Les conférences du Ciron.

 

Au coeur de la Révolution

dans 

dans la basse Vallée du Ciron.

 

à Bommes, le 30 mars 2006.

Jean DARTIGOLLES.

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Sommaire:

L'an passé à pareille époque nous avions évoqué les prémices de la Révolution, telles qu'elles s'étaient manifestées dans notre Vallée, de façon plus ou moins diffuse à partir des environs de 1770.

Nous avions ensuite relaté comment avaient été localement vécues les conséquences des grands événements nationaux, la prise de la Bastille, la grande peur qui s'ensuivit, l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août et ses conséquences, parfois imprévues, notamment sur le commerce des vins.

Et puis nous avions également ressenti, fin 1790 et surtout au début de 1791 les premiers signes de radicalisation du mouvement révolutionnaire, entraînant les premiers grands courants d'émigration des nobles.

Ceci nous avait conduit à l'énorme surprise de la fuite du Roi à Varennes en juin 1791, un événement auquel, dans nos campagnes l'opinion publique n'était absolument pas préparée.

Nous en étions restés, si vous vous en souvenez à cette journée du 14 juillet 1791 au cours de laquelle dans l'église de Villandraut, après avoir entendu quelques discours enflammés, madame Dartigolles, la femme du Maire, et chef du régiment féminin, était montée à l'autel, un sabre nu à la main, pour y prononcer un serment solennel.  

 

Nous en étions restés là.  

14 juillet 1791, seconde fête de la Fédération.
Défiance de l'Assemblée Constituante au regard du suffrage populaire.
La fin de l'Assemblée Constituante.
Les élections municipales de novembre 1791.
Les conséquences de la Constitution civile du clergé.
Un chômage dramatique sur un fond de crise économique.
Le problème des estimations cadastrales, un cadeau empoisonné.
Mise sous séquestre des biens des émigrés.
La Garde Nationale entre en rébellion contre la municipalité.
Comment le 14 juillet 1792 fut à Villandraut, célébré le 25 juin….
Qu'est-ce que le Maire de Villandraut a bien pu chanter au soir du 25 juin ?
Un vocabulaire nouveau.
La municipalité de Villandraut reprend la main sur les factieux.
On célébra tout de même le véritable 14 juillet.
La journée du 10 août à Paris inaugure la dictature de la rue parisienne.
Proclamation de la République.
Suspect, vous avez dit suspect….
Inventaire et saisie des patrimoines religieux locaux.
Ce que l'on peut déduire des visites domiciliaires.
La Révolution n'est plus ce qu'elle était : le désenchantement des Maires.
La conscription de l'Ancien Régime a fait place à la levée en masse de volontaires.
Les anglais débarquent à La Teste ; une journée de folie.

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14 juillet 1791, seconde fête de la Fédération.

 

Cette journée du 14 juillet 1791 célébrait la seconde fête de la fédération.

Il semble bien qu'un peu partout en France elle n'ait pas connu la même ferveur ni le même enthousiasme que la première, celle du 14 juillet 1790 dont le caractère joyeux et fraternel avait très fortement marqué les mémoires; c'est qu'entre temps l'ambiance avait changé.

On était là, tout juste 3 semaines après le choc de la fuite du Roi à Varennes et de la décision de l'Assemblée qui, le 22 juin, l'avait suspendu de ses fonctions.

Dans ce climat d'incertitude et même d'inquiétude on ne savait trop que penser....

Pourtant, à la différence de ce sentiment très général il semble bien que Villandraut n'ait pas ménagé ses moyens pour que la fête soit belle.

Sitôt après le serment prononcé par Mme Dartigolles toute l'assistance, assemblée dans l'église, entonna un Te Deum. Puis le clergé se retira. La population se dirigea alors vers la place de la Halle et, tout aussitôt, on se mit à danser.

La municipalité avait fait dresser sur place une table de 160 couverts autour de laquelle, nous dit le compte-rendu officiel :

tous les citoyens sans distinction se placèrent et prirent avec gaieté un repas frugal et fraternel ".

Dès l'instant où le nombre des couverts nous est précisé, on peut douter fortement que " tous les citoyens sans distinction " aient pu y prendre place. Eu égard au nombre d'habitants recensés dans le village, il est à peu près certain que ce repas festif était offert aux seuls citoyens actifs, ceux auxquels la Loi accordait limitativement le droit de vote.

Les quelques centaines d'autres Villandrautais qui ne l'avaient pas ont dû se contenter de les regarder manger en partageant éventuellement leur gaieté à défaut de partager leur table.  

 

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Défiance de l'Assemblée Constituante

 au regard 

du suffrage populaire.

 

 

Sur le soir on alluma un grand feu de joie autour duquel on dansa derechef tandis que l'on illuminait de lampions les fenêtres du village.

L'Assemblée Constituante issue des Etats Généraux de 1789 se défiait manifestement du petit peuple et préférait confier la gestion du pays à des notables plutôt qu'à l'homme de la rue.

La suite de l'histoire en décidera d'ailleurs tout autrement. Mais en attendant, par une loi du 27 août 1791 elle releva sensiblement les conditions nécessaires pour bénéficier du droit de vote. Il faudrait désormais pour l'obtenir être propriétaire ou locataire d'un bien estimé jusqu'à l'équivalent de 400 journées de travail; ce n'était pas rien....

A ce compte on peut penser qu'à 6 semaines près on aurait servi beaucoup moins de 160 couverts autour de la table dressée sur la place de Villandraut au soir du 14 juillet.

Cette décision de rétrécir le corps électoral n'était évidemment pas innocente ni dans sa finalité, bien sûr ni même dans le choix du moment où elle avait été prise.

Elle visait à préparer les élections qui allaient désigner l'Assemblée Législative et, dans la foulée, renouveler les municipalités au mois de novembre suivant.  

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La fin de l'Assemblée Constituante.

 

 

Il restait à promulguer la fameuse Constitution, celle à laquelle, tout un chacun dans nos villages et depuis bien des mois déjà, prêtait des serments solennels et réitérés alors qu'elle n'existait pas encore. Eh bien ce fut chose faite le 3 septembre 1791.

Après quoi, l'Assemblée Constituante se sépara en décidant qu'aucun de ses membres ne serait rééligible dans la nouvelle Assemblée dite Législative, décision courageuse bien propre à renouveler radicalement le personnel politique de l'Etat.

Une telle mesure, dans notre appareil moderne ne manquerait pas de faire des ravages que je vous laisse le soin d'imaginer....

Mais n'épiloguons pas davantage sur les événements nationaux et venons en plutôt directement aux élections municipales, événement local majeur et qui devait ménager quelques surprises.  

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Les élections municipales de novembre 1791.

 

 

Dans tous les villages, les citoyens dits " actifs " régulièrement convoqués devaient se présenter chacun dans leur église le dimanche 13 novembre à l'issue de la messe paroissiale.

