Histoire religieuse
de
Balizac.
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Construction de l’église.
1863/1870.
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à Balizac, le 28 janvier 2005. |
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Jean DARTIGOLLES. |
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Troisième conférence sur ce sujet. |
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Jean DARTIGOLLES, historien local et merveilleux conteur, sait présenter les divers aspects de la vie des habitants de cette Vallée du Ciron, avec sa verve imagée et souriante habituelle. |
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La fabrique vend son terrain Un bel exemple de centralisation administrative. |
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La Commission départementale des monuments, pousse la commune dans un piège. |
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Il n'y a plus d'autre solution que de demander le concours de l'état. |
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Un coup d'audace, le Maire s'adresse directement à l'Empereur. |
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Nouveaux avatars. La mauvaise surprise d'un Téléthon mal géré. |
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L’an passé à pareille époque nous avions évoqué, ici même, les turbulentes péripéties qui s’étaient manifestées autour du sort que l’on devait réserver à l’ancienne église.
La
réparer ou la démolir pour en construire une neuve, c’était la question.
Sur
cette question de fond nous avions vu se développer les intrigues de
l’instituteur BOURCY, les impatiences du Curé et les graves incertitudes du
Maire, Jean DARTIGOLLES, quant à la fidélité de son Conseil Municipal.
Nous
avions poussé cette histoire assez loin pour nous voir rassurés quant à la
suite des événements.
Dans
le cadre d’un village apaisé redécouvrant sa convivialité coutumière, la décision
de construire une nouvelle église venait d’être prise et M. Mondet,
l’architecte venait d’en fournir les plans et devis.
Rappelons
que, pour tenir compte des possibilités financières limitées de la commune,
il avait prévu de scinder la construction en deux phases successives :
-
la construction de l’église proprement dite pour : 35.838 francs
16 centimes.
-
la construction du clocher et d’une tribune intérieure pour :
12.370 francs et 12 centimes.
L’emplacement
du bâtiment et son orientation étaient convenus et définitivement arrêtés.
Tout était donc désormais clair, net et précis. Il ne manquait plus que de
voir les maçons à pied d’œuvre.
Des
maçons, certes, on en aurait trouvé sans peine et sans tarder mais l’argent
pour les payer relevait d’une tout autre histoire et cette histoire, toute
complexe et sans cesse rebondissante mérite bien d’être contée.
Tout au long de cette soirée nous allons beaucoup parler d’argent mais rassurez-vous, car, pour autant, il n’y aura pas de quête à la sortie…….
Qui va financer ces travaux ?
Deux
collectivités locales allaient être concernées par ce financement. Savoir :
La Commune et la Fabrique.
Rappelons
que la Fabrique était l’Association Paroissiale chargée de la gestion des
biens matériels de l’église du village. (entretien des bâtiments, achat
du mobilier, des ornements, des cierges, etc.)
Dans
les moments difficiles qui se préparaient, ces deux institutions, Commune et
Fabrique, allaient heureusement bien s’entendre et travailler de conserve.
Et
tout d’abord, tout le monde avait bien compris et retenu la leçon de l’expérience
vécue par la génération précédente,
lorsqu’en 1836,
BALIZAC avait présenté à l’Administration un projet de réfection de
son église sur un financement exclusif de l’Etat sans que soit prévue aucune
participation des finances locales.
Ce
dossier avait purement et simplement disparu dans les profondeurs d’un tiroir
ministériel… Classé sans suite, il semble bien, même, que personne n’ait
pris la peine d’en accuser réception. Dont acte.
La
leçon était claire, ce n’était pas la bonne méthode, c’était aux
collectivités locales de prévoir et d’assurer le financement de ce projet de
construction, quitte bien entendu, si besoin s’en faisait sentir de demander
à l’Etat d’apporter ce que l’on appelait alors des "secours" et
que nous appelons aujourd’hui des subventions.
L'expérience
avait montré que l'on ne pouvait guère en attendre
autre chose.
Vous
noterez au passage l'évolution au fil du temps du langage administratif. Sous
la forme de la Royauté ou de l'Empire, l'Etat venait au "secours" des
collectivités locales, ce qui implique l'idée paternelle de soulager
charitablement une détresse alors que, sous sa forme Républicaine, il accorde
des subventions ce qui revient très exactement au même, mais en évacuant le
lien affectif qui inspirait le geste. Subtile nuance qui mériterait réflexion.
Instruites par l'expérience les Collectivités Balizacaises allaient, sans plus attendre, mobiliser toutes les ressources financières locales dont elles pouvaient disposer et, en particulier vendre les quelques terrains que possédaient la Commune et la Fabrique, ceux du moins dont elles pouvaient se séparer sans trop de conséquences.
La fabrique vend son terrain.
Un bel exemple de centralisation administrative.
C'est
la Fabrique qui prit l'initiative de cette démarche. Une démarche qui n'était
pas aussi simple qu'on aurait pu le croire…. Loin s'en faut !
Pour
bien en mesurer la complexité, nous allons survoler le dossier de l'une de ces
ventes qui offre un bel exemple de centralisation administrative.
La
Fabrique de la paroisse possédait en plein bourg de BALIZAC un terrain nu, en
prairie, voué au pacage des bestiaux et qui était loué, à cette fin, à des
particuliers.
Ce
terrain était on ne peut mieux placé en vue d'une éventuelle extension du
village. Ce qui d'ailleurs n'allait pas tarder à se produire dans les années
qui allaient suivre. Un terrain que vous connaissez bien, défini, en partant de
l'église par les routes d'ORIGNE et de Saint SYMPHORIEN.
Le
plan affiché au mur vous permettra de l'identifier sans difficulté.
Tout
commença par une réunion du Conseil de Fabrique le 25 octobre 1863.
Vous
remarquerez que c'était un an avant que Monsieur MONDET ne présente son devis
pour la construction de la nouvelle église.
