| Le
Centre de l'Aquitaine.(3)
Le
centre et les frontières :
le
lieu d’un espace et l’espace d’un lieu.
Selon
la méthode de calcul employée, le Centre de l’Aquitaine oscille
dans un nuage de points entre le Sud-est de la Gironde (entre Escaudes
et Soubiran selon l’IGN, voir la Gazette d’août 2003), l’ouest
du Lot-et-Garonne (méthode des diagonales entre les points les plus
éloignés), le nord-est des Landes (méthode du parallélogramme
circonscrit) ou à la jonction de ces trois départements.
Mais
pour nous, œuvrant pour la recherche et la valorisation d’une
identité de l’Aquitaine, la localisation géographique n’est pas
fondamentale : nous parlons du Cœur de la Région.
Pour
nous, le Centre de l’Aquitaine, c’est le point symbolique de
convergence des énergies du Périgord comme de la Chalosse, du Pays
basque comme de l’Agenais, du Médoc comme du Béarn. C’est un
point de force vitale, dont nous parlons... un endroit au-delà du
temps et de l’espace, dépassant les clivages et les esprits de
clocher, où l’identification est possible, où l’on parle un seul
langage : celui de l’Aquitaine.
Afin
qu’il n’y ait pas d’appropriation partisane possible, les
Savoir-Faire d’Aquitaine, proposaient en avril 2003 que le Centre de
l’Aquitaine soit marqué à la jonction des trois départements de
la Gironde, des Landes et du Lot-et-Garonne.
Par
sa localisation sur une frontière, ce point précis est
symboliquement tout autant de ces trois départements que des deux
autres plus éloignés géographiquement (Dordogne et Pyrénées
Atlantiques).
Cette
notion de frontière m’a fasciné dès le début et je me suis posé
la question de l’espace (« chora »), de ses
frontières et donc de la définition du centre (« topos »).
De
la commune à la Région en passant par le Pays...
Ainsi,
le Centre de l’Aquitaine serait du côté des communes de Maillas,
Allons ou Escaudes, vers les cantons de Roquefort, Houeillès ou
Grignols, en direction des Pays des Landes de Gascogne, Val de
Garonne/Gascogne ou Haut Entre-deux-mers, entre les Communauté de
Communes de Captieux-Grignols et de Bouglon, à cheval entre les départements
de Gironde, Landes et Lot-et-Garonne.
Cette
accumulation de frontières qui rend difficile la localisation et le
« sentiment d’appartenance », n’est pas
exceptionnelle. L’ensemble de l’Aquitaine et même du territoire
national, est ainsi morcelé en espaces de tailles variables séparés
par des multitudes de frontières...
En
chaque lieu de France, on se situe au moins sur 6 espaces : Commune,
Intercommunalité (SIVOM, SIVU, Communauté de communes, District,
Communauté d’agglomération ou Communauté urbaine), Canton, Pays,
Département, Région.
Chacun
de ces territoires dispose de ses mécaniques décisionnelles, de sièges
sociaux et de recettes fiscales, d’acteurs élus ou recrutés pour
leurs connaissances des rouages financiers et politiques...
Comment
s’y retrouver et conserver (voire développer) une identité ? En
d’autres termes, lorsque l’on habite à Badefols, se sent-on plus
de la Communauté de communes de Cadouin, du Pays Grand Bergeracois,
de la Dordogne ou d’Aquitaine ?
Et
que dire de l’Etat et de l’Europe dans cette perspective ?
Le
seul découpage qui fasse apparaître officiellement une notion
d’identité est celui des Pays. Dernier-né des outils d’aménagement
du territoire, les Pays se mettent en place aujourd’hui, fondés sur
«des projets présentant une identité suffisante ne s'appuyant pas nécessairement
sur l'existence d'éléments patrimoniaux remarquables mais sur un
ensemble de savoir-faire et de traditions».
Les
Pays prennent en compte les territoires vécus des individus,
proposent de mettre en place des partenariats multiples pour établir
des projets cohérents et concertés, prenant en compte les diversités
de la société pour être plus réalistes.
Les
Pays ne sont pas présentés comme un échelon administratif supplémentaire
dans le cadre de la décentralisation (comme la Région), mais au
contraire comme un lieu de pouvoir local issu d'une réflexion géopolitique
sur les territoires de la République française qui donne naissance
à une nouvelle carte des territoires, souvent à cheval sur les
divisions administratives antérieures (départements, régions,
communautés de communes).
«La
Région donne priorité aux actions et opérations de valorisation du
patrimoine, renforçant l'identité d'un territoire et le sentiment
d'appartenance de la population à celui-ci.
La
politique de développement rural de la Région Aquitaine vise à
accompagner la démarche de Pays, à contractualiser un
programme global de développement ( le Projet Collectif de Développement
) à l'échelle d'un territoire, selon des axes privilégiés
d'intervention ...(dont) l'affirmation de l'identité du territoire»
(http://rural.aquitaine.fr/politique4.php3)
Mais
comment se sont développés ces multiples territoires ?
Histoire
des découpages territoriaux français.