Depuis le dernier scrutin leur nombre avait sérieusement fondu et ceci pour 2 raisons :

la première du fait des conditions nettement plus restrictives posées par la Loi électorale.

la seconde, il faut bien le dire aussi, du fait d'une certaine lassitude des électeurs potentiels.

A Villandraut, il ne se trouva ce jour là que 33 électeurs pour participer au vote. Faute de quorum, il fallut renvoyer le scrutin au dimanche suivant.

Au prix d'une intense campagne de relance en porte à porte tout au long de la semaine, ils se retrouvèrent 40 le dimanche suivant à la sortie de la messe, pas un de plus.

On procéda au vote en commençant par l'élection du Maire qui, selon l'usage du temps se faisait au scrutin direct. Et là ... Oh ! surprise ! Le citoyen Ramuzat fut élu Maire dès le premier tour avec 30 voix sur 34 exprimées.

Le Citoyen Dartigolles, le notaire, maire sortant ne fut élu que simple conseiller et encore au second tour avec seulement 28 voix. Le coup était rude et la surprise énorme ...

Tous les nouveaux élus prêtèrent, bien entendu tout aussitôt, serment à la Constitution. Et cette fois-ci ils pouvaient valablement le faire puisque désormais elle existait bel et bien.

Tous les élus ? Non, pas tous.... car Dartigolles, fort dépité, avait quitté la séance sitôt après la proclamation des premiers résultats. A l'instant même, il entrait dans une opposition militante et fortement résolue qui allait avoir, avant peu, nombre de conséquences.  

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Les conséquences de la Constitution civile du clergé.

 

 

Mais à la mi 1791, bien plus qu'aux questions politiques, l'opinion publique de nos villages s'attachait aux bouleversements suscités par la Constitution civile du Clergé.

Je me bornerai sur ce point à citer Talleyrand, l'un des promoteurs de cette Constitution et orfèvre en politique, lequel n'hésite pas à écrire dans ses mémoires :

je ne crains pas de reconnaître, et quelle que soit la part que j'ai eu dans cette oeuvre, que la Constitution civile du clergé ... a peut-être été la plus grande faute politique de l'Assemblée (Constituante) ."

Souvent très attachées à leurs Curés, les populations rurales vécurent très mal l'expulsion de la moitié d'entre eux, et plus mal encore leur persécution et les nombreux drames qui s'ensuivirent.

L'éviction brutale du Curé Dorat qui desservait Budos depuis 1739 et y avait baptisé 3 générations de Budossais ne pouvait laisser la population indifférente. Les avanies peu glorieuses que lui suscita son successeur constitutionnel n'arrangèrent évidemment pas les choses.

Et tout cela concourut à créer à Budos comme ailleurs, un climat local détestable dont le pays, en ces temps difficiles, aurait parfaitement pu faire l'économie.

Quant aux prêtres constitutionnels eux-mêmes bien que moins dramatiques, leur sort n'en fut pas moins incertain. Les tribulations de la famille Latapy en apporte l'illustration.

Ces Latapy étaient grands pourvoyeurs de prêtres devant l'Eternel.

Originaires de Langon, ils étaient alors 3 frères :

-l'un maître chirurgien à Langon.

-un autre riche bourgeois et Maire de Budos.

-le troisième chanoine du chapitre de Villandraut.

Celui qui était demeuré à Langon, Bernard, avait eu 2 fils :

-l'un était devenu curé de Lerm en Bazadais.

-l'autre curé de Lucmau.

Lors de l'éviction du vieux Curé Dorat, Arnaud, le Maire de Budos, par une lettre du Ier mai 1791 ne manqua pas de signaler au District de Cadillac qu'il avait un neveu curé de Lerm qui pouvait fort bien faire l'affaire pour le remplacer et dans la même foulée, il suggéra également qu'un autre de ses neveux, curé de Lucmau, pouvait fort bien pourvoir la cure de Cérons également vacante.

Entre 2 paroisses pauvres et 2 paroisses aisées il n'y avait évidemment pas photo. Arnaud Latapy avait l'esprit de famille. C'est ainsi que le neveu de Lerm devint bien Curé de Budos en août 1791 tandis que son frère quittait Lucmau, non point pour Cérons dont le siège avait déjà été pourvu dans l'intervalle mais pour Virelade d'où il gagnera très rapidement Landiras.

Sous la Terreur, tous deux renonceront à la prêtrise et se retireront :

-Celui de Budos à Bordeaux.

-Celui de Landiras  d'abord à Bazas puis, tout bonnement à Lucmau et là, au moment du Concordat, il reprit l'état de Prêtre et avec l'assentiment de Mgr d'Aviau, il redevint Curé de Lucmau le 14 septembre 1802. Il devait y rester jusqu'à sa mort survenue en 1817.

Quant à leur oncle Chanoine à Villandraut, il devint un temps Curé de Cadaujac puis, abandonnant lui aussi la prêtrise, il se maria avec une veuve de Portets et eut une descendance dont sont issus quantité de notables locaux, dont :

-Un maire de Portets.

-Un Capitaine de Frégate résidant à Boutoc.

-Un Maire de Preignac.

-Un Notaire à Preignac etc.

A travers les différents destins des membres de cette famille, on voit se dessiner toute la complexité des situations engendrées par cette Constitution Civile et ses développements ultérieurs sans préjudice, et je cite une fois encore Talleyran:

des crimes affreux qui en ont été les conséquences ".

et l'on pensera aux noyades de Nantes et aux innombrables exécutions massives sur l'ensemble du territoire.  

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Un chômage dramatique

 sur un fond de crise économique.

 

 

Ces événements ont engendré bien d'autres bouleversements dont certains inattendus, telles les conséquences économiques locales de la disparition du Chapitre de Villandraut.

Il y avait là 7 chanoines qui, bon an mal an, géraient un ensemble de revenus de 15 à 20.000 livres annuelles. Ils en consommaient une très large part sur place au plus grand bénéfice du commerce et des artisans locaux et ceci, tout à la différence des revenus du marquis de Pons, seigneur du lieu, collectés à Villandraut mais dépensés à Paris.

Le Chapitre des chanoines avait toujours ainsi tenu une place importante dans l'économie locale et sa disparition fut durement ressentie dans le village, c'est là un sujet que l'on n'aborde pas souvent.

Les premières années de la Révolution furent marquées, dans le petit peuple par un chômage dramatique.

Quelles que soient les considérations que l'on puisse formuler sur l'organisation sociale de l'Ancien Régime, il faut bien reconnaître que les classes dirigeantes fortunées  faisaient vivre une grande part de la population. Mal , peut-être,  mais avec une certaine stabilité de l'emploi.

Les domesticités étaient nombreuses, voire même pléthoriques, les artisans très sollicités, et nombreux dans les villages, étaient ceux qui détenaient ce que l'on appelait un " état " dépendant directement des riches bourgeois ou du château.

