Ouvrages présentés : |
|||
Graines de lettres germées, fleurissent, essaiment .....!******** « 12ème MUSC'ART en ligne avec "Martine Biard".» «La littérature faite femme.»
Interview de Pierre Mamier, à Frontignan, Hérault, France, le 19 décembre 2020.
Il est impossible de rester insensible devant la personnalité de Martine Biard quand après l’avoir vue et entendue trois fois s’exprimer à Musc’art. Et il n’y a qu’à regarder l’attitude du public, suspendu, scotché à la moindre de ses paroles, pour être convaincu que nous tenons en Martine Biard, non seulement une écrivaine, mais aussi une femme d’exception. La publication de très nombreux ouvrages couvrant une large partie de ce que la littérature peut produire, une publication qui vient s’inscrire dans une histoire personnelle, un moment dramatique, dépassé et dominé par une passion de la vie qui l’anime, propulse Martine à un niveau de réussite intellectuelle et humaine difficile à atteindre. Une fois l’hésitation dépassée et le processus d’écriture enclenché dans les conditions qu’elle décrit fort bien dans son interview, Martine entre avec une facilité toute naturelle et un bagage universitaire de poids dans les univers poétique, romancier, historique et spirituel qui sont les siens. Les récompenses sont heureusement venues confirmer ce talent inné pour l’écriture que Martine possède au plus haut point et met chaque jour à contribution, pour encore avancer afin que ses lecteurs -et dirons-nous aussi, surtout ses lectrices, les destinataires spirituelles des écrits de cette femme aussi soucieuse de la condition féminine- puissent profiter de sa pensée écrite ou orale, quand elle délivre dans une douceur et une fluidité inégalées, ses discours ou conférences à thème. Musc’art est très fier d’accueillir des personnes de cette trempe et propose aujourd’hui de poursuivre, virtuellement, malheureusement, ses entretiens avec Martine Biard, qui découvre ici bien des éléments intéressants de sa personnalité.
1) Martine Biard, quel a été le chemin jusqu’à votre premier livre ? Il a été long, très long ; il a fallu que j'atteigne l'âge de 45 ans et que j'aie un cancer pour que je me décide à publier! Quand ceux qui connaissaient mes écrits me posaient la question de la publication, je ne voulais pas en entendre parler ou bien je répondais : " post mortem " ce qui jetait un froid et coupait court ! Avec le cancer, qui est une longue maladie, j'ai pris conscience d'un sursis ; je me suis demandé pourquoi, pour constater, en ce qui concernait mes écrits, qu'il était temps que j'y mette de l'ordre parce qu'une chatte n'y retrouverait pas ses petits et, finalement, que je les exhume un à un parce que, sinon, un tel fatras (dans lequel je suis bien la seule à trouver le chemin ...) ne serait vraiment pas un cadeau pour mes héritiers !
2) Si le récit peut féconder le réel c’est pour quoi, faire naître ? C’est pour faire naître un monde, un monde dans lequel je comprends quelque chose, un monde supportable pour les gens comme moi.
3) Qu’est-ce qui déclenche l’écriture ? Ecrire est-ce une contrainte ? C’est un état de perméabilité pour les poèmes, un sujet d'intérêt pour l'Histoire dans ses moindres recoins, l'envie de trouver une clé quand j'écris un roman. En ce qui me concerne, l'acte d'écrire, ce n'est pas une contrainte. En revanche, écrire un livre nécessite une discipline personnelle qui est une exigence intrinsèque dont il ne faut pas sortir car si l'on commence à prendre du recul par rapport à ce travail, tout le temps qu'il demande peut paraître gratuit, vain, inutile et donner de bonnes raisons de tout abandonner.
4) Quel est le mot le plus important pour vous ? Peut-être bien, justement : l'exigence.
5) Bâtissez- vous vos livres avec une architecture pré-établie ? C’est plutôt un réseau hydrographique, un paysage plus qu'une architecture qui m'enferme. Je "construis ", si vous voulez, avec un titre quand il s'agit d'un roman ou d'une recherche historique ; le titre est alors la source d'où tout se déploie. En revanche, pour les poèmes, je suis dans la source, c'est en mettant la tête hors de l'eau, en donnant conscience à tout ce qu'il y a autour que je trouve le titre.
6) Ouvrez-nous un peu votre « fabrique d’écritures » ?
C'est joli " La fabrique d'écritures ". Dans mon cas, il y faut
un patio, un jardin ou une terrasse pour être en lien avec le monde,
le cosmos, la nature et quand j'y rentre, une immense bibliothèque en
occupe tous les étages; l'ordinateur a remplacé la machine à écrire
mais pas l'eau, les parfums, et l'Amour pour l'humanité qui me sont
indispensables.
7) L’écrivain peut-il rendre le monde meilleur ? Serait-il dans son rôle ? Le monde n'est-il pas toujours meilleur que nous ne le croyons ? J'en ai de beaux souvenirs et tous ceux qui nous ont précédés n' en ont-ils pas laissé assez pour l'apprécier ?
L'écrivain, comme tout le monde, devrait d'abord essayer de se rendre
meilleur récepteur, le peut-il ? Là peut-être réside la question., par foi !
8) Pourrait-on dire que l’enfance est l’élément fondateur de votre écriture ? C'est le gisement ; à partir de son enfance, on s'instruit, on s'enrichit, on crée, on s'enthousiasme ou bien on trouve motif à râler ou à se plaindre jusqu'à la fin de ses jours.
