Chapitre 2 Posséder la terre; ses fondements, son acquisition, son exploitation, sa valeur. |
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Les fondements légaux de la propriété. | 58 | ||
L'aquisition de la propriété: | 80 | ||
Acquisitions par échange | 82 | ||
Acquisitions par achat | 83 | ||
Acquisitions par succession | 91 | ||
La gestion de la propriété: | 104 | ||
Le faire valoir direct | 104 | ||
Le métayage | 109 | ||
Le fermage | 112 | ||
La valeur de la terre | 115 |
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POSSEDER
LA TERRE.
LA PROPRIETE FONCIERE.
SES FONDEMENTS - SON ACQUISITION - SON EXPLOITATION - SA
VALEUR.
A
la fin de l'Ancien Régime, la propriéte foncière constituait véritablement le
coeur de toute l'activité économique Budossaise. Ce n'était évidemment pas une
situation nouvelle, car elle était déjà solidement établie dans ce rôle depuis
la nuit des temps.
Dans
l'inventaire des Foyers fiscaux soumis au Rôle de la Taille tel qu'il fut établi
par un beau Dimanche, le 3 Août 1783, devant la porte de l'Eglise, à la sortie
de la Messe paroissiale, on dénombre:
85 | -Propriétaires fonciers ( laboureurs ou vignerons). |
6 | -Artisans. |
11 | -Foyers dont on a omis de préciser l'activité. |
37 | -" Pauvres " : manoeuvres, journaliers, métayers, etc...en tous cas tous dépourvus de biens fonciers. |
Il apparaît donc que 61 % au moins des 139 Foyers fiscaux soumis à la Taille étaient des laboureurs ou des vignerons tirant leurs revenus de leur propriété foncière. En fait ce chiffre est certainement inférieur à la réalité, et ceci pour au moins deux raisons.
Tout d'abord parce qu'il ne tient aucun compte des propriétés qui, par privilège, échappaient à la perception de la Taille : les biens du Seigneur, certes, mais aussi ceux des nobles et bourgeois dont le domicile était établi en dehors des limites de la Paroisse ( à BORDEAUX par exemple ), et ils étaient assez nombreux.
Dans le Chapitre consacré à la Fiscalité, nous aurons l'occasion de prendre la mesure de ces importants exceptions. En outre, et c'est la seconde raison, parmi les 11 Foyers pour lesquels les enquêteurs ont omis, par simple oubli, d'indiquer une quelconque activité, il semble bien qu'une bonne part ait pu être constituée de propriétaires fonciers sans que l'on puisse toutefois définir son importance.
En
définitive, et sans grand risque d'erreur, on peut tenir pour à peu près certain
que près de 70 % des emplois des Chefs de famille Budossais relevaient de la
propriété foncière à vocation
agricole.
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Au surplus, n'oublions pas
que les presque 27 % des " Pauvres " recensés tiraient le plus clair de leur
subsistance du travail offert par la propriété des autres.
C'est donc dire l'importance que peut revêtir l'étude du statut de cette propriété si l'on veut bien comprendre les ressorts fondamentaux de la vie économique de la Paroisse.
Il
ne saurait être question d'exposer ici dans ses détails la complexité du régime
de la propriété foncière dans le Droit Féodal. Un volume entier n'y suffirait
pas. Les quelques explications qui vont suivre constituent donc seulement le
rappel aussi schématique qu'incomplet de quelques notions tout à fait
élémentaires.
Pour
bien comprendre le fondement de ce droit, il faut remonter, en quelques mots,
jusqu'au Moyen Age.
A
l'origine, et sous réserve de quelques rares exceptions (que l'on appelle des "
alleux "), toute la terre appartient au Roi qui la distribue à quelques grands
Seigneurs ( Ducs et Pairs du Royaume, Comtes, etc... ) qui deviennent ses "
vassaux". On consacre expressement cette situation au cours d'une cérémonie
solennelle dans laquelle le Vassal " rend hommage " à son Suzerain. Il se crée
ainsi un lien personnel, d'homme à homme, entre les deux parties, par lequel
l'un reconnait " tenir " telle ou telle Province de l'autre à titre de " fief ".
A
leur tour, ces grands Seigneurs partagent les territoires qu'ils ont ainsi reçus
en subdivisions de moindre importance qu'ils confèrent à des nobles dont ils
vont se faire une sorte de clientèle dévouée en instaurant une nouvelle chaîne
de liens personnels. Il se constitue ainsi, du Roi jusqu'au Seigneur local toute
une hiérarchie successive de Suzerains et de Vassaux, ceux-ci " rendant hommage
" à ceux-là pour les terres qu'ils en ont reçues et déclarant solennellement les
" tenir à fief" autrement dit, les avoir reçues à titre de " fief ".
On
en vient ainsi jusqu'au Baron qui reçoit la Seigneurie de BUDOS, avec droit de
propriété plein et entier sur toute sa terre, droit de Justice, etc... A lui
désormais d'en vivre, mais aussi de la défendre contre toute incursion, et de se
tenir prêt à mettre sa personne et ses armes à la disposition de son Suzerain
lorsque celui-ci le lui demandera. En bref, nous retiendrons de tout ceci que le
Seigneur Baron de BUDOS est, au Moyen Age, le propriétaire pur et simple de
toute la Paroisse et qu'il peut en disposer librement sous la seule réserve de "
rendre hommage" à son Suzerain et de se conduire en fidèle Vassal.
A BUDOS, les choses sont exceptionnellement simples car les limites de la Seigneurie coincident très exactement avec celles de la Paroisse. Il n'en allait pas de même partout, il s'en faut de beaucoup ! Ceci pouvait aboutir parfois à des situations extrêmement complexes dont l'histoire de BUDOS a pu heureusement faire l'économie.
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Tout
au début, dans un très lointain passé, le Seigneur faisait exploiter la totalité
de cet immense domaine par ses serfs, lesquels n'étaient autres que les premiers
Budossais, attachés à la terre dont ils étaient indissociables. Mais le servage
était assez mal vu par l'Eglise et, par ailleurs, de nouvelles conditions
économiques se faisaient jour. De nouvelles formes d'exploitation du sol s'en
sont suivies et c'est comme cela que. en abrégeant beaucoup, on est enfin
parvenu au système de la " tenure ".
Le Baron va, par exemple, concéder un ou deux hectares de terrain à un serf affranchi et lui permettre d'y construire sa maison, moyennant le paiement d'un certain nombre de taxes, et la fourniture de quelques services.
Par
un acte solennel, l'affranchi. reconnaitra " tenir " cette terre de son Seigneur
et deviendra ainsi " tenancier ". Après quoi, dans les limites de cette "tenure
" il cultivera le sol comme il l'entendra et devra en tirer sa subsistance et
celle de sa famille. S'il s'acquitte régulièrement des taxes et fournit
correctement les services convenus, personne ne pourra plus venir l'importuner,
pas même son Seigneur qui ne pourra plus intervenir sur son fonds que dans des
cas limités et très précisément déterminés.
Franchissons
maintenant quelques siècles et venons en tout droit en cette fin du XVIIIème
siècle, objet de notre étude.
Que
subsiste-t-il à BUDOS de ce droit féodal, et quel y est le régime de la
propriété foncière ?
Disons
tout d'abord qu'il y a bien longtemps que l'on a oublié jusqu'au souvenir du
servage. Depuis bientôt quatre siècles, les Budossais sont parfaitement libres
de leur personne et peuvent aller s'installer où bon leur semble, à BUDOS, ou
n'importe où ailleurs de par le vaste monde.
Quant à la terre, le Seigneur a progressivement distribué, au fil du temps, la majeure partie du territoire de la Paroisse à des Tenanciers. Il n'a conservé pour lui que quelques métairies et quelques terres qu'il s'est réservées et qu'il fait valoir, par Régisseur interposé, mais en y veillant de près, en exploitation directe.
Dans
le langage du temps, ces biens, pour ces raisons, s'appellent la " réserve " du
Seigneur, ou encore: " la directe ". Les deux mots, sous la plume des Notaires
sont tenus pour équivalents et utilisés l'un pour l'autre.
Le Baron a ainsi conservé à son usage tous les terrains entourant son Château, la métairie de BOUYON (aujourd'hui disparue ), toute la pente du côteau, plantée en vigne, depuis les lieux dits du CASTERA et de LA TERCE, jusqu'à l'OUSTAOU NEOU ( la ferme de MARGARIDE exclue ) , les Moulins ( celui de FONBANNE et celui du BATAN ) , la métairie de NOËL, celle de LA SALETTE, celle de LANTRES. celle de MOULAS, et quelques maisons isolées, ici et là, pour loger son personnel, à MOUYET, à FONBANNE, au BOURG, etc.. Enfin des prairies tout au long du CIRON, de LA MADELEINE au Pont dAULAN, et quelques pièces de chènevières et de pins nécessaires à son exploitation.
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Les vignes du CASTERA et de l'OUSTAOU NEOU étaient cultivées par des valets à gages, logés, employés à l'année, renforcés, au moment des pointes des travaux par des journaliers rétribués, comme leur nom l'indique, à la journée plutôt qu'à la tâche. De même les prairies du CIRON semblent-elles avoir fait l'objet d'une exploitation directe. Elles fournissaient les fourrages nécessaires aux écuries et aux étables du Château, fourrages très recherchés parce que rares; BUDOS a toujours manqué de fourrages et nous verrons combien, de ce fait, le prix des prairies pouvait être élevé.
Les terres autour du Château connaissaient le même régime, en particulier le Jardin, très important, situé au Nord-Est, à partir du bord du fossé. Il fut longtemps confié à un jardinier qui portait le nom prédestiné de MELON, qui eut pour successeur, à la fin du siècle, un certain MAS venu de la région de TOULOUSE. Les autres terres de la " réserve " étaient réparties en métairies ( LANTRES, LA SALETTE, BOUILLON... ) à l'exclusion de tout fermage.
Seuls, les Moulins étaient affermés parce qu'ils étaient considérés comme des établissements industriels et que le partage de leurs revenus se prêtait mal au métayage. D'une façon générale ( avec quelques exceptions ), les Seigneurs résidants avaient recours à la formule du métayage pour la partie de leurs terres relevant de la réserve qu'ils confiaient à des tiers.
