LE SERPENT ET LA LIME
On conte qu'un Serpent voisin d'un Horloger (C'était pour l'Horloger un mauvais voisinage), Entra dans sa boutique, et cherchant à manger, N'y rencontra pour tout potage Qu'une Lime d'acier qu'il se mit à ronger. Cette Lime lui dit, sans se mettre en colère : Pauvre ignorant ! et que prétends-tu faire ? Tu te prends à plus dur que toi. Petit serpent à tête folle, Plutôt que d'emporter de moi Seulement le quart d'une obole, Tu te romprais toutes les dents : Je ne crains que celles du temps. Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre, Qui n'étant bons à rien cherchez sur tout à mordre. Vous vous tourmentez vainement. Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages Sur tant de beaux ouvrages ? Ils sont pour vous d'airain, d'acier, de diamant. |