J'ai eu une enfance suffisamment riche en découvertes, en évènements,
en personnes-ressources et en perceptions pour sauver beaucoup d'êtres
et de choses par l'écriture.
9) Quels sont les titres de vos livres ?
Guetteurs d'infini, Le Bestiaire charnel, L'Arche des saisons, Clarté
d'enfance, Les rivages du père, Ainsi l'Aube majeure, Femmes de Lunel
en Petite Camargue (2 volumes), Postes et Messageries en Languedoc de
Louis XIV à la Révolution de 1789, Les Embrasements, Les Seuils
magnifiques; un florilège extrait des recueils intitulés L'Age aux
deux vies, Les champs de Mercure, Vingt ans de peine, La Modulation,
Les Enfers d'Eurydice, Les Chuintements de l'extase dans L'Autre visée
du monde; Délices à fleur de rêve, Etoupe et vent de laine, Les
sentinelles du désir, Fragments épars du temps, Exil sous un tonnerre,
Guerre civile, Les Corridors implacables, L'excellence du jeune homme
désappointé ….
10) Comment percevez–vous le monde qui nous entoure ? Il est trop peu pris en considération dans sa diversité, sa force et sa grandeur comme dans ses merveilleux détails.
11) Qu’est-ce qu’un écrivain selon vous ?
Aujourd'hui l'écrivain à la mode est souvent un tracassé qui
nous rend sado-masos ou paranos ou bien un raseur qui s'écoute, quand
il n'est pas un donneur de leçons qui vient jacasser sur les plateaux.
12) L’écrivain est-il un grand alchimiste de la réalité ? C'est votre question, pour moi, la plus difficile, mais elle est très intéressante. Je serais tentée de m'abstenir d'y répondre surtout de crainte de ne pas être claire car la réponse ne peut être que complexe. Je vais essayer... Nous ne savons jamais qui et combien sont ceux qui nous lisent ou nous écoutent et quel écho, quel sens, quelles manifestations ces personnes donneront à ce que nous écrivons. Nous sommes, dans le processus créatif, d'abord au cœur d'un paradigme _ qui n'a rien à voir avec le bien et le mal _ de forces obscures, ou de lumières qui sont d'un grand éclat, et elles nous donnent la tonalité et un pouvoir d'éclairagiste avant de passer par les alambics de l'écriture qui nous relient au temps : le temps et son métier à tisser ... Ce n'est pas seulement la réponse d'un Alchimiste..
13) Vous êtes vous immergée très jeune dans la lecture et l’écriture ? Oui, oui, très jeune, dès la petite enfance, au risque de compter pour rien en terme d'humanité. Lire-écrire, absolument nécessaires, et aimer l'art : c'était le laisser-passer existentiel dans ma famille et mon milieu. Lecture, écriture, art, partout, tout le temps, comme de véritables outils de communications et de questionnements entre-nous, sans quoi j'aurais été traitée avec des égards mais pas davantage que le téléphone, les plantes, les appareils ménagers ou la voiture.
14) Quelles sont vos relations avec le temps ? Quand j'écris, je cherche, je crée, je prie, je me soustrais au temps, j'installe les conditions d'un présent d'éternité. Quand j'en sors, je déteste perdre mon temps, le temps est précieux, j'essaie de l'occuper au mieux pour l'aventure de la vie et en bonne compagnie.
15) Avez-vous des projets littéraires en vue ? Oui, j’ai quatre publications en cours dont une bilingue, une en histoire, une autre en poésie, et puis du travail pour des émissions radio et des conférences à venir. 16) Avez-vous un proverbe préféré ? " Ne reporte pas à demain ce que tu peux faire le jour même ! " Une visite s’impose à : www.o-p-i.fr/7alire / Contacts : journalrobert@wanadoo.fr / 06 71 00 29 25 .
|
|||
Graines de lettres germées, fleurissent, essaiment .....!******** " Un voyage en Grèce entre mythes et réalité. " Interview en 10 questions : 1)" Ainsi l'Aube majeure " vient de paraître : 2) En quoi ce roman se distingue t-il des autres ? C'est un voyage livresque qui aide à prendre de la distance, à s'évader en Grèce, dans l'espace donc, mais aussi dans le temps : la fin du siècle dernier. Une Grèce contemporaine (il y a très peu de livres pour ce pays consacrés à cette période) mais pas actuelle quoique ... ce roman soit aussi, finalement, un chassé-croisé sur 3 générations !
3) Cet ouvrage est le 6ème du cycle " Les Veilleurs d'Horizon " : est-ce une saga ? L'ouvrage permet de retrouver des personnages du cycle " Les Veilleurs d'horizon " surtout ceux, féminins, du 1er roman de la série "Guetteurs d'infini " et de faire la connaissance du dernier : " Néphélie " qui doit son apparition à l'influence d'Angèle Van Laeken et son prénom à sa marraine Vaya Politi !
4) Quel était votre objectif personnel ? Celui de restituer, dans un roman qui se déroule en Grèce, "Le grand tour" dans la plus pure tradition des Lumières. Un vrai projet éducatif qui visait à "former la jeunesse " à la civiliser, à aiguiser son regard en l'envoyant d'abord en Italie - ce que j'ai vécu - : Venise, Florence, Rome pour clôturer par la Grèce continentale bien avant l'Egyptomania consécutive à l'expédition Bonaparte qui fut une déroute militaire mais une grande avancée scientifique (Champollion).