Du château lorsque les seigneurs étaient suffisamment résidants, ce qui était par exemple le cas à Budos. Mais il ne l'était pas, nous l'avons vu à Villandraut.

Combien furent-ils, à Budos à se retrouver soudain sans travail et sans la moindre ressource lorsque les biens du seigneur furent mis sous séquestre ?

Intendant, valets, cuisiniers, jardiniers, garde-chasse, palefreniers, femmes de chambre, etc.….   tous employés au château mais aussi maréchaux ferrants, selliers, tisserands, charpentiers et autres corps de métiers du village.

Et ce chômage ne fut pas secouru. Pas même par l'Eglise dont cela avait toujours été plus ou moins la vocation mais qui désormais n'en avait plus les moyens matériels puisque privée de ses ressources traditionnelles.

Un chômage massif et qui dura très longtemps.

A la vérité il ne commença à se résorber, pour les hommes, que lorsque les coupes sombres de la conscription imposées par les guerres finiront par réduire les réserves de main d'oeuvre masculine disponibles. Et ceci jusqu'à renverser finalement la situation et à créer, plus tard, sous l'Empire de véritables pénuries de jeunes actifs.

Au surplus, n'oublions pas que ces dramatiques années de chômage, ont été vécues au sein de deux circonstances particulièrement aggravantes :

celle d'une succession de mauvaises récoltes renchérissant le prix du pain.

et celle d'une inflation galopante telle que les 10 sous péniblement gagnés aujourd'hui, n'en valait plus que la moitié lors du prochain marché.

Nous aurons l'occasion de reparler des diverses mesures que tentèrent de prendre les gouvernements successifs pour remédier à cette situation. Elles eurent toutes l'inefficacité et l'échec pour dénominateur commun.   

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Le problème des estimations cadastrales, 

un cadeau empoisonné.

 

 

Mais voilà que quelques semaines après leur installation,  les nouvelles municipalités eurent à faire face à une opération délicate.

Toute réforme fiscale sérieuse devait obligatoirement passer par l'établissement d'une matrice cadastrale évaluant d'une manière équitable la valeur réelle de chaque bien foncier, ce qui n'avait jamais été fait.

C'était pourtant le seul moyen de définir une assiette d'imposition sûre et exempte de tout arbitraire ou privilège. Certes l'idée n'était pas nouvelle, Turgot y avait déjà pensé, mais elle avait rencontré en son temps une telle opposition de la Cour et des Parlements qu'elle lui avait coûté, en grande partie son renvoi et sa disgrâce.

Or, maintenant, les municipalité étaient au pied du mur. La décision était prise, et c'était à elles d'établir ces estimations que le monde rural espérait depuis si longtemps, les cahiers de doléances de 1789 en font foi.

Et pourtant ... le moins que l'on puisse dire, est que ces municipalités n'apportèrent pas beaucoup d'enthousiasme à cette entreprise.

A Villandraut le Conseil Municipal avait été convoqué à cet effet par le nouveau Maire pour le 16 janvier 1792. Plus de la moitié de ses membres fit défaut à cet appel. Les absents avaient estimé prudent de ne pas mettre le doigt dans une affaire qui allait à coup sûr susciter bien des mécontentements et soulever d'innombrables contestations.

Mais les conseillers qui s'étaient déplacés n'entendaient pas du tout, eux, porter seuls la responsabilité du classement des terres et des évaluations des maisons et prendre en charge sur leurs seules épaules le poids des mécontentements.

En un mot, que l'on soit venu ou pas venu à cette réunion personne n'entendait porter le chapeau. La séance fut donc renvoyée au jeudi suivant, sans beaucoup plus de succès d'ailleurs.

Et de renvoi en renvoi, il fallut attendre jusqu'au 24 février pour se retrouver au complet. Se retrouver, oui ... mais finalement pour ... parler d'autre chose car entre temps, la municipalité de Villandraut était entrée en conflit avec le District de Bazas au sujet du montant de son imposition et ce sujet, essentiellement conjoncturel et immédiat se substitua ce jour là au débat structurel sur l'établissement des matrices.

L'administration avait cru bien faire en décentralisant ces évaluations, estimant que les gens du crû étaient mieux placés que quiconque pour apprécier la valeur des biens fonciers de leur village.

Elle s'était trompée, car elle avait sous estimé ou méconnu l'embarras dans lequel elle  plaçait chacun des Conseillers vis-à-vis des administrés.

Une évaluation portée par une administration lointaine aurait été tout aussi contestée mais elle serait restée anonyme. Et le même problème se retrouva dans chacune de nos communes ou à peu près.   

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Mise sous séquestre des biens des émigrés.

 

 

En avril 1792, on décida de mettre sous séquestre les biens des émigrés ou supposés tels. Supposés tels car on se doute bien que les candidats à l'émigration n'informaient pas les autorités de leurs intentions. Leur départ s'était toujours entouré de la plus grande discrétion.

Les District de Cadillac et de Bazas, complètement débordés, déléguèrent aux communes le soin de ces mises sous séquestre. Lesquelles communes en furent souvent fort embarrassées.

Le 17 mai 1792 la municipalité de Budos prit ainsi des mesures conservatoires sur les biens meubles du Sieur Larroque

émigré ou supposé l'être, nous dit le texte, attendu qu'il n'a pas reparu dans la paroisse depuis environ un an, "

et faute de savoir qu'en faire, après un débat animé, la municipalité confia la garde et l'administration conservatoire de ces biens à Jean Dugoua, lequel n'était autre que l'ancien régisseur du seigneur. Il en devint ainsi personnellement responsable devant la commune pour le compte du District.

En somme il n'avait fait que changer de maître.

On s'ingéniait ainsi à trouver des solutions pragmatiques à l'avalanche de problèmes toujours renouvelés qu'apportait l'actualité. Aussi la vie municipale n'avait-elle rien d'un long fleuve tranquille, surtout lorsque la sédition s'en mêlait. 

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La Garde Nationale entre en rébellion

 contre la municipalité.

 

 

Nous avions évoqué l'an passé les velléités d'indépendance de la Garde Nationale vis-à-vis de la municipalité de Villandraut. La municipalité avait changé, mais l'esprit frondeur de la Garde n'avait pas pour autant cessé de s'affirmer.

Les choses allaient même de mal en pis surtout depuis que le citoyen Dartigolles, évincé,  était entré dans l'opposition. Ainsi pendant des mois, la nouvelle municipalité  avait demandé la présence de gardes les jours de marché afin d'assurer la police des lieux.

En vain ... !

Non seulement au bout de six mois on n'avait pas vu paraître un seul garde sous la halle, mais Lapeyre, colonel de la troupe n'avait même pas pris la peine de répondre aux injonctions du Maire.

Excédé, celui-ci demande à Lapeyre de réunir toute sa troupe sous la halle le 17 juin 1792, c'était un samedi. Et cette fois-ci il s'exécute. Toute la garde se réunit en armes et forme un cercle.

