Histoire religieuse
de
Balizac.
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1848/1864. |
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à Balizac, le 16 avril 2004. |
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Jean DARTIGOLLES. | |
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L'an
passé à pareille époque, nous avons évoqué, souvenez-vous, près de deux siècles
de la vie religieuse de Balizac.
D’épisodes
cocasses en situations dramatiques nous avions ainsi exploré un peu de la vie
quotidienne de nos ancêtres de Louis XIV à la seconde République.
Nous allons reprendre ce soir cette histoire où nous l’avons laissée pour la conduire jusqu’à la fin décembre 1864, juste au moment où l’on va entreprendre la construction de la nouvelle église.
La
période explorée sera donc cette fois-ci bien plus courte que lors de notre précédente
rencontre, 15 ans tout au plus de la vie du village… mais quelles années !
Des années riches en rebondissements et en rebondissements
tumultueux….
Attachez
vos ceintures car nous allons maintenant pénétrer dans une zone de fortes
turbulences. Balizac a véritablement connu là quelques années de passion. Une
passion que je vais essayer de vous faire partager.
Le
triste état de l'Ancienne église.
Rappelons
tout d’abord le problème majeur qui, depuis longtemps déjà, pesait sur la
paroisse, savoir, le problème du mauvais état de sa vieille église.
La
partie la plus ancienne de ce bâtiment avait déjà 700 ans et, faute d’un
entretien suffisant, annonçait une ruine prochaine.
Nous
avons déjà vu, qu’en 1836, miné par les eaux descendant du haut du bourg
vers le ruisseau, le mur du cimetière s’était effondré laissant libre cours
à tous les ruissellements à travers les tombes et comme il n’y avait à l’époque
aucun caveau bâti, l’eau ravinait librement les tas de sable recouvrant
chaque tombe, en arrachait les matériaux et les entraînaient jusqu’au
premier obstacle rencontré et cet obstacle n’était autre que le mur nord de
l’ancienne église.
Je
rappelle en passant que cette ancienne église était construite sur un axe
perpendiculaire à celui de l’église actuelle, la porte d’entrée vers
Saint Symphorien et le cœur vers Villandraut.
Au
fil du temps un talus de terre sablonneuse s’était donc formé, contre le
mur, côté bourg. Au moment de l’histoire où nous nous trouvons, il faisait
bien deux mètres de hauteur. Certains disent même davantage.
Et
les eaux de ruissellement ne cessaient de venir imbiber ce talus maintenu en état
d’humidité permanente et qui plaqué contre le mur, avait fini par complètement
pourrir la maçonnerie.
Cette
humidité était telle que, chaque année, à l’automne et pour tout l’hiver
de grandes flaques d’eau se formaient sur le carrelage de l’église et s’y
maintenaient jusqu’aux chaleurs de l’été.
Il
ne faut pas trop s’étonner si le fameux Curé Boulmé, souvenez-vous, c’était
le chasseur de bécasses….., il ne faut pas trop s’étonner donc, s’il se
plaignait à l’Archevêque de trouver l’air de Balizac empesté et
irrespirable. S’il parlait de Triscos ou de Mahon nous ne le croirons guère,
mais s’il parlait de son église gâtée par l’humidité et le salpêtre
alors, oui, c’était tout à fait vraisemblable.
Finalement
rendons lui cette justice, c’est bien le Curé Boulmé qui le premier a eu
l’idée de démolir l’église et d’en construire une autre en un lieu
mieux drainé.
Déplacer
l’église !! Tout le monde à l’époque s’esclaffa….. et comme le
Curé Boulmé n’était pas avare d’idées originales, voire même, parfois,
franchement farfelues, on mis sa proposition sur le compte de son humeur
fantasque et on n’en parla plus… Mille regrets ! Mais l’avenir, vingt
ans plus tard devait lui donner raison.
Dans
l’immédiat, ainsi qu’il arrive parfois, on parla beaucoup mais on ne fit
rien ou du moins pas grand chose.
1847,
première expertise, premier rapport.
Au
cours de l’année 1847, on avait, tout de même demandé au Sous-préfet de
Bazas d’envoyer un architecte pour évaluer la situation.
Lorsqu’il
arriva sur place, ce qu’il découvrit lui fit froid dans le dos. Il estima
qu’il fallait intervenir au plus vite en prenant des mesures conservatoires.
Ces mesures étaient évidentes, n’importe qui pouvait les imaginer sans
peine, c’était une affaire de simple bon sens.
Par
contre les dispositions à pendre à plus long terme étaient beaucoup moins
claires car on pouvait hésiter entre plusieurs solutions. Soit réparer, soit démolir
et reconstruire.
Et
parce que ce second stade méritait sérieuse réflexion, l’Administration
avait mis ce dossier à l’étude en oubliant qu’une partie, au moins, en était urgente.
Et
il continuait de pleuvoir, à l’occasion, sur le bourg de Balizac avec les
conséquences désastreuses que l’on peut imaginer.
Sous
la Seconde République.
La-dessus,
survint la Révolution de février 1848. Le Roi Louis-Philippe s’en va et la
seconde République s’installe. Tous les cadres de l’Administration sont
bouleversés, la gouvernements, en ses débuts maîtrise mal la situation et il
s’ensuit un assez grand désordre.
Dans
ce grand chambardement le dossier de l’église de Balizac est tout à fait
oublié. Mais le ciel ne s’embarrassant pas des remous politiques, il continue
de pleuvoir sur le bourg de Balizac…..
Or,
voilà qu’aux élections municipales qui s’ensuivent, le 30 juillet 1848,
Jean Dartigolles, mon arrière Grand Père entra dans le nouveau Conseil
Municipal. Il y entra dès le premier tour, mais par la petite porte, il fallait
32 voix pour passer, il en obtint tout juste 33.
