La vie religieuse et paroissiale de Louis XIV à Napoléon III à BALIZAC. |
Conférence par M. Jean DARTIGOLLES. à Balizac le 15 mars 2003. |
Introduction.
Depuis le moyen âge, et on ne sait trop pourquoi, la nomination des Curés de Balizac ne dépendait pas de l'Archevêché de Bordeaux mais directement du Pape en cour à Rome.
Balizac n'a jamais redouté les situations d'exception…..
Et ceci a duré jusqu'à la révolution. Cette situation était, en effet, exceptionnelle.
Essayons d'y voir un peu plus clair.
C'est le Pape Clément V, natif d'Uzeste qui, tout au début du XIVème siècle avait fondé une collégiale en sa paroisse natale.
Et il y avait installé comme son nom l'indique, un collège de Chanoines qui vivaient là en commun sous la direction d'un doyen. Ils vivaient en milieu ouvert et n'étaient absolument pas enfermés comme l'auraient été des moines.
Comme ce collège avait été fondé par le Pape et à ses frais, il était, au fil du temps, toujours resté directement rattaché à Rome. Pour le choix et les nominations de ces Chanoines c'était le marquis de Pons, Seigneur de Villandraut qui proposait les candidats au Pape qui, s'il était d'accord, prononçait leur nomination. L'Evêque de Bazas en était simplement informé pour mémoire.
Or, on ne sait trop pourquoi la paroisse de Balizac qui, elle, appartenait à l'Archidiocèse de Bordeaux était rattachée au Collège des Chanoines d'Uzeste et ses Curés successifs pareillement nommés par le Pape lui-même.
Par contre, une fois en place, pour tout ce qui concernait les cérémonies, la liturgie, la catéchèse, etc.… le Curé obéissait bel et bien aux instructions de l'Archevêque de Bordeaux. La particularité ne portait donc que sur sa nomination.
Au moment ou commence notre histoire nous sommes au soir du 22 septembre 1719, c'était un vendredi, le Curé Antoine des Roches venait juste de mourir à l'âge de 68 ans. Il était là depuis la fin du règne de Louis XIV. On l'enterra dès le lendemain comme c'était alors la coutume.
Ses obsèques solennelles se déroulèrent en présence de tout le village assemblé ainsi que de tous les Curés des paroisses voisines et de Bernard Dubaquier vicaire du défunt Curé, car il y avait un vicaire alors à Balizac.
Après ce décès on vit arrivé le Curé Dufoure nommé par le Pape comme il se doit. Installé à Balizac en 1719, il devait y rester jusqu'en 1747. A cette date, fatigué, peut-être, il manifesta son intention de se retirer. Le 28 mai 1747 il présenta sa démission au Pape qui l'accepta et nomma à sa place Jean Roudés qui desservira Balizac jusqu'à sa mort survenue en 1788.
Ce Jean Roudés était précisément l'un des Chanoines d'Uzeste et il avait démissionné de sa charge pour venir à Balizac. En avait-il assez de vivre en communauté ? Préférait-il être Curé Indépendant ? Il ne nous a pas laissé ses confidences, mais c'est bien à sa demande qu'il est venu à Balizac. Il prend possession de sa paroisse le 8 novembre 1747.
Accueil d'un nouveau Curé.
Tous les habitants sont réunis dans l'église en présence de Me Lafourcade, notaire à Balizac, car il y avait un notaire à Balizac.
Sous le porche de l'église, Me Lafourcade prend le Curé par la main et le fait entrer. Le Curé prend de l'eau bénite, se signe, remonte la nef, monte à l'autel, se met à genoux et prie quelques instants. Puis il baise l'autel, ouvre le tabernacle et se dirige vers le missel (qui est installé sur un pupitre) et là, il lit quelque prière. Il passe ensuite dans la sacristie où se trouve une grande armoire neuve où sont rangés les ornements qu'il inspecte. Il revient enfin à la porte d'entrée et prenant les cordes en main, il sonne les cloches. Me Lafourcade dresse ensuite de tout cela un minutieux procès-verbal qui nous a été conservé.
Le
Curé Roudès va ensuite prendre possession de son presbytère. Mais là, c'est
une tout autre affaire ! Sa prise de possession sera purement symbolique car il
n'y a plus de presbytère à Balizac.
Et probablement depuis pas mal de temps. Ce bâtiment, complètement détruit, n'a pas conservé pierre sur pierre. A-t-il brûlé ? Rien ne le dit. A-t-il subi les rigueurs de la guerre ? Mais il y a plus de cent ans qu'il n'y a pas eu de troubles dans la région. La vérité est que nous n'en connaissons pas la raison.
Par
contre, grâce à la description de Me Lafourcade nous connaissons bien l'état
de ces ruines
"
des anciens murs de la maison presbytérale"
nous dit-il
"il
n'y a que des vestiges…n'y paraissant seulement que quelques pans de matériaux
de muraille, ras de terre, tous les autres matériaux ayant été enlevés
depuis longtemps."
Il est clair que cette ruine a servi de carrière à qui a eu besoin de pierre. Et depuis longtemps dit Me Lafourcade qui est un bon témoin. Il est un bon témoin parce qu'il habite au bourg et qu'il voit bien ce qui s'y passe et parce qu'il a un certain âge au moment où il écrit.
Au surplus nous disposons d'un autre texte, de 1728 écrit par le Curé Dufoure, le Curé précédent, qui dit clairement que vingt ans auparavant ce presbytère était déjà inhabitable. C'était donc une situation très ancienne.
Alors
s'il n'y avait plus de presbytère où donc le Curé et son Vicaire
pouvaient-ils se loger ? Eh bien dans une maison que l'on avait loué pour eux
tout en haut du bourg, au lieu que l'on appelle encore , et pour cause, "La
Vielle Cure".
