Histoire religieuse

 

de

 

Balizac.

 

 

 

Construction de l’église.

 

1863/1870.

 

à Balizac, le 28 janvier 2005.

Jean DARTIGOLLES.

Troisième conférence sur ce sujet.

Pour voir les autres conférences.

   

Sommaire:

Jean DARTIGOLLES, historien local et merveilleux conteur, sait présenter les divers aspects de la vie des habitants de cette Vallée du Ciron, avec sa verve imagée et  souriante habituelle.

Où en étions-nous restés l'an passé ?

La fabrique vend son terrain Un bel exemple de centralisation administrative.

Qui va financer ces travaux ?

L'Archevêque s'impatiente, pourtant le dossier avance.

Tout paraît bien parti, le vent est à l'optimisme.

La Commission départementale des monuments, pousse la commune dans un piège.

L'adjudication des travaux.

La Municipalité vend sa lande communale.

Les travaux commencent mais le devis gonfle.

Le piège tendu s'est refermé. Où va-t-on ?

Il n'y a plus d'autre solution que de demander le concours de l'état.

Nouvelle demande de concours extérieur.

Un coup d'audace, le Maire s'adresse directement à l'Empereur.

Nouveaux avatars. La mauvaise surprise d'un Téléthon mal géré.

Nouveau coup d'audace, nouvel appel à l'Empereur.

C'est la faute à Bismarck.

Le coût final de l'édifice.

Et maintenant ....?

  

 

 

     Où en étions-nous restés l'an passé ?

  

 L’an passé à pareille époque nous avions évoqué, ici même, les turbulentes péripéties qui s’étaient manifestées autour du sort que l’on devait réserver à l’ancienne église.

 

La réparer ou la démolir pour en construire une neuve, c’était la question.

 

Sur cette question de fond nous avions vu se développer les intrigues de l’instituteur BOURCY, les impatiences du Curé et les graves incertitudes du Maire, Jean DARTIGOLLES, quant à la fidélité de son Conseil Municipal.

 

Nous avions poussé cette histoire assez loin pour nous voir rassurés quant à la suite des événements.

 

Dans le cadre d’un village apaisé redécouvrant sa convivialité coutumière, la décision de construire une nouvelle église venait d’être prise et M. Mondet, l’architecte venait d’en fournir les plans et devis.

 

Rappelons que, pour tenir compte des possibilités financières limitées de la commune, il avait prévu de scinder la construction en deux phases successives :

 

-           la construction de l’église proprement dite pour  : 35.838 francs 16 centimes.

-           la construction du clocher et d’une tribune intérieure pour : 12.370 francs et 12 centimes.

 

L’emplacement du bâtiment et son orientation étaient convenus et définitivement arrêtés. Tout était donc désormais clair, net et précis. Il ne manquait plus que de voir les maçons à pied d’œuvre.

 

Des maçons, certes, on en aurait trouvé sans peine et sans tarder mais l’argent pour les payer relevait d’une tout autre histoire et cette histoire, toute complexe et sans cesse rebondissante mérite bien d’être contée.

 

Tout au long de cette soirée nous allons beaucoup parler d’argent mais rassurez-vous, car, pour autant, il n’y aura pas de quête à la sortie…….

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

Qui va financer ces travaux ?

 

 

Deux collectivités locales allaient être concernées par ce financement. Savoir : La Commune et la Fabrique.

 

Rappelons que la Fabrique était l’Association Paroissiale chargée de la gestion des biens matériels de l’église du village. (entretien des bâtiments, achat du mobilier, des ornements, des cierges, etc.)

 

Dans les moments difficiles qui se préparaient, ces deux institutions, Commune et Fabrique, allaient heureusement bien s’entendre et travailler de conserve.

 

Et tout d’abord, tout le monde avait bien compris et retenu la leçon de l’expérience vécue par la génération précédente,  lorsqu’en 1836,  BALIZAC avait présenté à l’Administration un projet de réfection de son église sur un financement exclusif de l’Etat sans que soit prévue aucune participation des finances locales.

 

Ce dossier avait purement et simplement disparu dans les profondeurs d’un tiroir ministériel… Classé sans suite, il semble bien, même, que personne n’ait pris la peine d’en accuser réception. Dont acte.

 

La leçon était claire, ce n’était pas la bonne méthode, c’était aux collectivités locales de prévoir et d’assurer le financement de ce projet de construction, quitte bien entendu, si besoin s’en faisait sentir de demander à l’Etat d’apporter ce que l’on appelait alors des "secours" et que nous appelons aujourd’hui des subventions.

 

L'expérience avait montré que l'on ne pouvait guère en attendre  autre chose.

 

Vous noterez au passage l'évolution au fil du temps du langage administratif. Sous la forme de la Royauté ou de l'Empire, l'Etat venait au "secours" des collectivités locales, ce qui implique l'idée paternelle de soulager charitablement une détresse alors que, sous sa forme Républicaine, il accorde des subventions ce qui revient très exactement au même, mais en évacuant le lien affectif qui inspirait le geste. Subtile nuance qui mériterait réflexion.

 

Instruites par l'expérience les Collectivités Balizacaises allaient, sans plus attendre, mobiliser toutes les ressources financières locales dont elles pouvaient disposer et, en particulier vendre les quelques terrains que possédaient la Commune et la Fabrique, ceux du moins dont elles pouvaient se séparer sans trop de conséquences.

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

La fabrique vend son terrain.

 

 

Un bel exemple de centralisation administrative.

 

 

C'est la Fabrique qui prit l'initiative de cette démarche. Une démarche qui n'était pas aussi simple qu'on aurait pu le croire…. Loin s'en faut !

 

Pour bien en mesurer la complexité, nous allons survoler le dossier de l'une de ces ventes qui offre un bel exemple de centralisation administrative.

 

La Fabrique de la paroisse possédait en plein bourg de BALIZAC un terrain nu, en prairie, voué au pacage des bestiaux et qui était loué, à cette fin, à des particuliers.

 

Ce terrain était on ne peut mieux placé en vue d'une éventuelle extension du village. Ce qui d'ailleurs n'allait pas tarder à se produire dans les années qui allaient suivre. Un terrain que vous connaissez bien, défini, en partant de l'église par les routes d'ORIGNE et de Saint SYMPHORIEN.

