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Notes :
Vers 1920, le Vicomte de ROTON, propriétaire du Château et du vignoble de RAYNE-VIGNEAU, voulu en savoir plus sur les cailloux qui constituaient le sol de son prestigieux vignoble. Sa curiosité le porta à découvrir une grande variété de minéraux et de roches, parmi lesquelles de nombreuses agates.
Celles-ci, localisées sur une parcelle bien précise (et seulement celle-ci) apparaissaient à la suite de travaux agricoles. Pendant de nombreuses années, le Vicomte put ainsi constituer une très belle collection, unique en Gironde pour l’époque. Cette collection a été fortement valorisée par le fait qu’une quantité phénoménale d’agates (plusieurs milliers de pièces) ont été sciées et polies, les plus belles pièces ayant même été taillées à la manière de bijoux.
Cette collection appartient toujours aux descendants du Vicomte de ROTON.
Quelques spécimens de cette collection étaient présentés sous vitrines ainsi que des échantillons de pierres fines, cousines des agates : onyx, jaspes, opales, quartz, cornalines, calcédoines, etc.
Cette découverte fit grand bruit, les plus éminents des minéralogistes de l’époque tenant tous à obtenir quelques exemplaires des agates de RAYNE-VIGNEAU pour les étudier ou les exposer.
Des recherches eurent lieu sur les terres avoisinantes. Le Vicomte de ROTON et le Marquis de LUR-SALUCES prospectèrent même sur les terres du Château YQUEM ; en vain.
Il n’y avait donc d’Agates que sur cette parcelle de RAYNE-VIGNEAU et nulle part ailleurs !
Et il y en a encore puisqu’au cours de cette journée du 9 juin 2001, plusieurs personnes participant à la quête d’agate dans les rangs de vigne, en ont trouvé quelques unes.
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Nous avons ensuite eu droit à un exposé sur les mécanismes de formation des agates, sur le contexte géologique nécessaire pour réunir les conditions indispensables à la constitution.
L’agate est une pierre fine constituée de microcristaux de quartz dont la dureté sur une échelle graduée de 1 à 10 (10 pour le plus dur, le diamant), se situe au niveau 7.
De structure microcristalline, elle est formée de silice (plus ou moins du quartz) déposée en couches successives, soit concentriques autour d’un noyau, soit parallèles ou à plat.
La molécule de silice est constituée d’un atome de silicium entouré de quatre atomes d’oxygène formant un tétraèdre (volume géométrique à 4 côtés). Les atomes d’oxygène étant communs à plusieurs tétraèdres, sa formule chimique de base est SiO2.
Dans certaines conditions particulières, la silice peut se substituer au carbone ; c’est le cas des troncs d’arbres pétrifiés dont les différents éléments constitutifs de celui-ci (cernes, cellules végétales,…) sont parfaitement préservés.
Les agates se constituent lors de la formation des chaînes de montagne, comme les Alpes. Le magma central cherche à s’infiltrer dans la croûte terrestre fracturée (qu’il ne peut crever, ce serait alors un volcan). Sous l’effet d’une baisse générale de pression, les gaz qu’il contient, très chauds et chargés en silice, parviennent à s’échapper (un peu comme quand on ouvre une bouteille de Perrier). Ils circulent alors dans les fissures des roches et lorsqu’ils atteignent des niveaux moins chauds, ils se condensent et déposent leur excédent de silice sur les parois des fractures (dépôts linéaires) ou peuvent rester piégés dans des systèmes clos (dépôts concentriques). Plus le temps de refroidissement de ces dépôts sera court, et plus les cristaux seront petits.
Suivant le cheminement de ces gaz, ils se chargent en d’autres éléments, qui apportent à ces dépôts une grande variété de couleurs.
Liées à des circulations hydrothermales à haute température, les agates ne peuvent donc se développer que dans un contexte de montagne en formation, soumis à des températures élevées et probablement aussi à des conditions de pression non négligeables.
Ce n’est pas le cas du Bassin Aquitain qui est de nature sédimentaire.
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De par le mode particulier de formation de celles-ci, les agates de RAYNE-VIGNEAU n’ont donc pas pu se constituer là où elles furent découvertes. La question posée au cours de cette conférence par l’orateur, question à laquelle il a essayé de répondre, se décline alors en deux parties : d’où viennent ces agates et comment sont-elles arrivées là ?
Aujourd’hui, les amateurs de minéraux sont plus nombreux (et plus mobiles) et on connaît plusieurs autres gisements d’agates en Gironde : du côté de Cérons, Castillon-la-Bataille, Montalivet,… mais toujours dans des dépôts alluvionnaires ou de plage.
Mais comment ont-elles pu arriver à RAYNE-VIGNEAU et de plus sur une colline ?
Une certitude toutefois, si elles n’ont pu se constituer sur place, elles ne peuvent provenir que des massifs montagneux périphériques, c’est-à-dire du Massif Central ou des Pyrénées.