Seulement voilà, au début de 1748, le propriétaire de cette maison vint à la vendre et le nouveau Curé Roudès qui venait tout juste d'arriver (il y avait quelques mois) allait se retrouver à la rue. Des décisions urgentes s'imposaient donc. Le Syndic de la paroisse, Jean Callen, réunit tous les paroissiens devant la porte de l'église à la sortie de la messe le 19 mai1748.
C'était
le dimanche juste avant l'Ascension et il leur adresse le discours suivant:
"Depuis
bien longtemps nous sommes obligés de payer un loyer de maison à notre Curé,
et quoiqu'il soit modique, il se rencontre souvent des difficultés pour le
recouvrement de son paiement…Il n'y a par ailleurs qu'une seule maison dans la
paroisse qui puisse être louée pour loger ce Curé et ladite maison vient d'être
vendue par le propriétaire de telle façon qu'il sera presqu'impossible que
notre Curé puisse être logé dans notre paroisse....."
Ce loyer, nous le savons par un autre texte, étaient de 30 livres par an, soit à l'époque le prix d'une barrique de vin rouge de Landiras ou de Budos. Quand aux difficultés à le payer, elle devaient être bien réelles puisque dans une lettre à l'Archevêque de Bordeaux, le précédent Curé Dufoure se plaignait déjà d'avoir à le payer de sa poche. C'est donc tout dire…..
Le
problème ainsi posé, les paroissiens discutèrent et finirent par décider de:
"faire construire incessamment une maison presbytérale… sur le même emplacement qui est près de la présente église."
Et pour ce faire, ils décidèrent de faire établir un devis estimatif et chargèrent Jean Bourrut de négocier avec l'administration de l'Intendance à Bordeaux la création d'un impôt local spécial sur Balizac dont ils décideraient eux-mêmes le montant et dont ils géreraient le produit pour payer ces travaux.
Ce
Jean Bourrut, dit Jeantillon, était le meunier du moulin de Balizac aujourd'hui
disparu qui était installé sur la Nère pas très loin de Pinot.
Ainsi fut fait et c'est l'origine du presbytère que nous connaissons aujourd'hui. Mais sa construction pris du temps, beaucoup de temps. 8 ans plus tard, en 1756 le Curé Roudès rapporte dans une lettre que sa construction est toujours en cours. Et pourtant, la caisse de la Fabrique paroissiale de Balizac ne devait pas être totalement dépourvue.
Procès pour un testament.
C'est toute une histoire….
Figurez-vous que le Curé Des Roches, celui-la même que nous avons enterré tout à l'heure, en septembre 1719, avait fait un testament. Et dans ce testament, ce brave Curé avait légué à sa paroisse une somme de plus de 500 livres, somme considérable représentant alors la valeur d'un troupeau de 200 moutons. C'était pour Balizac une bien belle aubaine mais, l'héritier naturel du Curé, Monsieur Pineau ne l'entendait pas de cette oreille et ne versa pas un sou de cette somme à la paroisse.
Et Monsieur Pineau n'était pas n'importe qui car il était conseiller à la Cour des Aides à Bordeaux, autrement dit, juge. Juge à ce que nous appelons aujourd'hui la Cour des Comptes régionale. Pour un magistrat royal cela faisait passablement désordre.
La Fabrique de l'église de Balizac l'attaqua en justice devant le Sénéchal de Bordeaux car il ne pouvait être question d'attaquer un magistrat de ce rang devant une justice locale.
Ce procès traîna longtemps si bien qu'entre temps, Monsieur Pineau mourut et qu'il fallut recommencer les poursuites contre ses héritiers. Mais Balizac ne baissa jamais les bras et de procès en procès et d'appel en appel finit par l'emporter.
La dernière part de son dû, pour solde de tous comptes lui fut versée le 9 octobre 1742, 23 ans après la mort du Curé donateur.
Cet argent aurait pu être bien utile pour construire le presbytère 6 ans plus tard en 1748. Il n'en est pourtant question nulle part. Qu'en ont-ils fait ? Mystère…. Une telle somme aurait pourtant pu favoriser l'entreprise. Au demeurant il semble qu'il y ait eu quelque tiraillement dans la direction des affaires paroissiales.
Voilà qu'au printemps 1751, Jean Callen, le Syndic fait connaître qu'il démissionne de sa fonction de Syndic, sans en préciser la raison. Une Assemblée des Paroissiens réunie à la sortie de la messe du 29 juin 1751 accepte cette démission et désigne Arnaud Dubourdieu pour lui succéder. Cet Arnaud Dubourdieu habitait au Hat.
Les
comptes de Jean Callen sont approuvés et l'on compte 381 livres dans la caisse.
Personne, pour autant, ne parla de les affecter au presbytère dont la
construction avait été décidée il y avait déjà de cela 3 ans et qui, nous
venons de le voir il y a un instant, ne serait pas encore terminée avant 5 ans.
Là-dessus survient l'affaire du sacristain qui montre bien que les relations entre le Curé et le nouveau Syndic ne sont pas au beau fixe.
Le Sacristain.
La chose mérite d'être contée.
Dans toutes les paroisses de la région la fonction du Sacristain sonneur de cloches, était chaque année, mise à l'adjudication. Chaque paroissien pouvait pousser les enchères pour acheter cette fonction à la Fabrique. Après quoi, celui qui l'avait emportée recevait pour un an les clés du clocher en échange du versement du montant de son enchère. Ensuite tout au long de l'année il percevait à son profit de chaque famille le montant des prestations qu'il fournissait:
carillon des baptême,
grande volée de cloches pour les mariages,
glas des enterrements.
Etc…
Le
tout selon un tarif déterminé et connu de tous. Suivant le montant auquel il
avait poussé l'enchère annuelle et le nombre des cérémonies le Sacristain
pouvait gagner de l'argent ou bien en être pour sa peine et de sa poche.