Les Seigneurs non résidants préféraient le fermage qui les dispensaient des problèmes de surveillance lors des partages de récolte. Le Baron de BUDOS, habitant son Château tout au long de la belle saison et ne se repliant sur son domicile Bordelais qu'en hiver était toujours présent au moment des récoltes. Il avait donc opté pour le système du métayage.
Un tel choix n'était pas innocent. Il déterminait pour une bonne part le type de relations sociales qui s'établissait entre le Seigneur et ses paysans. Si les deux systèmes du métayage et du fermage ont en commun le propos de faire valoir la terre, ils n'en sont pas moins très différents quant à leurs modalités et à leurs conséquences.
Le métayage partage le produit des récoltes sur une base convenue d'avance entre le propriétaire et le métayer, souvent par moitié, mais ce n'est pas une règle universelle. Il existe parfois d'autres conventions. La part du propriétaire peut être réduite à un tiers ( comme à LA TERCE) ou même à un quart ( comme à CARTE ) .
Mais quelle que soit la proportion définie, lorsque la récolte est bonne, elle l'est pour tous, et lorsqu'elle est mauvaise, elle l'est autant pour l'un que pour l'autre.
L'abondance et la disette se partagent et cela crée i immanquablement un lien d'intérêt et de solidarité entre les deux parties, une sorte de connivence passant par dessus les barrières sociales.
Dans le fermage, le propriétaire bailleur fixe son prix annuel que le fermier devra acquitter quel que soit le niveau de la récolte. Si elle est abondante, le bailleur n'en tirera rien de plus que le prix convenu, mais si la disette survient, le fermier sera souvent acculé à une situation désastreuse puisqu'il lui faudra, en priorité et coûte que coûte, payer le montant de son fermage avant de tenter de survivre avec ce qui pourra lui rester.
Dans cette formule, il y a donc une déconnexion totale entre le propriétaire et la réalité quotidienne de la vie rurale. Survienne une gelée printanière tardive ou une grêle d'été, et nous voyons le Baron de LAROQUE accourir aussitôt et parcourir ses terres de BUDOS, en compagnie de ses Paysans pour juger des conséquences.
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Le
Marquis
de PONS, Seigneur de VILLANDRAUT, en même circonstance, ne quittera ni PARIS, ni
VERSAILLES, car il a quant à lui, opté, dans la plupart des cas pour la formule
du fermage. Il en résulte des attitudes et des comportements sociaux assez
contrastés d'une Seigneurie à l'autre, et le fait méritait d'être
signalé.
En
dehors de la Réserve du Seigneur, tout le restant du territoire de la Paroisse
autant dire la très grande majorité des surfaces disponibles avait été concédé,
au fil du temps, selon deux modalités distinctes :
-sous
forme collective, à l'ensemble des habitants de la Paroisse, toute la Lande de
MEDOUC à COURNAOU et jusqu'à LANTRES exclu;
-sous
forme individuelle, à une centaine de Tenanciers différents, le solde du
territoire.
Nous
réserverons pour le moment le cas de la Lande commune dite " vacante " pour un
examen ultérieur car il obéit à des règles très particulières. Pour l'instant,
nous allons étudier de plus près les droits et les devoirs d'un Tenancier
Budossais sur sa tenure.
Incontestablement, la terre appartient toujours au Seigneur; mais comme il y a quelquefois plusieurs siècles qu'il l'a concédée à une même famille exploitante, cette notion de propriété seigneuriale a fini par s'estomper sérieusement.
Au
XVIIIème siècle, le Tenancier peut louer, échanger, vendre, ou même donner sa
tenure à qui bon lui semble, tout comme. il pourrait le faire d'une propriété
pleine et entière. Et pourtant, en droit, cette terre reste le bien du Seigneur.
Ce droit reparaît en surface dans quelques cas bien définis que nous
découvrirons tout à l'heure.
Il
nous faut maintenant entrer un peu plus avant dans le détail de ce dispositif
juridique en essayant de simplifier au maximum une matière particulièrement
complexe. Il faut bien dire qu'elle nous est devenue complètement étrangère
alors qu'elle paraissait parfaitement évidente à nos ancêtres ( pourtant bien
souvent illettrés ) qui la pratiquait au quotidien sans aucune difficulté
apparente.
Quand le Seigneur, à l'origine, concédait une terre à un tenancier, nous avons vu que celui-ci devait solennellement reconnaître qu'il " tenait " cette terre du Seigneur. Pour cela, il lui rendait hommage et lui. versait une " exporle ".
L'exporle est une redevance soit en nature , soit en argent, qui concrétise le lien féodal personnel entre le Seigneur et le Tenancier. Aussi fallait-il recommencer la cérémonie et reverser ce droit d'exporle à chaque changement de Seigneur ( pour cause de succession par exemple ) ou à chaque changement de Tenancier ( pour cause de vente de la tenure à un tiers par exemple ou, également pour cause de succession ) , de façon à ce que le lien, réaffirmé à chaque changement de partenaire reste véritablement un lien personnel.
L'exporle a donc une haute valeur symbolique, mais son montant qui, dans la quasi totalité des cas n'avait jamais été révisé depuis l'origine, est devenu, au fil du temps, parfaitement dérisoire. Pour une métairie d'honnête importance, il est généralement de quelques deniers, autrement dit de quelques dizaines de centimes de notre monnaie actuelle. On en était venu, même, peu à peu, à ne plus le percevoir et, au XVIIIème siècle beaucoup étaient en passe de perdre de vue sa signification première.
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Le
" Cens " est un peu mieux perçu, mais à peine, du moins à BUDOS, car les
situations peuvent varier d'un lieu à un autre.
Le Cens est une rente annuelle que le Tenancier verse au Seigneur, une sorte d'impôt qui, en GUYENNE, était généralement très modeste alors qu'en d'autres Provinces du Royaume, il était nettement plus élevé. Ces distorsions dans le niveau des perceptions alimente depuis longtemps de nombreuses polémiques entre historiens qui ne peuvent s'accorder sur le poids exact de la fiscalité seigneuriale. En fait, il semble bien que ce poids variait effectivement beaucoup d'une Province à l'autre.
Dans bien des cas, comme en GUYENNE, le montant des perceptions n'avait pas été révisé depuis plusieurs générations, ce qui, avec l'érosion monétaire, l'avait souvent réduit à bien peu de chose. A BUDOS, c'était bien le cas, à tel point que, souvent, il arrivait qu'il ne fût plus perçu. On rencontre même des contrats de vente dans lesquels le vendeur est absolument incapable d'indiquer à l'acheteur de quel Cens sont grevés les biens qu'il lui vend.
Ainsi,
mais ce n'est qu'un exemple entre beaucoup d'autres, Raymond DUPRAT vend-il à
Arnaud DELOUBES, le 25 Février 1771, une petite maison et un bout de terrain
attenant au quartier de LA PEYROUSE, en précisant qu'il lui transfère
l'obligation de:
" la rente dont ladite (maison) et lopin de padouen se trouvera chargée envers Monsieur le Baron de BUDOS, de qui elle relève "
Mais après en avoir discuté, les deux parties sont incapables d'en
définir le montant:
" la quotité de laquelle rente les parties n'ont su expliquer..."
C'est bien la preuve qu'elle ne devait pas être payée depuis pas mal
d'années.
En fait, le Seigneur disposait de trente ans pour réclamer son dû, et l'on rencontre des cas dans lesquels, au bout de 29 ans de passivité totale, ce Seigneur se manifeste soudain et réclame la totalité de son dû. C'est son droit le plus strict, mais cela ne va pas sans poser parfois de sérieux problèmes aux Tenanciers tombés dans ce piège. Certes, le Cens annuel est faible, de l'ordre de quelques dizaines de sols, mais la revendication de trente annuités d'un seul coup représente tout de même une somme non négligeable.
On
rencontre un tel cas de figure, par exemple, au décès d'un vieux Seigneur
débonnaire ayant plus ou moins laissé courir ses affaires et auquel succède un
fils pressé par quelques besoins d'argent. Un seul exemple d'un tel avatar a été
retrouvé dans l'histoire de BUDOS, mais il est d'importance. Il concerne le
paiement du Cens de la Lande commune que les Budossais avaient durablement
négligé de payer. Il s'ensuivit un long procès que nous découvrirons un peu plus
loin.
Ceux des historiens locaux qui admettent la modicité des droits seigneuriaux en GUYENNE l'expliquent, comme nous venons de le faire, par le phénomène de l'érosion monétaire.
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C'est
à peu près établi. Mais on peut aller plus loin et dire que, de toutes manières,
avec ou sans érosion, le montant du Cens était traditionnellement faible, en
tous cas à BUDOS. Nous en tenons un preuve solide avec un acte du 12 Avril 1777
instituant une tenure nouvelle sur décision du Baron de LAROQUE au bénéfice de
Monsieur de LA FEUILLADE.
De tels actes sont assez rares car la Réserve du Seigneur n'est plus, nous l'avons vu, tellement étendue et qu'il n'a donc plus grand chose à concéder à des tiers. Du moins détenons nous cet acte là, et il est instructif. Il concerne le " bail à fief " autrement dit la constitution d'une tenure nouvelle, de diverses pièces de terre, vignes et bois autour de la métairie de MOULAS, entre les ruisseaux du CLEDON et de FONT DE BAQUEY, pour une superficie d'environ 13 hectares et demi.
Il
est prévu que le Cens sera de 5 deniers et demi par journal. ce qui, après
conversion, représente environ un sol et cinq deniers par hectare, soit donc pas
tout à fait une Livre d'argent annuelle pour l'ensemble de la propriété. Ce
montant est absolument dérisoire et d'autant plus significatif qu'il s'agit,
soulignons le avec insistance, d'un contrat absolument nouveau pour lequel le
niveau du Cens annuel pouvait être librement débattu entre le Baron et son
nouveau Tenancier.