A
27 ans et demi on avait dû le trouver bien jeune. Et de fait, dans ce Conseil,
il se trouva d’être le plus jeune. Beaucoup trop jeune pour être pris au sérieux
par les plus anciens.
Il
allait bien s’en rendre compte le 20 août suivant au moment de l’élection
du Maire. Il fallut trois tours de scrutin pour le désigner car ce fut
finalement lui qui fut élu par 8 voix contre quatre qui s’étaient portées
sur Raymond Baron qui allait devenir son adjoint et ceci allait avoir pas mal de
conséquences.
Le nouveau Maire entreprend les travaux,
l'opposition se dresse,
le village se
divise.
Jean
Dartigolles avait le dynamisme de sa jeunesse, A peine installé dans sa
fonction, il se saisit à bras le corps du dossier de l’église.
Les
mesures conservatoires qu’il fallait prendre, nous l’avons déjà vu
tombaient littéralement sous le sens. Il fallait déblayer le talus qui s’était
formé contre le mur de l’église, creuser une rigole un peu en amont du mur
pour collecter les eaux descendant du bourg, lui faire contourner le bâtiment
et l’envoyer se déverser au ruisseau.
Le
nouveau Maire pensa que l’on n’avait pas besoin de concours extérieurs pour
réaliser d’aussi simples travaux qui pouvaient être entrepris avec les seuls
moyens locaux.
Après
quoi, l’avenir immédiat étant sauvegardé on aurait tout loisir d’attendre
les décisions de l’Administration sur le problème de fond : réparer ou
reconstruire l’église.
Le
Maire prit donc aussitôt contact avec le conseil de fabrique de la paroisse qui
était propriétaire du bâtiment. Le Conseil s’engagea à payer les frais de
l’opération , au demeurant très modestes.
Dès
le printemps 1849, le Maire autorisa l’ouverture du chantier.
Hélas !
Tout aussitôt une vive opposition se manifesta contre cette entreprise. Une
opposition menée conjointement par Raymond Baron le propre adjoint du Maire et
par Monsieur Boursey, le tout jeune instituteur (il avait 19 ans) qui venait
tout juste d’arriver à Balizac.
L’argument
des opposants était, selon leurs propres termes, que : « tous ce
débris répandrait une mauvaise odeur dans le bourg…. »
On
ne contestera pas que la chose fut possible surtout à l’approche des chaleurs
de l’été. Un peu surpris de la vivacité de cette réaction le Maire,
sagement fit suspendre les travaux en attendant de voir un peu plus clair dans
ce mouvement de contestation.
Il
pensait aussi qu’il s’apaiserait de lui-même lorsque reviendraient les
froids de l’hiver. C’était compter sans le militantisme du jeune
instituteur qui venait d’ailleurs d’être suspendu de ses fonctions pour des
motifs parfaitement étrangers à notre affaire. Du fait de cette suspension il
en voulait à la terre entière et tout au long de l’été il se mit à faire
du porte à porte pour soulever l’opinion contre ce projet quelle que soit la
saison dans laquelle il serait repris.
Et
Raymond Baron, l’adjoint accompagnait ce mouvement avec vigueur, ravi de
mettre son Maire en difficulté, et il réussit à rallier plusieurs conseillers
à sa cause.
L’affaire prenait dès lors un tour de politique politicienne et, se partageant entre les "pour" et les "contre" tout Balizac entra bientôt en ébullition.
Première intervention du Curé
auprès de l'Archevêque.
Le
Curé Billaud était absolument navré de ce contre temps qui renvoyait au
calendes grecques la réalisation de travaux qu’il appelait de tous ses vœux.
Le
14 août 1849, il écrit à l’Archevêque pour lui expliquer tout cela et lui
suggère qu’il serait bon de désigner une commission officielle qui serait
chargée d’examiner la situation.
Ce
brave Curé ignorait que cette démarche avait déjà été faite en 1847 avant
son arrivée à Balizac et que le rapport d’architecte dormait toujours dans
les cartons de l’Administration.
Dès
la semaine suivante l’Archevêque lui répondait en termes de bon sens en suggérant
que le Maire fasse prendre une délibération par son Conseil et la fasse
approuver par le Sous-Préfet ce
qui ne devrait, semblait-il soulever aucune difficulté puisque les travaux
envisagés correspondaient exactement aux conclusions déposées deux ans
auparavant par l’architecte de l’Administration.
Mieux
encore…… l’Archevêque suggérait que l’on attende simplement le mois
d’octobre que, les grandes chaleurs étant passées, on fasse exécuter les
travaux sans autre procédure. Cela était en effet plein de bon sens mais complètement
en dehors de la plaque.
A
Balizac, une moitié du village ne parle déjà plus à l’autre en attendant
d’en venir aux mains, il y a longtemps que le bon sens n’y a plus cours.
Seconde intervention du Curé
auprès
de l'Archevêque.
Le
Curé Billaud comprit bien que l’Archevêque n’avait pas bien pris la mesure
de la situation locale. Le 5 septembre, il reprenait la plume et adressait une
lettre personnelle au Vicaire Général lui exposant l’embarras du Maire et
l’impossibilité d’obtenir un consensus suffisamment large pour envisager de
reprendre ces travaux à l’automne.
"
Monsieur le Maire, écrit-il,
n’ose pas en prendre la responsabilité sur lui-même, je pense comme
lui. Le moyen le plus sûr pour se mettre à l'abri de la critique, serait
d'obtenir une autorisation de Monsieur le Préfet. Ce Haut Fonctionnaire ne
refuserait pas à sa Grandeur si elle lui demandait une telle
autorisation."