A Balizac, cette mise aux enchères s'effectuait, traditionnellement, le jour de Pentecôte à la sortie de la Grande messe, un peu avant midi. Le 2 juin 1754, jour de Pentecôte, on s'était donc réuni selon l'usage et les enchères commencèrent. Elles se révélèrent sans passion car les candidats ne se bousculaient pas.
Seuls
se manifestèrent, Bertrand Darcos le Sacristain sortant qui était un assez
modeste charron et Jean Roumazeilles dit Pézoune qui était, lui aussi, charron
(car il y en avait deux à Balizac) mais dans une situation nettement plus
confortable car il était, aussi propriétaire.
Ce fut Roumazeilles qui l'emporta pour 15 livres, somme modeste puisque l'année précédente l'enchère avait atteint 21 livres. Quoi qu'il en soit, on prit donc Roumazeilles pour Sacristain et on lui remit les clés du clocher.
Mais
le Curé Roudès n'avait pas assisté à ces enchères parce, que nous dit-il,
"il s'était retiré en sa maison car c'était l'heure de son déjeuner…"
argument cousu de fil blanc, vous vous en doutez bien, car il ne pouvait
ignorer que l'on allait procéder à l'enchère à la porte de l'église.
Lorsqu'il apprend que Roumazeilles a remporté cette enchère il entre dans une colère noire, tout simplement parce qu'il ne peut pas le souffrir en peinture depuis que dans on ne sait plus trop quelle circonstance il lui aurait manqué de respect. Il s'ensuit toute une histoire dans laquelle le Curé, à grand renfort de papier timbré entre en procès avec ses paroissiens exigeant que Roumazeilles rende les clés du clocher.
Le
Syndic Dubourdieu est hésitant. Il soutient d'abord la démarche du Curé puis
s'en désolidarise et se retire du procès pour confirmer tout bonnement
Roumazeilles dans sa fonction de Sacristain.
Je
vous laisse imaginer quel a pu être le climat dans la paroisse dans les temps
qui ont suivi avec un Curé qui ne pouvait pas voir son Sacristain et qui serait
en conflit permanent avec le Syndic administrateur des biens de la paroisse. Il
a dû y avoir là de mauvais moments à passer.
Ambiance ou pas, le Curé Roudès fut le premier à habiter le presbytère que nous connaissons aujourd'hui, il demeura à Balizac jusqu'à sa mort, à la veille de la Révolution au printemps 1788.
C'est Me Jean Antoine Pradier qui lui succéda. Il venait de bien loin puisqu'il était prêtre du diocèse de Mende, ce qui n'était évidemment pas la porte à côté. Mais ce n'est pas un cas isolé car Balizac est parfois allé chercher ses Curés très loin. Nous en retrouverons un exemple tout à l'heure.
Le Curé Pradier pris possession de son église le premier juin 1788 et ici encore nous disposons du procès-verbal très précis de cette cérémonie. Mais Me Lafourcade n'était plus là, il était mort dans l'intervalle et il n'y avait plus de notaire à Balizac.
On avait donc fait appel à Me Audinet notaire à Préchac que l'on avait fait venir pour consigner les détails de l'événement sur lequel nous ne nous attarderons pas parce qu'il est en tous points identique à celui que nous avons décrit lors de l'arrivée du Curé Roudès avec toutefois la particularité qu'il peut, cette fois-ci visiter le presbytère qui a été reconstruit.
Le
visiter, oui mais l'habiter,
non, du moins pas encore car il est encore occupé par les domestiques de
son prédécesseur, une servante et un valet de ferme qui gardent le mobilier
qui n'a pas encore été déménagé.
Le Presbytère.
Le
nouveau Curé voudrait bien entrer dans les lieux le plus vite possible et pour cela il remue ciel et terre.
Il
intervient:
auprès du Doyen du Chapitre d'Uzeste qui est désigné comme exécuteur testamentaire.
auprès de M. Coulom, Procureur du Roi.
auprès du Sénéchal à Bordeaux parce qu'il est le mari de l'héritière de défunt Curé, etc.… etc.
Peine perdue, dans l'immédiat, personne ne bouge, enfin à titre conservatoire le 15 septembre 1788 il décide de faire dresser un état des lieux devant notaire avec l'assistance de deux hommes de l'art tous deux Experts Judiciaires à Villandraut:
-Arnaud
Batis qui est maçon.
-François
Payen qui est charpentier.
Le Curé, les Experts, le Syndic de Fabrique et le notaire vont parcourir toutes les pièces de ce presbytère ainsi que ses dépendances. Les murs sont reconnus en bon état, ils n'ont besoin que d'être reblanchis à la chaux à l'intérieur et de recevoir un crépis à l'extérieur mais il faut remplacer 150 carreaux au sol de la cuisine.
Qu'a-t-il
bien pu se passer dans cette cuisine ?
150
carreaux cassés, ce n'est pas rien…!
Ce
bâtiment ne peut avoir plus de 30 ans et n'a encore connu qu'un seul locataire.
C'est inquiétant, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais ce n'est pas tout,
les planchers ne valent guère mieux, il sont déjà rapiécés en plusieurs
endroits. Le plancher du grenier lui-même doit être complètement changé.
N'entrons
pas dans trop de détails car ils sont fort nombreux mais sachez qu'on trouve là,
des bas de portes enfoncés, des volets pendants ou manquants. Il y a des gouttières
partout, même dans le parc à cochon. Les portes du jardin ont disparu, etc.…
etc.…
Bref
un vrai spectacle de désolation, décidément le Curé Roudès fut un bien
mauvais locataire !
Entre bien d'autres choses il faudra pour réparer tout cela 26 douzaines de fortes planches de près de deux mètres de long sans compter les "redos" pour servir de voliges et, au moins 3.000 clous dont certains sont peut-être encore en place dans le bâtiment actuel.