On
s'y était donc pris très tôt, bien avant de connaître le montant de la dépense
qu'il allait falloir engager. Chacun savait déjà que son montant serait considérable
et qu'il faudrait mettre en œuvre des mesures d'exception.
Alors,
autant les décider sans tarder afin de ne pas prendre de retard au regard des
formalités administratives. C'était fort bien vu et tout à fait judicieux.
Au
cours de cette réunion et pour tirer un meilleur parti de sa vente, il fut décidé
de partager ce terrain en six lots de dimensions assez différentes en fonction
de la valeur supposée de chaque emplacement.
Le
lot N° 6, situé en contrebas de la route de Saint SYMPHORIEN qui était le
plus vaste ne dépassait pas 2769 m2 , l'ensemble des six lots représentant
5.212 m2 .
On
voit donc bien par là que, même si une partie de ces terrains était très
bien placée, l'opération foncière restait néanmoins assez modeste.
Le
Conseil de Fabrique demanda au Conseil Municipal de l'autoriser à cette aliénation.
Au cours de sa séance du 8 novembre 1863 celui-ci désigna deux experts et les chargea de déterminer la valeur de ces terrains. Au terme de leur enquête ils annoncèrent le prix de 3.125 francs et 25 centimes. Ici encore, vous ne manquerez pas d'admirer la précision du compte.
Il
fallut ensuite passer par l'enquête de commodo et incommodo dont les résultats
furent publiés le 24 avril 1864.
Aucune
opposition ne s'était manifestée ce qui démontre bien que la vague de
contestation musclée qui avait submergé le village quelques années auparavant
était désormais bel et bien apaisée.
Les
conclusions de ce rapport comportaient néanmoins une précision intéressante :
"La
Fabrique de BALIZAC possède les terrains dont il s'agit depuis un temps immémorial.
Elle n'a aucun souvenir ni aucun titre qui lui fasse supposer qu'ils soient grevés
de services religieux".
Cette
déclaration n'est ni gratuite ni innocente. L'enquêteur qui l'a rédigée
avait là, une idée en tête…. Il allait au devant d'une question que
l'Administration n'aurait certainement pas manqué de lui poser
En
effet, l'origine des propriétés foncières détenues par les Paroisses étaient
à peu près le même partout.
Un
paroissien à l'article de la mort dictant son testament créait une fondation
perpétuelle en léguant à la Fabrique locale quelques parcelles de terre, plus
ou moins grandes, à charge de célébrer chaque année à son intention un
certain nombre de messes de requiem ou autres offices religieux, neuvaine par
exemple.
La
donation était définitive mais le service demandé l'était aussi " ad
perpetuam" disaient les textes, c'est-à-dire à perpétuité. De ce
fait ces propriétés foncières étaient grevées de véritables servitudes
dont il n'était pas possible de se défaire.
En
cas l'aliénation du terrain, il fallait reporter la garantie d'exécution sur
un autre bien foncier offrant les mêmes sûretés. C'était une démarche assez
complexe. Il est presque certain que les terrains mis ici en vente par la
Fabrique Paroissiale de BALIZAC tombait sous le coup d'une telle servitude.
Mais
au moment du rétablissement du culte des dizaines d'années après la grande
tourmente de la Révolution bon nombre de ces fondations furent oubliées, leurs
documents perdus et leurs pratiques tombèrent en désuétude surtout lorsqu'il
s'était agi d'obligations en faveur de familles éteintes.
Il était donc de bonne guerre, pour la Fabrique de BALIZAC, de rejeter l'origine de la propriété des parcelles mises en vente, dans un passé incontrôlable.
Ainsi
donc ce dossier avançait, mais il n'était pas encore sorti des limites de
BALIZAC. Il allait maintenant falloir aller à la conquête des "avis
favorables" de l'Administration.
Celui
du Sous-Préfet de BAZAS qui le donna, sans difficulté, dès le 23 mai 1864 et
transmit l'affaire au Préfet, lequel, le 8 juin suivant, voulut bien approuver
cette proposition.
Entre temps, on avait présenté un double du même dossier à l'Archevêque qui, lui aussi, donna son accord le 29 mai.
Tout le monde étant désormais bien d'accord, et dans un délai remarquablement bref, on pouvait penser que tout souriait à ce dossier et qu'il était désormais bouclé, C'était mal connaître l'extrême centralisation de l'Administration Impériale.
La vente de 5.200 m2 de pacage dans le bourg de BALIZAC relevait de la décision de l'Empereur NAPOLEON III, en personne. Rien moins que cela !
C'est
ainsi que le dossier, bouclé à BORDEAUX, prit le chemin de PARIS. Hélas !
L'Empereur n'y était pas … Et bien entendu, une affaire d'une telle
importance ne pouvait se déléguer à quiconque…
Mais
où donc était-il ? A VICHY, où il prenait les eaux avec toute sa cour. Le
dossier de BALIZAC l'y suit. Et c'est donc à VICHY que, le 25 juillet 1864, après
avis favorable du Conseil d'Etat, fut signé le décret Impérial accordant
l'autorisation définitive de la vente.
Ce
décret porte bien la signature de NAPOLEON III, mais elle n'est pas autographe,
elle est imprimée, Il porte néanmoins la signature authentique du Maréchal
VAILLANT, Maréchal de France, Ministre de la Maison de l'Empereur.
A
la Mairie de BALIZAC, on n'en demandait pas tant.
Restaient
à accomplir les formalités relatives à la vente publique, et elles n'étaient
pas moins lourdes à l'époque qu'aujourd'hui.
Il
fallut, à grand frais, faire imprimer à BAZAS une grande affiche rose annonçant
la vente. On n'avait pas lésiné sur le format. Un exemplaire est encore déposé
aux Archives Départementales.
La
loi exigeait qu'elle fut publiée dans les communes avoisinantes.
On la met à ORIGNE, à Saint SYMPHORIEN, à Saint LEGER, tout cela est logique, mais on se demande bien pourquoi on est allé en mettre une au TUZAN alors qu'on ne la placardait ni à BUDOS, ni à LANDIRAS, ni à VILLANDRAUT qui, pourtant avec son marché, offrait un centre de publicité privilégié.