 

Le plan affiché au mur vous permettra de l'identifier sans difficulté.

 

Tout commença par une réunion du Conseil de Fabrique le 25 octobre 1863.

 

Vous remarquerez que c'était un an avant que Monsieur MONDET ne présente son devis pour la construction de la nouvelle église.

 

On s'y était donc pris très tôt, bien avant de connaître le montant de la dépense qu'il allait falloir engager. Chacun savait déjà que son montant serait considérable et qu'il faudrait mettre en œuvre des mesures d'exception.

 

Alors, autant les décider sans tarder afin de ne pas prendre de retard au regard des formalités administratives. C'était fort bien vu et tout à fait judicieux.

 

Au cours de cette réunion et pour tirer un meilleur parti de sa vente, il fut décidé de partager ce terrain en six lots de dimensions assez différentes en fonction de la valeur supposée de chaque emplacement.

 

Le lot N° 6, situé en contrebas de la route de Saint SYMPHORIEN qui était le plus vaste ne dépassait pas 2769 m2 , l'ensemble des six lots représentant 5.212 m2 .

 

On voit donc bien par là que, même si une partie de ces terrains était très bien placée, l'opération foncière restait néanmoins assez modeste.

 

Le Conseil de Fabrique demanda au Conseil Municipal de l'autoriser à cette aliénation.

 

Au cours de sa séance du 8 novembre 1863 celui-ci désigna deux experts et les chargea de déterminer la valeur de ces terrains. Au terme de leur enquête ils annoncèrent  le prix de 3.125 francs et 25 centimes. Ici encore, vous ne manquerez pas d'admirer la précision du compte.

 

Il fallut ensuite passer par l'enquête de commodo et incommodo dont les résultats furent publiés le 24 avril 1864.

 

Aucune opposition ne s'était manifestée ce qui démontre bien que la vague de contestation musclée qui avait submergé le village quelques années auparavant était désormais bel et bien apaisée.

 

Les conclusions de ce rapport comportaient néanmoins une précision intéressante :

 

"La Fabrique de BALIZAC possède les terrains dont il s'agit depuis un temps immémorial. Elle n'a aucun souvenir ni aucun titre qui lui fasse supposer qu'ils soient grevés de services religieux".

 

Cette déclaration n'est ni gratuite ni innocente. L'enquêteur qui l'a rédigée avait là, une idée en tête…. Il allait au devant d'une question que l'Administration n'aurait certainement pas manqué de lui poser

 

En effet, l'origine des propriétés foncières détenues par les Paroisses étaient à peu près le même partout.

 

 Consulter le sommaire.

 

Un paroissien à l'article de la mort dictant son testament créait une fondation perpétuelle en léguant à la Fabrique locale quelques parcelles de terre, plus ou moins grandes, à charge de célébrer chaque année à son intention un certain nombre de messes de requiem ou autres offices religieux, neuvaine par exemple.

 

La donation était définitive mais le service demandé l'était aussi " ad perpetuam" disaient les textes, c'est-à-dire à perpétuité. De ce fait ces propriétés foncières étaient grevées de véritables servitudes dont il n'était pas possible de se défaire.

 

En cas l'aliénation du terrain, il fallait reporter la garantie d'exécution sur un autre bien foncier offrant les mêmes sûretés. C'était une démarche assez complexe. Il est presque certain que les terrains mis ici en vente par la Fabrique Paroissiale de BALIZAC tombait sous le coup d'une telle servitude.

 

Mais au moment du rétablissement du culte des dizaines d'années après la grande tourmente de la Révolution bon nombre de ces fondations furent oubliées, leurs documents perdus et leurs pratiques tombèrent en désuétude surtout lorsqu'il s'était agi d'obligations en faveur de familles éteintes.

 

Il était donc de bonne guerre, pour la Fabrique de BALIZAC,  de rejeter l'origine de la propriété des parcelles mises en vente, dans un passé incontrôlable.

 

Ainsi donc ce dossier avançait, mais il n'était pas encore sorti des limites de BALIZAC. Il allait maintenant falloir aller à la conquête des "avis favorables" de l'Administration.

 

Celui du Sous-Préfet de BAZAS qui le donna, sans difficulté, dès le 23 mai 1864 et transmit l'affaire au Préfet, lequel, le 8 juin suivant, voulut bien approuver cette proposition.

 

Entre temps, on avait présenté un double du même dossier à l'Archevêque qui, lui aussi, donna son accord le 29 mai.

 

Tout le monde étant désormais bien d'accord, et dans un délai remarquablement bref, on pouvait penser que tout souriait à ce dossier et qu'il était désormais bouclé, C'était mal connaître l'extrême centralisation de l'Administration Impériale.

La vente de 5.200 m2 de pacage dans le bourg de BALIZAC relevait de la décision de l'Empereur NAPOLEON III, en personne. Rien moins que cela !

 Consulter le sommaire.

 

C'est ainsi que le dossier, bouclé à BORDEAUX, prit le chemin de PARIS. Hélas ! L'Empereur n'y était pas … Et bien entendu, une affaire d'une telle importance ne pouvait se déléguer à quiconque…

 

Mais où donc était-il ? A VICHY, où il prenait les eaux avec toute sa cour. Le dossier de BALIZAC l'y suit. Et c'est donc à VICHY que, le 25 juillet 1864, après avis favorable du Conseil d'Etat, fut signé le décret Impérial accordant l'autorisation définitive de la vente.

 

Ce décret porte bien la signature de NAPOLEON III, mais elle n'est pas autographe, elle est imprimée, Il porte néanmoins la signature authentique du Maréchal VAILLANT, Maréchal de France, Ministre de la Maison de l'Empereur.

 

A la Mairie de BALIZAC, on n'en demandait pas tant.

 

Restaient à accomplir les formalités relatives à la vente publique, et elles n'étaient pas moins lourdes à l'époque qu'aujourd'hui.

 

Il fallut, à grand frais, faire imprimer à BAZAS une grande affiche rose annonçant la vente. On n'avait pas lésiné sur le format. Un exemplaire est encore déposé aux Archives Départementales.