Le
temps que le presbytère soit libéré et le temps que ces travaux soient réalisés
nous étions déjà en 1789. Le Curé Pradier
ne profita guère de son logement, disons 2 ans, guère davantage, la Révolution
l'en chassa.
C'est alors que les événements se précipitèrent, 1792 avait été l'année de la grande crise entre le clergé Jureur ou Constitutionnel et le clergé non jureur ou réfractaire.
La révolution.
Fin
1792, tous les prêtres dits " réfractaires" étaient enfermés ou
devenus clandestins. Mais très bientôt, même le clergé
"constitutionnel" fut suspendu et le culte Catholique purement et
simplement aboli.
C'est au printemps 1793 que survint l'affaire des cloches. Pour faire de la petite monnaie et pour fondre des canons le gouvernement de la République avait besoin de bronze.
Dans
un premier temps il invita les toutes nouvelles communes qui venaient d'être créées
à descendre les cloches de leurs églises et à les porter à l'hôtel des
monnaies et pour les inciter à faire ce geste on leur promit de leur verser le
tiers de la valeur de bronze en numéraire.
Pour des communes à qui l'on avait oublié d'attribuer le moindre budget cette offre pouvait être alléchante. Pas plus à Balizac que nulle part ailleurs dans les environs, personne ne bougea. Tous voyaient dans les cloches du village une sorte de symbole de son identité. Les cloches étaient en quelque sorte la voix de l'esprit de clocher, même pour de l'argent, personne n'y toucherait.
Mais très peu de temps après, le 23 septembre 1793, d'autres instructions survinrent. Cette fois-ci il n'était plus question d'invitation mais d'un ordre comminatoire il fallait descendre et livrer toutes les cloches superflues. Entendez par là que chaque village pourrait conserver une cloche et devrait livrer les autres.
Balizac
qui en avait trois devait en livrer deux. Dans le village cela fut très mal perçu.
On commença donc par attendre un bon mois sans rien faire et pourtant il fallu
bien en passer par là.
Sous
la présidence du maire Dubourdieu le Conseil Municipal se réunit en assemblée
extraordinaire au matin du 28 octobre sur le coup de 10 heures pour délibérer
sur la lettre d'instructions reçue du district de Bazas un mois plus tôt.
A
cette réunion on avait également convoqué tous les ouvriers de la commune
susceptibles de procéder à la descente des 2 cloches dites
"superflues". L'attribution de ce travail fut mise aux enchères. Il
n'apparaît pas qu'elles furent très chaudement disputées. Finalement la tâche
fut confiée au citoyen Lamarque qui était charpentier de haute futaie pour le
prix de 3 livres et 5 sous.
Sans trop d'empressement le travail fut exécuté et les deux cloches déposées au sol vers la fin novembre. C'était une première étape, encore fallait-il aller les livrer au port de Langon qui était le point désigné pour la concentration des cloches réquisitionnées avant leur acheminement sur l'hôtel des monnaies à Bordeaux.
Une nouvelle fois le Maire convoqua son Conseil dans l'après-midi du 11 frimaire à 3 heures ½.
Vous noterez que dans l'intervalle du mois qui vient de s'écouler on avait changé de calendrier pour adopter le calendrier Républicain, c'était le premier décembre.
Et
là, on organisa une nouvelle enchère au moins disant pour attribuer ce
transport à l'un des bouviers de la commune. Bertrand Larue l'emporta au prix
de 5 livres. On lui donna la consigne précise de ne lâcher les cloches à
destination qu'en échange d'un reçu en bonne et due forme sur lequel
figurerait le montant des frais de descente et de transport, soit donc, 8 livres
et 5 sols.
Le charroi partit 4 jours plus tard le 15 frimaire, soit le 5 décembre 1793 et les Balizacais, au pas lent des bœufs de l'attelage virent s'éloigner du village 2 de leurs 3 cloches auxquelles ils étaient si attachés.
Ce
n'était qu'un début car bientôt il fut interdit de se servir de la cloche
restante pour quelque motif que ce soit, même pour le tocsin en cas d'incendie.
Tous les clochers seraient désormais strictement muets
Depuis déjà plusieurs mois toute pratique du culte religieux étaient interdite. Le Curé avait disparu, certes, mais pendant un certain temps on avait continué à sonner la cloche lors des enterrements.
Cette
nouvelle interdiction fut durement ressentie par la population. Enterrer ses
parents sans Curé était une chose mais les enterrer sans cloche paraissait
pire encore. Le saccage du mobilier de l'église suscita un trouble non moins
profond. Et pourtant les instructions reçus avaient été formelles. N'oubliez
pas que nous sommes là sous la Terreur.
Les
Administrateurs du district de Bazas s'inquiètent de leur application "a-t-on
vraiment tout détruit" et dans une lettre du 20 messidor, 8 juillet
1794, le Maire Dubourdieu leur répond:
"Tous les signes de féodalité sont absolument détruit dans notre ci-devant église, les autels (sont) renversés, toutes ces divinités de bois (et de) pierre, enfin il n'est plus de connaître si jamais il s'y est dit une messe."
Par
contre, et en réponse à d'autres instructions qu'il avait également reçues,
il déclare qu'il n'a :
"point de fonds pour subvenir aux dépenses nécessaires et indispensables qu'exige la ci-devant église pour (la transformer en) temple de (la) raison où nous (irions) reconnaître une être suprême et l'immortalité de l'âme…"
et il suggère, pour y pourvoir de vendre le mobilier restant et les statues brisées.
On ne voit pas très bien le prix qu'il aurait pu en tirer, mais en définitive la question ne se posa pas car 20 jours plus tard éclatait le coup du 9 thermidor qui vit la chute et l'exécution de Robespierre.