Un
taux aussi bas pourrait même, à la limite, nous conduire à nous demander s'il ne
s'agirait pas là d'une convention déguisée permettant habilement, par une
concession de terre, d'éteindre une dette entre les mains d'un créancier. La
situation financière du Baron qui n'était pas spécialement brillante pourrait
éventuellement le suggérer. Mais rien, absolument rien dans l'acte ne permet
d'étayer une telle hypothèse. Nous ne pouvons donc qu'enregistrer, comme le
Notaire, le niveau dérisoire du Cens exigé.
Plus sérieux sont les " Lods et Ventes ". Il s'agit de droits de mutation que l'acquéreur doit verser au Seigneur chaque fois que l'on vend une propriété foncière. Les transmissions de propriété à titre de dot, en ligne directe en sont exonérées, mais toutes les autres transactions à titre onéreux y sont soumises. Ces droits sont fixés " au huitain denier " de la valeur du bien soumis à la vente soit, après conversion, une taxe de 12,5 % sur le capital.
Elle est donc bien loin d'être négligeable. Toutefois, ici encore, il existe des accommodements. Depuis le XVIIème siècle, les Seigneurs accordaient souvent des " relâchements ", entendons par là des réductions, parfois importantes, de l'ordre d'un tiers ou même de moitié. Si bien que la taxe tombait à 8,33 ou même 6,25 % du prix de vente. Même dans ces conditions réduites, le Seigneur, si nous procédons aux conversions nécessaires, percevait environ à ce titre de 70 à 95 Livres sur la vente d'un hectare de vigne et de 9 à 12 Livres sur celle d'un hectare de lande.
Non seulement cette taxe là n'était pas simplement symbolique mais de surcroît, elle était fidèlement payée car il s'y attachait un intérêt majeur pour l'acheteur. En effet, comme nous allons le voir très bientôt, la perception de cette taxe marquait la renonciation définitive du Seigneur à l'exercice de son " Droit de Prélation ", et rendait ainsi la vente définitive à son égard. Mais le Seigneur avait, lui aussi, intérêt à en surveiller la perception. Intérêt financier, bien sûr, car le produit des Lods et Vente pouvait, à BUDOS, atteindre quelques milliers de Livres annuelles, mais intérêt de gestion aussi.
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En effet, depuis que la pratique de l'exporle était plus ou moins tombée en désuétude, la perception des Lods et Ventes était devenue pour lui le seul moyen de savoir en quelles mains passaient ses tenures. C'était très important pour l'avenir de ses revenus. Un Seigneur ne redoutait rien tant que de voir passer ses concessions de terres entre les mains de ceux que l'on appelait les " gens de main morte ", autrement dit les collectivités telles que couvents, confréries, h8pitaux, etc..
Une
tenure entrée dans le patrimoine d'une personne morale n'en sort plus; comme il
n'y aura donc plus, dans l'avenir aucune chance de mutation sur ce bien, c'est,
par le fait même renoncer définitivement à toute occasion ultérieure de
percevoir de futurs Lods et Ventes. Le Seigneur est donc très attentif afin
d'éviter ce genre de mésaventure dont la répétition pourrait sensiblement
réduire une source de revenus tout à fait appréciable.
D'autres
charges pèsent encore sur le tenancier, mais elles sont assez modiques.
Citons le droit de " Fouage " qui, à l'origine, portait sur chaque " feu " de la Seigneurie. Chaque foyer indépendant était ainsi imposable, même dans le cas où deux familles vivaient dans une même maison. Par contre, si elles vivaient " à pot et feu communs ", un seul droit était exigible.
Ce
droit, peu important était acquitté soit en argent soit en grains. Il semble
avoir été assez bien accepté par les Budossais qui le confondaient plus ou moins
avec la rente qu'ils versaient en contre partie de la mise à leur disposition,
par le Seigneur, de la Lande vacante dont ils avaient le plus grand
besoin.
Citons encore la Corvée seigneuriale qu'il ne faut absolument pas confondre avec la Corvée Royale, laquelle donna lieu à bien des contestations que nous évoquerons dans le Chapitre consacré à la Fiscalité. La Corvée seigneuriale n'était plus, en cette fin du XVIIIème siècle qu'un très lointain souvenir des services personnels imposés par le servage médiéval.
Les
Budossais n'étaient plus depuis bien longtemps " corvéables à merci " , autant
dire sans limite, au bon gré du Seigneur. Leurs obligations se limitaient
désormais à quelques journées annuelles de charroi, de labour ou de manoeuvre
que le Seigneur utilisait par exemple pour faire transporter son bois au Château
ou son vin à BORDEAUX ainsi qu'en témoigne une curieuse anecdote.
Laurent CAPDEVILLE, dit CATARE, allait marier sa fille Catherine; le contrat devait être passé à BUDOS le 8 Mars 1788 devant Me DUFAU, Notaire à PREIGNAC. Mais voilà que le Seigneur inclût CAPDEVILLE dans un convoi de charrettes devant porter son vin à BORDEAUX, et cela juste à la veille du contrat !
Voilà
donc une affaire bien mal engagée. Mais les choses vont s'arranger; Me DUFAU
rencontre le convoi à PUJOLS, au Carrefour de la SALLE, et c'est là, en bord de
route, qu'il dresse un acte pour recueillir le consentement de CAPDEVILLE au
mariage de sa fille ainsi que sa constitution de dot. Cet acte est ainsi
passé:
"sur
la Paroisse de PUJOLS, près de la maison du dénommé LACOSTE, dit CADET de la
SALLE, où nous (le Notaire) avons rencontré (Laurent CAPDEVILLE)
vigneron
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On
n'eût pas à chercher très loin pour trouver les témoins nécessaires, ce furent
Louis CAUBIT et François PARAGE, tous deux laboureurs à BUDOS et qui faisaient
parti du même convoi. Le lendemain 8 Mars, le contrat était passé à BUDOS chez
les CAPDEVILLE, en l'absence du Père, mais avec son consentement en bonne et due
forme.
En
y regardant de plus près, cette anecdote poserait bien des questions.
N'aurait-on réellement pas pu trouver un remplaçant à CAPDEVILLE en cette
occasion? Le convoi était-il vraiment à destination de BORDEAUX ?..Le vin, à
coup sûr, mais le charroi ? Pourquoi aurait-il pris ce chemin des écoliers alors
que l'itinéraire usuel s'établissait par LANDIRAS ? A la rigueur par ILLATS,
mais sûrement pas par PUJOLS; n'aurait-il pas été plutôt en route pour le Port
de BARSAC pour y embarquer le vin à destination de BORDEAUX, selon l'usage le
plus général ? Mais en ce cas, CAPDEVILLE eût été de retour chez lui le soir
même et l'acte du Notaire en bord de route devenait sans objet ... Il y a, dans
cette modeste affaire quelque chose qui nous échappe ou que l'on n'a pas voulu
nous dire...
Quoi qu'il en soit, on ne peut pas dire que les prestations de la Corvée seigneuriale aient été écrasantes. Pour une tenure moyenne, elle pouvait à peu près représenter, à BUDOS, l'équivalent d'une semaine annuelle de travail pour un homme, et encore... disons une petite semaine. Cette contrainte était néanmoins fort mal perçue, et de nombreux Cahiers de Doléances s'en feront l'écho un peu partout en Mars 1789.
On comprendra aisément si toutefois il n'y a pas d'autre anguille sous roche... que Laurent CAPDEVILLE ait mal vécu son absence le jour du contrat de mariage de sa fille.... Et pourtant, les Budossais aimaient bien les charrois qui leur permettaient de sortir un peu de chez eux ( mais ni trop longtemps ni trop loin si possible... ) et de voir un peu de pays. Le phénomène était assez général. Les Intendants se plaignirent assez souvent de voir les paysans perdre leur temps en charrois divers plutôt que de cultiver leur terre.
C'était un peu vrai, on " charroyait" beaucoup en direction des foires et des marchés et c'était souvent un prétexte à rompre la monotonie de la vie quotidienne. Alors pourquoi une telle hostilité à cette corvée ? Outre l'aspect un peu vexatoire de ces prestations, on peut se demander si ce n'est pas parce que les demandes du Seigneur se manifestaient souvent dans des moments de pointe pendant lesquels les corvéables, soumis aux mêmes contraintes, auraient eu besoin de tous leurs moyens pour faire face à leurs propres travaux.
Ce
qui permet de le penser, c'est que certains paysans, par négociations avec leur
Seigneur. avaient réussi à codifier ces charrois et prestations. C'était le cas
par exemple à SAINT LEGER de BALSON ou un accord avait été passé, il y avait
déjà pas mal de temps entre la Dame de VICOSE, Seigneuresse, et ses Manants.
Rien de tel n'apparaît, en tous cas, à BUDOS.
Enfin, dernière charge, également issue de l'ancien service personnel que les Serfs devaient à leur Seigneur, le service du " Guet ". C'était une réminiscence d'une forme de service militaire assurant un concours des paysans à leur propre défense par la garde et la défense du Château en temps de guerre.
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Le
Château
de BUDOS n'ayant plus été attaqué depuis les désordres de la FRONDE au milieu du
XVIIème siècle, ce service s'était tout d'abord transformé en une très modeste
redevance en argent ou en grains, puis, étant perçue " par feu ", elle avait fini par se
confondre avec le Fouage et par s'oublier. Nous verrons comment un Baron avait
tenté de la réactualiser, et comment réagirent les Budossais.
Ce rapide survol des droits et obligations seigneuriaux est bien incomplet, en tous cas très simplifié. En particulier, nous n'avons rien dit de " l'Agrière " qui, dans certains cas se substituait au Cens. Elle constituait une formule relativement proche du métayage, tout au moins dans son apparence, encore qu'elle en fût différente dans son application.
Il
semble bien qu'elle ait été peu pratiquée par les Seigneurs de BUDOS, car aucun
des contrats dépouillés au cours de l'étude n'y fait référence. Aussi ne l'avons
nous pas reprise afin de ne pas compliquer une matière déjà bien complexe.