La municipalité se place au milieu et Ramuzat, le Maire, lui adresse un discours solennel en conclusion duquel, il demande à chacun de renouveler le serment prévu par la Loi et fait promettre à tous d'être un peu plus assidus à leurs obligations.

Tous prêtent alors le serment requis, sans difficulté. Il est vrai que l'on jurait beaucoup sous la Révolution. On prêtait serment à la Loi; à la Liberté, à la Constitution, etc. ..., etc. ... et plusieurs fois par mois, à l'occasion, un serment de plus ou de moins avait donc fini par ne plus engager à grand chose.

On n'allait  pas tarder à s'en rendre compte car, dans l'après midi du même jour s'appuyant sur le parti des mécontents, on en trouve toujours quelques uns bien sûr, et encouragés en sous main par Dartigolles l'ancien Maire ulcéré par son éviction, voilà qu'une large part de la Garde et une bonne partie de son Etat Major, son  Colonel en tête, va entrer en rébellion ouverte contre la municipalité.

Il faut savoir que le conseil Municipal avait imaginé et annoncé une grande fête pour célébrer le 14 juillet suivant. Fête au cours de laquelle on planterait solennellement un chêne de la Liberté sur la place de L'Ormière devant la mairie.

Or, dans l'après-midi de ce 17 juin, quelques heures à peine après la cérémonie de prestation du serment de fidélité de la Garde on vient avertir le Maire que le Colonel Lapeyre, l'un de ses Lieutenants et un sous-Lieutenant, un bon nombre de gardes et Dartigolles en personne s'apprêtent à planter un autre chêne, leur chêne, sur l'autre place de la ville.

Le Maire convoque hâtivement ses Conseillers et tous se portent immédiatement sur place pour constater que le chêne de la rébellion est déjà planté.

Dans un souci d'apaisement et pour éviter tout conflit ouvert, Ramuzat adopte un profil bas et se borne à reprocher aux dissidents de ne pas l'avoir invité, lui et son Conseil, à la cérémonie qu'ils venaient d'organiser. Mais ce faisant, il a bien du mal à contenir le mécontentement de la majorité de la population qui, entre temps, alertée par le bouche à oreille est accourue sur cette place.

Nombreux sont ceux qui, ouvertement reprochent au Maire sa faiblesse et menacent d'arracher cet arbre sans délai et de le transporter et le replanter, illico, sur la place de L'Ormière devant la mairie,

Non sans mal, Ramuzat réussit à maintenir l'ordre et, du moins pour le moment, à calmer les esprits. Mais le prestige de la municipalité avait pris, dans cet incident, un sacré coup. Il ne pouvait être question d'en rester là.

Dans la nuit du 17 au 18 juin le Conseil se réunit pour décider de la suite à donner.

Mais que pouvait-on faire lorsque l'on ne dispose plus de la force publique pour appuyer son autorité ?

La municipalité décide de rédiger une pétition et de la transmettre au District de Bazas en lui rendant compte de la situation. Cette pétition circula dans Villandraut dès les premières heures du lendemain 18 juin et recueillit un grand nombre de signatures de citoyens demeurés fidèles à l'autorité légitime.

Ce texte fut aussitôt transmis au siège du District avec un commentaire approprié :

Sans notre prudence et nos exhortations à la paix, écrit le Maire, la guerre civile aurait peut-être éclaté, avec toutes les horreurs qui en sont ordinairement la suite. "

C'était peut-être lancer le bouchon un peu loin mais cela avait essentiellement pour but de convaincre le District d'envoyer à Villandraut des gendarmes de la compagnie de Langon. Demande expressément formulée en conclusion de la lettre.

Le District répondit tout aussitôt en approuvant l'action du Maire et en l'invitant à planter solennellement sans plus tarder l'arbre officiel dès le dimanche suivant 25 juin, en y invitant les opposants et en leur demandant d'arracher leur arbre de l'autre place.  

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Comment le 14 juillet 1792 fut à Villandraut, 

célébré le 25 juin….

 

 

Et s'ils venaient à s'y refuser, les informer qu'ils seraient tenus responsables de tous les désordres qui pourraient survenir. Le District demandait également qu'il soit fait une lecture publique de sa réponse à l'issue de la messe paroissiale de ce dimanche là et que l'heure de la plantation fût fixée à 16 heures du même jour.

Tout cela était bel et bon, mais, au grand dam de la municipalité il n'était pas question d'envoyer des gendarmes.

Or, dans la matinée du samedi 24 veille de la cérémonie prévue, voilà que des bruits, répandus dans le bourg, reviennent aux oreilles du Maire Ramuzat. Des malintentionnés se préparaient à lancer un commando pour perturber la fête du lendemain. Que faire ?

Pourtant, une bonne nouvelle !  Le colonel Lapeyre vient de s'absenter de Villandraut depuis 2 jours, un voyage diplomatique très probable. Il a laissé le commandement de la Garde au capitaine Dartigolles dit " Bordes ", un autre Dartigolles qui, lui, est un homme sûr et dévoué à l'autorité légale.

Le Maire lui demande de réunir pour le lendemain 12 gardes en armes choisis parmi ceux dont la fidélité était à toute épreuve afin d'assurer la sécurité de la cérémonie. C'est aussitôt chose faite.

En début d'après-midi, l'arbre arrive, encadré par cette petite troupe au son du fifre et du tambour. On l'enguirlande de fleurs. On y place un bonnet phrygien et un drapeau tricolore.

Les Conseillers, conduits par le Maire, accompagnés par le Juge de paix cantonal spécialement convoqué à cet effet et par 6 gardes en armes, se rendent à l'église en cortège pour y entendre chanter les vêpres.

Les 6 autres gardes, privés de vêpres, restent sur place pour assurer la protection du dispositif.

Au retour des vêpres, toujours au son du fifre et du tambour, on plante l'arbre et l'on crie "vive la liberté ! "

Ramuzat monte sur une chaise et prononce un vibrant discours dénonçant l'anarchie et les factieux ... Je pense que vous suivez son regard ... Il appelle chacun à l'unité fraternelle dans un moment où le sort de pays est particulièrement menacé.

En effet, sur la vive insistance des Girondins, la France vient de déclarer la guerre à l'Autriche le 20 avril précédent entraînant tout aussitôt l'intervention de la Prusse et depuis le 28 avril les revers militaires se multipliaient à telle enseigne que 15 jours plus tard, le Député Vergnaud allait lancer sa célèbre proclamation de la Patrie en danger.

Il était donc bien vrai que le moment était mal choisi pour s'abandonner à de vaines querelles locales. Au soir de cette mémorable journée on dressa des tables autour de l'arbre et on improvisa un souper sans que nous sachions à qui il était destiné.

Mais cette fois-ci les pauvres ne furent pas oubliés puisqu'on nous dit que par ailleurs on leur distribua du vin et un quintal de pain.  