Il
fallut ensuite attendre de chacun des Maires sollicités un certificat de
publication, et certains d'entre eux n'en firent pas une priorité dans leurs préoccupations,
c'est le moins que l'on puisse dire.
Il
fallut donc attendre et relancer.
Le
21 octobre 1864, le trésorier de la Fabrique put enfin prendre contact avec Me
ROUMAZEILLES notaire à Saint SYMPHORIEN pour établir le cahier des charges de
cette vente.
Il
lui désigna les six lots que l'on avait définis et la base de leur évaluation
=
-
10.000 francs-or l'hectare pour chacun des 5 premiers.
-
2.500 francs-or l'hectare pour le 6 ème, celui qui descendait de la
route au ruisseau.
C'était
bien vu puisque 130 ans plus tard, les 5 premiers sont toujours valorisés par
des constructions alors que le 6 ème n'a jamais été bâti.
Tout
ceci étant enfin réglé, la vente aux enchères, à la chandelle se déroula
à la Mairie de BALIZAC, le 9
novembre 1864 à 10 heures du matin. Cette vente se déroula dans une ambiance
terne et totalement dépourvue de passion.
Au
cours de trois chandelles successives, le premier lot, minuscule, celui de la
pointe, ne connut qu'une seule enchère de 5 francs et ce fut Arnaud DUPRAT,
l'aubergiste qui l'emporta pour 35 francs.
Le
second lot, plus conséquent ne fit pas mieux et ne connut, lui aussi, qu'une
seule enchère en 3 chandelles, il partit pour 216 francs.
Pire
encore, le troisième lot ne connut aucune enchère et il fallut le retirer de
la vente. BALIZAC restait manifestement en marge de toute spéculation immobilière.
Seul
enchérisseur sur le quatrième, le forgeron l'emporta pour 610 francs. Il
fallut attendre les cinquième et sixième lots pour que la vente s'anime un
peu. Ils rapportèrent respectivement 1.510 et 1750 francs.
On
procéda enfin à une seconde présentation du troisième lot, qui, cette fois
trouva preneur pour 1.000 francs.
Peu
animée, nous l'avons dit, cette vente produisit néanmoins 5.121 francs, encore
fallait-il en déduire les frais de publicité légale et surtout en rapprocher
le résultat des 35. 838 francs nécessaires à la réalisations de la première
phase des travaux. On était loin, très loin du compte.
Vous
noterez en passant l'importance de cette date du 9 novembre 1864. C'est une date
fondatrice de la physionomie du village actuel. C'est à partir de ce moment là
qu'on va voir s'élever des maisons là où depuis des siècles on n'avait
jamais vu que des prés.
Sur
place, on avait conscience que ce dossier
progressait mais figurez-vous que ce n'était pas du tout, mais alors,
pas du tout l'avis de l'Archevêque. Il estimait au contraire que l'on était en
train d'enterrer l'affaire et il n'était pas content.
Il
fit intervenir Mr. FONTENEAU, son Vicaire Général qui, dans une lettre adressée
au Curé de BALIZAC en décembre 1864 lui fit part des inquiétudes de son
Eminence et demanda qu'on lui fasse le point de la situation.
"J'ai
besoin de savoir, pour ne pas exposer plus longtemps votre santé et celle des
bons habitants de BALIZAC en permettant la célébration des offices dans votre
église, si je n'avais pas l'espoir fondé qu'avant la fin de l'année les
travaux seront commencés".
Un
fois encore on revoyait brandir là la menace de l'interdiction du culte dans l'église.
Une arme que détenait l'Archevêque sans avoir de comptes à rendre à
quiconque.
Le
8 janvier 1865, Jean DARTIGOLLES prend connaissance de la lettre de l'archevêché.
Aussitôt il proteste
et dit que la décision de construire la nouvelle église est bel et bien
prise et qu'elle est irrévocable.
Mais
il ne voit pas comment bousculer le cheminement du dossier. De plus, il annonce
deux mesures:
1.
La commune va vendre sa lande de LAOUHEYTE.
2.
De concert avec le Curé CAZENAVE, il ouvre une souscription,
le
tout en vue de réunir les fonds nécessaires à la réalisation de la première
tranche des travaux
Sur
ce discours la Fabrique n'est pas en reste, elle annonce, de son côté, qu'au
prix d'une gestion particulièrement rigoureuse au fil des dernières années,
elle a réussi à se constituer une cagnotte de 19.000 francs qui viendra
s'ajouter au 5.000 francs tirés de la vente de ses terrains.
Quinze
jours plus tard le 22 janvier 1865 le Conseil Municipal se réunit pour faire
ses comptes. Le dossier de la vente
de la lande de LAHOUEYTE suit son cours. Mais
sur ses 4 hectares, il y a des bois que l'on peut couper sans plus attendre et
on vendra le terrain nu. On le décide.
On
a des nouvelles de la souscription publique, elle est bien partie. On a déjà
enregistré 17.000 francs de promesses de dons. C'est le Téléthon de BALIZAC
avant la lettre. Du coup la tendance est à l'optimisme. Dans sa délibération
le Conseil demanda à
"l'Administration
supérieure de vouloir bien l'autoriser à commencer les travaux le plus tôt
possible, et de permettre à Monsieur le Maire de BALIZAC de traiter de gré à
gré avec un entrepreneur qui devra conduire les travaux, pour le moment jusqu'à
la naissance de la flèche, immédiatement au dessus du beffroi, ce qui nécessitera
une dépense approximative de 40.552 francs 24 centimes. Plus tard, avec les
ressources que nous nous créerons, nous aviserons de terminer notre œuvre."
J'ai
parlé d'optimisme mais je pourrais aussi parler de naïveté. L'optimisme,
certes, il en fallait pas mal pour formuler une pareille proposition. Le Conseil
envisageait là d'engager, en chiffres ronds, 40.500 francs de travaux alors que
Monsieur MONDET, l'architecte, avait limité la première phase à 35 800
francs.