L'idée
n'était pas mauvaise, et le Cardinal y souscrit aussitôt. Dans la même
semaine, le 11 septembre, il adresse une lettre personnelle au Préfet en lui
expliquant combien ce bâtiment pouvait être insalubre et rappelant, pour faire
bonne mesure, que :
"deux
de mes Curés, âgés d'une trentaines d'années y ont laissés la vie…."
Voilà
qui donne de Balizac une image tout à fait redoutable. C'était pourtant vrai,
mais encore faudrait-il préciser que l'un d'entre eux était déjà très
malade lors de son arrivée à Balizac et que l'autre avait également d'assez sérieux
problèmes.
Il est tout à fait possible que l'insalubrité de l'église ait aggravé leur mal et soit pour quelque chose dans leur tragique destin mais pour être parfaitement objectifs, il faudrait aussi dire que les Curés arrivés à Balizac en bonne santé étaient repartis de même.
Poursuivant
sa lettre, le Cardinal en vient à sa proposition :
"Quelques
habitants, écrit-il, poussés par l'instituteur communal qui a été récemment
suspendu par le Comité Supérieur de Bazas, homme qui jette l'intimidation dans
le pays, ont murmuré et ses sont plaints. Monsieur le Maire a cru, par
prudence, devoir surseoir au travail."
"Quelques
habitants", le mot était faible, en fait, c'était la moitié du village.
Quand aux "murmures", il s'agissait plutôt de violentes prises de
bec, d'altercations et même de voies de faits entre voisins et à l'occasion
entre membres d'une même famille.
Et
la-dessus, le Cardinal concluait en demandant au Préfet s'il ne pouvait donner
des instructions pour que les travaux fussent repris. Ce faisant l'Archevêque
restait toujours là sur le terrain de la simplicité et du bon sens.
L'idée
du Curé Billaud lui avait parue simple et constructive et en s'adressant
directement au Préfet par une lettre personnelle il avait espéré en recevoir
une réponse directe également personnelle qui aurait mis fin au débat.
Hélas
! Sans s'en douter il venait d'enclencher là une procédure administrative
beaucoup plus attachée à la lettre du règlement qu'à l'évidence du bon
sens.
L'Administration
Préfectorale entre en scène.
Au
lieu de prendre une décision et de répondre personnellement à une lettre
personnelle le Préfet passa la lettre de l'Archevêque à ses services et le
rouleau compresseur administratif se mis joyeusement en marche. Deux jours plus
tard, car les choses ne traînèrent pas, la préfecture saisissait le Sous Préfet
de Bazas en écrivant:
"Si
le prix(de ces) travaux doit être acquitté par la Commune, ils
n'auraient dû être exécutés qu'en vertu d'une décision du Conseil Municipal
et après inscription de la dépense ; dans tous les cas le projet doit préalablement
être approuvé."
Voilà
un argument qui, effectivement aurait pu tout bloquer et relancer l'affaire en
repartant de zéro.
Manque
de chance ! Il ne valait
rien, le Maire avait, dès le départ, pris sagement ses précautions.
C'est la Fabrique de la Paroisse qui s'était engagée à payer les
travaux. La Commune n'y mettrait pas un sou. Le Préfet l'ignorait, mais le
Sous-Préfet lui, le savait.
Objectif
manqué !
Alors
est-ce que le bon sens allait l'emporter ?
Mais
non, mais non ! Vous n'y êtes pas, l'Administration va trouver autre chose. Le
Sous Préfet écrit au Maire en lui faisant connaître que les travaux envisagés,
même s'ils relèvent d'un financement privé, portent sur un cimetière
"et
que dans ce cas, je le cite, on ne pouvait pas se permettre de remuer la
cendre des morts sans recourir au préalable à la formalité d'une enquête de
commodo et incommodo."
Cette
fois-ci, le coup va droit au but, voici en effet, un aspect du problème qui
avait échappé eu jeune Maire. Et là, la solution simple avait une bonne
charge de plomb dans l'aile.
En
conclusion, le Sous Préfet demandait qu'on lui désigne une personnalité
neutre à qui il pourrait confier cette enquête.
Neutre ? Facile à dire !
Mais où voulez vous trouver quelqu'un de neutre dans un village en ébullition
où tout un chacun dit et fait n'importe quoi sans écouter personne.
Comment
trouver quelqu'un de neutre qui puisse être accepté par chacun des deux clans
qui se déchirent ?
Le Maire est en situation inconfortable,
les passions s'exacerbent.
Le
Maire se sent en position inconfortable. Bien renseigné par l'Adjoint,
l'Instituteur le comprend. Dès lors il se déchaîne… Il lance une pétition
contre la poursuite des travaux et, allant de porte en porte selon son système
bien rodé il recueille 36 signatures ce qui représentait un peu plus de la
moitié du corps électoral. Car ne l'oublions pas, nous sommes sous la seconde
République et le suffrage universel n'existe pas encore.
Mais
ce qui est peut-être plus grave encore c'est que parmi ces 36 signatures il y a
celle de l'Adjoint et de 5 conseillers. Le Maire, il le dira plus tard, n'était
pas du tout sûr que, sur un effet de séance, l'un des siens ne le lâche pas
au cours d'un vote à bulletin secret.
En
ce cas, les travaux seraient purement et simplement condamnés et abandonnés…
Entre
temps les passions s'exacerbent.
Les
samedi 15 septembre 1849, il y avait une noce au Bourg de Balizac. Voilà que
dans l'après-midi, sur le coup de 4 heures alors que l'on était en train de
danser, l'Instituteur surgit au milieu du bal et se met à injurier tout le
monde en semant une panique épouvantable. Il poursuit des gens jusque sur la
place publique les menace et leur crache au visage
La
raison de ces débordements ? C'est qu'il s'agissait d'un mariage entre deux
familles qui avaient refusé de signer la pétition de l'Instituteur.
On
en était là à Balizac…..Cette affaire aura une suite judiciaire, une de
plus….