Au
Moyen Âge en France, l'organisation administrative est surtout le
fait du clergé. Dans l'organisation du catholicisme à cette époque,
il existe, comme au niveau de l'état français actuel, un quadrillage
géographique et sociologique : le diocèse correspond au département,
la zone à l'arrondissement, le doyenné au canton, la paroisse à la
commune. Les terres de ces paroisses et doyennés sont découpées en
nombreuses seigneuries ou châtellenies.
Critiquant
ouvertement la centralisation abusive mise en place par Louis XIV, Malesherbes
écrit au Roi en 1776 : « Il restait à chaque communauté de
citoyens le droit d'administrer ses propres affaires, droit qui
remonte plus haut que la constitution primitive du royaume, car c'est
le droit naturel, le droit de la raison. Cependant il a été enlevé
à vos sujets ».
A
la Révolution, le décret du 4 août 1789 dans son article X déclare
« que tous les privilèges particuliers des provinces,
principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants,
soit pécuniaires, soit de tout autre nature, sont abolis sans retour
et demeureront confondus dans le droit commun de tous les français ».
A
la place vont être installées de nouvelles institutions uniformes et
communes à toutes les localités : 44.000 communes et 83 départements
(36.860 et 106 aujourd’hui).
C'est
la carte du découpage paroissial qui est alors la matrice des
communes lorsque celles-ci sont mises en place : avant la laïcisation
de l'état-civil, dans les derniers mois de 1792, les registres dudit
état-civil sont des registres paroissiaux.
L'ancien
édifice administratif mis à bas par la Révolution, il faudra une
dizaine d'années avant qu'une nouvelle organisation ne se stabilise
sous le Consulat.
C'est
donc en 1800 / 1801 que se sont mis en place la carte des cantons et
le cadre administratif encore en vigueur, même si création ou fusion
de communes ont continué jusqu'à nos jours. L’organisation des
Syndicats de communes, elle, date de 1890.
Les
termes de « collectivités locales » et « collectivités
territoriales » apparaissent en 1946, mais c’est dans les années
60 que se met en place peu à peu le transfert du pouvoir de l’Etat
vers celles-ci : extension des compétences des conseils municipaux et
des maires, mesures tendant à favoriser la coopération
intercommunale, création des Communautés urbaines...
Le
tracé des 22 régions est établi et en 1964 sont créés les Préfets
de Région, tandis que le général de Gaulle propose un important
projet de décentralisation qui prévoit d'inscrire la Région dans la
constitution : « ce qui est en cause, c'est la considération de
l'homme. »
Il
s'agit donc, partout où des hommes sont, qu'ils aient des rapports
plus humains, plus dignes, par là plus efficaces. Il s'agit que
chacun, là où il fournit son effort, ne soit pas un instrument
passif, mais participe activement à son propre destin. (Allocution du
11 mars 1969).
Le
mouvement s’amplifie avec la vaste consultation des maires de France
à l’été 1977 où les questions essentielles sont posées :
comment et jusqu'où alléger la tutelle de l'Etat ? Faut-il revoir le
partage des compétences entre la commune et l'Etat ? A partir de
quels principes réaménager les finances communales ? Comment
organiser l'avenir de la coopération intercommunale ? Les résultats
de cette consultation débouchent sur les lois Bonnet en 1978.
En
1981 F. Mitterrand déclare que « la France a eu besoin d'un
pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd'hui besoin
d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. » Cette
phrase est révélatrice de la volonté de la nouvelle majorité de
mettre fin, comme les précédentes depuis 1970, à la tradition
centralisatrice de la France. Le projet de loi relatif aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions est déposé
en 1981, suivi
d’un train de lois qui supprime la tutelle des préfets, institue le
contrôle de légalité des actes des collectivités locales, donne à
la Région un statut de collectivité locale de plein exercice et procède
à d'importants transferts de compétences.
Depuis
le début des années 1990, un corpus de lois et de décisions
politiques oriente le débat démocratique français vers une démarche
plus participative dans le domaine de l'aménagement du territoire et
du développement local avec la systématisation des Conseils de
développement et l'installation du projet de Pays (ou d'agglomération)
au coeur du dispositif. Naissance de la Communauté de communes et la
Communauté de villes (évoluant plus tard en Communauté d’agglomération).
Un
seuil qualitatif semble être atteint, à coté de l’intercommunalité
de services prend place une intercommunalité de projets.
Exactement
34 ans après les voeux du général de Gaulle, la révision
constitutionnelle du 28 mars 2003 fait entrer la Région dans la
constitution à égalité avec les autres collectivités territoriales
dont elle garantit désormais l'autonomie financière.
Mais
sur le terrain de nombreuses observations traduisent la difficulté
d'instaurer un équilibre, notamment en ce qui concerne la façon
d'articuler développement économique impératif et développement
durable, qui soulignent encore le poids de l'héritage jacobin
centralisateur de la République française.
Suite
au prochain courrier.
Olivier
Demangeat
Architecte
Directeur
d’Eugène
!
Les
"Savoir
faire d'Aquitaine".
37
rue du Général de LARMINAT 33000
BORDEAUX
Tel:
05 56 93 58 66 Fax 05 57 81 71 76
Mel:
contact@savoir-faire-aquitaine.com
Site:
www.savoir-faire-aquitaine.com
|