La Terreur était terminée, Balizac de nouveau respira un peu plus librement.
Pendant plus de dix ans le village n'avait plus vu de Prêtre.
Rétablissement du culte.
Le 10 septembre 1803 on vit reparaître le Curé Pradié qui avait échappé à la tourmente en se cachant on ne sait où. Il aura été le dernier Curé de Balizac à avoir été nommé par le Pape. Dans la nouvelle organisation ecclésiastique les Curés suivants seront désormais nommés par l'Archevêque de Bordeaux.
Dès le rétablissement du culte catholique le Curé Pradié reprit son ministère là où il l'avait laissé dix ans plus tôt mais il n'eut guère le loisir de l'exercer. La crise des effectifs des Prêtres était absolument dramatique dans le diocèse.
Une bonne part des Prêtres constitutionnels avait disparu pendant la tourmente en abandonnant la prêtrise et par ailleurs une bonne part des prêtres réfractaires avait trouvé la mort en diverses circonstances dramatiques et enfin depuis plus de 10 ans aucun jeune n'était plus entré dans les séminaires qui avaient, évidemment, été fermés.
Il résultait de tout cela que l'Archevêque ne disposait plus guère que des 2/5ème des prêtres qui lui auraient été nécessaires pour assurer la desserte des paroisses de son diocèse. Dans ces conditions répondant à la pression des priorités il ne pouvait pas laisser un Curé à Balizac alors qu'il avait de très grandes paroisses non pourvues.
Revenu à Balizac le 10 septembre 1803 le Curé Pradié, appelé à d'autres fonctions, est repartit bien avant la fin de l'année.
Le 25 janvier 1804 un Curé est nommé à Saint Symphorien prenant en outre en charge Balizac, Origne, Hostens, mais épuisé par les épreuves qu'il avait connues au cours de la Tourmente, il était de santé très fragile, au surplus, l'état des chemins était alors si déplorable qu'il rendait tout déplacement difficile.
On ne le vit que très peu à Balizac et bientôt plus du tout. Ce fut une période au cours de laquelle toute vie paroissiale disparut. Toute une génération se développa sans aucune culture religieuse.
Il n'y avait plus de cathéchisme, certes on faisait bien encore baptiser les enfants, par tradition lorsqu'un Prêtre passait par là en quelque occasion, mais on ne se mariait plus à l'église. Nombre de mariage civils de cette période seront religieusement régularisés 20 ans plus tard, les registres en font foi.
Les écarts de conduite et la liberté des mœurs des jeunes commençaient à inquiéter sérieusement la génération des parents et ce n'est pas un phénomène propre à Balizac, la France entière est concernée par cet inquiétant phénomène.
A la fin de 1805, le Ministre des cultes lance une grand enquête dans les paroisses ainsi abandonnées car il est de plus en plus évident qu'un écart se creuse entre elles et celles qui sont pourvues de Prêtres dans lesquelles, tout au contraire se dessine un très net renouveau religieux.
La
réponse à cette enquête concernant Balizac est tout à fait significative:
"L'église des Balizac (est) sans service actuellement, malgré qu'elle en aurait le plus grand besoin, à cause de la corruption, surtout de la pauvre jeunesse, entièrement livrée à elle-même…"
Accessoirement, cette enquête montrait que l'on avait remis de l'ordre dans l'église et qu'elle offrait de nouveau le minimum d'aménagement pour y rétablir le culte.
Cette enquête ne déboucha sur rien.L'Archevêque était tout à fait conscient de la situation et plus encore des sombres perspectives d'avenir mais des centaines de paroisses de son diocèse étaient dans le même cas et il ne pouvait y envoyer les prêtres qu'il n'avait pas.
Et cela dura, et le temps passa.
Recherche de prêtre.
Le
13 mars 1819 le nouveau Maire, M. Hazera prend l'initiative d'écrire à
l'Archevêque et lui dit
"Depuis
bien longtemps, les habitants de la paroisse de Balizac sont privés de Prêtres,
nous sommes des brebis égarées"
et
il ajoute, pour finir de le convaincre
"Un Prêtre ne peut qu'être heureux parmi nous, il fera notre bonheur et nous nous empresserons de faire le sien."
Le 14 novembre suivant dans une lettre, cosignée par les membres de son Conseil, du moins ceux qui savaient écrire et par les plus gros contribuables de la commune, il ira plus loin encore en annonçant une remise en état générale du presbytère et le vote d'un complément de rémunération annuel au Curé, ce qui à l'époque était tout à fait légal.
Quinze
jours plus tard Mathieu Costes, le charpentier de Balizac fournissait un devis
de remise en état du presbytère et l'on voit là, avec beaucoup de surprise
qu'il faut carrément:
Changer complètement les portes, côté route et côté jardin.
Changer
la porte du chai.
Changer 4 contrevents.
etc… etc…
le tout jugé irréparable. Souvenez vous que cela avait été remis à neuf dans les derniers mois de 1788.
Que pouvait-on faire dans le presbytère de Balizac pour qu'il faille changer les huisseries tous les 30 ans ?
De la fin de 1821 à la mi-1823, pas une seule messe ne fut célébrée à Balizac. Se fondant sur cette carence le Maire propose à Monseigneur d'Aviau d'autoriser M. Cuttoli Curé de Budos à venir desservir Balizac un dimanche sur deux.
Cette
idée plait à l'Archevêque qui écrit à M. Cuttoli et celui-ci dont le dévouement
est bien connu donne immédiatement son accord par retour du courrier et dès le
dimanche suivant, le 7 septembre 1823 célébrait une première messe à Balizac.
La première depuis bien des années.
Au mois d'avril 1824, Guillaume Dartigolles devint Maire en succédant à M. Hazera qui malade s'était retiré. Le nouveau Maire fit aussitôt le siège de l'Archevêché et les circonstances aidant voilà que contre toute attente il réussit.