Le
Maire hésite.
Le
Maire toujours perplexe quant à sa
majorité incertaine temporise encore, et le temps passe, c'est ainsi que nous
arrivons au début de 1850. Au cœur de l'hiver, il y a toujours de grandes
flaques d'eau sur le sol de l'église et de la sacristie.
Le
Curé s'impatiente, comment ne pas le comprendre
?
Le
8 février, il relance l'affaire en écrivant au Grand Vicaire de l'Archevêché
et lui explique la situation :
"le
maire découragé……abandonne l'idée des travaux….. (et) si on ne les fait
pas avant la fin mars, ce sera pour l'hiver prochain …."
Le
Curé, ici, a, à la fois, tort et
raison. Il a tort, car le Maire n'envisage absolument pas de renoncer aux
travaux, mais que peut-il faire s'il n'est pas sur d'être suivi par son Conseil
?
Par
contre, le Curé à parfaitement raison lorsqu'il dit que si la décision n'est
pas prise avant le printemps, on ne fera rien avant l'automne.
Cette
lettre relance l'affaire et nous voilà repartis pour un autre tour de manège.
L'Archevêque écrit au préfet, le Préfet écrit au Sous-Préfet et le Sous-Préfet
a beau jeu de répondre que si l'affaire est bloquée c'est que depuis 6 mois le
Maire n'a pas répondu a sa demande de désignation d'un expert.
Et
les semaines passent encore. Et nous arrivons ainsi au mois d'avril et là le
Curé a une autre idée. Un fausse bonne idée qui finira par se retourner
contre lui.
La
fausse bonne idée du Curé.
Le
4 avril 1850, il prend sa plus belle plume et écrit au Grand Vicaire en lui
suggérant d'informer le Maire que si les travaux ne sont pas réalisés immédiatement
l'Archevêque suspendrait tout exercice de culte dans l'église de Balizac.
A
réception de cette lettre, à l'Archevêché on s'interroge, on hésite, et après
tout, pourquoi pas ? Six jours plus
tard le Cardinal en personne écrit au Maire
"je
me verrais obligé, à mon grand regret, d'interdire le service religieux dans
l'église de Balizac"
De
cette lettre, l'Archevêque attendait l'effet d'une bombe. Or, en fait, ce n'était
qu'un pétard mouillé. A sa lecture, Jean Dartigolles est profondément découragé,
il se voit abandonné par ceux-la même dont il défend les intérêts. Il en a
par dessus la tête de cette situation et du climat détestable qui règne dans
la commune.
Ils
veulent fermer l'église ? Eh bien, qu'ils la ferment ! Et dès la fin de la même
semaine, il répond au Cardinal :
"Je
ne vois plus (effectivement) de solution que dans l'interdiction de l'église…."
A
l'Archevêché, on est passablement surpris, ce n'est pas du tout la réponse
que l'on attendait. On avait cru stimuler le Maire, or il se trouve qu'il n'en
avait pas besoin mais il aurait plutôt eu besoin d'être soutenu. C'était
vraiment raté.
L'Archevêque intervient directement
auprès du sous-Préfet.
L'Archevêque
décide alors d'écrire directement au Sous-Préfet en brandissant la même
menace, en se disant qu'un fonctionnaire de l'Etat directement pris à partie
par un Cardinal devrait nécessairement bouger.
Et
de fait c'est vrai qu'il va bouger. D'abord parce qu'il en a assez d'entendre
parler de Balizac et des Balizacais qui, vu de Bazas, et selon les échos qui
lui parviennent, sont au bord de la guerre civile.
Il
veut en finir. Alors il envoie à Balizac l'Agent Voyer d'Arrondissement en le
chargeant de faire un rapport sur la situation. Celui-ci confirme point par
point la nécessité urgente d'effectuer les travaux préconisés par le Maire.
Sur
ce rapport, le Sous-Préfet adresse une longue, très longue lettre au Préfet
en reprenant toute l'affaire, depuis le début, exactement comme s'il s'agissait
d'une affaire nouvelle. Il met une vive insistance sur l'urgence de ces travaux
et souligne, au passage, que tout cela ne tient qu'aux intrigues de
l'Instituteur.
"qui
n'a d'autres mobiles que le désir de se montrer hostile envers les autorités
locales et de satisfaire la haine qu'il leur a vouée…."
Mais
il se garde bien d'évoquer le rôle d'opposant politique que joue l'Adjoint au
Maire. Le Sous Préfet estime probablement qu'un représentant de l'Etat ne doit
pas prendre position dans les querelles intestines survenant dans un Conseil
Municipal.
C'est bien dommage car c'est bien le cœur du problème. Si le Maire redoute tant d'être mis en minorité c'est bien à cause de la campagne menée par son Adjoint au sein de son Conseil.
A
la réception de ce document fleuve le Préfet réagit avec vigueur, il faut,
dit-il, désormais aboutir et aboutir vite. Pour cela il veut une délibération
du Conseil décidant de l'ouverture de ces travaux.
Mal
informé par son Sous Préfet, il n'a, encore une fois, rien compris à la
situation locale et nous sommes à nouveau ramenés à la case départ, une fois
encore, en avez-vous fait le compte ?
Navré
Jean Dartigolles compte et recompte les voix qu'il pourrait obtenir et
visiblement il n'est sûr de rien. Avec le recul du temps, il nous est très
difficile d'apprécier si ces craintes étaient ou non justifiées.
Tout
ce que l'on peut dire, c'est que Jean Dartigolles tant dans ses propres affaires
que dans sa gestion municipale a maintes fois prouvé qu'il était homme de détermination,
un homme solide et avisé.
Il
semble donc que l'on puisse prendre son incertitude au sérieux. Il n'était
vraiment sûr de rien…. Il est bien difficile d'en dire davantage.