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Qu'est-ce que le Maire de Villandraut a bien pu chanter 

au soir du 25 juin ?

 

 

On nous rapporte également qu'à la fin du repas, Ramuzat entonna un " chant de la Liberté " mais on ne nous dit pas lequel.

Cela n'a guère pu être la Mardeillaise composée à Strasbourg dans la nuit du 25 avril précédent, elle était restée confidentielle jusqu'à ce que les fédérés marseillais la fassent connaître à Paris lors de leur entrée dans la ville le 30 juillet. Elle ne pouvait donc guère être connue le 25 juin à Villandraut.

Cela n'a pu être, non plus, la Carmagnole dont les 12 couplets n'ont été composés qu'à la fin août ou début septembre 1792.

Mais cela aurait pu être le "ça ira", beaucoup plus ancien, car composé en mai-juin 1790 et qui, à ce moment là avait donc déjà 2 ans. Un chant qui connut une immense popularité sous 2 versions successives :

-l'une à l'origine, celle de 1790, chaleureuse, fraternelle et même un peu naïve.

-et l'autre, celle de 1791, nettement plus radicale, puisque proposant de mettre " les aristocrates à la lanterne. "

Quoi qu'il en soit, nous ne saurons jamais ce que le Maire Ramuzat chanta ce soir là.... On ouvrit ensuite le bal et à 21 heures 30, à la demande de la municipalité chacun se retira paisiblement dans ses foyers.

C'est ainsi que l'essentiel des festivités qui avaient été prévues pour le 14 juillet 1792 se déroula, tout bonnement, à Villandraut dans la soirée du 25 juin ...

Partout ailleurs, la date anniversaire normale fut bien évidemment respectée,

Des manifestations importantes avaient été organisées au siège de chaque District. Les Gardes Nationales de chacune des communes devaient désigner et envoyer des délégués pour les y représenter, à raison de 2 délégués pour 100 hommes en armes.

Cette désignation, faite par élection, s'effectua le 8 juillet. Budos désigna ainsi 6 gardes qui iront à Cadillac prêter le serment fédératif (un de plus) au nom de la troupe locale dont l'effectif devait donc avoisiner les 300 hommes.  

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Un vocabulaire nouveau.

 

Le procès verbal de cette élection est sobre et sans emphase mais on en trouve d'autres qui n'ont vraiment pas eu peur des mots. Ainsi à Origne où, le même jour, on doit désigner un délégué pour se rendre à Bazas prêter le même serment, un court extrait du procès verbal de séance, un procès verbal au demeurant fort long, mérite d'être rapporté :

Nous Jean Audiere, Colonel du régiment patriotique de la commune d'Origne ... ai rassemblé ma troupe pour désigner un délégué représentant le régiment à la fête, étant tous dans la ferme résolution de mourir plutôt que d'enfreindre l'engagement sacré de vivre libre ou de mourir ... " 

et le tout se termine par : fait et passé à la tête de mes troupes ... etc.

Pour s'exprimer dans un style aussi redondant, peut-être le Colonel Jean Audiere s'était-il procuré un exemplaire du

Nouveau dictionnaire français à l'usage de toutes les municipalités, les milices nationales et de tous les patriotes. "

ouvrage désormais indispensable à tout un chacun et qui avait été édité en 1790.

La spécificité et la nouveauté du langage révolutionnaire avait en effet suscité la rédaction de nombreux dictionnaires appropriés. Il paraît qu'il en existe une douzaine. Pour ma part j'en connais 4 et je ne pense pas aller au delà. Précisons d'ailleurs qu'un certain nombre d'entre eux sont polémiques et se veulent délibérément satiriques. Mais il y en a de fort sérieux.  

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La municipalité de Villandraut reprend la main 

sur les factieux.

 

Mais voici que le vent va tourner. Un Loi du 14 octobre 1791 avait prévu que les Etats Majors des Gardes Nationales locales seraient soumis à de nouvelles élections.

Oh ! Certes, on ne s'était guère pressé pour organiser ce scrutin. Les intéressés en place n'y tenaient pas trop. Il n'avait pas fallu moins de 8 mois et demi pour qu'un arrêté du District de Bazas se décide à organiser cette consultation.

Mais s'il avait fallu  8 mois et demi pour prendre cette décision à Bazas il ne fallut pas plus de 5 jours à la municipalité de Villandraut pour la mettre à exécution. On sent bien là son impatience vis-à-vis d'une troupe indocile.

Dès le 8 juillet 1792, à 16 heures elle réunissait sous la halle les 90 gardes nationaux locaux pour procéder à la réélection de leur Etat Major. On commença par la désignation du Colonel, poste tenu jusque là par le très remuant citoyen Lapeyre.

Au premier tour, personne n'obtint la majorité des voix. Au second tour pas davantage mais il était prévu un troisième tour pour lequel une majorité relative suffisait. Ce fut le citoyen Portepain qui l'emporta de façon assez piteuse avec 17 voix seulement sur 90 votants.

Pour la désignation de son adjoint, ce fut le citoyen Dartigolles dit Bordes qui l'emporta dès le premier tour avec une majorité flatteuse.

Divine surprise pour la municipalité ! Certes, Portepain avait figuré au nombre des opposants, mais il était très mal élu, tandis que Dartigolles dit Bordes, l'homme sûr, toujours fidèle à l'autorité était brillamment reconduit, et surtout, surtout, le citoyen Lapeyre était éliminé. Là, la municipalité marquait un gros point, un très gros point.  

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On célébra tout de même le véritable 14 juillet.

 

 

C'est donc avec beaucoup plus de sérénité qu'elle allait pouvoir organiser la célébration du véritable 14 juillet sans plus courir le risque de se voir forcer la main comme les séditieux l'avaient fait le 17 juin précédent. La donne était désormais changée.

Ce jour là à 10 heures du matin, le Maire, son Conseil et les 90 gardes en armes quittèrent la mairie en cortège pour se rendre à la messe. A leur retour, toujours en cortège, il trouvèrent un autel dédié à la patrie que l'on avait dressé, entre temps au pied de l'arbre de la Liberté, le vrai.

A midi précise, Ramuzat prit la parole et prononça pour la première fois un discours nettement anti-royaliste. Un discours à la fois violent et prudent. Violent, car il n'hésita pas à dénoncer " une cour corrompue et peut-être perfide ..." Mais aussi prudent parce que l'expérience lui avait montré bien des revirements souvent incompréhensibles dans les positions prises par le pouvoir parisien.

Aussi ajouta-t-il :

" Je viens de vous communiquer mes doutes sur la bonne foy d'un roy naguères fugitif. Eloignés comme nous sommes du centre du mouvement, nous ne pouvons guère apprécier les démarches de ceux qui gouvernent, mais la Liberté nous conseille une salutaire méfiance... "

Après quoi, on se sépara sans autre festivité ou manifestation d'allégresse, il est vrai que les circonstances ne s'y prêtaient guère.