Dans
son enthousiasme, le Conseil Municipal venait d'y ajouter tout bonnement la base
du clocher, ce qu'il appelle le beffroi et ce qui explique la différence des coûts
passant des 35.800 prévus aux 40.500 proposés.
Peut-être
ne saviez-vous pas que vous aviez un beffroi à BALIZAC et maintenant vous
saurez même combien il a coûté, soit 4.700 francs.
Bel
optimisme, disais-je, si l'on veut bien se souvenir qu'en réunissant tout,
absolument tout et le reste, la Commune et la Fabrique ne disposaient guère à
ce moment là que d'une petite trentaine de milliers de francs.
On
ne dira pas que BALIZAC manquait d'esprit d'entreprise.
J'ai
parlé aussi de naïveté, passablement lassé par le poids des formalités
administratives le Maire avait pensé esquiver les contraintes d'un marché
public en demandant l'autorisation de traiter le marché de gré à gré avec un
entrepreneur local.
Pour
un chantier de cette importance il n'avait aucune chance d'en convaincre
l'Administration et on le lui fit bien comprendre. Mais voilà que les ennuis vont commencer et de sérieux, de
très sérieux ennuis.
Le
18 avril 1865 la commission départementale des monuments fait connaître son
avis sur le plan proposé. Elle émet quelques critiques ici et là, trouvant en
particulier le clocher trop massif….
Ceci
n'était pas trop grave puisqu'il demeurait bien entendu que le clocher ne
serait entrepris que dans la seconde phase des travaux mais, et là c'est
beaucoup plus grave, elle fait observer que :
"il
y a lieu de se demander s'il y aura économie réelle et, par suite, convenance,
à faire des voûtes en briques enduites de mortier ou bien des voûtes en
pierres sciées….."
Ce
n'était qu'un avis…. On aurait pu passer outre, d'autant plus que le département
n'envisageait pas de mettre un sou dans ce projet mais à BALIZAC on était
maintenant pressé d'aboutir et pour cela, on était prêt à éviter toute
relance de discussions oiseuses. Puisque les spécialistes de la Commission
estimaient que la pierre ne serait pas beaucoup plus chère que la brique on n'y
vit pas matière à duscussion.
Hélas
!
Au
moment de régler la facture on s'apercevra que la pierre de taille des voûtes
belle, certes, mais fort coûteuse, avait un prix que la Commune allait avoir
bien du mal à supporter. Monsieur MONDET, l'architecte avait eu une bien
meilleure appréciation des capacités des finances locales.
En
somme, dans toute cette affaire, le Département, voulant de la pierre donnait
des conseils, l'Archevêque voulant un clocher pointu ajoutait d'autres
conseils, assortis de quelques bénédictions, mais, à terme, c'était bien
BALIZAC, seul qui payait.
Par
ailleurs, l'Administration estima évidemment que ce chantier était beaucoup
trop important pour autoriser le Maire à traiter de gré à gré. On comprend
mal que Jean DARTIGOLLES ait pu l'envisager.
Il fallut donc passer par la voie longue et coûteuse de l'adjudication publique avec cahier des charges, affiches, publicité dans la presse, etc… sans parler évidemment, des inévitables délais supplémentaires.
Ce
n'est que le 13 juin 1865, à 13 heures que l'on put procéder à l'ouverture
des enveloppes de soumission.
Il
y en avait trois :
Ø
DUBERNET, entrepreneur à NOAILLAN
proposait sur le montant du devis un rabais de 2 %.
Ø
GASTON, entrepreneur à CERONS proposait une majoration de 3 %.
Ø
Un certain POISSONNIER proposait une majoration de 1 %.
Ce
fut donc DUBERNET qui l'emporta.
Mais
l'affaire ne s'arrêta pas là car le Sieur FRAYLON fils, de VILLANDRAUT
saisit aussitôt le Préfet d'une vive protestation disant qu'il avait été
éliminé du concours pour la seule raison que le cahier des charges de
l'adjudication prévoyait la nécessité d'être patenté dans la commune de
BALIZAC.
Ce
qu'il aurait parfaitement pu demander et que personne n'aurait pu lui refuser.
C'était
vrai. Le Préfet, ennuyé, transmit cette réclamation au Sous Préfet de BAZAS
pour enquête et, tout naturellement, cette affaire se retrouva sur la table du
Maire…
Sa
réponse ne se fit pas attendre, et le moins que l'on puisse dire, est qu'il
n'usa pas de la langue de bois.
Dès
le 23 juin, il répondait au sous Préfet qu'il était bien aise d'avoir pu
saisir ce prétexte pour écarter la candidature de FRAYLON et laissa entendre
au passage que s'il n'avait pas trouvé ce prétexte, il en aurait bien trouvé
un autre. Car FRAYLON avait une réputation disons, un peu douteuse.
Jean
DARTIGOLLES n'en dit pas plus, mais le Sous Préfet se chargea de dire le reste.
Très efficace, la Police Impériale
avait des antennes, même à VILLANDRAUT.
Dans
une lettre tout à fait confidentielle mais dont le secret 140 ans plus tard est
maintenant levé, le Sous Préfet adressa à BORDEAUX la réponse du Maire en précisant
que FRAYLON était :
"cet
homme mal famé dont vous avez dû entendre parler à propos d'un procès intenté
par lui au journal de BORDEAUX à l'occasion d'un fait d'escroquerie qui n'a pu
être prouvé."
La cause était entendue, l'entrepreneur DUBERNET conserva le bénéfice de son adjudication.
Pendant
ce temps le dossier de la vente du communal de LAHOUEYTE suivait son cours. Un
cheminement que nous n'allons évidemment pas détailler puisque nous avons déjà
suivi celui de la vente des terrains du Bourg par la Fabrique.
Il
suffira de dire que l'autorisation de vente fut donnée le 4 juillet 1865 et que
la vente aux enchères se déroula le 28 août suivant.
