitables comme vous. La moindre obole... Mais comment donc !" dit Madame Boucicaut avec la même gêne que Pasteur. Et des paroles insignifiantes. Elle prend un carnet, signe un chèque et l'offre, plié, à Pasteur. "Merci, Madame ! dit-il, trop aimable". Il jette un coup d'oeil sur le chèque et se met à sangloter. Elle sanglote avec lui. Le chèque était d'un million."

"Guitry a les yeux rouges, moi la boule de gorge" ajoute Jules Renard."

L'anecdote est vraie, même si Guitry avec son sens du théâtre, a largement majoré le montant du chèque qui était tout de même de 250.000 francs or!

Les dons permirent la création de l'Institut et le démarrage de son fonctionnement. Une note de l'époque précise le montant de la collecte et les modalités de son utilisation.

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- 1.940.000 F avaient été collectés.

- 420.000 F furent consacrés à l'achat du terrain.

- 600.000 F à la construction du nouvel Institut.

 - Il restait un million dont les revenus devaient permettre de financer les dépenses annuelles conjointement avec les 25.000 F provenant des ventes des vaccins contre le charbon, contre le rouget du porc et contre le choléra des poules.

 Enfin, les Ministères de l'Instruction Publique et de l'Agriculture accordaient une subvention de 40.000 F.

 Soc hist & arch. du XVème arrdt de Paris N° 6 - 1995

 Legs OSIRIS

Mais déjà, si les dons continuent, on voit apparaître les premiers legs, souvent modestes. Dés 1887 par exemple, un legs Segond, négociant lyonnais, et, cette même année, celui de Mme Boucicaut qui léguait 200.000 F à M. Pasteur, s'ajoutant au don qu'elle lui avait accordé deux ans auparavant.

Il est intéressant de s'arrêter sur quelques-uns de ces legs, ou de ces dons, remarquables soit par leur valeur soit par leurs conséquences, dont certaines encore visibles, puisqu'elles ont marqué le paysage et l'histoire de l'Institut, soit aussi par la personnalité des donateurs, Encore que dans certains cas, ces trois notions aient été réunies.

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En 1907, décédait un financier célèbre à l'époque, M. Daniel Iffla-Osiris. Il avait institué l'Institut Pasteur son légataire universel (sous réserve d'un certain nombre de legs particuliers), précisant dans son testament : "je place mon legs universel et son exécution sous l'invocation de la mémoire du grand Pasteur, une des gloires les plus pures de mon pays".

Il était né à Bordeaux en 1824 d'une vieille famille israélite bordelaise; son grands-père avait été volontaire en 1791 et après avoir combattu dans les Alpes et au siège de Toulon comme sous-lieutenant, s'était distingué dans les Pyrénées Orientales au siège du Boulou.

Daniel Iffla, il ne prendra le nom d'Osiris que plus tard,  s'était installé à Paris assez jeune et après des débuts modestes, s'était révélé un financier de grand talent. Il avait participé à toutes les grandes affaires du Second Empire et y avait amassé une immense fortune qui lui permit dans les dernières années du siècle et les premières du nôtre, de devenir un véritable mécène. Ses dons furent considérables.

C'est ainsi que, pour ne prendre que quelques exemples, il finança des fontaines publiques à Bordeaux, une crèche municipale et un institut de sérothérapie à Nancy, et dans cette dernière ville, une statue de Jeanne d'Arc; un pavillon opératoire moderne à la Salpetrière à Paris, ainsi que la statue d'Alfred de Musset devant le Théâtre Français.

De même, il acheta en Belgique, près de Waterloo, un vaste terrain pour l'érection d'un monument à la mémoire des grenadiers de la Garde tombés près de la Haie-Sainte.

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Il contribua aussi à la construction de plusieurs synagogues notamment à Paris, Nancy, Arcachon et Tunis. Enfin, le fait est peu connu, il racheta le château de la Malmaison et après l'avoir entièrement restauré, en fit don à l'Etat en 1908 et dans son testament demanda que fût édifié à proximité du monument un bâtiment où seraient rassemblées un certain nombre d'oeuvres d'art qu'il avait acquises au long de sa vie.