La
fureur du Maire.
Mais
voilà, "Coup de théâtre !" Les
tensions locales allaient encore monter d'un cran et cette fois-ci, à l'intérieur
même du parti favorable aux travaux.
On
avait fini par savoir, un peu par hasard, que c'était le Curé Billaud, lui-même
qui avait suggéré à l'Archevêque d'interdire le culte dans l'église. Le
Maire est stupéfait, stupéfait et furieux….
Jusque
là, il avait mis cette proposition sur le compte d'un anonyme quelconque de
l'Archevêché. Et voilà qu'il apprend que c'est son Curé, celui-la même
qu'il voit tous les jours qui, en douce, lui a fait ce coup là.
Et
pourquoi ? Pour le stimuler, lui et ses conseillers fidèles comme s'ils en
avaient besoin d'être stimulés !!
Jean
Dartigolles prit ce geste pour un acte de défiance, une sorte de trahison
personnelle. Ne perdez surtout pas de vue que ces gens là étaient très jeunes
et qu'ils avaient le sang chaud de la jeunesse.
A
ce moment là, l'Instituteur avait 20 ans et demi, le Maire 29 et demi et le Curé
Billaud tout juste 29.
Les
tensions augmentent encore d'un cran.
Furieux, donc, le Maire convoque une réunion extraordinaire
du Conseil municipal et pour donner plus de poids à la décision à prendre il
y adjoint comme c'était alors possible, les dix contribuables les plus imposés
de la Commune.
Il
va, ni plus ni moins, proposer à cette Assemblée, à titre de sanction, de
supprimer au Curé le complément de traitement annuel de 200 francs que la
Commune lui versait jusque là à titre gracieux.
Ce
Conseil élargi se réunit le 12 mai 1850. Une séance historique mais aussi
quasiment hystérique. L'ambiance est houleuse, les noms d'oiseaux volent dans
tous les sens.
Il
y a là:
Les
partisans des travaux qui avec le Maire veulent sanctionner le Curé.
Les
partisans des travaux qui, néanmoins le soutiennent.
Les
opposants aux travaux qui, eux aussi, veulent sanctionner le Curé.
Et
enfin les opposants aux travaux mais qui soutiennent cependant le Curé.
Toutes
les tensions qui règnent dans le village éclatent au grand jour.
Finalement
on passa au vote et il se trouva une exacte égalité de voix entre les
partisans du maintien et ceux de la suppression de cette allocation au Curé. Et
le Conseil conclut sa délibération en écrivant:
"Comme
les voix sont partagées, le Conseil Municipal et les plus forts imposés ont déclaré
que la décision de cette affaire sera transmise à l'Autorité supérieure
chargée de décider de cette affaire."
C'est
ce qu'on appelle "botter en touche", même si l'expression n'existait
pas encore, le rugby restant à inventer.
Le Sous Préfet est bien ennuyé et le Préfet bien plus encore….. A Bordeaux on commence à en avoir par dessus les oreilles de ce Balizac lointain où personne n'a jamais mis les pieds mais qui a l'art de susciter des affaires plus ou moins gluantes que personne ne sait par quel bout prendre. Et compte tenu de l'âge des protagonistes, le Préfet n'est pas loin de voir dans tout cela l'agitation turbulente d'une bande de gamins insupportables.
Ne
perdez surtout pas de vue, il convient de la rappeler, que toute cette affaire
porte sur le dégagement d'une douzaine de tombereaux de terre et le creusement
d'une rigole de 50 cm de large sur une soixantaine de mètres de long et rien de
plus, on pourrait l'oublier.
Tournons
rapidement les pages de ce dossier pour dire seulement que pendant l'automne de
1850 le Maire est soumis à un véritable bombardement de lettres du Sous Préfet
toutes plus pressantes les unes que les autres….
Résumons
les en peu de mots : Maintenant ça
suffit, réunissez votre Conseil, prenez une délibération favorable aux
travaux et fichez nous la paix.
Facile
à dire mais le problème de fond reste entier.
Le
revirement de 1850.
Entier
? Pas tout à fait. Pas tout à fait car le vent commence à tourner. Pour des
raisons professionnelles qui n'avaient rien à voir avec notre affaire le jeune
Instituteur avait été révoqué par le Conseil de Discipline de l'Académie le
20 octobre 1849.
Il
s'était déjà livré dans le village à toutes sortes de pitreries et
d'excentricités qui n'avaient pas tellement été appréciées par les
Balizacais, à quelque parti qu'ils appartiennent. En un mot, il en faisait un
peu trop.
Pour
faire bonne mesure, au mois d'avril 1850 dans l'après-midi du Jeudi Saint, il
fit irruption dans l'église au beau milieu de l'office pour y faire cent
bouffonneries et y entonner à pleine voix dans chants forts peu liturgiques.
Quelques
assistants s'esclaffèrent en quelques rires mais la grande majorité se répandit
en protestations indignées. Le Curé finit par interrompre la cérémonie et se
retira. L'affaire fit grand bruit. C'est la dernière manifestation que nous
connaissons de l'Instituteur Boursey.
Il
quitte Balizac peu après et finit par récolter 15 jours de prison ferme devant
le Tribunal Correctionnel de Bazas pour un tout autre motif.
Même
ceux qui ne fréquentaient guère l'église n'avaient pas apprécié l'incident
du Jeudi Saint. Un moment subjugués par le militantisme agressif de
l'Instituteur, un nombre croissant de Balizacais commençait à prendre ses
distances avec un homme qui, désormais au surplus avait maille à partir avec
la justice.
La
contestation, oui et l'on ne s'en privait pas mais le désordre, non. A l'évidence
le vent tournait et même, après le départ de l'Instituteur, tournait plutôt
vite.