On
avait partagé cette lande en 4 lots strictement égaux de 1 ha 09 ares 80
centiares chacun.
Un
tel morcellement paraît insolite dans un village où les grandes parcelles sont
plus rares que les petites et par conséquent plus recherchées par d'éventuels
acheteurs. Pourtant ce morcellement a été expressément voulu par la
Municipalité qui avait par ailleurs imaginé et prévu un système
d'adjudication d'une incroyable complexité comportant deux enchères
successives sur chacun des lots, la seconde l'emportant sur la première.
Pourquoi
faire simple quand on peut faire compliqué ?
On
avait manifestement espéré que ce
système doperait les enchères. Il n'en fut rien. Cette vente ne connut guère
plus d'animation que celle organisée par la Fabrique.
Chacun
des quatre lots fut mis à prix pour 600 francs. Au terme d'une séance
interminable car il fallait à chaque fois que les bougies s'éteignent et après
deux remises en ventes successives ce fut Monsieur SANGO qui emporta le tout
pour 2.410 francs.
La
déception fut grande, on attendait bien davantage mais que pouvait-on y faire ?
Et
les travaux dans tout cela ?
Où
en était-on des travaux ?
Eh
bien les travaux avaient commencé dès le mois de juillet 1865 moins d'un mois
après la désignation du maçon DUBERNET. On avait commencé par démolir
l'ancienne église
en récupérant soigneusement tous les matériaux que l'on pouvait réutiliser
dans la nouvelle.
Il
y a donc, ici ou là, noyé dans la maçonnerie de l'église actuelle des
pierres ayant appartenu à l'ancienne église..
Ensuite
il a fallu construire le plateau artificiel qui allait supporter le nouveau bâtiment.
Je vous en ai parlé la dernière fois, je ne reviendrai pas sur l'importance de
ce travail qui peut aujourd'hui nous paraître bien modeste, mais qui, avec les
moyens de l'époque était considérable.
Tout
cela était donc en cours, mais on voyait bien désormais que le devis ne
cessait de gonfler et que d'importantes décisions allaient devenir nécessaires
si l'on voulait avoir quelques chances de boucler le budget.
Jean
DARTIGOLLES réunit son Conseil le 19 novembre 1865 en y conviant de surcroît
les 10 propriétaires les plus imposés de la Commune car on allait nécessairement
parler finances et impositions.
Il
prit la parole et dit tout de go :
"le
but de cette réunion est l'établissement d'un impôt sur les quatre
contributions directes de 20 centimes par franc, il est devenu indispensable
pour l'achèvement du clocher de la nouvelle église …… pour couronner une
œuvre qui nous est chère à tous et que nous avons commencé au prix des plus
grands sacrifices.
20
centimes par franc ! Rien de moins ! Cela, d'un seul coup, majorait les impôts
locaux de 20 % ! Et pourtant la situation était encore bien pire qu'il
n'apparaissait, car, s'il est ici question du clocher, objet de la seconde phase
des travaux, c'est uniquement pour ne pas effrayer l'Administration.
Le
Maire, tout aussi bien que son Conseil savaient très bien qu'ils étaient loin,
très loin, d'avoir approvisionné le budget de la première phase, celle de la
construction de l'église proprement dite. Mais pouvait-on l'avouer
officiellement sans encourir les foudre de la Préfecture ?
Au
cours du débat qui s'ensuit, voilà que nous découvrons un fait nouveau et un
fait nouveau de
taille ! A
savoir qu'au cours de l'année un nouveau devis avait été établi pour tenir
compte du remplacement des voûtes en briques par des voûtes en pierres et cela
faisait apparaître un surcoût de 9188 francs,
soit une majoration de 22,5 %
sur le budget que l'on avait calculé au plus juste….
Souvenez-vous
que, dans son rapport, la Commission Départementale des monuments s'était posé
la question de savoir " s'il y aurait une économie réelle à mettre de la
brique plutôt que de la pierre…."
Ce sont ses propres termes.
Eh
bien ! à BALIZAC on avait maintenant la réponse et c'est la Commune qui allait
en faire les frais. Songez que le total des ventes des terrains de la Paroisse
et de la Commune que l'on avait sacrifiés couvraient à peine plus des ¾ du
surcoût imputable à cette décision.
Où
allait-on ? Je
vous le demande. Eh bien, figurez vous que les Balizacais se le demandaient
aussi.
Il
ne restait plus d'autre solution que de demander du secours à l'extérieur. La
Commune et la Paroisse avaient montré leur bonne volonté en allant jusqu'au
bout de leurs possibilités. On estimait maintenant à BALIZAC que l'heure des
aides extérieures avait sonné.
Jean
DARTIGOLLES écrit alors au Préfet en lui demandant que lEtat veuille bien lui
accorder les 9.100 francs qui lui manquent pour terminer la première phase du
projet.
Suite
à cette demande le Préfet interroge ses différents services et se rend bien
compte que BALIZAC est effectivement arrivé au bout de ses ressources.
Le
21 mars 1866, il transmet au Ministère avec avis favorable une demande de
secours de 9.000 francs. Le Ministre devait réfléchir lentement, il mit quatre
mois à répondre, et cette réponse n'était pas du tout celle que l'on
attendait.
En
substance, il répondait en effet :
v
Faites des voûtes moins hautes.
v
Réduisez la hauteur de votre clocher.
Et
vous ferez des économies de l'ordre de ce vous me demandez et cela me
dispensera de vous l'accorder…. Consternation à BALIZAC
!!
N'oubliez
surtout pas que pendant ce temps les travaux étaient en cours depuis un an déjà….
Et que pour lors, on n'avait plus d'église, ni ancienne, ni nouvelle….
Devant
l'urgence, la Fabrique de la Paroisse avait demandé et obtenu du Cardinal
DONNET le 17 juin 1866 l'autorisation d'emprunter 6.000 francs sur 10 ans auprès
de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Encore
fallait-il pour cela, centralisation oblige, un décret impérial qui fut signé
cette fois à PARIS au Palais des Tuileries. Qui fut signé, oui, mais seulement
deux ans plus tard le 11 juillet 1868. En très haut lieu on avait pris son
temps.