5) Vous avez été une élève de Khâgne classique, cette formation a t-elle influencé ce livre ? L'occasion de rappeler une Grèce pour toujours fondamentalement mythique même si l'occasion d'apprendre le grec ancien se fait rare ! Un petit glossaire initiatique ou de rappels est d'ailleurs prévu à la fin de l'ouvrage.
6) Comment cette fois ont évolué vos personnages ? J'ai voulu un roman sur l'Amitié qui renoue avec des valeurs, celles de la mémoire, de la responsabilité, de la confiance, du rire partagé même si j'ai aménagé un arrière-plan avec du drame et de la tragédie pour que ce soit quand même vraiment grec !
7) Dans vos publications, on trouve souvent des talents qui vous accompagnent et même dans ce roman !? En effet, des collaborations pour cet ouvrage encore. Elles mettent à l'honneur des femmes artistes lunelloises souvent certes parties ailleurs mais qui repassent par là ! La couverture est celle d'une franco-grecque : Vaya Politi, une amie plasticienne, présidente de l'association " Art en cercle " qui a beaucoup travaillé à Lunel avec le musée Médard et l'association Art et culture. Il m'importait que la couverture soit réalisée par cette native de Thessalonique, que ce ne soit pas un cliché touristique. Il y a également une illustration intérieure : un portrait réalisé du vivant de Manitas de Plata par Régine Cerda *, native de Lunel. Notices biographiques présentes dans le livre p. 100-102.
8) Vous associez l'Hommage poétique à Manitas de Plata à ce roman !? Deux univers et deux styles très différents en effet, ce qui prouve que j'ai besoin des deux, et puis l'anniversaire des 5 ans du décès de l'icône des Gens du voyage qui suffirait à justifier la présence de Manitas à la suite d'un roman où les personnages ne tiennent pas en place ! Manitas doit la vie aux gens de Lunel qui l'ont caché pendant la seconde guerre mondiale. Dans " la vraie vie " d'aujourd'hui, les descendants, musiciens et chanteurs, de Manitas de Plata : "Los nin[/i/]os de la noche sont en train de mettre en musique et en voix l'Hommage poétique. Qui mieux que "les enfants de la nuit" pour donner une caisse de résonance à l'Aube majeure ? C'est, au final, un symbole puissant et une belle histoire !
9) Y a-t-il un lien entre votre recueil sur l'exil et ce roman du voyage ? Le fait que le roman commence dans un camp de réfugiés à la rencontre d'une jeune graffeuse prouverait que cela reste un centre d'intérêt, un sujet de préoccupations qui, hélas, reste d'actualité mais ce roman du voyage entraîne plus loin le lecteur dans la prise de conscience d'un exil terrestre mais sans l'abandonner : le poème final donne quand même " les cordes pour toujours remonter " ! " Exil sous un tonnerre qui vient d'obtenir en 2020 la 3ème Coupe du Prix national de poésie Stephen Liégeart [ce doit être mérité car je suis la seule femme sur le podium dans un monde de poètes demeuré, il faut en convenir, encore de nos jours très fermé et aussi machiste que celui, en Camargue où je vis une partie de l'année, de la bouvine !
10) " Ainsi l'Aube majeure ": pourquoi avoir choisi ce titre ? C'est un titre long en référence aux romans sud-américains qui donnent l'impression d'une réalité littéraire magique dans une lumière crue. Le road-book est une approche très répandue aussi dans la littérature américaine pour s'approprier le paysage social or je suis d'autant plus sûre de celui que je restitue qu'il prend ses sources dans mon carnet de voyage bien réel et qui date de 1981.
Habituellement, un roman me demande 5 ou 6 ans. On comprend que là
l'escalier temporel a été plus long à gravir ! Le problème n'était pas
de restituer les faits mais de remettre une réalité en mouvement, de
jouer avec des rythmes, de jouer avec le feu ! Car " Ainsi l'Aube
majeure" est sous le signe du feu. Le personnage nouveau, Néphélie, se
signale d'ailleurs par un nuage de fumée car son prénom, en grec
moderne, signifie: "nuage " ! Martine Biard. Une visite s’impose à : www.o-p-i.fr/7alire / Contacts : journalrobert@wanadoo.fr / 06 71 00 29 25 . |
|||
Graines de lettres germées, fleurissent, essaiment .....!******** « Les corridors implacables.» suivi de
« L' Excellence du jeune homme désappointé.»
Commentaires et entretien par le poète Jacquy Gil.