Le
Maire estima bientôt que le moment était venu de provoquer cette fameuse réunion
de son Conseil pour décider de la reprise des travaux. Il la convoque pour le
10 novembre de la même année, 1850.
Le
Conseil Municipal se réunit enfin.
L'atmosphère
était tendue, c'est le moins que l'on puisse dire. Personne n'était encore à
même de prendre un pari sur l'issue du vote.
Dès
le début de la séance le Maire donna lecture de toutes les lettres officielles
qu'il avait reçu de toutes parts et cela dura un bon moment car il en avait un
sacré stock. Toutes, absolument toutes concluaient à la nécessité urgente de
ces travaux.
Il
n'y eu presque pas de débat et on passa au vote secret.
Je
vous lis le compte rendu de séance tel que vous pourrez le retrouver sur le
registre de la Mairie:
"A
l'unanimité, le Conseil Municipal, après avoir réfléchi mûrement, convient
qu'il est utile que ces travaux se terminent aux frais de la Fabrique et le plus
tôt possible."
A
l'unanimité, vous avez bien compris. Oh
! Divine surprise ! Même les
opposants les plus virulents s'étaient ralliés au vote. Mais combien de temps
aait-il fallu pour en venir là ?
C'est
tellement surprenant que l'on peut se demander si Jean Dartigolles n'avait pas
été pessimiste dans l'appréciation de sa majorité. La question reste posée
mais en rappelant tout de même que plusieurs observateurs indépendants, tout
au long de la crise ont partagé ses craintes. Elles avaient donc dû avoir un
fondement sérieux.
La
situation se débloque.
A
partir de ce moment là les choses allèrent très vite. Les travaux furent
aussitôt mis à l'adjudication sans même que plus personne ne parle d'enquête
de commodo et incommodo.
Il
y eu trois soumissions d'entrepreneurs que l'on dépouilla le 19 janvier 1851.
Ce fut un nommé Fillon qui l'emporta avec un rabais de 15 francs sur le devis.
L'Agent Voyer de l'arrondissement se rendit sur place dans le courant de la
semaine afin de définir le tracé exact de la rigole et les travaux furent
entrepris séance tenante.
Dès
le 19 février, dans une lettre adressée à l'Archevêque, le Curé Billaud
pouvait lui rendre compte de l'achèvement des travaux. Dans les semaines qui
suivirent les premiers signes d'assainissement se manifestèrent.
Dans
la foulée le Maire exploita ces circonstances favorables pour faire approuver
un autre projet qui lui tenait à cœur, celui de relever les murs du cimetière
qui s'étaient effondrés en plusieurs endroits.
Il
obtint un vote unanime de son Conseil.
La
paix revenait à Balizac, le Village retrouvait un peu de sérénité qui depuis
quelques années lui avait fait bien défaut et dont il avait grand besoin.
Tout
cela était bel et bon mais ces travaux étaient intervenus beaucoup trop tard.
Certes les flaques d'eau disparurent du sol mais toute la maçonnerie de la
paroi nord de l'église était irrémédiablement pourrie et la Commune allait
dans un proche avenir être confrontée à d'énormes problèmes.
Le
calme revient dans le village.
Les
violentes querelles qui avaient secoué le village sous la seconde République
commençaient à s'apaiser. Balizac redevenait peu à peu Balizac. Il se
produisait bien, encore, quelques incidents de ci, de là mais la meilleure
preuve de l'apaisement général, c'est que personne ne chercha à les
exploiter. Ainsi en fût-il, par exemple, de l'incident du Cimetière en 1858.
Figurez-vous
qu'au début de l'année 1857 le Maire avait pris un arrêté réglementant la
police du cimetière dans lequel on avait vu se commettre quelques actions répréhensibles.
Dans
son article 8, cet arrêté interdisait la divagation des animaux dans son
enclos car certains avaient pris l'habitude d'envoyer leur bétail paître entre
les tombes.
Jean Courbin avait été désigné comme garde pour surveiller l'application de cet arrêté.
Le
15 février 1858, jean Courbin envoie son fils pour jeter un coup d'œil et
s'assurer que tout allait bien dans l'enclos. Or ce garçon revient chez lui
dare-dare, les coudes au corps, il y a un cheval qui broute dans le cimetière !
On
y court… et, Oh surprise ! C'est le cheval du Curé Billaud !
On le fait sortir, certes mais aussi on enquête. Il n'a pu entrer que
par la porte reliant la prairie du presbytère à l'enclos du cimetière. C'est
l'itinéraire du Curé pour se rendre de chez lui à l'église.
Interrogé,
le Curé assure qu'il a toujours bien soin de fermer cette porte et qu'en aucun
cas son cheval ne pouvait y passer. Bref, vous comprenez bien qu'il y avait là
réunis, tous les éléments pour exploiter un belle affaire. Eh bien il n'en
fut rien. Le temps des querelles était passé et on en resta là.
Autre
exemple s'il en était besoin. Le lendemain de Noël de la même année, le 26 décembre
1858, sur le coup de 21 heures, il fait nuit noire, le Maire s'arrête chez
Bernadet qui tient une auberge à Triscos. Il rencontre là quelques amis avec
lesquels il devise paisiblement.
Survient
tout à coup Guillaume Marceau, le forgeron, un ancien opposant aux travaux du
cimetière. Il est passablement éméché pour avoir un peu trop arrosé les fêtes
de la Nativité. Le voilà qui se met à invectiver tout le monde, reprenant les
vieilles histoires du temps de la zizanie et, tout spécialement injuriant le
Maire proclamant tout crûment qu'il l'emmerdait.
On
le jeta promptement à la porte dans les profondeurs de la nuit, mais on dressa
néanmoins un procès verbal de ce regrettable incident. Mais ici encore, aucune
suite n'y fut donnée. Balizac avait, à l'évidence, renoué avec l'esprit de
mesure et de sagesse.