Mais
sur place à BALIZAC il fallait pouvoir attendre ….
Heureusement
que le Préfet avait bien compris la situation locale. Certes, il n'avait rien
pu faire d'autre que de transmettre au Maire la réponse négative du Ministre
à sa demande de subvention mais dans sa transmission il lui avait discrètement
donné à entendre que si l'on trouvait le moyen de réduire sérieusement le coût
du projet il serait prêt à partir une nouvelle fois à l'assaut du Ministère
sur la base d'un devis révisé.
Message
reçu 5 sur 5 à BALIZAC.
Mais n'oublions pas que nous sommes maintenant en août 1866 et que le
chantier est ouvert depuis plus d'un an déjà.
Où
trouver les économies demandées ?
Pas question bien sûr de réduire les dimensions du bâtiment dont les
murs sortent déjà de terre. Pas question, non plus, de revenir aux voûtes en
briques la pierre est déjà livrée et pour partie déjà sciée.
Alors
que reste-t-il ?
v
Réduire le clocher.
v
Renoncer à la décoration de la façade.
v
Supprimer la tribune intérieure.
Là
il était encore temps de faire quelque chose. Il est bien vrai que, dans son
projet, Monsieur MONDET, l'architecte, avait vu grand. Le clocher qu'il avait
projeté était une flèche élancée 10 % plus haute que celle de BUDOS. Son
dessin à grande échelle est conservé aux Archives Départementales de la
Gironde.
Tout
le monde savait que le cardinal DONNET, l'Archevêque avait une vive prédilection
pour les clochers pointus. BOMMES, BUDOS, SAUTERNES, LOUCHATS, VILLANDRAUT, et
tant d'autres sont de cette époque et la hauteur de la flèche donnait l'idée
des moyens financiers que la Commune lui avait consacrés.
Sur
les 34 mètres de haut que l'on avait prévus, BALIZAC pouvait à coup sûr
rogner quelque chose. La révision du plan prit pas mal de temps . Six bons
mois, cela fait beaucoup. Mais il est probable que Monsieur MONDET n'a pas mis
beaucoup d'enthousiasme à reprendre ce qu'il pouvait tenir pour le sabotage de
son œuvre.
Toujours
est-il que le nouveau plan ne sortit qu'en janvier 1867, alors que les travaux
se poursuivaient toujours depuis maintenant 18 mois.
Le
Maire réunit son Conseil le 3 février pour en débattre. Le clocher est devenu
bien plus modeste et la façade, toute nue, comme nous la connaissons de nos
jours avait perdu toute sa décoration, en particulier les niches que l'on avait
prévues pour accueillir un certain nombre de statues.
A
l'issue de cette réunion Jean DARTIGOLLES adressa une nouvelle lettre au Préfet,
une lettre dans laquelle il jouait profil bas, une lettre pleine de déférence
vis à vis du Ministère qui l'avait pourtant envoyé sèchement au tapis.
Mais
n'oublions pas que nous étions là sous le second Empire et qu'au surplus,
BALIZAC avait un besoin pressant du secours qu'il sollicitait.
Après
avoir rappelé sa première demande de 9.000 francs Jean DARTIGOLLES poursuivait
:
"Monsieur
le Ministre nous répondit qu'il fallait modifier certaines parties du plan déjà
en voie d'exécution pour atteindre nos buts. Dociles à ces sages observations
et désireux de réaliser toutes les économies possibles, nous fîmes faire immédiatement
un nouveau plan et devis qui a donné pour le clocher une diminution de 1.795
francs, 02 centimes; mais comme d'un autre côté, les fondations ont atteint un
chiffre bien plus fort qu'on ne s'y attendait, et que, par erreur, on n'avait
calculé que le coût d'une croisée sur les quinze qui figurent sur cet édifice,
il en est résulté une augmentation de 699 francs 04 centimes. Le nouveau
projet présente donc en moins une somme de 1.095 francs et 98 centimes."
Vous trouverez cette lettre dans les archives de votre mairie.
En
définitive, du fait de la réduction annoncée, au lieu des 9.000 francs
initialement demandés BALIZAC ne demandait plus à l'Etat que 8.000 francs "pour
parfaire son œuvre" comme disait son Maire.
Que
le remblaiement du terrain ait pu réserver
de mauvaises surprises, on peut le comprendre aisément. Nous en avons déjà
parlé, c'était, pour l'époque, un travail difficile. Par contre, n'avoir pris
en compte que le prix unitaire d'une seule fenêtre en oubliant de multiplier
par 15 donnait une bien mauvaise idée du suivi de l'étude.
Pour
tout dire, cela ne faisait guère sérieux pour se présenter devant un Ministre
tatillon et sourcilleux. Cela faisait désordre. Le Préfet, encore une fois bon
prince ne s'arrêta pas à cette fâcheuse omission et, une fois encore, soutint
la démarche de BALIZAC.
Le
31 mai 1867, le Ministre accorda à BALIZAC un "secours" de 5.000
francs réparti sur 3 ans, savoir:
Ø
1.500 francs dès 1867.
Ø
Autant en 1868.
Ø
Et 2.000 francs en 1869.
Ce
n'était pas ce que l'on avait demandé mais c'était nettement mieux que rien.
Ajoutons
à cela que ce "secours", le Ministre l'accorda de fort mauvaise grâce.
Il assortit sa décision d'un commentaire assez sévère :
"l'examen
des modifications apportées au projet à fait connaître qu'elles n'ont abouti
qu'à un bien faible résultat en ce qui concerne la diminution de la dépense.
Il y aura lieu d'engager l'architecte à entrer avec moins de réserve dans la
voie des simplifications, notamment de réduire la hauteur du clocher et à
simplifier la décoration du portail."