Ce 14ème recueil de poésie de Martine Biard , dont le premier chapitre est intitulé - à juste titre -, Les corridors implacables, nous donne à emprunter maints passages poétiques qui, pour nous emmener en différents lieux qu'elle veut symboliques d'abord, en rejoignent au final un seul : l'Amour. Amour pour l'humanité, les êtres, les choses, et qui revient incessamment au fil de ses oeuvres, qu'elle qu'en soit la forme. D'emblée, Martine Biard nous invite à un voyage auquel on ne peut qu'adhérer tant ses vers et sa prose sont hautement maîtrisés, denses et d'une beauté " implacable " . Le second chapitre du recueil, intitulé L'excellence du jeune homme désappointé, qui est dédié au fils de l'auteure et à " tous ceux qui auront vingt ans comme lui et après lui ", est somme toute bien résumé, certes d'une manière un peu abrupte mais aussi caricaturale et ironique que dans Charlie Hebdo dont on conserve la tonalité, par une phrase mise en exergue de Sacha Guitry dont Martine Biard a déjà fait un de ses principes :" Fuyez les vieilles barbes et les cerveaux fumeux et adorez la vie, si vous voulez m'en croire, en dépit des méchants, des jaloux et des sots qui sont plus redoutables que la vermine " qu'elle commente ainsi : " A l'esprit de sérieux, j'ai toujours préféré l'entaille du rire poétique qui désamorce, ou la gravité qui est une entrée solennelle dans la réflexion historique ". Un témoignage précieux - et aussi un appel à la réflexion, au sens à donner à l'existence - adressé aux générations montantes qui, aujourd'hui, sont confrontées à un monde très complexe et en passe de le devenir bien plus encore.
L'ensemble du recueil sera finalement ainsi commenté par Martine Biard : " Est-il possible, ici-bas, de se soustraire aux pesanteurs néfastes et stériles sans les ignorer ? L'immixtion active de la poésie dans l'actualité des mots qui nous blessent, au jour le jour, déchire le drame et conduit à l'Amour, non comme une fin en soi, mais comme un dénouement. Au centre de tous ces - maux-dits - du verbiage quotidien, qu'il s'agisse de croiser des destins ou de restituer l'extrait d'une époque, comme d'un parfum, la poésie avance pour sublimer l'essentiel afin de lui faciliter l'accès ou de nous guider au seuil de galaxies parentes qui est aussi cette aventure de l'ouverture et ce risque de l'expérience fusionnelle de la dimension en nous-mêmes, poussières d'étoiles. ça, c'est Papa( 6), lâche t-elle et d'ajouter: Les explorations cosmiques les plus récentes montrent que cette vision des choses étaye la réalité vécue par le plus grand nombre, qu'il en soit conscient ou non." Que conclure après ce qui vient d'être énoncé ? - En conseillant vivement à tout lecteur attentif de lire le recueil de Martine Biard, de l'apprécier à sa juste valeur et donc d'en savourer sans modération toutes les richesses.
Thème : Poésie. Format : Roman (134x204). Nombre de pages : 168. Date
de publication : 18/05/2018. ISBN : 9782414124398 Prix unitaire =
20,00 € :
https://www.edilivre.com/les-corridors-implacables-suivi-de-l-excellence-du-jeune-homme-d.html/ Voir la présentation en entière. Martine Biard. Une visite s’impose à : www.o-p-i.fr/7alire / Contacts : journalrobert@wanadoo.fr / 06 71 00 29 25 . |
|||
Graines de lettres germées, fleurissent, essaiment .....!******** « Les Femmes de Lunel en Petite Camargue.» «Ouvrage d'histoire en 2 volumes.»
Entretien.
1) Près de 300 pages pour le 1er volume, plus pour le second, c'est considérable. Quel était votre projet ? D'abord prendre mes marques sur un territoire que j'ai découvert en 1987, m'y sentir à ma place, mieux comprendre mon lieu de vie. Je me suis donc intéressée à l'histoire de Lunel pendant plus d'un quart de siècle avec tout ce qui paraissait en terme d'articles et de publications ou me tombait sous la main : un élève du Cailar (capitale de la Petite Camargue), - François Combes – connaissant mon intérêt, est arrivé un jour, en cours, avec un grand sac de livres de la bibliothèque familiale sur la région et la Bouvine !
2) De quel Lunel parlez-vous dans ces deux ouvrages ? Certes, il y a des Lunel dont un que je connais bien dans le Tarn-et – Garonne mais ici, il s'agit, on l'a deviné, d'une petite ville du sud de la France dans la région Occitanie située en Petite Camargue, dans le département de l'Hérault. Elle compte un peu plus de 26 ooo hbts qui y travaillent et y habitent ou en ont fait une cité dortoir entre Nîmes et Montpellier.
3) Est-ce le terroir du muscat de Lunel ? Oui et ce fut donc, jusqu'au années 1980, un bourg très rural qui vivait de la viticulture avec, entre autres productions, celle du fameux muscat de Lunel ! Tout autour de Lunel, il y avait une ceinture verte constituée de vergers, de productions maraîchères avec des prés réservés aux taureaux et aux chevaux de Camargue. La Camargue, c'est un territoire indéfini entre la terre, les étangs et la mer qui, pour cette raison, est plein d'une vie qui n'est pas que celle des hommes ; une parenthèse magique, héritière de l'Occitanie orientale et de la Provence toute proche, depuis des siècles, et du Félibrige. Dans les vieilles familles lunelloises, on parle encore le provençal. Les fêtes traditionnelles, pour les femmes, s'y déroulent en costumes d'Arlésienne, lequel est très codé.