On venait en effet tout juste d'apprendre que depuis trois jours les armées prussiennes avaient franchi nos frontières et qu'elles marchaient sur Verdun. Partout, dans nos villages, on constitue des comités  de surveillance permanents, on recense les armes et les munitions, une sourde inquiétude s'instaure et chaque commune prends des dispositions, je cite :

" pour le cas ou surviendrait quelqu'attroupement de brigands ou d'autres cas alarmants "

Au surplus, on décide que désormais, personne ne devra plus quitter sa commune sans en avoir obtenu l'autorisation motivée de sa municipalité.  

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La journée du 10 août à Paris inaugure la dictature 

de la rue parisienne.

 

 

C'est à ce moment là qu'à Paris, avec la journée du 10 août, le massacre des suisses et la prise des Tuileries la révolution allait prendre une toute nouvelle orientation.

Du 10 août 1792 aux massacres du début septembre c'est ce que l'on a pu appeler la première Terreur. C'est à ce moment là que la rue parisienne prend la réalité du pouvoir. Par sa pression constante, elle ne cessera de l'exercer sur les Assemblées successives pendant bien des mois et jusqu'au 9 thermidor.

Cette situation insurrectionnelle illustrait par avance le mot terrible et désabusé que devait lancer bien plus tard, Ledru-Rollin, un jour de 1848 :

" que voulez-vous, je suis leur chef, donc, je les suis ... "

C'est exactement ce que, désormais, vont faire les Assemblées.

Et que représente réellement la rue parisienne ?

A ce moment là, sur 200 français, 5 seulement sont parisiens, un seul, tout au plus, et probablement moins encore descendra dans la rue et c'est celui-là, désormais qui, jusqu'au 9 thermidor imposera sa loi aux 199 autres et jusqu'au fond du dernier des villages de notre vallée.

Marquant la fin effective de la Royauté la journée du 10 août 1792 constitue un tournant beaucoup plus important que ne le fût le 14 juillet 1789.

D'ailleurs très officiellement et dès 1793, c'est l'anniversaire du 10 août que l'on célébrera en grande pompe et non plus celui du 14 juillet.

L'Assemblée Législative vivait là ses derniers jours. A la fin août, les citoyens actifs furent convoqués aux urnes au siège de chaque canton pour y désigner les délégués qui devraient se rendre à Libourne afin d'y élire les 12 députés que le département de la Gironde devait envoyer à la Convention.

Ces scrutins au premier degré furent donc ouvert à Noaillan et Landiras qui étaient alors sièges de canton. A Noaillan par exemple, on désigna 6 délégués : 1 de Léogeats, 1 de Noaillan, 3 d'Uzeste et un de Villandraut.  

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Proclamation de la République.

 

 

La Convention se réunit à Paris le 21 septembre au matin, et dès le même jour à 11 heures, par décret elle proclama la République.

Ce décret fut lu, publiquement, dans nos villages le 30 septembre 1792 à l'issue des messes paroissiales.

A Villandraut le population se rendit ensuite devant la mairie, où, ne sachant trop que faire, on procéda à une seconde lecture de même décret. Lecture que chacun écouta dans un silence religieux. Il n'y eu ni cris, ni acclamations. On se sépara, graves, et chacun rentra chez lui. Il n'y aura aucune autre manifestation.  

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Suspect, vous avez dit suspect….

 

C'est que l'heure était grave. Les prussiens avaient déjà pris Verdun depuis 28 jours. L'ennemi était à 200 km de Paris. C'est à ce moment que s'ouvre l'ère des " suspects ".

Selon la loi du 17 septembre, sont réputés suspects :

-tous les ci-devant nobles.

-leurs agents, ce qui peut être largement interprété.

-tous les prévenus d'un délit quelconque, même acquittés ce qui va réellement très loin.

-et tous ceux qui ne pourront pas justifier de moyens d'existence suffisants ....

On devient donc suspect par sa naissance, par sa misère et même par son innocence reconnue. C'était la porte ouverte à tous les abus, à tous les règlements de compte et à tous les chantages.

Les exactions furent innombrables, chaque commune devait désigner des suspects, et les élus locaux qui n'en trouvaient pas assez devenaient suspects à leur tour. Certains représentants en mission ont d'ailleurs très honnêtement dénoncé ces abus au pouvoir central. Ce fut peine perdue, la machine était devenue folle.

Sur ces temps dramatiques nos archives locales sont resté assez discrètes. Il ne semble pas que, dans nos villages on ait mis beaucoup d'empressement à désigner de nombreux suspects. On sait que certaines réunions municipales ont été orageuses. Les nombreuses ratures et surcharges de leurs procès-verbaux en portent témoignage. Mais les choses ne semblent pas être allé jamais bien loin.

Ainsi, il eût été facile, à Villandraut, de désigner comme suspects les ténors de l'opposition qui avaient suscité tant de soucis à la municipalité. Elle n'en fera rien. Mais il n'en ira pas de même en d'autres lieux car, au plan national, on enregistra tout de même 4 à 500.000 " notoirement suspects " auxquels il faut ajouter 2 à 300.000  "simples suspects" ce qui fait déjà beaucoup.  

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Inventaire et saisie des patrimoines religieux locaux.

 

 

Au mois d'avril précédent, une loi avait invité les communes à faire descendre les cloches de leurs églises et à les envoyer à l'hôtel des monnaies le plus proche pour en faire des pièces de bronze et, éventuellement des canons.

Cette invitation ne connut aucun écho. Le 6 juillet suivant, un nouveau texte revenait à la charge. On promettait alors aux municipalités de leur restituer en espèces les 2/3 du poids des cloches qu'elle enverraient à la fonte.

Pour des communes a peu près dépourvues de toute ressource, ces perspective aurait pu être réellement alléchante. Pourtant, aucune ne bougea. Le clocher d'un village constituait une sorte de symbole de la communauté, " l'esprit de clocher " l'expression est toujours d'actualité, et les cloches étaient littéralement la voix de ce symbole, marquant toutes les manifestations publiques ou privées, heureuses ou malheureuses de la communauté.

Cet attachement, très fort, eut raison de toutes ces propositions. On crût la chose oubliée .... bien à tort.

Cette demande reviendra à l'ordre du jour un an plus tard, et, cette fois-ci, de façon absolument comminatoire mais nous n'en sommes pas encore là.

Mais voilà qu'à l'automne 1792 par un décret du 17 septembre, une nouvelle menace se manifeste sur les patrimoines locaux, et beaucoup plus immédiate, celle-là. Il faut faire un inventaire des tous les objets d'or et d'argent destinés au culte se trouvant dans les églises et les reverser immédiatement pour les fondre.