Les
élections municipales de 1860.
La
situation politique locale étant ainsi clarifiée, la nouvelle Municipalité
issue des élections de 1860 allait pouvoir, désormais, aborder les difficultés
qui l'attendaient avec un front uni.
En
effet aux élections du 15 août 1860, Jean Dartigolles avait connu une réélection
littéralement triomphale. Sur 141 suffrages exprimés il avait obtenu 139 voix.
Peut-être
les opposants avaient-ils choisi de s'abstenir car les abstentions avaient
effectivement été nombreuses mais ce n'est pas absolument certain car on
retrouve partout le même phénomène.
Le
Second Empire avait donné au peuple le suffrage universel. C'était une première
en France où l'on avait pratiquement jamais connu cela…. même sous la Révolution.
Au
début, ce nouveau droit avait soulevé l'enthousiasme dans les campagnes mais
le Pouvoir Impérial, très soucieux de légitimer son régime, avait multiplié
les consultations populaires.
Elections,
plébiscites, référendum, etc...
au bout de 8 ans d'incessantes convocations au urnes, la lassitude était
venue et dans tout les villages les abstentions avaient fini par se multiplier.
A Balizac comme ailleurs même pour des élections de proximité comme les
municipales
Jean
Dartigolles, souvenez-vous, avait été très modestement élu en 1848 avec une
seule voix de majorité. En 1860 il connaît un véritable triomphe. L'usure du
pouvoir n'a pas joué contre lui. Et ce résultat est d'autant plus significatif
qu'il survient après la crise qui a secoué le village au sujet des travaux de
l'église.
La
paix était donc enfin revenue et la nouvelle Municipalité allait avoir les
mains libres pour travailler. Les mains libres oui,
certes mais la bourse plate et c'était bien là tout le problème.
Du
passé faisons table rase….
On
commença néanmoins par effacer l'une des dernières cicatrices du passé en rétablissant
au Curé son complément de traitement de 200 francs par an mais ce qui est
plaisant dans cette affaire c'est que l'on feint de croire qu'il s'agit d'une
affaire nouvelle. Très exactement comme si ce complément de traitement n'avait
jamais existé auparavant, le mot de "rétablissement" ne paraît
nulle part.
Cette
décision fut prise au cours de la séance du Conseil du 8 novembre 1863. Le
Maire prit la parole et dit :
"Qu'il
serait convenable d'accorder à M. le Curé de Balizac un supplément de
traitement de 200 francs car les charges attachées à son ministère en font même
un impérieux devoir à tous les habitants de cette localité car le Prêtre
doit pouvoir vivre décemment de l'autel et répandre quelques aumônes dans le
sein des pauvres."
Et
sans le moindre débat cette proposition fut votée à l'unanimité.
Et
maintenant revenons à l'église.
Restait
à prendre une décision de fond, une très grave décision sur l'avenir de l'église.
Rappelons qu'en 1836, la Municipalité avait déjà déposé un dossier de
demande de subvention en vue d'une remise en état générale.
En
ce temps là on croyait encore à la possibilité de sauvegarder le monument. En
1851, au terme de la polémique sur les travaux on n'y croyait plus guère et
dix ans plus tard, on n'y croyait plus du tout.
A
partir de 1862 tout le monde finit par admettre qu'il n'y avait plus d'autre
solution que de démolir cette vieille église et d'en reconstruire une nouvelle
au prix d'une charge financière démesurée dépassant de beaucoup les capacités
de la Commune et de la Fabrique réunies.
Nous
ne disposons d'aucun document ni dessin, ni photo,
(car à l'époque la photo existait déjà, connue et pratiquée) donc
aucun document connu sur cette vieille église. Par contre nous sommes très
bien renseignés sur son plan, sur ses dimensions ainsi que sur sa disposition générale.
Ces
indications nous viennent de plusieurs sources mais principalement de la
description qu'en a fait monsieur Mondet, architecte à Bordeaux en novembre
1864. Chargé de dessiner les plans de la nouvelle église, il eût en effet
l'excellente idée de nous laisser les notes qu'il avait prises au cours de la
visite qu'il fit à l'ancien édifice avant de le démolir.
Ces
notes sont actuellement déposées aux Archives Départementales de la Gironde.
Bien
que nous les ayons au centimètre près nous n'entrerons pas dans le détail des
mensurations du bâtiment Le plan qui est exposé au mur vous en donnera une idée.
Mieux
encore, allez voir l'église d'Origne. Son aspect général est assez semblable
à celui de l'ancienne église de Balizac
Un
clocher plat à pignon pointu ouvert de trois fenêtres pour accueillir les
cloches.
Un
porche couvert et fermé au pied du clocher.
Et
trois absides rondes, en cul de four à l'autre extrémité.
Avec
toutefois deux différences notables:
L'église
de Balizac n'avait que deux nefs au lieu de trois à Origne.
Elle
était aussi nettement plus grande.
Le
clocher et le porche étaient orientés vers Saint Symphorien. On sait que sous
ce porche couvert une cinquantaine de personnes pouvaient tenir debout.
Plus
grande que celle d'Origne, cette église de Balizac était néanmoins jugée
trop petite au regard de la population. Monsieur Mondet estime que compte tenu
des dégagements nécessaires :
Du
cœur.
Des
allées etc…
Cette
église pouvait normalement accueillir 135 personnes dans un temps où le
village comptait 1.100 habitants dont bien plus de la moitié allaient régulièrement
à la messe et Monsieur Mondet ne manque pas de souligner cette insuffisance de
place.
Ainsi
donc, non seulement cette église menaçait ruine mais elle était, également,
devenue trop petite. C'était un élément dont il allait falloir tenir compte
dans la construction de la nouvelle église ce qui allait singulièrement
augmenter la charge financière de ce projet.