Avant
de quitter ce domaine, il ne sera peut-être pas inutile d'illustrer d'un exemple
concret la pratique du " bail à fief " ou de la " tenure ", c'est tout un. Nous
reprendrons pour cela le texte de ce qui parait bien être la dernière concession
consentie par le Seigneur de BUDOS, le 12 Avril 1777. Nous l'avons déjà évoquée
en passant, mais elle mérite d'être reprise de façon plus détaillée car nous
allons y retrouver, sous une forme concrète, la plupart des droits, engagements
et obligations réciproques qui régissaient la constitution d'une tenure féodale
à la fin du XVIIIème siècle.
"Pardevant le Notaire Royal ... en GUYENNE soussigné, ..fut présent
Monsieur de LA FEUILLADE, Ecuyer, habitant de SAINT SYIMPHORIEN . . . lequel a
volontairement reconnu avoir et tenir en fief (féodal) suivant les us et
coutumes de BORDEAUX (moyennant) les droits et devoirs seigneuriaux ci après
expliqués, de Très Haut et Très Puissant Seigneur Messire Charles François
Armand De LAROQUE, Ecuyer, Seigneur Baron de la terre de BUDOS et autres lieux,
Capitaine au Régiment (du) Comte de LA MARCHE Cavalerie...."
En
fait, le Baron est absent à ce contrat car, pour lors, il est aux Armées. Mais
il a envoyé une procuration à Benoît ROUSSEAU, son Homme d'Affaires, datée de "
LANDAU en BASSE ALSACE" et qui l'autorise à concéder cette tenure. Vient ensuite
une description minutieuse de toutes les parcelles composant le " tènement ", ou
tenure, autour de la métairie de MOULAS, avec leur contenance et leur situation,
le tout s'élevant:
"
lesdites contenances à quarante deux journaux, vingt et deux règ es (et) dix
carreaux ... mesure de BORDEAUX (environ 13 hectares et demi) lesquels fonds ont
été (soumis) à cinq deniers et demy par journal de rente comme (il) sera dit
cy après... et desdits lieux, ledit Tenancier... a pris et reçu nouvelle
(investiture) et inféodation (du) Seigneur qui
l'a reçu pour... Tenancier et... l'en a investi et saisi féodalement
comme d'un fief nouveau... au (prix) de douze deniers tounois d 'expor1e
payables à (chaque changement) de Seigneur ou de Tenancier... et pour cinq
deniers et demy par journal de rente (s'élevant) pour les quarante
Pages (68) |
deux journaux, vingt et deux règes (et) dix carreaux, à dix neuf sols six deniers et demy ... tournois de Cens et Rente annuelle et perpétuelle payable et portable par le Sieur Tenancier... chacun an, au jour de la Fête de SAINT MARTIN d'hiver, portée et rendue au Château de BUDOS... et le quart d'une journée de boeuf à labourer quand le Seigneur tiendra ses terres en sa main (et) qu'il en sera requis par le dit Seigneur... et en outre, annuellement quatre (Journées de) manoeuvres 1orsqu'i1 en sera requis pour la réparation du Château de BUDOS (et contribuer) au guet personnel dudit Château en temps de guerre et péril éminent, et de faire ou faire faire aussy annuellement dans les bois dudit Seigneur et faire porter une charrette de bois lorsqu'il en sera requis dans le Château dudit BUDOS sans que (le Tenancier) puisse... mettre ni transporter lesdits lieux en main morte... ny faire autre chose préjudiciable audit fief,(moyennant quoi le Seigneur) lui en portera bonne et ferme garantie (tel qu'un) Seigneur de fief est obligé (d'assurer) envers ses Tenanciers... (il) sera fait deux expéditions conformes à la présente, l'une en parchemin pour le Seigneur et l'autre pour le Tenancier et à ses frais et dépens... Fait et passé au Château de BUDOS ce douze Avril mil sept cent soixante dix sept..."
Ce
contrat est, on le voit à peu près complet. Il n'y manque que les Lods et
Ventes, mais c'est tout à fait normal, car cette taxe générale est prévue dans
la Coutume de BORDEAUX, aussi bien dans son principe que dans son taux. Elle n'a
donc pas à figurer dans un contrat particulier.
Nous
avons ainsi à peu près fait le tour des droits, taxes et obligations
s'appliquant à la propriété individuelle. Avant d'en venir à l'examen des
conditions s'appliquant à la tenure collective concédée à la Paroisse sur la
Lande Commune, nous ouvrirons une rapide parenthèse sur les taxes seigneuriales
impersonnelles qui, pour n'être pas liées à la propriété foncière, n'en pèsent
pas moins sur l'activité économique du Village et qui, à ce titre, méritent au
moins d'être signalées. En cette fin de siècle, le poids en est devenu très
modeste, mais périodiquement, on a vu, ici ou là, s'élever quelques vives
contestations dont il nous faut succinctement rendre compte. Il s'agit
essentiellement de droits de péage et de droits sur les vins.
A
la vérité, les droits de péage n'existaient plus. Ils avaient été supprimés par
le Roi en 1738. Mais c'était tout récent puisque, en 1760, la génération des
trente à quarante ans et au-delà les avaient bien connus. L'affaire avait été
chaude.
Les
ponts. les cours d'eau et les routes du Royaume étaient littéralement hachés de
barrières douanières intérieures qui entravaient systématiquement la libre
circulation des marchandises. En chaque point, un préposé du Seigneur local
percevait un droit de passage, pas nécessairement très important, quelques sols,
mais finalement contraignant et onéreux du fait de
l'accumulation des perceptions successives.
Pages (69) |
Le Pouvoir Central, sensibilisé par les Intendants avait fini par se rendre compte qu'une telle multiplication de barrières intérieures constituait un frein insupportable pour les échanges économiques.
A l'évidence, il fallait faire quelque chose. La première réaction
sérieuse, remonte à 1724. A l'Automne, une affiche fut placardée dans toutes les
paroisses du Royaume. Elle était intitulée "Extrait des Registres du Conseil
d'Etat ". Il y était dit que le 29 Août 1724, le Roi, en son Conseil, avait
ordonné que, dans les quatre mois de sa publication:
"tous
les propriétaires de droits de péages. passages. pontages, travers et autres qui
se perçoivent sur les ponts et les chaussées, chemins, rivières navigables et
ruisseaux y affluant dans toute l'étendue du Royaume, seraient tenus d'envoyer
au Greffier de la Commission des copies collationnées et légalisées (par les)
Juges (les plus proches) des lieux, des Titres et Pancartes en vertu desquels
ils percevaient lesdits droits..."
Passé ce délai, il serait interdit à ceux qui n'auraient pas reçu un " Certificat de Conformité " de percevoir un droit quelconque. Mais il faut croire que, dans la France entière, cette disposition se heurta à beaucoup de résistances de la part des bénéficiaires car on retrouve d'autres Arrêts du Conseil d'Etat ayant très exactement le même objet, et fixant de nouveaux délais, le 24 Avril 1725 et le 4 Mars 1727.
Mieux
encore, quinze ans plus tard, on voit des Intendants faire la chasse à des
péages injustifiés.
Les
choses avaient donc traîné en longueur et à BUDOS tout comme ailleurs. Ce n'est
qu'en 1738 que la Dame Marie Anne De BORDES, Veuve du Baron Jean Pierre De
LAROQUE, régente de la Seigneurie de BUDOS pour le compte de Michel Joseph, son
fils mineur, finit par envoyer un gros dossier bardé de preuves justifiant son
droit de prélever:
"un
droit de passage et de pontage qui se levaient sur le CIRON."
En particulier, elle se référait au contrat passé le 7 Juillet 1561, par lequel Jacques De BUDOS, dernier Seigneur de la Famille authentique des BUDOS, avait vendu sa Seigneurie à Raymond De LAROQUE, ancêtre de la lignée des nouveaux Seigneurs. Ce contrat de vente prévoyait bien que la Baronnie de BUDOS détenait ces droits de pontage et de passage.
En bonne logique, le droit de " pontage " sur le Pont d'AULAN, car c'est de lui qu'il s'agissait, pouvait se justifier. C'étaient les Seigneurs qui l'avaient fait construire à leurs frais, et c'étaient bien eux qui l'entretenaient. Il n'était donc pas anormal qu'ils aient institué un péage pour son franchissement. Par contre, il n'y avait vraiment aucune raison, sinon le " fait du Prince ", pour que le Baron perçoive un droit quelconque sur les marchandises chargées sur les radeaux descendant le CIRON.
Il n'avait jamais rien investi dans un amélioration quelconque du lit de la rivière et n'avait donc aucun motif d'y percevoir un péage, sinon la référence à un usage immémorial. C'est probablement cet abus qui fit mauvaise impression sur le Cabinet de VERSAILLES, bien décidé à purger les voies de communication de toutes ces douanes paralysantes.
Pages (70) |
Toujours est-il que le Roi. en son Conseil, tenu à FONTAINEBLEAU le 7 Octobre 1738, fit expresse défense à la Baronne de continuer à percevoir ses péages:
"Le
Roi estant en son Conseil, conformément à l'avis (des) Sieurs Commissaires, a
supprimé et supprime le Droit de Péage prétendu par la dite Dame De BORDES,
Veuve du Sieur De LAROQUE, dans l'étendue de la Paroisse de BUDOS, en GUYENNE.
Sa Majesté (lui) fait très expresse... défense de percevoir à l'avenir ledit
Droit, à quelque titre ou sous quelque dénomination que ce soit dans l'étendue
de ladite Paroisse (sous) peine (pour) elle de restitution des sommes qui
auraient été exigées, (plus) une amende arbitraire au profit de Sa Majesté, et,
contre ses fermiers et receveurs (qu'elle aurait pu nommer pour le percevoir)
d'être poursuivis... comme concussionnaires et punis comme tels selon la rigueur
des Ordonnances. Fait en Conseil du Roy, Sa Majesté y estant, tenu à
FONTAINEBLEAU le 7 Octobre mil sept cent trente huit."
Voila
donc comment LOUIS XV s'impliqua personnellement dans la suppression des péages
de BUDOS. Ce texte était assorti d'un ordre d'exécution adressé à tout Huissier
ou Sergent Royal qui en serait requis, d'avoir à signifier cette décision à la
Dame De BORDES
"car
tel est Notre Plaisir. Donné à FONTAINEBLEAU ce septième jour d'Octobre, de l'An
de Grâce mil sept cent trente huit et de Notre Règne le vingt et quatrième.