La liquidation de ce legs, le plus important jamais reçu par l'Institut Pasteur puisqu'il devait lui rapporter 36 millions de francs or, fut effectué sous la responsabilité des exécuteurs testamentaires, dont E. Loubet, ancien Président de la République.

Cet apport permit à l'Institut Pasteur des réalisations importantes pour l'avenir telles que l'acquisition de nouveaux terrains rue Dutot (l'actuelle rue du Dr. Roux), rue des Volontaires et rue de Vaugirard, terrains qui permirent les extensions ultérieures. Il permit aussi la création de l'Institut du Radium. 

La découverte du Radium date de 1898. L'Université de Paris n'en ayant pas les moyens, aucun laboratoire digne de ce nom n'avait pu être créé pour permettre à Pierre Curie, décédé en 1906, et ensuite à Madame Curie de continuer à développer ces découvertes qui allaient pourtant révolutionner notre siècle. 

Fort des ressources que lui apportait le legs Osiris, M. Roux devenu directeur après la mort de M. Duclaux, décida en 1908, en accord avec son conseil d'administration, de créer un laboratoire à l'Institut Pasteur pour Mme Curie.

Grand émoi à l'Université qui comprit qu'elle ne pouvait pas se désintéresser plus longtemps de l'affaire; M. Liard, son recteur, proposa à M. Roux un effort commun, l'Université offrant un terrain qu'elle possédait rue d'Ulm et l'Institut Pasteur finançant les constructions.

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Ainsi naquit l'Institut du Radium avec ses deux sections, l'une de physique placée sous la responsabilité de la Faculté des Sciences et dirigée par Mme Curie, et l'autre de biologie, sous la responsabilité de l'Institut Pasteur et gérée par des pastoriens, notamment les professeurs Rigaud, Lacassagne, puis Latarget.

L'Institut Pasteur ne se dégagea qu'en 1974 de l'Institut du Radium qui fut alors rattaché à la Fondation Curie, maintenant Institut Curie, qui avait vu le jour en 1921 comme fondation indépendante mais centre d'applications médicales de l'Institut du Radium. Le directeur de l'Institut Pasteur est d'ailleurs toujours membre de droit du conseil d'administration du nouvel organisme. 

Le legs Osiris a eu des conséquences certaines sur le destin de l'Institut Pasteur en lui donnant à un moment important de son histoire les moyens de son avenir. Car outre les réalisations que nous avons évoquées, il lui permit de constituer une solide dotation dont les revenus allaient assurer sa vie quotidienne, encore que les dévaluations successives qui ont suivi la fin de la guerre 1914/1918 les aient progressivement amenuisées.

Au titre de l'anecdote, parmi les legs particuliers prévus par M. Osiris figurait une somme de 100.000 F destinée à la Ville de Paris pour que celle-ci fit édifier un monument à la mémoire de deux femmes célèbres par leur générosité: Mme Boucicaut et la Baronne de Hirsh.

Ce monument, de marbre blanc comme l'avait demandé M. Osiris, a été effectivement construit, et on peut toujours le voir dans le square Boucicaut au carrefour des rues de Sèvres, de Babylone et du boulevard Raspail près du Bon Marché.

C'est d'ailleurs Mme de Hirsh qui fit, en 1897, un don de 1 million de francs or à l'Institut, pour permettre à E. Duclaux qui avait succédé à Pasteur, la construction du bâtiment de chimie biologique qui, au 28, rue du Docteur Roux, fait pendant au premier bâtiment construit par Pasteur, au 25 de la même rue, et qui est sans doute l'un des plus importants de l'Institut. E. Duclaux y transféra son enseignement de chimie biologique qu'il dispensait jusque là à la Sorbonne.

 

Bull. soc. hist. & arch. du XVème arrdt de Paris. N' 6 / 1995

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Réalisée le 16 mars 2002  André Cochet
Mise ur le Web le  mars 2002

Christian Flages

Mise à jour le