Quelles circonstances ? Eh bien voilà….
M.
Barreau, Curé d'Hostens avait eu des problèmes dans sa paroisse, on ne sait
trop lesquels, mais des problèmes tels que l'Archevêque lui écrit:
"Votre
position dans la paroisse d'Hostens est devenue trop pénible pour que vous
puissiez y rester plus longtemps…"
Et
dans la foulée il le nomme à Balizac et le plus fort c'est que huit jours plus
tard il y est déjà. Un record jamais égalé et qui en dit long sur l'urgence
qu'il y avait à le sortir d'Hostens.
Enfin
un Curé ! Nous sommes en 1827 et si l'on excepte les 2 ou 3 mois du retour du
Curé Pradié à la fin de 1803, voilà 35 ans qu'il n'y a plus eu de Curé à
Balizac.
Quatre
mois après son arrivée le nouveau Curé écrit au marquis De Pons qu'il semble
bien connaître et fait appel à sa générosité pour rééquiper son église.
Il n'hésite pas à dresser une liste assez impressionnante de ses désirs et
pour donner du crédit à ses demandes il fait part au Marquis de son intention
de terminer ses jours à Balizac.
Voilà qui serait plutôt rassurant pour l'avenir mais le Marquis, un peu effrayé par les dimensions de cette liste répond au Curé Barreau dans une lettre du 21 juin 1827 qu'il lui fera parvenir quelques livres dont un missel et deux surplis auxquels sa mère ajoutera 2 nappes d'autel, et, pour le moment ce sera tout.
Au
surplus, et pour des raisons que nous ignorons, il a quelques doutes sur les
intentions du Curé Barreau quant à son séjour à Balizac car il termine sa
lettre en lui disant:
J'ai
le vif désir d'acquérir la certitude que vous êtes irrévocablement fixé (à
Balizac)."
En
formulant cette réserve, le Marquis de Pons avait vu juste et même très juste
car moins de 2 ans plus tard le Curé Barreau avec beaucoup d'insistance
demandait à l'Archevêque son transfert à Budos. Il finit par l'obtenir le 19
janvier 1829.
Du moins pendant son bref séjour avait-il développé une action pastorale très spécialisée en célébrant à tour de bras dans son église des dizaines de mariages en régularisation d'unions civiles contractées sous la Révolution et dont certaines remontaient à plus de 30 ans.
Tout cela était bel et bon, mais, une fois encore, Balizac se retrouvait sans Curé. Ce fut le Curé de Villandraut qui sauva la situation. Monsieur l'abbé Dorgueilh était un jeune Prêtre plein de zèle qui, de lui-même, proposa à l'Archevêque de desservir Balizac en faisant observer que Balizac avec ses 1038 habitants était plus peuplé que Villandraut qui n'en comptait que 813.
Cet argument fut retenu et Monsieur l'abbé Dorgueilh reçut l'autorisation de procéder à cette desserte qu'il assura, d'ailleurs, avec beaucoup de fidélité. C'est ainsi qu'on le voit par exemple, venir plusieurs fois à Balizac pendant la semaine sainte de 1830. La paroisse n'a plus de Curé résident mais n'est pas abandonnée pour autant.
Trois ans passent ainsi, à la fin de 1833, tout en reconnaissant les mérites de Monsieur l'abbé Dorgueilh, la municipalité revient à la charge pour obtenir un Curé titulaire. L'Archevêque répond une fois encore, en invoquant la pénurie de Prêtres disponibles. Le Maire se fit alors pressant et fit même le voyage de Bordeaux pour y rencontrer le Vicaire Général.
Là, il lui fallut bien reconnaître, que le presbytère, abandonné depuis plusieurs années, était une fois encore dans un triste état et reconnaître aussi que l'église était passablement dépourvue de linge et d'ornements.
Bref, que les conditions d'accueil d'un prêtre résident n'étaient pas vraiment réunies. Contre toute attente, les archives de l'Archevêché en font foi, cette franchise fit bonne impression, on vit dans ce discours et dans cette franchise une bonne intention de prendre les choses en main.
Il s'ensuivit bien des mois de tractations difficiles dans le détail desquelles nous ne nous égarerons pas pour en venir, enfin, à la nomination de M. l'Abbé Anthoune le premier janvier 1835.
Un tout jeune Prêtre plein de zèle missionnaire qui venait d'être ordonné 8 jours plus tôt. Et dès les premières semaines de son ministère, précisément, il organisa une mission avec le concours, d'un prédicateur spécialisé venu de la ville.
A Balizac on n'avait encore jamais vu cela. Un prédicateur un peu surpris tout de même, voit-on dans sa correspondance, par la quantité de rats fréquentant le presbytère au point que l'un d'entre eux, une nuit, en son audace, lui dévora sa chandelle au chevet de son lit.
Quoi qu'il en soit, cette mission rencontra un franc succès et voilà que, cerise sur le gâteau, pour la clôturer, on vit venir à Balizac le Cardinal de Cheverus en personne.
Réception d'un Cardinal.
Certes il ne fit que passer, l'espace de quelques heures en avril 1835, le temps d'une confirmation, mais l'événement marqua très fortement les esprits dans le village.
Le Maire et les membres de son Conseil, à cheval, se rendirent aux limites de la commune, 2 km avant Triscos en venant de Saint Symphorien, accompagnés d'une trentaine de Balizacais également à cheval, tous armés de fusils de chasse (pas les chevaux bien sûr mais les cavaliers...)
Et
là, la calèche du Cardinal s'arrête, trente coups de fusils éclatent en une
salve d'honneur, le Maire prononce sa harangue et il fallait qu'elle fût assez
longue pour que les hommes aient le temps de recharger leurs fusils, par le
canon, ne l'oubliez pas, avec l'amorce, la dose de poudre tirée du cornet et la
bourre, le tout soigneusement tassé au moyen de la baguette.