Signé : LOUIS "
A
la diligence de l'Intendant Claude BOUCHER, non seulement le texte en fut
signifié à la Dame Marie Anne De BORDES, mais il en fut fait une affiche qui, en
Janvier suivant, fut placardée à la porte de l'Eglise, à celle du Château et aux
abords du Pont d'AULAN. Le Droit de Péage avait vécu.
Les
droits sur les vins ont soulevé d'autres contestations. Au fil du temps, ont les
avait un peu négligés puis, pour tout dire, oubliés. Mais voilà que tout à coup,
le Baron les retrouve en sa mémoire et prétend les remettre en vigueur.
A
la veille de la Fête de SAINT PIERRE de 1756, le 15 Juin, Michel Joseph De
LAROQUE fait établir par son Juge Seigneurial du Siège de BUDOS, une sommation
aux habitants tendant :
"
à
ce que pas un manant ou habitant (ne) vendit ou portât du vin dans la présente
Juridiction la veille, le jour de SAINT PIERRE, vingt neuf du même mois, ni (le)
lendemain et Dimanche suivant, ni sur la place de (la Chapelle) SAINT PIERRE
(sous) peine de cinquante Livres d'amende."
Ce
fut un beau tollé ! Il prétendait en effet que ce jour-là, les dits Manants ne
pouvaient transporter et vendre leur vin
"que
par son congé et consentement (moyennant) le payement ... d'un pot de vin par
barrique, et demy pot par demy barrique."
ce
qui représentait 2,03 litres de vin pour une barrique qui en contenait alors 228
. Le prélèvement ne dépassait donc pas 0,9 %, ce qui était bien modeste, mais il
y allait d'une question de principe car les Budossais prétendaient, à tort ou à
raison, que cette taxe devait être assimilée à un péage sur le commerce
Pages (71) |
Ce
fut là l'origine d'un beau procès qui se développa successivement devant le
Sénéchal de GUYENNE, puis devant le Parlement de BORDEAUX.
Si
les phases successives nous en sont à peu près connues, les archives ne nous
ont malheureusement pas restitué, du moins jusqu'à l'heure, la décision
finale. Nous avons néanmoins quelques raisons de penser qu'elle a dû être
favorable au Seigneur car un texte du 21 Juin 1773 réitère très
officiellement sa prétention, et, cette fois-ci, sans trace de contestation
de la part des Budossais.
Il
s'agit d'une requête du Procureur d'Office du Tribunal de BUDOS demandant au
Juge du Siège de résumer les Droits Seigneuriaux impersonnels dans une
affiche dont on donnerait lecture à la sortie de la prochaine Messe
paroissiale et que l'on placarderait ensuite à la porte de l'Eglise. Le Juge
ayant acquiescé, ainsi fut fait trois jours plus tard, à l'occasion de la
Fête de la St JEAN.
Au
nombre de ces droits, il est ainsi précisé:
"que
ceux qui débitent du vin au cabaret doivent audit Seigneur pour chaque
barrique un pot de vin, et de chaque demy barrique, un demy pot."
"que
le droit de mayade (subsiste), c'est à dire qu'aucun habitant ne
peut vendre dudit vin à pot et à pinte pendant le mois de May à peine
d'amende et de confiscation dudit vin."
"que
personne ne peut vendre ni débiter du vin à pot et à pinte la veille, le
jour et le lendemain de St Pierre de la Lande et le Dimanche d'après que par
le congé et consentement dudit Seigneur à peine d'amende."
Mais
il y a d'autres contraintes, venues tout droit du fond du Moyen Age et que
l'on avait, à tout le moins, passablement oubliées en cette fin du XVIIIème
siècle.
C'est ainsi qu'il est rappelé que le moulin de FONBANNE est un moulin banal et que:
"les
habitants (sont obligés) de ne pouvoir faire moudre leurs bleds qu'au dit
moulin."
C'est
une disposition quasi universelle dans toutes les Seigneuries, mais voici qui
est plus spécifique à BUDOS :
"
tout homme qui déplie sous tente dans ladite terre (de BUDOS) des balles ou
marchandises le jour et lendemain de St ROMAIN, St PIERRE de la Lande et
autres jours et fêtes de l'année doit payer quatre sols chaque fois audit
Seigneur ou à ses fermiers, et toute charge de cheval six deniers
tournois."
Mais
il y a un droit féodal local beaucoup plus curieux:
"
que ceux qui achètent dans ladite paroisse des poules, poulets, chevreaux,
oeufs et autres choses de cette espèce soient tenus d'aller au Château
demander si on a besoin d'icelle marchandise."
Il
existait donc une sorte de droit de préemption sur ce commerce au bénéfice
du Seigneur, il semble bien qu'il était tombé en désuétude depuis fort
longtemps et que l'on allait vendre sa volaille sur les marchés sans plus
passer par le Château.
Pages (71 bis) |
Incidemment,
nous pourrons remarquer que le rappel solennel de ces droits féodaux survint
trois semaines à peine après de très sérieuses émeutes frumentaires qui
venaient de se dérouler à VILLANDRAUT et dans lesquelles des Budossais
avaient pris une part décisive. Faut-il voir dans cette réaffirmation des
droits, à ce moment précis , une sorte de tentative de reprise en main des
Budossais par les Officiers du Seigneur après l'orage ? Pourquoi pas ? En
tous cas, la coïncidence est troublante.
Cette
parenthèse sur les droits Féodaux Impersonnels nous a bien éloignés de
l'étude du Droit de la Propriété. Nous allons y revenir dans l'instant en
reprenant une forme de concession féodale que nous avions laissée
provisoirement en suspens, celle de la Tenure collective. Cette fois-ci, le
Seigneur ne traite plus avec un seul Tenancier, mais avec une Collectivité.
Il en existe un cas à BUDOS, celui de la Lande Commune également dite "
vacante ".
Le
18 Juin 1630, le Baron Jean De LAROQUE, avait concédé à l'ensemble des
Manants de BUDOS, à titre de " fief nouveau," toute la lande
comprise entre les quartiers de MEDOUC et des MOULIES d'une p a r t , et le
lieu dit de COURNAOU d'autre part, et même au-delà, jusqu'à la ferme
de LANTRES exclue, avec, pour limite, au sud,
"
les montagnes appelées communément du POUY (sur) la Juridiction de BALIZAC."
Ces
" montagnes " ne sont autres que les " Doucs " du POUY
BLANC, et de BOUGNOGUE qui culminent respectivement à 58 et 63 mètres...
C'était un temps où les Notaires n'avaient pas peur des mots ...
C'était
aussi le temps où cette lande constituait une vaste étendue parfaitement
désolée, assez mal drainée et à peu près dépourvue d'arbres. On n'y
découvrait, de loin en loin, que quelques bouquets de pins mal venus et
passablement clairsemés. Mais telle quelle, cette lande offrait de larges
possibilités pour le parcours des troupeaux et surtout pour la production des
bruyères. L'octroi de cette tenure avait été consenti moyennant:
"
la redevance de trente sols tournois, un boisseau d'avoine, mesure de BUDOS,
et une paire de chapons de rente annuelle et perpétuelle payable audit
Seigneur de BUDOS."
Il
était convenu que ces landes resteraient en l'état et seraient accessibles
à tous les habitants, Seigneur compris, en parfaite indivision :
"
à condition que lesdites landes et padouens demeureront à jamais indivis,
inaliénables, et en friche en la (situation) qu'ils sont (à) présent pour
servir tant au Seigneur qu'aux... habitants pour (faire) pacager leur bétail
et pour pouvoir couper les... bruyères pour engraisser leurs terres, sans
que, néanmoins, aucun desdits habitants puisse couper lesdites bruyères pour
(les) transporter (ou) vendre (hors) de ladite paroisse... (sous) peine de
déchoir de son droit et autre (sanction) qui sera (décidée) par ledit
Seigneur et ses successeurs..."
Moyennant
quoi, et si la rente annuelle est fidèlement payée,
"
ledit Seigneur de BUDOS promet être bon Seigneur
Pages (72) |
Cet acte avait été passé au Château de BUDOS à la satisfaction de tous, et surtout à celle des habitants. Cette lande leur était en effet tout à fait nécessaire. A la vérité, elle était même insuffisante pour fournir les bruyères indispensables aux litières des bestiaux et à la production des fumiers. Si les fourrages ont toujours été rares et chers, nous l'avons déjà dit, les bruyères ne l'étaient pas moins.
La Vallée de la GARONNE, largement plantée en vignes et presque totalement dépourvue de bruyères avait de pressants besoins en fumiers; de ce fait, une pression constante s'exerçait sur les paroisses limitrophes de la Lande pour y trouver les litières qui lui faisaient défaut. Au cours de l'histoire, bien des Budossais ont eu la tentation ( et certains y ont succombé ) de couper quelques centaines de ces précieux " pilots " et d'en vendre une part plus ou moins conséquente à des vignerons du Pays Garonnais.
Mais ces tentatives de piratage étaient très surveillées et hautement dénoncées par les autres. Il s'en est souvent suivi bien des " émotions " , selon le langage du temps. Nous verrons plus en détail ces problèmes de gestion de la Lande Commune dans le Chapitre où nous évoquerons l'administration paroissiale. Nous nous en tiendrons donc, ici, aux seules relations des Manants Budossais avec leur Seigneur quant au respect des conditions d'attribution de la Tenure.
C'est
donc elle qui, assurant la tutelle, gérait la Seigneurie. Pressée par
quelque besoin d'argent, elle
prétendit exiger de ses Manants, comme prix de la Tenure de la Lande Commune,
un certain nombre de prestations supplémentaires.
Pages (73) |
Et
ils gagnèrent leur procès. Par Arrêt du 6 Septembre 1700, le Parlement :
"
fait défense au Seigneur et Dame de BUDOS de les troubler..."