 

La loi exigeait qu'elle fut publiée dans les communes avoisinantes.

 

 

 Consulter le sommaire.

 

On la met à ORIGNE, à Saint SYMPHORIEN, à Saint LEGER, tout cela est logique, mais on se demande bien pourquoi on est allé en mettre une au TUZAN alors qu'on ne la placardait ni à BUDOS, ni à LANDIRAS, ni à VILLANDRAUT qui, pourtant avec son marché, offrait un centre de publicité privilégié.

 

Il fallut ensuite attendre de chacun des Maires sollicités un certificat de publication, et certains d'entre eux n'en firent pas une priorité dans leurs préoccupations, c'est le moins que l'on puisse dire.

 

Il fallut donc attendre et relancer.

 

Le 21 octobre 1864, le trésorier de la Fabrique put enfin prendre contact avec Me ROUMAZEILLES notaire à Saint SYMPHORIEN pour établir le cahier des charges de cette vente.

 

Il lui désigna les six lots que l'on avait définis et la base de leur évaluation =

-           10.000 francs-or l'hectare pour chacun des 5 premiers.

-           2.500 francs-or l'hectare pour le 6 ème, celui qui descendait de la route au ruisseau.

 

C'était bien vu puisque 130 ans plus tard, les 5 premiers sont toujours valorisés par des constructions alors que le 6 ème n'a jamais été bâti.

 

Tout ceci étant enfin réglé, la vente aux enchères, à la chandelle se déroula à la Mairie de BALIZAC, le  9 novembre 1864 à 10 heures du matin. Cette vente se déroula dans une ambiance terne et totalement dépourvue de passion.

 

Au cours de trois chandelles successives, le premier lot, minuscule, celui de la pointe, ne connut qu'une seule enchère de 5 francs et ce fut Arnaud DUPRAT, l'aubergiste qui l'emporta pour 35 francs.

 

Le second lot, plus conséquent ne fit pas mieux et ne connut, lui aussi, qu'une seule enchère en 3 chandelles, il partit pour 216 francs.

 

Pire encore, le troisième lot ne connut aucune enchère et il fallut le retirer de la vente. BALIZAC restait manifestement en marge de toute spéculation immobilière.

 

Seul enchérisseur sur le quatrième, le forgeron l'emporta pour 610 francs. Il fallut attendre les cinquième et sixième lots pour que la vente s'anime un peu. Ils rapportèrent respectivement 1.510 et 1750 francs.

 

On procéda enfin à une seconde présentation du troisième lot, qui, cette fois trouva preneur pour 1.000 francs.

 

Peu animée, nous l'avons dit, cette vente produisit néanmoins 5.121 francs, encore fallait-il en déduire les frais de publicité légale et surtout en rapprocher le résultat des 35. 838 francs nécessaires à la réalisations de la première phase des travaux. On était loin, très loin du compte.

 

Vous noterez en passant l'importance de cette date du 9 novembre 1864. C'est une date fondatrice de la physionomie du village actuel. C'est à partir de ce moment là qu'on va voir s'élever des maisons là où depuis des siècles on n'avait jamais vu que des prés.

 

 

 Consulter le sommaire.

 

 

      

     L'Archevêque s'impatiente, pourtant le dossier avance.

 

 

Sur place, on avait conscience que ce dossier  progressait mais figurez-vous que ce n'était pas du tout, mais alors, pas du tout l'avis de l'Archevêque. Il estimait au contraire que l'on était en train d'enterrer l'affaire et il n'était pas content.

 

Il fit intervenir Mr. FONTENEAU, son Vicaire Général qui, dans une lettre adressée au Curé de BALIZAC en décembre 1864 lui fit part des inquiétudes de son Eminence et demanda qu'on lui fasse le point de la situation.

 

"J'ai besoin de savoir, pour ne pas exposer plus longtemps votre santé et celle des bons habitants de BALIZAC en permettant la célébration des offices dans votre église, si je n'avais pas l'espoir fondé qu'avant la fin de l'année les travaux seront commencés".

 

Un fois encore on revoyait brandir là la menace de l'interdiction du culte dans l'église. Une arme que détenait l'Archevêque sans avoir de comptes à rendre à quiconque.

 

Le 8 janvier 1865, Jean DARTIGOLLES prend connaissance de la lettre de l'archevêché. Aussitôt il proteste  et dit que la décision de construire la nouvelle église est bel et bien prise et qu'elle est irrévocable.

 

Mais il ne voit pas comment bousculer le cheminement du dossier. De plus, il annonce deux mesures:

 

1.        La commune va vendre sa lande de LAOUHEYTE.

2.        De concert avec le Curé CAZENAVE, il ouvre une souscription,

 

le tout en vue de réunir les fonds nécessaires à la réalisation de la première tranche des travaux

 

Sur ce discours la Fabrique n'est pas en reste, elle annonce, de son côté, qu'au prix d'une gestion particulièrement rigoureuse au fil des dernières années, elle a réussi à se constituer une cagnotte de 19.000 francs qui viendra s'ajouter au 5.000 francs tirés de la vente de ses terrains.  

 

 Consulter le sommaire.

 

 

     Tout paraît bien parti, le vent est à l'optimisme.

 

Quinze jours plus tard le 22 janvier 1865 le Conseil Municipal se réunit pour faire ses comptes.  Le dossier de la vente de la lande de LAHOUEYTE suit son cours.  Mais sur ses 4 hectares, il y a des bois que l'on peut couper sans plus attendre et on vendra le terrain nu. On le décide.

 

On a des nouvelles de la souscription publique, elle est bien partie. On a déjà enregistré 17.000 francs de promesses de dons. C'est le Téléthon de BALIZAC avant la lettre. Du coup la tendance est à l'optimisme. Dans sa délibération le Conseil demanda à

 

"l'Administration supérieure de vouloir bien l'autoriser à commencer les travaux le plus tôt possible, et de permettre à Monsieur le Maire de BALIZAC de traiter de gré à gré avec un entrepreneur qui devra conduire les travaux, pour le moment jusqu'à la naissance de la flèche, immédiatement au dessus du beffroi, ce qui nécessitera une dépense approximative de 40.552 francs 24 centimes. Plus tard, avec les ressources que nous nous créerons, nous aviserons de terminer notre œuvre."