J'espère
que vous appréciez à sa juste valeur le style fleuri de ce langage
administratif décidément très vieille France. " entrer avec moins de
réserve dans la voie des simplification" je trouve cela admirable.
Ce
malheureux clocher de BALIZAC avant même d'être construit attirait les foudres
administratives.
Quoi
qu'il en soit des observations du Ministre la première tranche de 1.500 francs
fut versée à BALIZAC le 24 octobre 1867. Il était temps, il était même
grand temps car, à BALIZAC on n'avait plus un sou en caisse, mais alors
vraiment, ce qui s'appelle plus un sou.
Et
pourtant, ces 1.500 francs n'étaient qu'un modeste ballon d'oxygène très
provisoire, car il fallait trouver et très vite beaucoup plus que cela. Disons
en gros, et en tenant compte des 2 échéances de subvention à venir, il
manquait encore 4.000 francs.
o
On ne pouvait plus rien demander de plus à la fiscalité locale.
o
Il eut été parfaitement vain de frapper une nouvelle fois à la porte
du Ministre.
Le
Maire et son Conseil ne se faisait aucune illusion sur ce point. Alors, Jean
DARTIGOLLES a une idée, et s'il s'adressait directement à l'Empereur ?
Il réunit son Conseil pour l'entretenir de son projet. Un coup d'audace
peut parfois réussir.
La
lettre du Maire qui s'ensuit est un petit bijou d'adresse et de brosse à
reluire, mais que faire ? Il fallait bien en passer par là s'il voulait avoir
une mince chance de réussir.
Après
avoir rappelé à quel point la Commune était à bout de ressources, il
poursuit :
"pour
parfaire son œuvre, elle n'a d'espoir pour sortir de cette triste situation que
dans la munificence du Gouvernement de l'Empereur, toujours premier à s'engager
dans les voies libérales et à tendre la main à toutes les infortunes de
quelque nature qu'elles soient. Nous avons une église, mais nous n'avons ni flèche,
ni même de beffroi pour suspendre notre cloche. Que nous manque-t-il pour le
couronnement de notre projet ? 4.108 francs et 99 centimes que nous ne pouvons réaliser
sans l'assistance du Gouvernement."
Ce
discours est très habile. L'allusion aux " voies libérales" joue sur
une corde particulièrement sensible dans le caractère de NAPOLEON III. En dépit
de circonstances politiques souvent tout à fait contraires, il s'est toujours
piqué d'offrir l'image d'un Prince libéral et surtout dans les dernières années
de son règne, celles dans lesquelles nous nous trouvons précisément
maintenant.
Cette
lettre adressée à l'Empereur va passer par le Préfet. Nous avons déjà vu
qu'il était plutôt favorable à BALIZAC, mais cette fois-ci, il hésite, Après
la réponse plutôt sévère du Ministre, il est devenu prudent. Il pourrait être
dangereux pour lui de trop insister et d'importuner le Gouvernement qui doit
avoir d'autres chats à fouetter.
Il
est perplexe, très perplexe…. Mais le Maire à fort habilement manœuvré.
Dans une démarche commune avec le Curé CAZENAVE, curé de BALIZAC, il s'est
adressé au Cardinal DONNET, l'Archevêque en lui demandant d'appuyer sa
demande, ce qu'il accepte de faire très volontiers. Dans une lettre autographe
qu'il adresse personnellement au Préfet le 25 janvier 1868 il plaide la cause
de BALIZAC
"la
pauvreté de cette paroisse ne lui permet pas de s'imposer de nouveaux
sacrifices…."
Et
pour faire bonne mesure il suggère de lui accorder 5.000 francs.
Voilà qui change tout ! Le Préfet se sent désormais couvert. Présenter
à l'Empereur un dossier un peu chaud avec l'appui du Cardinal était tout de même
moins risqué pour lui que de l'envoyer avec la seule caution du Maire de
BALIZAC.
Pourtant,
il hésite encore, pendant 2 mois et demi mais il finit par réaliser qu'il
pourrait être un jour dangereux de n'avoir pas transmis à l'Empereur un
souhait exprimé par le Cardinal. En bref, il fait suivre cette lettre à PARIS
le 16 avril 1868.
Et
contre toute attente ça a marché. Quarante jours plus tard, le 26 mai, sans
autre commentaire ou tergiversation quelconque, BALIZAC se voyait attribuer un
"secours" supplémentaire de 4.000 francs payable en deux annuités
successives de 2.000 francs l'une, prélevées sur la cassette personnelle de
l'Empereur.
Il
y a donc et il y a toujours 4.000 francs-or donnés personnellement par NAPOLEON
III dans l'église de BALIZAC que vous avez chaque jour sous les yeux.
Mais
ce n'est pas tout car le 16 août suivant, un décret Impérial, signé au
palais des Tuileries, autorisait enfin la Fabrique de la Paroisse à procéder
à l'emprunt de 6.000 francs sur dix ans qu'elle sollicitait en vain depuis tantôt
deux ans.
Bel
exemple de centralisation administrative !
Du
coup l'horizon financier commençait enfin à se dégager. Eh bien, vous n'y êtes
pas car cette euphorie fut de courte durée. C'est le moment de vous souvenir de
la souscription volontaire que l'on avait proposée à la population en 1865.
BALIZAC
avait organisé là, bien avant la lettre une sorte de Téléthon, mais par
manque d'expérience, la Municipalité avait commis une grosse imprudence.
Quand
on lance une opération de Téléthon, on enregistre les promesses de dons et on
procède à l'encaissement dans la semaine qui suit, moyennant quoi, la collecte
est à peu près conforme aux promesses reçues.
Mais
ici la Municipalité avait tenu un autre raisonnement qui, à l'usage, allait se
révéler désastreux.
On
avait considéré l'argent de cette souscription comme une sorte de réserve immédiatement
disponible et réalisable à première demande, en quelques jours, le temps de
faire un tour de porte à porte dans la Commune.
On
l'avait comptabilisé en ressource, le considérant déjà acquis et l'on s'était
gardé d'y toucher.