Le
Seigneur qui apparaît ici dans la sentence est Jean Pierre De LAROQUE. Le
temps a passé, beaucoup de temps... il n'est plus mineur... il a 30 ans ! et
dans l'intervalle de ce long procès, il a pris en main la gestion de ses
affaires, si bien qu'on le voit paraître maintenant dans la condamnation
définitive aux côtés de sa Mère qui avait engagé l'instance.
Et
là, les Budossais vont avoir le tort de profiter de cette régence, pour
" oublier " de payer la rente annuelle de leur Tenure de la Lande.
Ils oublient ainsi à partir de 1727; le Château ne réagit pas, et le temps
passe, pas mal de temps à la vérité, si bien qu'à la fin, ils ont vraiment
fini par oublier leur obligation. Il faut bien dire qu'entre temps, on avait
pratiquement changé de génération...
"qu'ils
n'amènent (plus) pacager aucun bestiaux dans les Landes appelées " les
Landes de BUDOS " (qui lui appartiennent), ny rien couper dans (cette)
Lande sous peine (d'amendes) de droit."
Son
raisonnement était des plus simples. Voilà 28 ans qu'il n'avait plus vu ni
argent, ni avoine , ni chapons; il estimait en conséquence que les habitants
avaient renoncé à la Tenure et que cela équivalait à un déguerpissement.
C'était un peu tiré par les cheveux car, a aucun moment, les Budossais
n'avaient renoncé à l'exploitation de la Tenure. Et pourquoi donc au bout d
28 ans ? Parce qu'il était grand temps qu'il réagisse car, selon la Coutume,
son Droit était soumis à une prescription trentenaire. Deux ans plus tard,
il ne pouvait plus revendiquer son dû...
Pages (74) |
Là,
les BUDOSSAIS sont incontestablement pris en défaut, et ils le savent bien.
Ils
prennent juste le temps de se concerter et demandent à l'Intendant
l'autorisation de se réunir; autorisation qui leur est aussitôt accordée,
le 14 Novembre. Sans autre délai, ils provoquent une Assemblée Capitulaire
de l'ensemble de la Paroisse qui se réunit le Dimanche 21 Novembre 1756
Pages (75) |
de
28 paires de chapons pour 28 ans échus le 11 Novembre 1755 à raison de 1
Livre 5 sols la paire, et pour 29 années échues le 11 Novembre de l'année
dernière 1756 à raison de trente sols (d') argent par an, revenant le tout
à la première somme de 176 Livres 10 sols et (ceci) en deux doubles Louis
d'or de 48 Livres pièce, treize écus d'argent de six Livres pièce, deux
pièces d'argent valant vingt quatre sols chacune, un sol marqué de six
liards et une pièce de deux liards, le tout (en) bonne monnoye et espèces
marquées au coin et Armes de FRANCE et ayant cours et au surplus (LACASSAIGNE
et LATAPY) offrent audit Seigneur de BUDOS un boisseau (d') avoine. et une
paire de chapons en espèces pour ladite année de rente échue le onze
Novembre dernier, les trente sols de la rente en argent pour la dernière
année ayant été... compris dans la somme de cent soixante seize Livres dix
sols ci-dessus... priant ledit Seigneur de BUDOS, et le sommant (si besoin
est) de recevoir ladite somme... le boisseau d'avoine et la paire (de)
chapons... et (de tout cela) fournir valable quittance..."
Il est enfin précisé qu'en cas de refus du Seigneur, tout ce qui est offert là, ( y compris les chapons ), sera déposé et tenu à sa disposition entre les mains du Notaire, à ses risques et périls, jusqu'à ce qu'il en prenne livraison.
"
offert ladite somme de 176 Livres 10 sols, mise, exhibée,... sur une table
d'un salon dudit Château, (en outre) dans la même chambre, avons offert au
Seigneur un boisseau (d') avoine et une paire (de) chapons... (en) parlant à
la Demoiselle Jeanne Marie
Pages (76) |
Le
Baron ne se presse pas. Il a manifestement l'intention de promener ses
Manants. Revenu à BIIDOS, il examine leur proposition et leur fait savoir:
Au prix qu'atteignaient alors les bruyères, il y avait là beaucoup d'argent à gagner. Mais pour cela, avant toute chose, il lui fallait contester le principe même de cette Tenure. Ainsi donc, sans plus rien écouter des propositions des Syndics, le Baron va leur intenter un procès en remettant en cause leur Bail Féodal de 1630. Quelle erreur ! Il se replaçait là sur le terrain d'un litige qui avait déjà été tranché par le Parlement dans son Arrêt du 6 Septembre 1700.
Les Budossais eurent alors beau jeu de faire observer que personne ne pouvait revenir sur cette affaire. Et comme les Magistrats appréciaient peu que quiconque, fût-ce un Baron, remette en cause une décision définitive de leur Cour Souveraine, les Manants se retrouvèrent tout à coup rétablis en bien meilleure position.
Si
le Seigneur s'était borné à réclamer son dû, il aurait gagné son procès
sans contestation possible et en aurait certainement tiré bien plus que les
176 Livres proposées. Mais en voulant réintégrer la Lande dans sa "
directe " , il a voulu trop faire ... Et tout à coup, il s'aperçoit
qu'il a fait fausse route et que, contre toute attente, ses Manants sont en
passe de gagner ce procès.
Pages (77) |
"
assigné différents particuliers tenanciers de sa terre de BUDOS en la Cour
Sénéchale pour qu'il leur fut fait... défense de mener pacager leurs
bestiaux dans les landes situées dans ladite Paroisse de BUDOS comme lui
appartenant en propre par sa qualité de Seigneur... (et que les Budossais
ont) pour (leur) défense exhibé l'Arrêt de la Cour (qui) leur donne la
faculté de mener pacager dans les landes dont il est question... A la vue de
cet Arrêt que le (Baron) ignorait, il (modifia sa plainte pour) que ces
différents particuliers fussent tenus de lui payer depuis vingt neuf ans les
arrérages de rente fixés par ledit Arrêt... "
"
il est vrai que de la part de gens sans principes qui ne se piquent pas de
tenir leur parole, on doit s'attendre à tout... (leur sommation) eût pu
être attaquée... attendu que le prix de la rente en nature n'est pas (à) sa
juste valeur, néanmoins, pour un bien de paix, (il) a bien voulu abandonner
ses intérêts et se contenter de ce qui lui était offert..."
Les
dernières pièces de ce dossier font défaut, si bien que nous ne saurons pas
qui, en définitive, aura payé ces fameux dépens. Toujours est-il que les
Budossais auront, une fois encore, sauvegardé leur droit d'accès à la Lande
Commune.
Il
semble même, et ceci mériterait une étude plus approfondie, que les
Tenanciers soient devenus plus pointilleux sur leurs droits au fur et à
mesure que le siècle avançait. Si certaines formules demeuraient, telle
celle du " Très Haut et très Puissant Seigneur ", il apparaît
bien qu'elles se soient vidées de leur substance au fil du temps, pour
n'être plus, du moins dans nos régions, que de simples termes de convenance.
Pages (78) |
Mais
ce procès montre aussi de quelle garanties jouissaient les détenteurs de
tenures féodales. Une fois la convention passée, le Seigneur ne pouvait plus
revenir en arrière sauf dans les cas très limités que nous allons
maintenant définir. Sous ces seules réserves, le Tenancier était
réellement maître chez lui.
Le déguerpissement peut être signifié par acte notarié. C'est très rare, et aucun cas n'en a été recensé à BUDOS sur toute la période d'observation. Bien plus souvent, il est "supposé" et résulte d'une situation de fait.
Selon
la Coutume, le Seigneur est en droit de supposer un déguerpissement lorsque
la terre concédée n'a plus été cultivée pendant trois années
consécutives, ce délai étant ramené à une seule année pour les vignes.
En ce cas, après avoir fait constater dûment l'abandon. le Seigneur était
autorisé à reprendre son bien.
En un mot, par la Prélation, le Seigneur a le droit de réintégrer dans sa Directe n'importe quelle Tenure qui vient de faire l'objet d'une vente. Le vendeur n'a rien à y redire puisqu'en tout état de cause, il était décidé à vendre et qu'il perçoit le prix convenu. Quant à l'acheteur, il doit être dédommagé de tous ses frais afin qu'il ne subisse aucun préjudice . Il n'en éprouvera pas moins la frustration de n'avoir pu obtenir les biens qu'il convoitait...
Par ailleurs, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, dés l'instant où le Seigneur a accepté le versement des Lods et Ventes au titre d'une mutation foncière, il renonce à exercer son Droit de Prélation. Son acceptation du versement des droits vaut renoncement définitif à son privilège. C'est une incitation évidente à faire rentrer plus vite les droits de mutation puisque la vente n'est sûre et définitive qu'après leur perception.
Pages (79) |
C'est
également un frein aux tentations que pourraient avoir les parties de minorer
le prix de la transaction en vue de payer moins de droits de mutation, car le
privilège du Seigneur, s'il l'exerce, se fonde sur le prix déclaré dans le
contrat. Les parties pourraient ainsi connaître de bien désagréables
surprises si elles avaient pratiqué quelques dessous de table.
Pages (80) |
De ce fait, celui-ci ne peut pas être tranquille chez lui et supporte mal cette contrainte. Or, voilà que, à son insu, ce petit chai vient d'être vendu à un certain Dominique AMANIEU. DUPIOT est navré d'avoir manqué cette occasion de l'acheter et d'assurer enfin sa tranquillité en supprimant ce droit de passage.
Il s'adresse alors au Baron de BUDOS, Seigneur du lieu, et lui demande d'exercer à son profit son droit de retrait féodal, autrement dit de prélation sur le:
Une
image obtenue au terme d'une très lente évolution au fil des âges, évolution
qui a conduit des Serfs aux Tenanciers libres, ceux-ci se transformant, dans
leur mentalité, sur la fin de l'Ancien Régime, en véritables propriétaires
fonciers sous les seules contraintes de modestes redevances seigneuriales et de
quelques cas d'application subsistants de la " puissance de fief ".
Avant toutes choses, il est indispensable de bien mettre en lumière un phénomène majeur affectant la répartition des terres : leur parcellisation démesurée.