 

J'ai parlé d'optimisme mais je pourrais aussi parler de naïveté. L'optimisme, certes, il en fallait pas mal pour formuler une pareille proposition. Le Conseil envisageait là d'engager, en chiffres ronds, 40.500 francs de travaux alors que Monsieur MONDET, l'architecte, avait limité la première phase à 35 800 francs.

 

Dans son enthousiasme, le Conseil Municipal venait d'y ajouter tout bonnement la base du clocher, ce qu'il appelle le beffroi et ce qui explique la différence des coûts passant des 35.800 prévus aux 40.500 proposés.

 

Peut-être ne saviez-vous pas que vous aviez un beffroi à BALIZAC et maintenant vous saurez même combien il a coûté, soit 4.700 francs.

 

Bel optimisme, disais-je, si l'on veut bien se souvenir qu'en réunissant tout, absolument tout et le reste, la Commune et la Fabrique ne disposaient guère à ce moment là que d'une petite trentaine de milliers de francs.

 

On ne dira pas que BALIZAC manquait d'esprit d'entreprise.

 

J'ai parlé aussi de naïveté, passablement lassé par le poids des formalités administratives le Maire avait pensé esquiver les contraintes d'un marché public en demandant l'autorisation de traiter le marché de gré à gré avec un entrepreneur local.

 

Pour un chantier de cette importance il n'avait aucune chance d'en convaincre l'Administration et on le lui fit bien comprendre.  Mais voilà que les ennuis vont commencer et de sérieux, de très sérieux ennuis.

 

 Consulter le sommaire.

 

               

     La Commission départementale des monuments, pousse la commune dans un piège.

 

  

Le 18 avril 1865 la commission départementale des monuments fait connaître son avis sur le plan proposé. Elle émet quelques critiques ici et là, trouvant en particulier le clocher trop massif….

 

Ceci n'était pas trop grave puisqu'il demeurait bien entendu que le clocher ne serait entrepris que dans la seconde phase des travaux mais, et là c'est beaucoup plus grave, elle fait observer que :

 

"il y a lieu de se demander s'il y aura économie réelle et, par suite, convenance, à faire des voûtes en briques enduites de mortier ou bien des voûtes en pierres sciées….."

 

Ce n'était qu'un avis…. On aurait pu passer outre, d'autant plus que le département n'envisageait pas de mettre un sou dans ce projet mais à BALIZAC on était maintenant pressé d'aboutir et pour cela, on était prêt à éviter toute relance de discussions oiseuses. Puisque les spécialistes de la Commission estimaient que la pierre ne serait pas beaucoup plus chère que la brique on n'y vit pas matière à duscussion.

 

Hélas !

 

Au moment de régler la facture on s'apercevra que la pierre de taille des voûtes belle, certes, mais fort coûteuse, avait un prix que la Commune allait avoir bien du mal à supporter. Monsieur MONDET, l'architecte avait eu une bien meilleure appréciation des capacités des finances locales.

 

En somme, dans toute cette affaire, le Département, voulant de la pierre donnait des conseils, l'Archevêque voulant un clocher pointu ajoutait d'autres conseils, assortis de quelques bénédictions, mais, à terme, c'était bien BALIZAC, seul qui payait.

 

Par ailleurs, l'Administration estima évidemment que ce chantier était beaucoup trop important pour autoriser le Maire à traiter de gré à gré. On comprend mal que Jean DARTIGOLLES ait pu l'envisager.

 

Il fallut donc passer par la voie longue et coûteuse de l'adjudication publique avec cahier des charges, affiches, publicité dans la presse, etc… sans parler évidemment, des inévitables délais supplémentaires.

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     L'adjudication des travaux.

 

 

Ce n'est que le 13 juin 1865, à 13 heures que l'on put procéder à l'ouverture des enveloppes de soumission.

 

Il y en avait trois :

 

Ø      DUBERNET, entrepreneur à NOAILLAN  proposait sur le montant du devis un rabais de 2 %.

Ø      GASTON, entrepreneur à CERONS proposait une majoration de 3 %.

Ø      Un certain POISSONNIER proposait une majoration de 1 %.

 

Ce fut donc DUBERNET qui l'emporta.

 

Mais l'affaire ne s'arrêta pas là car le Sieur FRAYLON fils, de VILLANDRAUT  saisit aussitôt le Préfet d'une vive protestation disant qu'il avait été éliminé du concours pour la seule raison que le cahier des charges de l'adjudication prévoyait la nécessité d'être patenté dans la commune de BALIZAC.

 

Ce qu'il aurait parfaitement pu demander et que personne n'aurait pu lui refuser.

 

C'était vrai. Le Préfet, ennuyé, transmit cette réclamation au Sous Préfet de BAZAS pour enquête et, tout naturellement, cette affaire se retrouva sur la table du Maire…

 

Sa réponse ne se fit pas attendre, et le moins que l'on puisse dire, est qu'il n'usa pas de la langue de bois.

 

Dès le 23 juin, il répondait au sous Préfet qu'il était bien aise d'avoir pu saisir ce prétexte pour écarter la candidature de FRAYLON et laissa entendre au passage que s'il n'avait pas trouvé ce prétexte, il en aurait bien trouvé un autre. Car FRAYLON avait une réputation disons, un peu douteuse.

 

Jean DARTIGOLLES n'en dit pas plus, mais le Sous Préfet se chargea de dire le reste. Très efficace, la Police Impériale  avait des antennes, même à VILLANDRAUT.

 

Dans une lettre tout à fait confidentielle mais dont le secret 140 ans plus tard est maintenant levé, le Sous Préfet adressa à BORDEAUX la réponse du Maire en précisant que FRAYLON était :

 

"cet homme mal famé dont vous avez dû entendre parler à propos d'un procès intenté par lui au journal de BORDEAUX à l'occasion d'un fait d'escroquerie qui n'a pu être prouvé."

 

La cause était entendue, l'entrepreneur DUBERNET conserva le bénéfice de son adjudication.

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     La Municipalité vend sa lande communale.

 

 

Pendant ce temps le dossier de la vente du communal de LAHOUEYTE suivait son cours. Un cheminement que nous n'allons évidemment pas détailler puisque nous avons déjà suivi celui de la vente des terrains du Bourg par la Fabrique.