Mais
lorsqu'en 1869,
on se décida enfin à collecter cet argent la désillusion fut énorme.
Quatre ans plus tôt au moment des promesses, la résine se vendait un bon prix,
en 1869, son prix était au plus bas.
De
ce fait les promesses de dons furent mal honorées voire même pas du tout. On
ramassa finalement 3.000 francs de moins qu'il n'avait été prévu… nouveau
problème !
En
mai 1870 la construction de l'église et de la base du clocher était terminée.
Sous la réserve des sacristies qui seront construites plus tard, l'édifice était
très exactement au point où nous le connaissons aujourd'hui.
Mais
il n'y avait plus un sou en caisse pour édifier la flèche du clocher, même
tronquée et ramenées aux dimensions voulus par le Ministre.
Il
fallait tout de même en finir et puisque la demande de secours à l'Empereur
avait bien marché, se payant d'audace, Jean DARTIGOLLES se proposa de la
renouveler et en suggéra l'idée à son Conseil le 15 mai 1870 qui l'approuva.
Une
fois encore, la lettre du Maire est très habile. Elle évoque les 3.000 francs
de déficit éprouvés dans la collecte et ajoute :
"ce
malheureux déficit ne provient que de l'abaissement des produits résineux,
l'unique ressource de nos landes girondines, qui se trouvent de ce fait dans un
état très voisin d'une misère presque complète. Aussi, beaucoup de
souscripteurs n'ont-ils pu faire honneur à leurs engagements volontaires. Telle
est la cause de nos embarras financiers …"
Cet
argument était fort bien venu. En imputant exclusivement les déboires
financiers de sa Commune à la crise des produits résineux, le Maire touchait
deux cordes sensibles au cœur de l'Empereur.
Cette
crise était en effet une conséquence directe et immédiate de la politique de
libre échange conduite par le Gouvernement et cela, NAPOLEON III ne pouvait
l'ignorer.
Mais
ce n'est pas tout car le même NAPOLEON s'était personnellement beaucoup
investi dans le départements de LANDES. Il avait acquis d'immenses domaines à
SOLFERINO, MAGENTA, etc… qu'il avait fait drainer et planter en pins
maritimes.
Cette
crise des produits résineux touchait donc à l'avenir de ses entreprises et ne
pouvait que l'intéresser sinon même l'inquiéter.
Ce
discours était de bonne guerre, reste à savoir s'il était totalement sincère
car il passe entièrement sous silence le nouveau débouché que constituait
l'envoi des bois de mine sur l'ANGLETERRE, débouché qui venait de s'ouvrir en
1865 et qui, déjà, en 2 ou 3 ans commençait à assurer à chacun des revenus
jusque là inespérés.
Ainsi
présentée cette demande aurait pu avoir des chances d'aboutir à quelque chose
mais aussi
bien présentée qu'elle ait pu être elle resta néanmoins sans suite. Le 17
juillet 1870 éclatait la guerre Franco-Allemande qui devait se terminer en deux
mois dans une affreuse déroute.
Au
cœur de ces événements tragiques le Gouvernement impérial avait eu bien
d'autres priorités que d'aider à la construction d'un clocher à BALIZAC. Fait
prisonnier par les Prussiens à SEDAN au début de septembre NAPOLEON III n'eût
plus le loisir d'entr'ouvrir sa cassette.
La
IIIème République qui s'ensuivit connut ensuite d'autres orientations
politiques et la demande de BALIZAC s'abîma, dans un quelconque tiroir de
ministère.
Le
chantier en resta où il en était au printemps de 1870. La flèche du clocher
ni élancée, ni réduite ne fut jamais construite. De même la façade dut-elle
se passer de la décoration que l'on avait prévue de lui donner. La tribune intérieure
non plus ne vit jamais le jour.
Le
Chancelier allemand BISMARCK avait voulu cette guerre et y avait poussé de
toutes ses forces. En jetant à bas la France et son Second EMPIRE il a, du même
coup, interrompu les travaux de l'église de BALIZAC car il n'est pas douteux
que sans l'effondrement du régime Impérial, tôt ou tard et d'une manière ou
d'une autre, cette église aurait été terminée.
Si
elle ne l'est pas
c'est, en quelque sorte, la faute à BISMARCK.
Jean
DARTIGOLLES avait fait de la reconstruction de cette église une affaire
personnelle. Avec l'appui de son Conseil et le concours de tout le village, au
terme de bien des soucis, il avait réussi à conduire l'affaire presqu'à son
terme, presque….Presque, c'est essentiellement la flèche du clocher.
Finalement,
le temps passant, on finit par oublier les frustrations de l'inachèvement et
telle quelle était, cette église a fini par s'intégrer dans la nouvelle
physionomie du village.
Je
vois venir votre question, une question bien légitime après tant de péripéties…
Combien,
au total, cet édifice a-t-il bien pu coûter ?
Et
je suis bien embarrassé pour vous répondre. Je n'ai retrouvé aucun arrêté
de comptes définitifs. Je ne sais même pas s'il existe. On ne peut donc que
faire le total des diverses contributions que nous avons recensées tout au long
de cette histoire tourmentée et ce total est de 55.531 francs.
Mais il reste une inconnue importante, c'est le produit de la majoration des impôts locaux que nous ne pouvons chiffrer, même approximativement. Disons, pour fixer les idées que cette église à coûté, au bas mot, 60.000 francs-or. Sinon davantage, soit, au minimum, l'équivalent de 25.000 journées de salaire d'un travailleur agricole de l'époque.
Quand vous passerez devant cet édifice ne manquez pas d'y porter votre regard et d'évoquer les longs cheminements de son histoire.
Ne passez pas indifférents, il mérite mieux que cela.
Ne serait-ce que pour la peine et les soucis qu'il a coûté à
nos ancêtres.
Jean
DARTIGOLLES.
Réalisée le 13 février 2005 |
André Cochet |
Mise sur le Web le février 2005 |
Christian Flages |
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