Pages (81) |
En dehors de quelques grandes propriétés, celle du Seigneur par exemple, et trois ou quatre autres tout au plus, appartenant à des Notables, souvent Bordelais, et que nous retrouverons par ailleurs, tout le restant des terres, constituant la très grande majorité de la paroisse, se partageait en une incroyable poussière de parcelles parfois minuscules. Et même ces " grandes" propriétés ( relativement modestes au demeurant ) étaient le plus souvent constituées par addition de petites parcelles.
L'emprise au sol en a été
tellement marquée qu'en bien des endroits de la Commune, elle subsiste encore
de nos jours. A travers les cadastres successifs et jusqu'à la situation
actuelle, on voit se perpétuer ici ou là un morcellement des terres
proprement aberrant. Le secteur du quartier de PAULIN, en direction des lieux
dits de THOURIEU et de CAZEAU, deux cents ans plus tard en porte encore
témoignage.
Les transactions foncières portent souvent sur des superficies dérisoires : 635 m2 de vigne ici, 506 m2 de taillis là, 431 m2 de friche ailleurs, et même 93 m2 de prairie à PAULIN ! Les ventes dépassant un hectare d'un seul tenant sont extrêmement rares, encore ne les rencontre-t-on qu'en matière de lande ou de forêt, et, répétons le avec insistance, à titre tout à fait exceptionnel.
L'observation ne se limite d'ailleurs pas au partage des sols. La propriété bâtie est logée à la même enseigne. Il n'est pas rare de voir acheter une " moitié de chambre " , entendons par là, qu'une seule et même pièce, dans une maison, va se partager entre deux propriétaires. C'est ce que fait Pierre DURON, dit PINOT, le 8 Mai 1778 au quartier des MOULIES.
Mais
on va également partager un cuvier et un pressoir, au quartier de LA PEYROUSE,
entre Izabeau BEZIN et Raymond COUTURES, le 14 Avril 1788. Mieux encore, le 7
Mai 1778, Bernard BEZIN vend à Nicolas CARROUGE, Docteur en Médecine:
"
la tierce partie d'un cuvier et d'un très mauvais pressoir qui est dans
(celui-ci) et situé dans ladite paroisse de BUDOS (au) lieu appelé à
MOULAS. "
et
l'acte est passé devant Notaire dans le cuvier lui-même afin de bien
délimiter les conditions de la future cohabitation.
Mais les choses vont encore plus loin lorsque l'on voit un quidam vendre " les deux tiers de la moitié d'une chambre ", dans une maison, le 21 Juillet 1766, à un acquéreur qui, c'est une chance ! possédait déjà l'autre tiers de cette moitié ... On croit rêver, et il faut faire un gros effort d'imagination pour comprendre jusqu'où peuvent aller les choses en la matière. En tout état de cause, la co propriété n'est pas une invention récente.
Au résultat de ce phénomène, on constatera que, dans la population, le nombre des propriétaires fonciers est tout à fait considérable. Rappelons qu'en 1783, nous n'avons recensé que 37 " pauvres " sur 139 Foyers fiscaux et que nous avons retenu une proportion d'environ 70 % de propriétaires fonciers.
C'est énorme. Ces propriétés sont parfois
minuscules et seraient bien incapables d'assurer leur subsistance à leurs
détenteurs. Ceux-ci ne peuvent vivre qu'en louant leurs services, à titre de
journaliers ou de " prix faiteurs " à des voisins plus fortunés ou
encore en exerçant une activité artisanale complémentaire.
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Il n'en reste pas moins qu'ils " ont du bien", qu'ils y sont jalousement attachés et que cela ne va pas sans conséquences sur leur mentalité et leurs comportements car ils aspirent de tous leurs voeux à l'agrandissement de leurs fonds, fût-ce de quelques ares supplémentaires dès qu'ils disposent de quelques Livres chichement épargnées. Le peu d'argent qui se gagne en milieu rural se détourne de la consommation et, les impôts payés, cherche à s'investir en terre à la première occasion. Aussi le commerce se limite-t-il, dans les campagnes aux objets de stricte utilité.
Il faut s'approcher de la GARONNE, à BARSAC par
exemple, ou à LANGON et, bien évidemment à BORDEAUX, pour trouver des
commerces proposant des objets de confort ou d'agrément. Sous la réserve des
Seigneurs et des Notables, les Budossais n'y ont recours que pour une robe de
mariée, une paire de souliers ( également pour cause de mariage ) ou
quelques rares fantaisies liées à des circonstances exceptionnelles.
Cette
propriété tant recherchée s'acquiert par échange, par achat ou par
succession.
ACQUISITION
PAR ECHANGE.
L'échange n'est pas, à proprement parler, une source d'enrichissement puisqu'il y a équilibre, au moins approximatif entre les deux biens. Il faut néanmoins en dire un mot car il apparaît souvent comme un remède ( bien modeste au demeurant) au morcellement des terres. Dès que l'on dispose de quelques Livres, on achète le premier lopin qui se présente pour investir au plus vite, après quoi, on cherche un échange possible avec un voisin.
Cela demande parfois beaucoup de temps et de patience, et beaucoup de chance aussi, mais on y arrive, et de proche en proche, on parvient à réunir des parcelles voisines en un tout un peu plus conséquent. Plus conséquent, certes, mais pas nécessairement cohérent car, à ce jeu là, on additionne assez souvent un triangle à un rectangle ou, pire encore, à un trapèze, pour aboutir à ce que les Notaires appellent pudiquement dans leurs actes " une forme indéfinie ".
Il s'ensuit bien évidemment nombre de querelles de bornage qui fournissent, à l'occasion, matière à d'interminables procès. Au prix d'un gros travail de recherche, on pourrait reconstituer au fil du temps, les efforts conjugués des uns et des autres pour réaliser ces remembrements empiriques. Les actes précisent toujours les confrontations de voisinage des biens échangés ou vendus.
Il serait donc théoriquement possible d'analyser une à une ces démarches d'approche pour agrandir telle ou telle parcelle servant de noyau à un plus grand ensemble à venir. Ce serait à coup sûr un travail de très longue haleine, mais dont les résultats, même modestes, devraient être assez démonstratifs.
Modestes, cependant, car dans bien des cas, ces
remembrements laborieux ne dépassaient pas l'échéance du prochain partage
successoral. Et l'on voit alors l'un ou l'autre des héritiers, et quelquefois
les deux, reprendre patiemment la démarche de reconstitution du bien au gré
d'échanges judicieux ou d'achats appropriés.
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ACQUISITION
PAR ACHAT
Le mode d'acquisition le plus courant est évidemment
l'achat. C'est un contrat tout à fait comparable, dans son principe à celui
de notre Droit moderne. L'acte comporte cependant assez rarement les
superficies. A défaut, on y trouve parfois les dimensions exprimées en pas (
le pas de BUDOS valait 0,885 mètre ) ce qui permet de calculer les surfaces
sans trop de difficultés. Dans la très grande majorité des cas, le Notaire
se contente de définir la parcelle en énumérant les voisins qui la "
confrontent " à chacun des points cardinaux.
Ces indications permettent de constater ici encore combien sont nombreux les achats motivés par une volonté de remembrement, l'acquéreur étant déjà propriétaire d'une ou plusieurs des parcelles mitoyennes. Les actes font toujours une mention spéciale de la " mouvance " c'est à dire du Fief féodal dont relève la terre ou la maison.
A BUDOS, les choses sont très simples puisque nous
avons déjà vu qu' il y avait parfaite identité territoriale entre la
Paroisse et la Seigneurie. Mais il n'en va pas partout de même, et l'acte de
vente se doit de préciser de quel Seigneur relève la tenure afin de pouvoir
lui payer les Lods et Ventes et le Cens dont le bien est grevé.
Si le Seigneur est toujours désigné, il est par contre bien rare que le montant du Cens soit précisé; généralement d'ailleurs parce que le vendeur, faute de l'avoir payé depuis bien longtemps, en ignore jusqu'au montant. Il faut dire que chacune des parcelles était, en moyenne, si petite, que la rente seigneuriale, déjà très faible en elle-même, devenait parfaitement dérisoire quand il fallait l'appliquer à quelques ares.
C'est probablement une explication assez
vraisemblable de l'absence fréquente de sa perception. Parmi les rares cas
dans lesquels le montant du Cens est indiqué, citons celui de la vente faite
par Vincent COUTURES à Guiraud TACHON, le 4 Septembre 1764:
" d'une pièce de terre en lande de 52 pas en
large du midi au nord et 100 pas en long du levant au couchant, située au
LANOT de COUILLET, sur laquelle il y a de la bruyère et quelques pins que le
vendeur sortira incessamment…."
Cette pièce représente donc une superficie de 40 ares 71 centiares, et il est précisé dans le texte que la rente annuelle à verser au Baron de BUDOS, est de 3 deniers, soit donc 0,012 Livre; disons, en gros, un centième de Livre pour un an, ou encore, après conversion, 3 centièmes de Livre annuels par hectare ! Comment s'intéresser à une somme aussi dérisoire ?
En tout état de cause, les frais de perception l'emporteraient sur son montant. Ceci prouve bien, une fois encore que le Cens et les Rentes seigneuriales ne représentaient à BUDOS quelque importance que sur les grandes Tenures ou bien lorsqu'ils étaient exprimés en nature ( vin, grain, volaille, etc ... ).
Nous n'avons d'ailleurs eu connaissance de ce cas que
parce que Vincent COUTURES était le Procureur d'Offices du Tribunal de BUDOS,
homme de droit méticuleux qui, en bon professionnel, avait dû faire des
recherches pour préparer sa vente. Dans tous les autres cas, les vendeurs se
donnaient beaucoup moins de peine ( et les acquéreurs s'en accommodaient fort
bien ) en exposant que la Rente appartenait au Baron "quelle qu'elle
puisse être "..
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Le paiement du prix des transactions se fait
ordinairement en argent et assez souvent comptant. Mais il se rencontre de
très nombreuses exceptions. Certains règlements s'effectuent par troc, en
tout ou en partie, en particulier par des remises d'animaux. Ainsi, le 7 Mai
1778, Bernard BEZIN vend-il une partie de cuvier pour 50 Livres qui lui sont
payées:
" par la remise d'une jument poil bai
représentant 37 Livres 10 sols, laquelle lui a été remise, il y a environ 5
mois, le solde en argent."