 

Il suffira de dire que l'autorisation de vente fut donnée le 4 juillet 1865 et que la vente aux enchères se déroula le 28 août suivant.

 

On avait partagé cette lande en 4 lots strictement égaux de 1 ha 09 ares 80 centiares chacun.

 

 

Un tel morcellement paraît insolite dans un village où les grandes parcelles sont plus rares que les petites et par conséquent plus recherchées par d'éventuels acheteurs. Pourtant ce morcellement a été expressément voulu par la Municipalité qui avait par ailleurs imaginé et prévu un système d'adjudication d'une incroyable complexité comportant deux enchères successives sur chacun des lots, la seconde l'emportant sur la première.

 

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

 

On avait  manifestement espéré que ce système doperait les enchères. Il n'en fut rien. Cette vente ne connut guère plus d'animation que celle organisée par la Fabrique.

 

Chacun des quatre lots fut mis à prix pour 600 francs. Au terme d'une séance interminable car il fallait à chaque fois que les bougies s'éteignent et après deux remises en ventes successives ce fut Monsieur SANGO qui emporta le tout pour 2.410 francs.

 

La déception fut grande, on attendait bien davantage mais que pouvait-on y faire ?

 

 Consulter le sommaire.

 

 

     Les travaux commencent mais le devis gonfle.

 

 

Et les travaux dans tout cela ?

 

Où en était-on des travaux ?

 

Eh bien les travaux avaient commencé dès le mois de juillet 1865 moins d'un mois après la désignation du maçon DUBERNET. On avait commencé par démolir l'ancienne  église en récupérant soigneusement tous les matériaux que l'on pouvait réutiliser dans la nouvelle.

 

Il y a donc, ici ou là, noyé dans la maçonnerie de l'église actuelle des pierres ayant appartenu à l'ancienne église..

 

Ensuite il a fallu construire le plateau artificiel qui allait supporter le nouveau bâtiment. Je vous en ai parlé la dernière fois, je ne reviendrai pas sur l'importance de ce travail qui peut aujourd'hui nous paraître bien modeste, mais qui, avec les moyens de l'époque était considérable.

 

Tout cela était donc en cours, mais on voyait bien désormais que le devis ne cessait de gonfler et que d'importantes décisions allaient devenir nécessaires si l'on voulait avoir quelques chances de boucler le budget.

 

Jean DARTIGOLLES réunit son Conseil le 19 novembre 1865 en y conviant de surcroît les 10 propriétaires les plus imposés de la Commune car on allait nécessairement parler finances et impositions.

 

Il prit la parole et dit tout de go :

 

"le but de cette réunion est l'établissement d'un impôt sur les quatre contributions directes de 20 centimes par franc, il est devenu indispensable pour l'achèvement du clocher de la nouvelle église …… pour couronner une œuvre qui nous est chère à tous et que nous avons commencé au prix des plus grands sacrifices.

 

20 centimes par franc ! Rien de moins ! Cela, d'un seul coup, majorait les impôts locaux de 20 % ! Et pourtant la situation était encore bien pire qu'il n'apparaissait, car, s'il est ici question du clocher, objet de la seconde phase des travaux, c'est uniquement pour ne pas effrayer l'Administration.

 

Le Maire, tout aussi bien que son Conseil savaient très bien qu'ils étaient loin, très loin, d'avoir approvisionné le budget de la première phase, celle de la construction de l'église proprement dite. Mais pouvait-on l'avouer officiellement sans encourir les foudre de la Préfecture ?

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     Le piège tendu s'est refermé. Où va-t-on ?

 

Au cours du débat qui s'ensuit, voilà que nous découvrons un fait nouveau et un fait nouveau  de taille !  A savoir qu'au cours de l'année un nouveau devis avait été établi pour tenir compte du remplacement des voûtes en briques par des voûtes en pierres et cela faisait apparaître un surcoût de 9188 francs,  soit une majoration de 22,5 %  sur le budget que l'on avait calculé au plus juste….

 

Souvenez-vous que, dans son rapport, la Commission Départementale des monuments s'était posé la question de savoir " s'il y aurait une économie réelle à mettre de la brique plutôt que de la pierre…."  Ce sont ses propres termes.

 

Eh bien ! à BALIZAC on avait maintenant la réponse et c'est la Commune qui allait en faire les frais. Songez que le total des ventes des terrains de la Paroisse et de la Commune que l'on avait sacrifiés couvraient à peine plus des ¾ du surcoût imputable à cette décision.

 

Où allait-on ?  Je vous le demande. Eh bien, figurez vous que les Balizacais se le demandaient aussi.

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     Il n'y a plus d'autre solution que de demander le concours de l'état.

 

Il ne restait plus d'autre solution que de demander du secours à l'extérieur. La Commune et la Paroisse avaient montré leur bonne volonté en allant jusqu'au bout de leurs possibilités. On estimait maintenant à BALIZAC que l'heure des aides extérieures avait sonné.

 

Jean DARTIGOLLES écrit alors au Préfet en lui demandant que lEtat veuille bien lui accorder les 9.100 francs qui lui manquent pour terminer la première phase du projet.

 

Suite à cette demande le Préfet interroge ses différents services et se rend bien compte que BALIZAC est effectivement arrivé au bout de ses ressources.

 

Le 21 mars 1866, il transmet au Ministère avec avis favorable une demande de secours de 9.000 francs. Le Ministre devait réfléchir lentement, il mit quatre mois à répondre, et cette réponse n'était pas du tout celle que l'on attendait.

 

En substance, il répondait en effet :

 

v       Faites des voûtes moins hautes.

v       Réduisez la hauteur de votre clocher.

 

Et vous ferez des économies de l'ordre de ce vous me demandez et cela me dispensera de vous l'accorder…. Consternation à BALIZAC  !!

 

N'oubliez surtout pas que pendant ce temps les travaux étaient en cours depuis un an déjà…. Et que pour lors, on n'avait plus d'église, ni ancienne, ni nouvelle….

 

Devant l'urgence, la Fabrique de la Paroisse avait demandé et obtenu du Cardinal DONNET le 17 juin 1866 l'autorisation d'emprunter 6.000 francs sur 10 ans auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations.