Le Cardinal répond de quelques mots appropriés, une nouvelle salve éclate et le convoi s'ébranle en direction du bourg. Je laisse à votre discrétion le soin d'imaginer le dressage spécifique auquel devait être soumis les chevaux de l'attelage du Cardinal afin qu'il ne résulte rien de fâcheux lors de ces tirs de mousqueterie au ras de leurs oreilles (et la chose se répétait aux limites de chaque village).
A l'entrée du bourg, à mi chemin entre le ruisseau et l'église on avait dressé un arc de triomphe de verdure et là les femmes du village attendaient avec les enfants du cathéchisme, l'instituteur et le Curé tandis que les cloches sonnaient à la volée.
Moment inoubliable pour toute une génération. Qui donc aurait pu jamais penser voir à Balizac un Cardinal en somptueuse soutane de moire écarlate ? !
Cette visite venant en conclusion d'une mission réussie réveilla incontestablement la vie religieuse de la paroisse. Mais voilà que dans les semaines qui suivirent, notre jeune Curé entend parler des Missions Etrangères. Il est aussitôt saisi d'une ardente vocation. Devant les pins de Peylèbe il rêve de palmiers et peut-être de palétuviers.
Il
y a tout juste 5 mois qu'il est là, et déjà, il demande à partir au bout du
monde. L'Archevêque est bien ennuyé… On tente de calmer son zèle… Il ne
comprend pas… Il insiste… Il envoie des courriers enflammés et finit par se
faire sévèrement rappeler à l'ordre.
Mais
il était devenu bien évident qu'on ne pourrait pas le maintenir à Balizac et
de fait il partit au bout d'un an en janvier 1836 et fut remplacé tout aussitôt
par Monsieur l'Abbé Bahan Curé de Cazalis qui arriva le 25 janvier.
M. l'Abbé Anthoune n'était resté qu'un an mais pendant cette année là avait fait beaucoup de choses: On avait acheté une cloche en remplacement des deux descendues pendant la révolution. On avait donc désormais deux cloches. Mais il avait fallu renforcer la maçonnerie du clocher. On avait, une fois encore, réparé le presbytère. On avait acheté des ornements et des objets de culte.
Bref,
avait fait beaucoup de choses mais il n'y avait plus un sou dans la caisse de la
fabrique et bien pire encore, elle était endettée de 300 francs, une très
grosse somme pour elle.
Ce n'était pas tout… tant s'en fallait ! Miné par les eaux descendant du haut du bourg vers le ruisseau, le mur du cimetière s'était effondré. Les eaux de ruissellement traversaient librement les tombes emportant leur terre ..(car il n'y avait alors aucun tombeau bâti) et allant l'accumuler au pied du mur nord de l'église qui formait barrage (ceci se passait sur l'actuel terrain de jeu des enfants).
On
avait fait faire un devis et il y en avait pour 357 francs mais il allait aussi:
Revoir
la toiture du presbytère, pour 80 francs.
Remettre
en état la charpente du clocher, pour 150 francs.
Y rétablir un escalier que l'on avait déposé et vendu pendant la Révolution.
Or, pourtant, si l'on voulait rétablir la tradition du carillon des baptêmes il fallait bien pouvoir monter aux cloches; Il y en avait pour 25 francs de plus. Sans parler de la réfection des boiseries intérieures de l'église que l'on avait arrachées en 1794, là on se contenta sagement de s'en tenir à une armoire dans la sacristie pour ranger les ornements.
Une
armoire en pin "que l'on peindrait façon cerisier" mais il y
en avait encore là pour 60 francs. Quant à réfection des lambris du chœur également
arrachés et vendus, on y avait purement et simplement renoncé, le devis proposé
s'élevant à 487 francs. Faites le compte… avec les 300 francs de dette mais
sans le lambris, il y en avait déjà pour près de 1.000 francs !
Où voulez-vous que la fabrique aille chercher une pareille somme ? Elle se tourne alors vers la commune dont le Conseil se réunit en session extraordinaire le 30 janvier 1836 pour constater qu'elle ne peut, elle non plus, prendre en charge une telle dépense.
Elle décide néanmoins de monter un dossier et de l'adresser à l'Archevêque pour qu'il se fasse l'avocat de Balizac auprès de l'Etat et en obtienne quelques subsides. Entre temps, le Curé Bahan exerçait son ministère à la satisfaction de tous et dans le respect des traditions locales. Un brave homme de Curé tout à fait reposant après les turbulences de son jeune prédécesseur.
Tout
serait allé pour le mieux et probablement pour longtemps (car manifestement il
se plaisait à Balizac) si au bout de 3 ans il n'avait été emporté par une
tuberculose pulmonaire. Il mourut dans son presbytère le 10 mai 1839.
Le Curieux Curé Boulmié.
Lui succéda le Curé Boulmé. Curieux, bien curieux personnage originaire de Vervins dans l'Aisne envoyé par son Evêque sur le lointain diocèse de Bordeaux pour s'y mettre au vert et s'y faire un peu oublier après ce qu'il appelle lui-même dans sa correspondance " ses égarements".
Nous n'en saurons pas plus et ne chercherons pas à en savoir davantage. Tout ce que nous savons, c'est que, quand il arrive à Balizac il traîne derrière lui 3 à 4.000 francs de dettes contractées à Paris et ailleurs. C'est lui qui le dit.
Ajoutons pour compléter son profil qu'il avait traîné son sabre dans un régiment de la Garde Impériale dans les dernières années du Premier Empire sur toutes les routes d'Europe. Enfin pour couronner le tout, il ne parlait pas gascon alors qu'une part notable de ses fidèles n'entendaient que cette langue ce qui tout aussitôt creusa un profond fossé entre le Curé et ses ouailles.