4) Et vous êtes tombée sous le charme ? J'ai appris à lire ce costume comme d'autres signes vestimentaires, dans un quotidien marqué par le multiculturalisme, depuis une vingtaine d'années. Aujourd'hui, 1/4 de la population est d'origine Maghrébine et musulmane (familles de harkis, d'ouvriers agricoles et du bâtiment, pour l'essentiel de la première génération). Et puis, comme moi, 40 pour cent des Lunellois sont « d'ailleurs » … C'est le cas de beaucoup de communes françaises du pourtour méditerranéen. Pour donner un exemple, c'est le cas pour 70 pour cent des habitants actuels de Marseille. Ces villes qui ont, de tout temps, accueilli des travailleurs d'autres régions de l'Hexagone ou des exilés, qui attirent chaque année de nombreux étudiants et des retraités, doublent en plus, chaque été, leur population d'une déferlante de vacanciers en raison du baromètre.
5) On a beaucoup évoqué Lunel dans les médias en raison du Djihadisme, qu'en pensez-vous ? J'ai répondu en son temps et à ce sujet à un journaliste très sérieux dépêché sur place, pendant plusieurs semaine, par Vanity Fair qu'il y avait bien d'autres choses à évoquer au sujet de Lunel. J'ai même commencé par lui dire que chacun était libre de faire ce qu'il voulait, ce qui a eu l'air de l'estomaquer et constituait le départ d'un débat philosophique plutôt que le terreau d'un article à sensations. Oui, quand on arrive à Lunel, aujourd'hui, on a l'impression de traverser un centre-ville qui serait un peu désorganisé et comme sinistré mais peuplé. L'actualité nationale et internationale a insisté, ces dernières années, sur la filière djihadiste qui y avait un réel carrefour d'échanges et une écoute probable capable de radicaliser quelques jeunes décidés ( dont le nombre est toujours resté incertain évoluant de 6 à 18, sur des milliers d'habitants tout aussi considérables en terme d'avenir) dont une poignée de lycéens, d'ailleurs sans histoire. Certains sont aujourd'hui décédés. J'ai surtout retenu que quelques-uns avaient exposé femmes et enfants - qui vivaient ici un quotidien tranquille et étaient scolarisés à Lunel - à un ailleurs plein de risques.
6) Avez-vous souffert d'un sentiment d'insécurité ?
Tout a été vite cadré ou fermé et l'imam a été pointé du doigt mais
nous tous aussi. Nous en avons souffert. Aujourd'hui, la Police municipale est une police de proximité et Lunel est devenu un bastion de la Gendarmerie nationale.
7) Quel est actuellement le quotidien des habitants ? Un peu en perte de repères car la ville, dans son paysage urbain, se déconstruit et se transforme chaque jour, se restaure ou se métamorphose. Un travail de fond réel a été entrepris sur le plan humain, depuis des années, par la commune et les associations, en faveur des nouveaux arrivants, de l' intégration des populations d'origine étrangère (cours de Français et soutien scolaire gratuits), des élèves en difficultés (école de la deuxième chance) avec des aides pour le quotidien et des logements sociaux pour les familles défavorisées et/ou monoparentales, les chômeurs de longue durée, les personnes en rupture.
8) Vos deux ouvrages sont précédés d'un historique de Lunel « de la Préhistoire à nos jours », pour quelle raison ? C'est un plaisir pour une historienne ! Ces deux historiques ne sont pas identiques : ils n'apportent pas les mêmes informations ; Et l'un est chronologique, tandis que l'autre est thématique. Il était important d' inscrire légitimement dans l'Histoire de France les familles présentes là depuis des générations mais également de donner du sens à l'installation des familles transplantées dans une actualité perturbée. Le récit historique restitué et réactualisé, après 5 ans de travail, rajeuni, relié à « la grande histoire », sur une longue durée des origines à nos jours, permet à chacun de légitimer un ancrage, de se familiariser avec ses lieux de vie, d'en découvrir, de nourrir les conversations, d'informer la jeune génération. Parallèlement, un gros effort a été fait dans la ville pour sauvegarder la mémoire ou le patrimoine, le partager ou le transmettre : musée du site d'Ambrussum, musée de France Louis Médard, musée des Prisons, visites guidées du centre-historique ou de l'arboretum par l'Office du tourisme, accueil convivial et accompagnement culturel des AVF, expositions, concerts et conférences tout public et gratuits. Rappelons que la très célèbre Ecole juive médiévale de Lunel, grâce aux doyens parmi ses médecins, a permis de fonder la faculté de médecine de Montpellier dont on a fêté les 800 ans en 2019, la plus ancienne en Europe, avec celle de la Sorbonne à Paris.
9) Est-ce que ce Lunel peut intéresser au-delà de Lunel ? Oui, je crois que tout ce qui précède n'enthousiasme et ne dynamise pas que moi, c'est pourquoi j'ai réservé à Lunel une série de conférences et lui ai consacré une dizaine d'émissions radio accessibles en podcast sur RCF Montpellier-Maguelone. [Cf : Notre Histoire de Régine Acquier. Présentation de : Lunel au fil du temps , en dix épisodes, par Martine Biard pour RCF, Montpellier 2018-2019]. Lunel est une ville expérimentale car elle a toujours été un lieu de passage et de brassage d'abord grâce aux marchés, puis au canal, puis à la voie ferrée, enfin avec le développement du tourisme puisqu'au sud-ouest de Lunel se trouve l'étang de l'Or et , tout près, les plages. De nos jours, la station balnéaire la plus proche (10 kms) est La Grande-Motte, créée il y a une cinquantaine d'années, avec d'ailleurs l'apport de terre de Lunel, par l'architecte Jean Baladur et son équipe innovante en matière d'architecture contemporaine, en lien avec un passé rêvé et revisité ( les pyramides). Le Mont Aigual permet d'aller skier en hiver, les Cévennes sont proches pour faire du tourisme vert. Nous avons à notre porte des centres hospitaliers et de recherche, des universités, des entreprises, un très riche patrimoine et de nombreux festivals et hauts lieux de culture et, nous nous trouvons à égale distance (20 km), de Nîmes et Montpellier, sans oublier dans le prestige d'une quadrature : Arles et Alès.