 

Encore fallait-il pour cela, centralisation oblige, un décret impérial qui fut signé cette fois à PARIS au Palais des Tuileries. Qui fut signé, oui, mais seulement deux ans plus tard le 11 juillet 1868. En très haut lieu on avait pris son temps.

 

Mais sur place à BALIZAC il fallait pouvoir attendre ….

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     Nouvelle demande de concours extérieur.

 

 

Heureusement que le Préfet avait bien compris la situation locale. Certes, il n'avait rien pu faire d'autre que de transmettre au Maire la réponse négative du Ministre à sa demande de subvention mais dans sa transmission il lui avait discrètement donné à entendre que si l'on trouvait le moyen de réduire sérieusement le coût du projet il serait prêt à partir une nouvelle fois à l'assaut du Ministère sur la base d'un devis révisé.

 

Message reçu 5 sur 5 à BALIZAC.  Mais n'oublions pas que nous sommes maintenant en août 1866 et que le chantier est ouvert depuis plus d'un an déjà.

 

Où trouver les économies demandées ?  Pas question bien sûr de réduire les dimensions du bâtiment dont les murs sortent déjà de terre. Pas question, non plus, de revenir aux voûtes en briques la pierre est déjà livrée et pour partie déjà sciée.

 

Alors que reste-t-il ?

 

 

v       Réduire le clocher.

v       Renoncer à la décoration de la façade.

v       Supprimer la tribune intérieure.

 

Là il était encore temps de faire quelque chose. Il est bien vrai que, dans son projet, Monsieur MONDET, l'architecte, avait vu grand. Le clocher qu'il avait projeté était une flèche élancée 10 % plus haute que celle de BUDOS. Son dessin à grande échelle est conservé aux Archives Départementales de la Gironde.

 

Tout le monde savait que le cardinal DONNET, l'Archevêque avait une vive prédilection pour les clochers pointus. BOMMES, BUDOS, SAUTERNES, LOUCHATS, VILLANDRAUT, et tant d'autres sont de cette époque et la hauteur de la flèche donnait l'idée des moyens financiers que la Commune lui avait consacrés.

 

Sur les 34 mètres de haut que l'on avait prévus, BALIZAC pouvait à coup sûr rogner quelque chose. La révision du plan prit pas mal de temps . Six bons mois, cela fait beaucoup. Mais il est probable que Monsieur MONDET n'a pas mis beaucoup d'enthousiasme à reprendre ce qu'il pouvait tenir pour le sabotage de son œuvre.

 

Toujours est-il que le nouveau plan ne sortit qu'en janvier 1867, alors que les travaux se poursuivaient toujours depuis maintenant 18 mois.

 

Le Maire réunit son Conseil le 3 février pour en débattre. Le clocher est devenu bien plus modeste et la façade, toute nue, comme nous la connaissons de nos jours avait perdu toute sa décoration, en particulier les niches que l'on avait prévues pour accueillir un certain nombre de statues.

 

A l'issue de cette réunion Jean DARTIGOLLES adressa une nouvelle lettre au Préfet, une lettre dans laquelle il jouait profil bas, une lettre pleine de déférence vis à vis du Ministère qui l'avait pourtant envoyé sèchement au tapis.

 

Mais n'oublions pas que nous étions là sous le second Empire et qu'au surplus, BALIZAC avait un besoin pressant du secours qu'il sollicitait.

 

 Consulter le sommaire.

 

Après avoir rappelé sa première demande de 9.000 francs Jean DARTIGOLLES poursuivait :

 

"Monsieur le Ministre nous répondit qu'il fallait modifier certaines parties du plan déjà en voie d'exécution pour atteindre nos buts. Dociles à ces sages observations et désireux de réaliser toutes les économies possibles, nous fîmes faire immédiatement un nouveau plan et devis qui a donné pour le clocher une diminution de 1.795 francs, 02 centimes; mais comme d'un autre côté, les fondations ont atteint un chiffre bien plus fort qu'on ne s'y attendait, et que, par erreur, on n'avait calculé que le coût d'une croisée sur les quinze qui figurent sur cet édifice, il en est résulté une augmentation de 699 francs 04 centimes. Le nouveau projet présente donc en moins une somme de 1.095 francs et 98 centimes."

 

Vous trouverez cette lettre dans les archives de votre mairie.

 

En définitive, du fait de la réduction annoncée, au lieu des 9.000 francs initialement demandés BALIZAC ne demandait plus à l'Etat que 8.000 francs "pour parfaire son œuvre" comme disait son Maire.

 

Que le remblaiement du terrain ait pu réserver  de mauvaises surprises, on peut le comprendre aisément. Nous en avons déjà parlé, c'était, pour l'époque, un travail difficile. Par contre, n'avoir pris en compte que le prix unitaire d'une seule fenêtre en oubliant de multiplier par 15 donnait une bien mauvaise idée du suivi de l'étude.

 

Pour tout dire, cela ne faisait guère sérieux pour se présenter devant un Ministre tatillon et sourcilleux. Cela faisait désordre. Le Préfet, encore une fois bon prince ne s'arrêta pas à cette fâcheuse omission et, une fois encore, soutint la démarche de BALIZAC.

 

Le 31 mai 1867, le Ministre accorda à BALIZAC un "secours" de 5.000 francs réparti sur 3 ans, savoir:

 

Ø        1.500 francs dès 1867.

Ø        Autant en 1868.

Ø        Et 2.000 francs en 1869.

 

Ce n'était pas ce que l'on avait demandé mais c'était nettement mieux que rien.

 

Ajoutons à cela que ce "secours", le Ministre l'accorda de fort mauvaise grâce. Il assortit sa décision d'un commentaire assez sévère :

 

"l'examen des modifications apportées au projet à fait connaître qu'elles n'ont abouti qu'à un bien faible résultat en ce qui concerne la diminution de la dépense. Il y aura lieu d'engager l'architecte à entrer avec moins de réserve dans la voie des simplifications, notamment de réduire la hauteur du clocher et à simplifier la décoration du portail."