Nombre de ces inventaires nous sont parvenus et ils montrent à l'évidence, que les églises de nos villages n'étaient pas très richement dotées,

C'est le commissaire Julien, originaire d'Illats, qui, pour le compte du District de Cadillac, vient faire les inventaires utiles dans les églises de nos villages. Il ne trouve d'or, nulle part, ni à Budos, ni à Landiras, ni à Guillos, ni à Pujols. Tous les objets du culte sont en argent. Il n'y a qu'à Landiras que l'on trouve 2 patènes dorées, mais seulement dorées, les objets eux-mêmes étaient en argent.

Les dotations des églises étaient à peu près partout les mêmes : un ciboire, une patène, un ostensoir, etc. ,  le tout en un seul exemplaire sauf à Landiras où l'on recense donc 2 patènes, et, exception notable, à Pujols où les objets sont, pour la plupart, en double exemplaire ce qui explique que l'on y trouve 3 kg 233 d'argent alors que  Budos n'en comporte que 1 kg 357 seulement.

Ces quelques chiffres confirment donc bien que ces églises étaient réellement très modestement dotées. Les inventaires détaillés de leur mobilier que l'on fera un peu plus tard le confirmeront largement.

La situation était un peu différente à Villandraut du fait de la présence du chapitre. On y trouve un peu d'or sous forme de galons décorant des ornements. On les fait découdre, on les pèse, et on leur reconnaît un poids de 616 gr. On trouve également des galons d'argent pour un poids de 1 kg 102 que l'on fait également découdre.

L'ensemble des objets destiné au culte, entièrement en argent ne dépasse pas 2 kg 788 ce qui, somme toute, n'est pas tellement considérable si l'on veut bien se souvenir que l'église était desservie par 7 chanoines résidants.

On peut se poser la question de la fiabilité de ces inventaires. Je suis convaincu qu'elle est bonne. C'était un temps où tout le monde fréquentait l'église. Et tout un chacun savait quels objets et quels ornements s'y trouvaient. Une tentative de dissimulation n'aurait pas manqué d'être dénoncée par un quelconque patriote ayant assuré, en son temps, un service d'enfant de choeur. Ce jeu là aurait été beaucoup trop risqué.

Notons également que nulle part, dans aucune église, on ne vit reparaître après la tourmente, un quelconque objet qui aurait pu être dissimulé.

Le ministre Rolland avait estimé que, sur le plan national, cette opération devait rapporter de 2 à 3 milliard de Livres, en fait, elle ne fournit que 30 millions. Les 9 dixièmes du pactole disparurent en cours de route mais ne furent pas perdus pour tout le monde.  

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Ce que l'on peut déduire des visites domiciliaires.

 

 

Au cours du mois de novembre suivant, les municipalités furent chargées de procéder à des visites domiciliaires chez chacun de leurs administrés afin de faire l'inventaire exhaustif des céréales disponibles.

Là, il n'est pas du tout certain que les chiffres obtenus soit fiables. Il sont certainement minorés mais ils ont néanmoins, pour nous, l'intérêt de nous donner une idée du poids relatif des diverses céréales détenues dans les provisions de ménage de l'époque.

Au résultat de ces visites, les chiffres publiés nous confirment que le seigle est largement dominant et représente à peu près la moitié des provisions des ménages et probablement plus encore car on aura certainement eu plus tendance à dissimuler les stocks de seigle, céréale panifiable destinée à l'alimentation humaine, plutôt que ceux de panis uniquement voués à la seule consommation animale.

Venait ensuite ce même panis ou millet d'Italie pour ¼ puis le maïs pour 15 à 16 % et le millet franc pour 5 à 6 %. Le froment, très rare, dépasse à peine 1 % de l'ensemble. Même si l'on en a dissimulé une part, on ne devait pas manger de pain blanc tous les jours ....  

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La Révolution n'est plus ce qu'elle était : 

le désenchantement des Maires.

   

 

Inventaire des cloches, saisie des objets du culte, chasse frénétique à des suspects souvent supposés, visites domiciliaires dans toutes les maisons du village, cela commençait à faire beaucoup pour certains maires.

Des hommes qui, de bonne foi avaient embrassé le parti de la Révolution du temps où elle était chaleureuse, fraternelle et surtout constructive. En un mot, du temps où l'on chantait la première version de " ça ira ",

Ils s'étaient donnés à fond aux idées nouvelles et ils y avaient cru de toute leur âme. Mais maintenant ils se sentaient dépassés. Le monstre dévorant qu'on leur demandait de servir n'était plus leur Révolution. Alors, presqu'en même temps, ils furent nombreux à tomber malades et à présenter leur démission. Des maladies très diplomatiques à n'en point douter.

Ce fut par exemple le cas d'Arnaud Latapy, Maire de Budos, que nous avons rencontré, et qui démissionna le 21 décembre 1792. Il fut suivi de bien peu par le citoyen Ramuzat, Maire de Villandraut, lui aussi déjà connu, la semaine suivante le 28 décembre. D'autres devaient suivre à bref délai et ce qui est parfaitement significatif, c'est que nulle part, on ne trouva personne pour les remplacer.

Personne, absolument personne ne brigua leur succession.

En toute institution politique, il y a toujours un grand Vizir plus ou moins déclaré qui attend la disparition du Calife pour lui succéder. Il arrive même, et l'actualité nous en fournit le spectacle, que l'on compte ces Vizirs à la douzaine.

Ici, aucun Vizir, et c'est bien le signe que, dans un environnement politique devenu chaotique la fonction de Maire était devenue le point de convergence de tous les dangers.

Latapy devra assurer à Budos un long intérim en expédiant les affaires courantes tandis que le Conseil Municipal de Villandraut réuni le premier janvier 1793 rejetait, à l'unanimité la démission de Ramuzat. C'est donc tout dire ...

Las d'attendre un successeur qui ne se manifestait pas, Latapy se retira, purement et simplement en laissant tout tomber le 29 mars 1793. Il avait dû sentir venir l'arrestation de l'abbé saint Blancard, prêtre réfractaire, réfugié à Budos dans sa famille au village de Médouc.

Il célébrait parfois, la nuit, quelques messes clandestines dans le chai de ses parents à la lueur d'une chandelle. Le bouche à oreille jouant, elles furent bientôt plus fréquentées que celles du Curé constitutionnel titulaire de la paroisse, lequel semble bien avoir été pour quelque chose dans la dénonciation de l'abbé Saint Blancard.

Celui-ci fut arrêté, tout juste 2 jours après le retrait définitif du Maire, par les gendarmes de Langon le 31 mars 1793. Il fut emmené tout aussitôt vers son tragique destin.

Le Maire démissionnaire n'avait probablement pas voulu cautionner ce geste auquel sa fonction l'aurait contraint de participer.  

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La conscription de l'Ancien Régime 

a fait place à la levée en masse de volontaires.