10) Les Lunellois sont-ils conscients de tous ces atouts ? Les Lunellois, oui. Les Pescalunes (Pêcheurs de Lune = natifs de Lunel), c'est pas sûr ! Il leur arrive de tourner volontairement le dos à tout cela car il est un autre endroit où l'on a toujours pris du bon temps : les Cabanes de Lunel ! Elles sont en réalité implantées sur les territoires de Lunel mais aussi de Lansargues et de Marsillargues dès le Néolithique. A la fin de cette époque préhistorique, un volcan sous-marin situé près de Maguelone, qui continue d'influer sur les courants marins, entre en éruption et entraîne une montée des eaux de 120m. En conséquence, les populations refluent vers l'Hornède sauf les pêcheurs qui s'installent dans des cités lacustres. La pêche, la chasse, le braconnage, l'originalité du régime alimentaire : on mange des anguilles mais aussi des tortues d'eau ou même du hérisson, entraînent depuis toujours une autonomie à part, et au fil des siècles, l'achat de l'huile, du café, du tabac puis ... du Pastis ! La chasse est l'occasion pour les habitants de Lunel et des Cabanes de se retrouver en majorité entre hommes dans des zones de moins en moins sauvages mais quand même préservées. En l'absence d'épidémie contagieuse … , on se rassemble aussi aux Cabanes ou dans les prés à proximité, pour l'omelette Pascale ou pendant les fêtes locales quand il faut aller à cheval chercher les taureaux pour l'Abrivado, ce qui donne l'occasion de se retrouver entre familles ou connaissances des communes voisines, le temps de grillades et de repas partagés.
11) Vous dédiez l'ouvrage à Notre-Dame du Lac, pour quelle raison ? C'est la protection de la Sainte Vierge bien sûr mais, de surcroît, Notre-Dame du Lac m'évoque un personnage mythique qui symboliserait l'âme de Lunel et qui, de notre tour de guet initiale devenue clocher (avéré au XIVème siècle), serait en quelque sorte le témoin de tous les grands moments historiques de Lunel . Elle fut toujours au centre d'un quartier très animé et commerçant entre la rue de la Libération, la place de la République, les Halles et le Cours Gabriel Péri, ancien Cours Valatoura. Les Pescalunes ont fait de Valatoura un personnage légendaire comme celui du Pescalune qui reste, en chanson et sculpté, une référence. Les trottoirs ont remplacé les fossés comblés, les pierres des murs des deux remparts ont permis d'adosser des maisons ou de les construire mais ces tours de surveillance ont laissé pour longtemps leurs fantômes qui veillent au nom de Valatoura : " le val des tours ".
12) Pourquoi alors, ou en plus, avoir abordé le passé et l'actualité de Lunel par des femmes ? Tout d'abord parce que cela ne s'était jamais fait ! Et pourtant, demoiselles, épouses ou mères, natives de Lunel ou non, toutes ont été d'excellents vecteurs transgénérationnels. Et puis, pendant qu'à la suite de journalistes avides de scandales, certains auteurs insouciants de nous enfoncer et n'habitant plus Lunel écrivaient « Le chaudron français », celles de mes livres, chacune à leur façon, veillaient à « faire bouillir la marmite » ... Lunel a été surnommée «La reine de la Petite Camargue», c'est sous son règne que j'ai laissé s'exprimer des femmes de toutes les conditions et de tous les âges, de 17 à 95 ans, à partir d'un questionnaire commun écrit ou transformé en entretien au long cours. J'ai réalisé une espèce de casting pour avoir des profils les plus variés possibles et j'ai veillé à ce qu'elles ne se connaissent pas ou pas assez pour s'influencer. Il s'en dégage un état des lieux mais aussi comme une radioscopie de la condition féminine en ce début du XXIème siècle qui ne fait l'impasse sur aucun sujet et libère la parole d'autres femmes en France qui se reconnaissent. Chacune de ces 35 femmes, dans un acte citoyen, a témoigné sous son identité. C'était symbolique et puis important pour la fiabilité de mon entreprise car étant, par ailleurs, romancière, j'aurais pu imaginer et sous le même titre autant de personnages féminins ! Mais la Vie est toujours plus imaginative que nous ne le serons jamais et c'est elle qui montre le chemin. https://www.edilivre.com/femmes-de-lunel-en-petite-camargue-27beff81eb.html/ https://www.edilivre.com/femmes-de-lunel-en-petite-camargue-tome-ii-2a1f620694.html/ Martine Biard. Une visite s’impose à : www.o-p-i.fr/7alire / Contacts : journalrobert@wanadoo.fr / 06 71 00 29 25 . |
|||
Graines de lettres germées, fleurissent, essaiment .....!******** « Féminité du Sud.» «Ouvrage d'histoire littéraire.»
Conférences et entretiens.