 

J'espère que vous appréciez à sa juste valeur le style fleuri de ce langage administratif décidément très vieille France. " entrer avec moins de réserve dans la voie des simplification" je trouve cela admirable.

 

Ce malheureux clocher de BALIZAC avant même d'être construit attirait les foudres administratives.

 

Quoi qu'il en soit des observations du Ministre la première tranche de 1.500 francs fut versée à BALIZAC le 24 octobre 1867. Il était temps, il était même grand temps car, à BALIZAC on n'avait plus un sou en caisse, mais alors vraiment, ce qui s'appelle plus un sou.

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     Un coup d'audace, le Maire s'adresse directement à l'Empereur.

 

Et pourtant, ces 1.500 francs n'étaient qu'un modeste ballon d'oxygène très provisoire, car il fallait trouver et très vite beaucoup plus que cela. Disons en gros, et en tenant compte des 2 échéances de subvention à venir, il manquait encore 4.000 francs.

 

o         On ne pouvait plus rien demander de plus à la fiscalité locale.

o         Il eut été parfaitement vain de frapper une nouvelle fois à la porte du Ministre.

 

Le Maire et son Conseil ne se faisait aucune illusion sur ce point. Alors, Jean DARTIGOLLES a une idée, et s'il s'adressait directement à l'Empereur ?  Il réunit son Conseil pour l'entretenir de son projet. Un coup d'audace peut parfois réussir.

 

La lettre du Maire qui s'ensuit est un petit bijou d'adresse et de brosse à reluire, mais que faire ? Il fallait bien en passer par là s'il voulait avoir une mince chance de réussir.

 

Après avoir rappelé à quel point la Commune était à bout de ressources, il poursuit :

"pour parfaire son œuvre, elle n'a d'espoir pour sortir de cette triste situation que dans la munificence du Gouvernement de l'Empereur, toujours premier à s'engager dans les voies libérales et à tendre la main à toutes les infortunes de quelque nature qu'elles soient. Nous avons une église, mais nous n'avons ni flèche, ni même de beffroi pour suspendre notre cloche. Que nous manque-t-il pour le couronnement de notre projet ? 4.108 francs et 99 centimes que nous ne pouvons réaliser sans l'assistance du Gouvernement."

 

Ce discours est très habile. L'allusion aux " voies libérales" joue sur une corde particulièrement sensible dans le caractère de NAPOLEON III. En dépit de circonstances politiques souvent tout à fait contraires, il s'est toujours piqué d'offrir l'image d'un Prince libéral et surtout dans les dernières années de son règne, celles dans lesquelles nous nous trouvons précisément maintenant.

 

Cette lettre adressée à l'Empereur va passer par le Préfet. Nous avons déjà vu qu'il était plutôt favorable à BALIZAC, mais cette fois-ci, il hésite, Après la réponse plutôt sévère du Ministre, il est devenu prudent. Il pourrait être dangereux pour lui de trop insister et d'importuner le Gouvernement qui doit avoir d'autres chats à fouetter.

 

Il est perplexe, très perplexe…. Mais le Maire à fort habilement manœuvré. Dans une démarche commune avec le Curé CAZENAVE, curé de BALIZAC, il s'est adressé au Cardinal DONNET, l'Archevêque en lui demandant d'appuyer sa demande, ce qu'il accepte de faire très volontiers. Dans une lettre autographe qu'il adresse personnellement au Préfet le 25 janvier 1868 il plaide la cause de BALIZAC

 

"la pauvreté de cette paroisse ne lui permet pas de s'imposer de nouveaux sacrifices…."

 

Et pour faire bonne mesure il suggère de lui accorder 5.000 francs.  Voilà qui change tout ! Le Préfet se sent désormais couvert. Présenter à l'Empereur un dossier un peu chaud avec l'appui du Cardinal était tout de même moins risqué pour lui que de l'envoyer avec la seule caution du Maire de BALIZAC.

 

Pourtant, il hésite encore, pendant 2 mois et demi mais il finit par réaliser qu'il pourrait être un jour dangereux de n'avoir pas transmis à l'Empereur un souhait exprimé par le Cardinal. En bref, il fait suivre cette lettre à PARIS le 16 avril 1868.

 

Et contre toute attente ça a marché. Quarante jours plus tard, le 26 mai, sans autre commentaire ou tergiversation quelconque, BALIZAC se voyait attribuer un "secours" supplémentaire de 4.000 francs payable en deux annuités successives de 2.000 francs l'une, prélevées sur la cassette personnelle de l'Empereur.

 

Il y a donc et il y a toujours 4.000 francs-or donnés personnellement par NAPOLEON III dans l'église de BALIZAC que vous avez chaque jour sous les yeux.

 

Mais ce n'est pas tout car le 16 août suivant, un décret Impérial, signé au palais des Tuileries, autorisait enfin la Fabrique de la Paroisse à procéder à l'emprunt de 6.000 francs sur dix ans qu'elle sollicitait en vain depuis tantôt deux ans.

 

Bel exemple de centralisation administrative !

 

 Consulter le sommaire.

 

 

 

     Nouveaux avatars. La mauvaise surprise d'un Téléthon mal géré.

 

Du coup l'horizon financier commençait enfin à se dégager. Eh bien, vous n'y êtes pas car cette euphorie fut de courte durée. C'est le moment de vous souvenir de la souscription volontaire que l'on avait proposée à la population en 1865.

 

BALIZAC avait organisé là, bien avant la lettre une sorte de Téléthon, mais par manque d'expérience, la Municipalité avait commis une grosse imprudence.

 

Quand on lance une opération de Téléthon, on enregistre les promesses de dons et on procède à l'encaissement dans la semaine qui suit, moyennant quoi, la collecte est à peu près conforme aux promesses reçues.

 

Mais ici la Municipalité avait tenu un autre raisonnement qui, à l'usage, allait se révéler désastreux.

 

On avait considéré l'argent de cette souscription comme une sorte de réserve immédiatement disponible et réalisable à première demande, en quelques jours, le temps de faire un tour de porte à porte dans la Commune.

 

On l'avait comptabilisé en ressource, le considérant déjà acquis et l'on s'était gardé d'y toucher.

 

Mais lorsqu'en 1869,  on se décida enfin à collecter cet argent la désillusion fut énorme. Quatre ans plus tôt au moment des promesses, la résine se vendait un bon prix, en 1869, son prix était au plus bas.