De plus, on connaît dans le Tarn (au NE de Castres) des gîtes où des agates se trouvent sur leur lieu de formation ; mais aucun dans les Pyrénées.
En fait, il y a environ 300 millions d’années le Massif Central et le Massif Armoricain (la Bretagne) appartenaient à un même massif montagneux, comparable à l’actuel Himalaya.
Depuis cette époque très reculée, l’érosion a fait son office ; “rabotant” cette chaîne montagneuse et remplissant le Bassin Aquitain des éléments arrachés à celle-ci.
Ainsi, les cours d’eau qui alimentaient le Bassin Aquitain étaient essentiellement originaires du Massif Central et circulaient selon une direction globalement Est–Ouest et, en allant vers la région de TOULOUSE, dans un sens plutôt Nord-Est–Sud-Ouest.
Après la surrection des Pyrénées (terminée il y a environ 25 millions d’années), de jeunes rivières comme l’Adour ou la Garonne prirent une direction Sud–Nord.
A ces époques, le Bassin Aquitain était alors recouvert par la mer. La région de BORDEAUX était sous les eaux et connaissait des climats sub-tropicaux.
Ce faisant, le Bassin Aquitain en partie comblé s’est soulevé, la mer s’est retirée et, vers 2 millions d’années (entre la fin du Tertiaire et le début du Quaternaire), ces cours d’eau avaient encore cette configuration, à ceci près que les rivières pyrénéennes s’infléchissaient vers l’Atlantique tout en limitant leur circuit au Sud de l’Aquitaine.
A cette époque, alternent à l’échelle du globe de nombreuses périodes glaciaires et interglaciaires (plus de 30 cycles ont été enregistrés). Lors des périodes de transition entre les phases glaciaires et les interglaciaires, il faut imaginer des cours d’eau peu profonds, divaguant sur une bande relativement large, et qui charrient de grosses quantités de sédiments durant la saison des crues.
Les archives géologiques nous indiquent qu’au début du Quaternaire (probablement vers 1,8–1,6 millions d’années), de brusques changements se sont fait sentir en Aquitaine. Les géologues estiment que vers cette époque, sans doute suite à des réajustements géologiques des Pyrénées, le sous-sol girondin s’est fracturé et soulevé. En témoignent notamment les alluvions anciennes de la Garonne qui se retrouvent dans l’Entre-deux-Mers à des altitudes de plusieurs dizaines de mètres supérieures à celles de leurs homologues présentes rive gauche. Entraînée par un relief sensiblement différent, la GARONNE a alors dévié son cours pour suivre ces nouvelles incisions et prendre les directions que nous connaissons aujourd’hui. Elle a, au passage, capté les rivières issues du Massif Central telles que le Lot, le Tarn, la Dordogne, etc.
La Garonne est donc le moyen de transport des agates, mais il reste une énigme :
Ces agates brutes sont des galets qui dépassent souvent la livre. Or, la pente est trop faible
pour que l’eau ait l’énergie suffisante pour les déplacer. Quel serait donc leur vecteur ?
Une chose est certaine, les glaciers constitués au cours des périodes glaciaires ne se sont jamais étendus jusqu’en Gironde.
Une hypothèse est présentée par l’orateur :
Au cours des périodes glaciaires (la dernière a atteint son maximum il y a 18.000 ans), les fleuves et rivières devaient être gelés en surface pendant plusieurs mois de l’hiver.
Lors de la fonte de ces glaces au printemps, le flot a dû arracher aux rives des amas de glace soudant entre eux les blocs, galets, etc. présents sur ses rives. Les agates, avec les autres galets, ont alors dû être transportées par radeaux de glace. Ceux-ci dérivaient avant de fondre et de déposer les objets qu’ils contenaient. C’est ainsi qu’on probablement été acheminées les agates présentes à Rayne-Vigneau, alors sur le lit de la Garonne. La mise en place de ces galets s’est sans doute réalisée en plusieurs étapes de ce type.[i]
Ainsi une partie du mystère des agates de Rayne-Vigneau a été levée, mais cela ne retire rien à la magie de les trouver et de les admirer et, même les spécialistes en conviendront, il reste bien difficile d’imaginer la puissance du temps et des forces en mouvement au cours de ces âges géologiques, sans commune mesure avec les paysages paisibles que nous avons l’habitude de cotoyer.
Texte revu, corrigé et
aménagé par M. Laurent LONDEIX.
Sur des notes prises au cours de la conférence.
[i] Dans la région de Bommes et de Pujols s/ Ciron de nombreux rochers affleurent, rochers aux formes diverses, qui ont manifestement roulé. Ils présentent parfois des trous. Ils ont subi une érosion par l'eau entraînant d'autres blocs, galets, graviers, etc. comme ceux que l'on voit, polis, dans les gaves. Peut-être ont-ils bénéficié du même mode de transport.