1) Martine Biard, encore 390 pages consacrées aux femmes ! C'est une récidive !? Ce n'est pas un parti pris mais c'est, effectivement, un livre qui s'inscrit dans la lignée très féminisée de mon œuvre littéraire avec L'Arche des saisons, L'Aquarelle montre patte blanche, Ainsi l'Aube majeure, les 2 volumes de Femmes de Lunel en Petite Camargue ou Les Trobaïritz, femmes poètes du sud au XXIème siècle , paru en 2013, et dont Féminité du Sud permet, entre autre, la réédition attendue - en ce début d'année 2021 - avec la préface de mon ami André Vinas (Alès, 1925-Argelès-sur-Mer, 2017).
2) A quel sud ces femmes appartiennent-elles ? Elles sont évoquées ou ont répondu de la Gascogne à la Côte d'Azur ! Par ailleurs, dans mon « Avant-propos », j'annonce d'emblée (p.21) que le Sud (avec une majuscule dans le titre de ce livre) sera symbolisé par l'Occitanie, la Catalogne, la Provence ; à l'ouest, l'Aquitaine et à l'est, la Côte d'Azur..
3) La publication de « Féminité du Sud » est-elle le fruit d'un choix ou un hasard ? C'est d'abord un concours de circonstances et puis le choix, durant l'été 2019, de faire plaisir à un couple d'amis généreux et dynamiques qui avaient réuni un petit cénacle pour m'écouter, voilà pour le contexte, mais l'élément déclencheur, c'est la qualité de l'écoute, c'est l'échange et les rencontres, c'est l'expression d'une attente et le souvenir d'une bonne soirée méridionale dont voici, en partie, la restitution officielle : Extrait de l'article : Splendeurs de la culture de Pierre MAMIER, 06/08/2019, publié dans Hérault, Etang de Thau, Thau Agglo, Frontignan. France.
[ …] Et ce 82è Musc’art n’a pas fait exception car Angela a réussi
à s’attacher la participation de son excellente amie, Martine Biard,
venue de Lunel. Esprit fin de la littérature occitane, moult fois
distinguée par de hautes récompenses pour ses nombreux écrits, Martine
avait minutieusement préparé pour jeudi soir cette conférence
exceptionnelle sur « La féminité du sud » qu’elle présentait pour la
première fois. Sous le figuier, elle a alors tenu en haleine un public
fidèle à Musc’art élargi à une petite trentaine de personnes.
4) Diriez-vous que le Sud est devenu votre territoire d'écriture ? Le Sud tient une grande place dans ce que j'appelle mes obsessions majeures lesquelles, à l'ancrage très ancien dans mon histoire personnelle, demeurent inspirantes : « La plage de San Salvador immense, étincelante, presque toute à nous et le bruit nuit et jour des vagues de la Méditerranée, le vent dans les pinèdes, les statues blanches sous la lune du parc de Pablo Casals, l'odeur des figuiers, le mur blanc où je pouvais dessiner chez moi, les craies de couleurs pour écrire partout dans les rues quand le drapeau rouge et le drapeau noir flottaient conjointement sur l'université de Toulouse, le théâtre de Delphes tout en haut des gradins sous la bruine, le gui fleuri sur les chênes de décembre dans le brouillard, les corbeaux au-dessus des champs gelés, une matinée d'été à Topkapi, … , les cimetières pleins de flammes vacillantes sur la Côte Amalfitaine, une sapinière pleine de mystère au bord de la mer noire, la conscience d'un absolu accessible dès ici-bas la première fois que je me suis baignée dans le Pacifique, l'océan primordial. » (p. 194).
5) C'est la première fois que vous
commencez à retranscrire vos conférences - que l'on sait nombreuses et
sur des sujets très variés - : Non, pas vraiment, mais souvent des personnes qui m'avaient écoutée me demandaient à l'occasion de la dédicace si l'on pouvait retrouver ce que j'avais dit pendant la conférence, dans mes livres. Ce n'était pas le cas et cela me laissait dubitative, avec le regret de ne pouvoir satisfaire leur désir de mémoire, de partage ou la compréhension des distances évoquées et que tout le monde ne pouvait se déplacer. C'était conjoncturel mais cela me questionnait. Par ailleurs, un livre de conférences de Borges [https://www.babelio.com/livres/Borges-Conferences /1628 ] avait été, dans ma jeunesse, un grand moment de lecture : la révélation d'une voix multiple entre mes mains qui m'instruisait et me faisait rêver, d'une voix puissante qui avait - grâce à la retranscription et à la traduction – traversé jusqu'à moi, l'Atlantique !
6) Ces conférences, est-ce une expérience nouvelle, une autre façon d'écrire ? Beaucoup de mes conférences – comme d'ailleurs mes émissions radio – sont déjà rédigées. Les retranscrire, c'est l'opportunité de renouer avec le public qui me manque, de le faire resurgir alors que des mesures sanitaires restrictives mettent le monde de la Culture à l'arrêt, depuis 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. Cela redonne vie aussi à des notes, des pense-bête qui n'avaient pas pour vocation d'être des supports du discours mais qui permettent à la pensée de cheminer en sécurité avec des approfondissements (notes de bas de page, indications bibliographiques) dans un confinement studieux et résilient où je piste, je croise des informations. Je débusque comme la Diane chasseresse ou les chercheurs d'or !