Il
prit, de son côté ses paroissiens pour des sauvages et trouvant, de surcroît,
l'air de Balizac irrespirable se mit littéralement à bombarder l'Archevêque
de lettres délirantes pour l'arracher au martyr de vivre dans ce qu'il appelle
"ces contrées empestées".
Bonjour l'ambiance, vous voyez cela d'ici….
De Bordeaux le Vicaire Général tente de le calmer, en vain, les lettres se succèdent toujours plus enflammées. Dans la paroisse il bouleverse tous les usages, tout Balizac entre alors en ébullition.
Et
pourtant, en dépit de ces turbulences le Curé Boulmé s'ennuie. Le 28 octobre
1840 il écrit à l'Archevêque pour lui demander l'autorisation de chasser la bécasse.
On la lui refuse. Nul ne sait à combien de bécasse ce refus à pu sauver la
vie.
Une
autre fois il écrit au Vicaire Général pour lui demander l'autorisation
d'engager une jeune bonne bien loin d'avoir l'âge canonique. A l'Archevêché
on croit s'étrangler ! Nouveau refus.
Sur place les choses ne vont guère mieux, ainsi par exemple à Balizac, lors de l'office des ténèbres dans l'après-midi du Vendredi Saint, au moment où l'on évoquait la mort du Christ et que l'on disait "la terre trembla" il était d'usage que chacun frappe bruyamment le sol de l'église avec un gros bâton apporté à cet effet.
Ce
qui provoquait un fort grondement tout à fait évocateur. On avait toujours
fait cela. C'était à qui aurait le plus gros bâton et le plus beau aussi car
les enfants sculptaient le leur à la pointe de leur couteau en gardant les
vaches pendant les semaines de carême.
C'était
dans la paroisse un moment très attendu.
Lorsque le Curé Boulmé découvrit cela en plein office, il explosa et expulsa violemment tous ses paroissiens hors de l'église et le soir même, il écrivait à l'Archevêque (une fois de plus) une lettre triomphante rendant compte de son exploit.
La réponse lui revint par retour du courrier, nous en avons la date mais la date seulement sur un feuillet classé à son ordre. Le texte lui-même a disparu des archives du Cardinal probablement parce qu'il devait être assez désagréable.
Restons en là, nous n'en finirions pas avec les aventures du Curé Boulmé. Finalement, la seule initiative que l'on puisse porter à son crédit c'est d'avoir eu l'idée, le premier, de déplacer l'église pour la mettre à l'abri du ruissellement des eaux qui en minait les murs et la rendait de plus en plus insalubre.
Guillaume Dartigolles, le Maire vint à mourir le 11 novembre 1842. Son frère cadet, Pierre, lui succéda. L'une de ses premières démarches fut de prendre un contact discret avec l'Archevêché en laissant entendre en termes adroitement diplomatiques que l'on pourrait espérer un Curé un peu moins remuant que le Curé Boulmé.
Cette discrétion fut appréciée par l'Archevêché et au surplus la suggestion du Maire allait tout à fait dans le sens de ce que pensait le Cardinal. C'est ainsi qu'il prit la décision de remettre l'abbé Boulmé à la disposition de son diocèse d'origine et nomma à sa place Monsieur l'Abbé Valette qui était pour lors vicaire à Saint Symphorien.
Mais voilà qu'après avoir voulu partir de Balizac à tout prix, le curé Boulmé s'y incruste et annonce publiquement qu'il va accueillir son successeur à coup de barres.
Au surplus il se refuse obstinément à quitter le presbytère. Les choses vont très loin, le curé Boulmé finit par faire le coup de poing sur l'adjoint au Maire. L'affaire se termina en juin 1845 devant le tribunal correctionnel de Bazas où il sera condamné.
Ce n'est qu'en avril 1846 que le nouveau Curé Valette put enfin prendre possession de sa paroisse. Quinze mois plus tard, le 3 août 1847, il était mort. Une véritable malédiction s'acharnait sur Balizac.
Le
Curé Billaud lui succéda mais le mauvais sort ne désarma pas pour autant,
dans la nuit du 12 au 13 août 1848 des voleurs enfoncèrent la grande porte de
l'église et pillèrent tout, absolument tout ce qui leur parut avoir quelque
valeur. Ils ne furent jamais retrouvés et ce fut une nouvelle et bien rude épreuve
pour une paroisse qui n'avait vraiment pas besoin de cela…
Au mois de février précèdent la Révolution de 1848 avait renversé Louis Philippe. Depuis lors la situation politique générale s'était révélée plutôt confuse. On procéda bientôt à de nouvelle élections notamment municipales.
Pierre Dartigolles, le Maire, s'effaça et ce fut Jean Dartigolles, son fils, qui lui succéda. C'était mon arrière grand père. D'un coup le Village allait prendre un grand coup de jeunesse. Jugez-en plutôt, le nouveau Maire avait tout juste 27 ans, sa toute jeune femme, mon arrière grand mère, n'en avait pas tout à fait 17 et l'instituteur en avait 19…
Une nouvelle municipalité prenait ainsi en main la gestion de Balizac dans un moment où elle allait avoir besoin de tout son dynamisme pour faire face tout au long du Second Empire à toutes sortes de remises en cause fondamentales ne serait-ce, et ce n'est pas la moindre, que la démolition de l'église et la construction d'une nouvelle au prix de mille et une difficulté où se mêlèrent l'intrigue, la passion et le manque d'argent.
Tout
cet ardent bouillonnement mérite bien d'être conté, mais ce sera pour une
autre fois.
Jean
DARTIGOLLES.
Réalisée le 20 avril 2003 | André Cochet |
Mise ur le Web le 2003 |
Christian Flages |
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