   

 

Le 23 février 1793, la Convention avait décidé la levée en masse de 300.000 " volontaires "  pour renforcer les armées. Chaque commune était taxée de fournir un certain nombre de ces volontaires au prorata de la population,

Les résultats de cette conscription furent très inégaux. Les plus gros contingents furent fournis par la province et tout spécialement par la province rurale. La commune de Paris, en particulier, ne proposa pratiquement aucun de ces volontaires.

Après concertation, les sections locales, expliquèrent que les patriotes parisiens brûlaient, certes d'aller se battre aux frontières mais qu'ils ne pourraient pas partir avant que, je cite "  le dernier ennemi de l'intérieur soit exterminé ...."

Et comme, avec la loi des suspects, de ces ennemis là on en fabriquait tous les jours à la pelle, ils se firent une raison pour modérer leur impatience de partir au front et acceptèrent de laisser partir les provinciaux, auxquels ils ne manquèrent pas, d'ailleurs, de prodiguer à l'occasion, leurs chaleureux encouragements.

La commune de Budos fut taxée de fournir 4 recrues et, dans un grand élan patriotique on décida de les équiper en recourant à une souscription volontaire.

Toutes les factures correspondantes nous ont été conservées. Les fournitures de drap bleu, de parements rouges, de doublure, de fil, de tissus en poils de chèvre pour recouvrir le sac et les 14 douzaines de différents boutons furent achetées chez la veuve Partarieu à Langon le 6 avril.

Le tout fut livré à Peyremage, le maître tailleur de Bommes qui fut chargé de confectionner les 4 uniformes au pris de 18 livres chacun.

Et chacun de ces 4 soldats reçut 2 paires de souliers neufs fabriqués sur mesure par le cordonnier de Carrasse au prix de 9 livres la paire. Si certains soldats de l'an 2 ont eu la réputation de combattre pieds nus, ceux de Budos se sont battus chaussés et bien chaussés.

Ce qui est moins glorieux, c'est qu'à la fin de la même année, par un décret du 8 décembre 1793, la Convention imposera à tous les cordonniers de la République l'obligation de fabriquer les chaussures militaires à bouts carrés et leur défendra formellement de pourvoir de bouts carrés les chaussures civiles. Tout civil trouvé porteur de chaussures à bouts carrés serait désormais immédiatement convaincu de les avoir achetées frauduleusement à un soldat indigne.

Une telle décision donne beaucoup à penser sur l'état d'esprit qui pouvait régner au sein des troupes encore équipées de chaussures à bouts ronds puisque la mesure n'était pas encore en vigueur.

Les 4 recrues budossaises devaient se rendre au District de Cadillac où devait s'effectuer le rassemblement des volontaires. Après des adieux émouvants, ils prirent donc la route accompagnés d'un Conseiller municipal de Budos chargé de faire constater aux autorités que la commune s'était bien acquittée de la fourniture de son contingent.

Le soir même ils étaient de retour, rien n'était prévu au District pour les recevoir et personne ne les y attendaient. On les pria donc de revenir un autre jour. Ils y revinrent, certes, mais ils y revinrent 7 fois avant qu'on voulut bien les prendre en charge.

C'est dire qu'avant de découvrir les grandes routes de l'Europe ils avaient eu tout le loisir de bien apprendre le chemin de Budos à Cadillac.

C'est dire aussi quel était alors le mélange d'élan patriotique et de pagaille anarchique dans lequel se débattait le pays.

La situation générale était proprement désastreuse. Déjà en guerre avec l'Autriche et la Prusse, la Convention avait cru bon de déclarer la guerre à l'Angleterre et à la Hollande le 1er février 1793 et ceci dans un temps ou les vendéens soulevés s'emparaient de Cholet le 14 mars.

4 jours plus tard, le 18 mars, les armées françaises, commandées par Dumouriez, essuient une sévère défaite devant les autrichiens à Neurwinden. Dumouriez, devenu suspect est mis en accusation. Pour sauver sa tête, il passe à l'ennemi.

Ajoutons à cela que les récoltes de 1792 ayant été mauvaises, une sévère famine s'annonçait déjà, dès la fin de l'hiver, c'est donc peu dire que les choses allaient mal. Les gens étaient inquiets et il y avait de quoi l'être. La peur et une nervosité croissante étaient le lot quotidien de nos campagnes. 

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Les anglais débarquent à La Teste ; une journée de folie.

 

 

Dans la soirée du 7 mai 1793, un courrier arrive à Villandraut à bride abattue, il s'arrête à la porte du Maire. Le temps de sauter de son cheval écumant, il lui remet une lettre du Maire de Saint Symphorien l'informant que les anglais ont débarqués à La Teste.

Le Conseil Municipal est tout aussitôt réuni, il est 20 heures. On bat le rappel de la Garde qui accourt aussitôt sous les armes. On dépêche immédiatement d'autres courriers dans la nuit afin de prévenir les communes de Balizac, Budos, Noaillan et d'y faire donner l'alarme, avec mission de transmettre le message au delà vers Léogeats, Uzeste, etc. ...

Dans le même temps on envoie un courrier direct à Bazas pour prévenir le District.

Vers 21 heures 15, survient à Villandraut le secrétaire de la commune de Mano qui va, à fond de train, de commune en commune, pour annoncer que l'ennemi est déjà entré à Lugos.

Presqu'aussitôt après, on voit arriver Pierre Pallas, le forgeron du Tuzan, lui aussi porte une lettre disant que l'ennemi est devant Belin et qu'il leur faut du secours.

Sur les 2 heures du matin on décide qu'aucun citoyen ne pourra quitter Villandraut sans une autorisation expresse. Cela ne menait pas très loin ... Cette décision, déjà prise à la mi-1792 était toujours en vigueur.

La Garde est toujours là, sous les armes, visiblement on ne sait trop que faire.

A 7 heures du matin, le 8, se présente le citoyen Lavenue apportant un message du District qui approuve les mesures prises par la municipalité et confirme que la garde doit se tenir prête à toute éventualité, sans autre précision. A Bazas non plus on ne sait trop que faire .

Le temps commence à paraître long. Dans le courant de la matinée, voilà que survient un nouveau courrier de Saint Symphorien, beaucoup plus détendu celui-là .... Il apporte un billet de son Maire sur lequel on peut lire :

" tout est tranquille, tout mouvement d'alerte est dissipé, pour le moment il n'y a rien à craindre ".

Sur quoi, le Conseil Municipal renvoya la Garde en ses foyers mais décida néanmoins d'assurer une permanence jusqu'au soir. C'était une fausse alerte ...

Cette anecdote est tout à fait significative de l'état d'esprit du moment. Nous sommes là en mai 1793, au coeur de la Révolution et à la veille de bien d'autres événements que nous découvrirons peut-être une autre fois en d'autres circonstances.

 

Jean DARTIGOLLES.

   

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Réalisée le 20 mai 2006  André Cochet
Mise ur le Web le      mai 2006

Christian Flages

Mise à jour le 

                 

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