D'ailleurs, le territoire culturel, avec une pratique régulière
ajoutée à l' expérience, donne une jouissance égale à la bonne
connaissance du terrain pour le marcheur ou le cavalier. Il y a des
moments où on gagne à s'arrêter, d'autres à prendre du champ, d'autres
à revenir en arrière ou à circonscrire ; et, quelquefois, il faut
aussi convenir qu'on ne peut pas aller plus loin.
7) Vous rééditez « Les Trobaïritz, femmes poètes du Sud au XXIème siècle », ce sont des entretiens menés avec des poétesses très différentes, illustrés de florilèges choisis dans l'œuvre de chacune de la douzaine de contemporaines parmi vos connaissances : Quel lien y a t-il entre les conférences et les entretiens ? Le goût des autres dans leur diversité, la passion du poème ou de sujets qui m'habitent, le devoir de transmettre le génie humain ou, à défaut, la connaissance. Il y a plus : l'idée, dans les deux cas, même dans la distance chronologique, de sortir de leur cercle d'influences ou même de l'oubli des poètes et cela procure la même joie que de sauver quelqu'un d'un péril. Ce qui est vrai pour les recherches historiques l'est aussi pour les entretiens ; même si la forme change, il s'agit toujours de négocier avec le vivant. Négocier comme une conduite à tenir, comme on négocie un tournant. Parce qu'attendre de voir émerger le ou les arcanes de la création poétique pour chacune, c'est comme traquer le mystère du cheminement de la panthère des neiges, on finirait par douter de son existence ou par confondre l'ombre et l'apparence. Et puis, au détours d'une information, d'un ressenti, on sent qu'on s'en approche, cela relève d'une exigence existentielle de consacrer un temps précieux de sa vie à chercher ça.
La poésie n'est pas le fruit d'un rêve unique mais d'une réalité qui
se laisse appréhender, enfin parfois approcher ; enfin, par foi !
8) La première de couverture de Féminité du Sud et les illustrations sont signées Gaëtan Biard, ce n'est pas la première fois, comment travaillez-vous ensemble depuis des années ? Je dois à mon mari, Gaëtan Biard, grâce à des toiles ou des photos, une bonne douzaine de couvertures. Je puise dans son œuvre picturales des oeuvres qui entrent en résonance avec les sujets que j'aborde. Je lui fais part de mes choix, de mes hésitations et nous discutons. J'écoute ses suggestions. Nous essayons, pour chaque publication concernée de préserver une harmonie, de rajouter de la cohérence. Je me laisse émerveiller ou surprendre. Si je ne le suis pas, le lecteur ne le sera pas non plus.
Le reste relève des ajustements qui rendent attentifs : parfois un
extrait plutôt que l'oeuvre intégrale, la mise en valeur de certaines
techniques utilisées, quelquefois la recherche d'un titre ou d'un
moyen d'identifier la toile ou le dessin; le respect des couleurs et
de la luminosité pour les reproductions. 9) Est-ce que « Féminité du Sud » peut intéresser un public masculin ?
Un public composé d'hommes et de femmes, généralement d'âge mûr,
assiste à mes conférences ; mon lectorat est mixte, plus divers,
représentatif de plusieurs générations de fidèles ou de curieux. Il
n'y a pas de sujet réservé, la culture est faite pour être partagée. 10) Un lectorat qui n'habite pas le bassin méditerranéen ou même l'ignore ? Oui, et c'est souhaitable. Le soir du Musc'art du 6 août 2019, il y avait dans l'auditoire (et malgré une chaleur accablante) des Anglais francophones en quête de dépaysement et de détente et qui sont repartis bien étonnés d'avoir appris beaucoup, et en vacances, sur tout un pan méconnu de leur propre histoire ! La vie est pleine de bonnes surprises, il faut rester joyeux, perméable à la nouveauté: on apprend vraiment tous les jours et à tout âge..
11) Vous avez dédié ce livre à Clémence Isaure qui n'est pas une poète ? Pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre choix ? Cette Clémence Isaure, c'est un rêve de petite fille à Toulouse, du temps où ma mère m'a montré pour la première fois l'Hôtel d'Assézat.
Ce lieu a eu sur moi l'effet d'un coup de foudre, j'ai su d'emblée que
j'y reviendrai le plus souvent possible, que nous étions liés
désormais et qu'il se passerait probablement là un jour quelque chose
d'important pour moi. Et bien plus tard, un évènement, significatif
pour les Trobaïritz et ce livre, nous a réuni, ce lieu emblématique et
moi, sous la statue (p.389) de la muse mythique, Clémence Isaure ! 12) « Féminité du Sud » correspond au tome 1 du cycle « Les Parcours singuliers » : la thématique que vous aborderez dans le 2ème tome de la série sera t-elle comparable ou tout à fait différente ? Ce sera tout autre ! Le 2ème tome du cycle "Les Parcours singuliers" s'intitule déjà : « Variations catalanes ». C'est un livre initiatique qui fera aussi la part belle à des conférences ou à des émissions radiophoniques. Il est en cours de rédaction depuis plusieurs années mais j'ai vraiment compris sa nécessité en 2017. La Catalogne est un territoire à part, complexe, qui m'habite et m'intrigue. Comme Lunel en Petite Camargue, il gagne à être apprivoisé et compris de l'intérieur.
Martine Biard. |
|||