 

De ce fait les promesses de dons furent mal honorées voire même pas du tout. On ramassa finalement 3.000 francs de moins qu'il n'avait été prévu… nouveau problème !

 

En mai 1870 la construction de l'église et de la base du clocher était terminée. Sous la réserve des sacristies qui seront construites plus tard, l'édifice était très exactement au point où nous le connaissons aujourd'hui.

 

Mais il n'y avait plus un sou en caisse pour édifier la flèche du clocher, même tronquée et ramenées aux dimensions voulus par le Ministre.

 

 Consulter le sommaire.

 

     Nouveau coup d'audace, nouvel appel à l'Empereur.

 

Il fallait tout de même en finir et puisque la demande de secours à l'Empereur avait bien marché, se payant d'audace, Jean DARTIGOLLES se proposa de la renouveler et en suggéra l'idée à son Conseil le 15 mai 1870 qui l'approuva.

 

Une fois encore, la lettre du Maire est très habile. Elle évoque les 3.000 francs de déficit éprouvés dans la collecte et ajoute :

 

"ce malheureux déficit ne provient que de l'abaissement des produits résineux, l'unique ressource de nos landes girondines, qui se trouvent de ce fait dans un état très voisin d'une misère presque complète. Aussi, beaucoup de souscripteurs n'ont-ils pu faire honneur à leurs engagements volontaires. Telle est la cause de nos embarras financiers …"

 

Cet argument était fort bien venu. En imputant exclusivement les déboires financiers de sa Commune à la crise des produits résineux, le Maire touchait deux cordes sensibles au cœur de l'Empereur.

 

Cette crise était en effet une conséquence directe et immédiate de la politique de libre échange conduite par le Gouvernement et cela, NAPOLEON III ne pouvait l'ignorer.

 

Mais ce n'est pas tout car le même NAPOLEON s'était personnellement beaucoup investi dans le départements de LANDES. Il avait acquis d'immenses domaines à SOLFERINO, MAGENTA, etc… qu'il avait fait drainer et planter en pins maritimes.

 

Cette crise des produits résineux touchait donc à l'avenir de ses entreprises et ne pouvait que l'intéresser sinon même l'inquiéter.

 

Ce discours était de bonne guerre, reste à savoir s'il était totalement sincère car il passe entièrement sous silence le nouveau débouché que constituait l'envoi des bois de mine sur l'ANGLETERRE, débouché qui venait de s'ouvrir en 1865 et qui, déjà, en 2 ou 3 ans commençait à assurer à chacun des revenus jusque là inespérés.

 

 Consulter le sommaire.

 

 

     C'est la faute à Bismarck.

 

 

Ainsi présentée cette demande aurait pu avoir des chances d'aboutir à quelque chose mais  aussi bien présentée qu'elle ait pu être elle resta néanmoins sans suite. Le 17 juillet 1870 éclatait la guerre Franco-Allemande qui devait se terminer en deux mois dans une affreuse déroute.

 

Au cœur de ces événements tragiques le Gouvernement impérial avait eu bien d'autres priorités que d'aider à la construction d'un clocher à BALIZAC. Fait prisonnier par les Prussiens à SEDAN au début de septembre NAPOLEON III n'eût plus le loisir d'entr'ouvrir sa cassette.

 

La IIIème République qui s'ensuivit connut ensuite d'autres orientations politiques et la demande de BALIZAC s'abîma, dans un quelconque tiroir de ministère.

 

Le chantier en resta où il en était au printemps de 1870. La flèche du clocher ni élancée, ni réduite ne fut jamais construite. De même la façade dut-elle se passer de la décoration que l'on avait prévue de lui donner. La tribune intérieure non plus ne vit jamais le jour.

 

 

Le Chancelier allemand BISMARCK avait voulu cette guerre et y avait poussé de toutes ses forces. En jetant à bas la France et son Second EMPIRE il a, du même coup, interrompu les travaux de l'église de BALIZAC car il n'est pas douteux que sans l'effondrement du régime Impérial, tôt ou tard et d'une manière ou d'une autre, cette église aurait été terminée.

 

Si elle ne l'est pas  c'est, en quelque sorte, la faute à BISMARCK.  

 

 Consulter le sommaire.

 

 

     Le coût final de l'édifice.

  

Jean DARTIGOLLES avait fait de la reconstruction de cette église une affaire personnelle. Avec l'appui de son Conseil et le concours de tout le village, au terme de bien des soucis, il avait réussi à conduire l'affaire presqu'à son terme, presque….Presque, c'est essentiellement la flèche du clocher.

 

Finalement, le temps passant, on finit par oublier les frustrations de l'inachèvement et telle quelle était, cette église a fini par s'intégrer dans la nouvelle physionomie du village.

 

Je vois venir votre question, une question bien légitime après tant de péripéties…

 

Combien, au total, cet édifice a-t-il bien pu coûter ?  

 

Et je suis bien embarrassé pour vous répondre. Je n'ai retrouvé aucun arrêté de comptes définitifs. Je ne sais même pas s'il existe. On ne peut donc que faire le total des diverses contributions que nous avons recensées tout au long de cette histoire tourmentée et ce total est de 55.531 francs.

 

Mais il reste une inconnue importante, c'est le produit de la majoration des impôts locaux que nous ne pouvons chiffrer, même approximativement. Disons, pour fixer les idées que cette église à coûté, au bas mot, 60.000 francs-or. Sinon davantage, soit, au minimum, l'équivalent de 25.000 journées de salaire d'un travailleur agricole de l'époque.

 

 Consulter le sommaire.

 

     Et maintenant ....

 

Quand vous passerez devant cet édifice ne manquez pas d'y porter votre regard et d'évoquer les longs cheminements de son histoire. 

Ne passez pas indifférents, il mérite mieux que cela. 

Ne serait-ce que pour la peine et les soucis qu'il a coûté à nos ancêtres.

 

 

Jean DARTIGOLLES.

 

   

Réalisée le 13 février  2005

 André Cochet

Mise sur le Web le      février  2005

Christian Flages

Mise à jour le 

                 

Pour voir les autres conférences.