Un
dernier coup d'oeil sur l'ancien
édifice.
Revenons-en
à l'expertise de Monsieur Mondet, les travaux réalisés ont, certes, bien améliorés
les choses mais ils n'ont pu gommer les dégâts antérieurs.
La
construction est rongée par le salpêtre et Monsieur Mondet se montre très
pessimiste quant à l'avenir du bâtiment d'autant que sous le chœur le sol a
bougé et que l'on constate déjà des ouvertures de 20 cm dans la maçonnerie
des parties hautes des voûtes.
Seul
le chœur est voûté en pierre, les deux nefs où se tiennent les fidèles sont
couvertes d'un plafond de bois mais là aussi, Monsieur Mondet se montre
pessimiste
"Quelques
parties (de ce lambris),
écrit-il, se sont détachées (et) menacent la sécurité des fidèles…"
Ce
qui vous en conviendrez est tout à fait fâcheux. La conclusion générale est
que ce bâtiment est irrécupérable et au surplus que le terrain sur lequel il
était construit serait impropre à la construction de la nouvelle église.
Et
maintenant…..
Les
choses étaient donc désormais, très claires. Il ne restaient plus :
Qu'a
définir l'emplacement du nouvel édifice.
A
en définir les plans et les devis.
Qu'a
trouver l'argent pour le construire.
Ce
dernier point n'étant pas le moindre.
Pour
ce qui est du terrain on n'avait pas grand choix. Si l'on voulait conserver l'église
au centre du bourg, il n'y avait pas d'autre alternative que de la reconstruire
au plus près de l'emplacement de l'ancienne. Encore fallait-il éviter de
renouveler les tristes expériences que l'on avait connues.
Il
fut donc décidé de l'édifier en dehors du cimetière sur un terrain nettement
remblayé pour la situer hors de la pente naturelle mais réaliser ce remblai
s'annonçait comme une rude entreprise.
Le
cubage de terre à remuer et à compacter était considérable, surtout avec les
moyens du temps. On ne disposait que de pelles, de pioches et de paires de bras
au bout des manches. Quant aux moyens de transport ils se limitaient à des
brouettes et quelques tombereaux.
Pour
limiter cet énorme travail on décida, bien à contre cœur, d'abandonner
l'orientation Est/Ouest pour adopter une orientation Nord/Sud. A contre cœur
car c'était renoncer à la tradition ancestrale qui veut que le chœur des églises
soit systématiquement orienté vers Jérusalem soit donc, pour nous, en
direction de l'Est, , et c'était bien le cas de l'ancienne église.
Cette
décision eut pour effet de diminuer l'importance des terrassements d'au moins
la moitié sinon davantage. Vous y verrez que l'église actuelle, rigoureusement
horizontale sur un terrain en pente s'appuie sur un talus de plus en plus haut
au fur et à mesure que l'on s'avance vers le chœur.
Ce
talus là ce sont arrières-arrières Grands Parents qui l'ont construit à la
force de leurs bras et, croyez moi, ce ne fut pas une mince affaire. Le
compactage d'une terre sablonneuse fraîchement remuée pour soutenir un édifice
de ce poids n'était pas évident. Et pourtant ils l'ont fait et à la main.
Ayez une petite pensée pour eux quand vous passerez devant l'église.
Plans
et devis de la nouvelle église.
Quant
à l'église elle-même , nous avons conservé les plans et les devis
descriptifs très détaillés tels qu'ils ont été établis par Monsieur Mondet.
C'est un document d'une vingtaine de pages illustré de forts beaux dessins et
qui est conservé aux Archives Départementales de la Gironde.
En
novembre 1864, Monsieur Mondet proposait donc de construire une église à une
seule nef flanquée de deux chapelles formant une croix latine avec en façade
un clocher haut de 33 mètres qui ne fut jamais construit, dont la base
abriterait les fonds baptismaux d'un côté et une réserve pour les chaises de
l'autre.
Il
complétait le tout avec une vaste tribune surplombant l'entrée qui ne fut
jamais construite non plus et enfin une sacristie située tout près du chœur
coté Est.
Pour
être complets, ajoutons qu'il voyait les voûtes en "grosses briques du
pays" tandis que la tribune serait en belle pierre blanche soutenant un
plancher en bois. En fait, les voûtes ne serons pas construites en briques mais
c'est une autre histoire….
Monsieur
Mondet attribuait à son ouvrage une superficie de 280 m2 dont 210
utiles pour les fidèles soit, avec l'appoint de la tribune, une capacité
d'environ 700 places représentant les 3/5ème de la population
recensée dans le village.
Eu
égard aux possibilités financières de la Commune et de la Fabrique
Paroissiale, il proposait de scinder la réalisation de ce projet en deux
phases:
1)°
la construction de l'église proprement dite, de la sacristie et du mur d'entrée
destiné à supporter ultérieurement le clocher et la tribune le tout pour un
montant de 35.838 francs et 16 centimes. Vous ne manquerez pas de noter au
passge la rigueur de l'évaluation.
2°)et
dans un second temps la construction du clocher et de la tribune pour un montant
de 12.370 franc et 12 centimes.
A
partir de là, la Commune et la Fabrique savaient où elles allaient car le
projet avait le mérite de la clarté mais elles ne savaient pas comment y
aller….
La
suite est à venir.
Nous
sommes là au mois de décembre 1864, tout juste au seuil des travaux qui vont
commencer en 1865 et qui vont connaître bien des péripéties avant d'aboutir.
Des
péripéties qui nous donneront peut-être l'occasion de nous retrouver une
autre fois.
Réalisée le 13 mai 2004 | André Cochet |
Mise ur le Web le mai 2004 |
Christian Flages |
Mise à jour le |
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