Ou encore Jean BALION qui, ayant vendu une
pièce de terre labourable de 13 ares " remplie de chiendent ", le
28 Octobre 1765,pour la somme de 64 Livres 10 sols, accepte d'être payé par
la remise de deux juments d'un prix total de 54 Livres, le solde étant
réglé en monnaie. Ces cas sont fréquents mais confinent parfois à
l'insolite. Ainsi par exemple, pour la vente d'une pièce de lande à Guiraud
TACHON, le 4 Septembre 1764, Vincent COUTURES:
" reconnaît et confesse avoir été payé,
avant les présentes, au moyen d'une paire de roues de charrette
ferrées.."
Quant aux délais de paiement, lorsqu'ils sont prévus, ils peuvent être très divers. Les règlements en présence du Notaire correspondent assez souvent aux " placements " que nous avons déjà évoqués. Dès que l'on a économisé quelques Livres, on achète " quelque chose "; on a donc déjà l'argent.
Mais il y a tous les autres cas, jusque, et y compris
celui où l'on ne dispose pas du premier sol de la somme. Ceci conduit parfois
à des règlements échelonnés ou largement différés. Les intérêts
courent alors " selon le taux de l'Ordonnace " qui est de 5%;
Jean LAFON, laboureur à BUDOS a acheté un
bien à Arnaud RICAUD, dit LAROUILLE, charbonnier à NOAILLAN, le 16 Janvier
1752, pour le prix de 150 Livres. Il ne finira de le payer que onze ans plus
tard, le 13 Décembre 1762 avec 36 Livres d'intérêts sur les découverts
intermédiaires.
La vente comporte parfois des conditions. Le
vendeur pourra par exemple se réserver la coupe des bois en ne vendant que le
terrain nu, c'est un cas assez fréquent. Parfois même cette coupe est
différée dans un avenir assez lointain. Ainsi, Jean DUCOURNEAU, tailleur à
BALIZAC a-t-il vendu trois journaux de lande à Louis MASSE, laboureur à
BUDOS, le 6 Janvier 1778. Décrivant la parcelle, l'acte précise:
" dont partie au nord desdits trois journaux est
en jeunes pins non encore de coupe, que le vendeur se réserve de couper et
déplacer lorsqu'il seront en oeuvre et laton de coupe."
" L'œuvre " est le bois de chauffage et les " latons " sont utilisés pour arrimer les ceps de vigne; l'attente peut donc durer ici plusieurs années. Peu importe d'ailleurs car on a bien l'impression, à travers ce texte, que l'acheteur s'est, avant tout intéressé à la précieuse bruyère et que la production du bois ne le préoccupe guère.
Toujours au titre des conditions, signalons que la
vente à réméré est connue. Elle se pratique surtout pour se procurer de
l'argent frais en vue d'éponger quelques dettes un peu trop criardes.
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On perçoit ainsi le prix du bien, un peu comme un emprunt hypothécaire, mais à des conditions financières un peu plus favorables. Le tout est, évidemment de pouvoir rétablir l'état de ses finances avant l'expiration du délai fixé afin de pouvoir récupérer son bien. Cela ne va pas, parfois sans quelques difficultés.
Ainsi, à la SAINT MICHEL de 1786, Bernard BRUN,
laboureur au quartier de PINGOY avait-il vendu à Michel DUBOURDIEU, laboureur
au quartier de CAUSSON:
"sous pacte de réméré d'un an ... une pièce
de terre en nature de pignadas sise et située au-dit BUDOS (au lieu) appelé
AUX CAHETS..."
moyennant 525 Livres. Avant l'expiration du délai,
BRUN a réussi à réunir la somme nécessaire pour racheter son bien. Il
convoque Me DUFAU, Notaire, et lui remet 87 écus d'argent de six Livres et un
de trois Livres. Dans l'après midi du 26 Septembre 1787, Me DUFAU se rend
chez DUBOURDIEU:
"où étant, sur une table de la maison, a été
offerte, exhibée, comptée et réalisée ladite somme de 525 Livres... aux
fins du délaissement et abandon (de la pièce de pins)."
Mais DUBOURDIEU n'est pas là, c'est sa femme
qui a reçu le Notaire:
" et après que ladite somme a été
entièrement comptée et mise à découvert sur ladite table, et donné à la
femme dudit DUBOURDIEU ample connaissance du sujet de notre mission, et même
fait lecture mot à mot (de l') acte, elle a fait pour réponse que son mari
était absent et qu'elle n'avait de lui aucun ordre de prendre et recevoir
ladite somme."
Le Notaire ramasse l'argent et s'apprête à
partir lorsque DUBOURDIEU survient. On recommence alors tout le cérémonial,
le décompte de la somme, la lecture de l'acte, etc…
Mais DUBOURDIEU repousse cette offre car il estime
que BRUN lui doit des intérêts jusqu'à concurrence de 552 Livres et 5 sols,
et il entend bien ne pas lâcher la propriété qu'il détient jusqu'au
paiement complet de la somme. Le Notaire en prend acte et conservera donc les
525 Livres consignées entre ses mains jusqu'à la solution du litige,
solution qui ne parait pas devoir être prochaine....
Même en matière immobilière, nos Ancêtres
avaient le génie de l'intrigue. On pourrait en citer bien des exemples,
souvent cocasses, mais nous n'en retiendrons qu'un seul.
Bernard LARRUE, dit BERNACHON, était scieur de
long à NOAILLAN. De sa Mère. Marguerite DUSSEAUX, il avait hérité d'une
petite propriété composée d'une:
" maison contenant deux chambres bâties de
pierre, couvertes de tuiles, padouens (et) ayriaux attenants... située au
lieu du GENDRE..."
il s'y ajoutait un " lopin de pré ", une petite chènevière, 12 règes de terre labourables ( soit 8 ares et demi), une autre pièce de labour et un morceau de lande au hameau d'ANDRIVET.
Le tout était estimé 300 Livres à dire d'expert.
Cette nomenclature est intéressante car elle donne une bonne idée de ce que
pouvaient être ces minuscules propriétés foncières sur lesquelles, avec
beaucoup de travail, on arrivait tout juste à survivre à la condition de
pratiquer quelqu'autre activité extérieure ( artisanat ou prixfaitage).
Pages (86) |
Fixé à NOAILLAN, Bernard LARRUE ne pouvait
exploiter ce petit fonds lui même. Aussi l'avait il donné à
ferme à un certain Arnaud BONNEAU, Tisserand à BUDOS. Cette situation durait
depuis huit ans. En 1770, LARRUE se décide à vendre ce bien. Louis MASSE,
laboureur à BUDOS s'y intéresse, mais LARRUE le récuse,
"
luy disant qu'il vouloit donner à d'autres par préférence, sans néanmoins
que ledit MASSE eût donné occasion à ce refus... "
du moins, c'est lui qui le dit. Arnaud BONNEAU, le fermier, se présente alors et propose d'acheter le tout moyennant les 300 Lives estimées. Il est agréé. Le contrat de vente est passé dans l'Etude de Me PERROY à NOAILLAN le 9 Mars après midi. Aucun problème, BONNEAU paye comptant à la vue du Notaire. Bernard LARRUE prend congé et s'en va avec son argent.
Aussitôt
apparaît Louis MASSE qui était resté caché jusque là. Et tout à la suite
du premier contrat dont l'encre est à peine sèche, sur le même feuillet (
pour ne pas payer deux fois les droits de Lods et Ventes ), BONNEAU, le
fermier, nouveau propriétaire, revend le bien à MASSE :
" En sorte qu'étant de pure vérité, tout dol
et fraude cessant, que ledit BONNEAU n'était pas luy-même en état de faire
ladite acquisition, et qu'il ne l'a acceptée que pour la (rétrocéder) tout
de suite audit MASSE qui luy en avoit fourny le prix... (c'est ainsi qu'il)
luy a officieusement prêté son nom pour le favoriser..."
Joli
tour de passe passe en vérité dont le Notaire était évidemment complice.
L'acte de vente étant passé, restait encore à " prendre possession réelle " du bien que l'on venait d'acheter. C'était une sorte de cérémonie rituelle que notre Droit moderne a complètement oubliée. Depuis le Code civil qui nous régit (1804 ), la signature de l'acte de vente et le paiement du prix valent transfert pur et simple de la propriété.
Sous l'Ancien Régime, la Coutume prévoyait une
manifestation concrète de prise de possession. A vrai dire, elle n'était pas
absolument indispensable, à condition toutefois qu'aucun tiers ne vienne
ultérieurement contester la validité de la transaction.
Pour se mettre à l'abri d'une telle traverse, il valait donc mieux y recourir selon la tradition, et c'est bien se qui se pratiquait dans la majorité des cas. Cette prise de possession pouvait avoir lieu n'importe quand après le contrat. Elle pouvait être immédiate, et c'était le cas lorsque l'acte était établi sur les lieux même de la propriété.
On voyait ainsi le Notaire se déplacer en pleine
campagne et dresser son acte sur le champ, au sens propre du terme. Mais elle
pouvait être aussi très tardive. Ainsi en fût-il d'un achat de terre
effectué par Raymond MASSE le 5 Mars 1769 et dont le fils Jean, en 1783, bien
après la mort de son Père, s'aperçoit que ce terrain n'a jamais fait
l'objet d'une prise de possession réelle. Il s'agissait pourtant d'un bien
tout à fait modeste:
" une pièce de terre en rochers, ronces et
taillis.."
évaluée 30 Livres en son temps; cela n'allait
pas chercher très loin... Mais le fils tenait absolument à ce que cette
acquisition soit indiscutable aux yeux de tous:
Pages (87) |
"et
comme Jean MASSE s'est aperçu que son Père avait
Et c'est ainsi, afin que sa propriété
devienne " invariable", autrement dit incontestable, qu'il convoqua
le Notaire sur place le 6 Décembre 1783 afin de procéder à la cérémonie
utile, quatorze ans et demi après l'achat...
Le
Notaire en dressait un Procès Verbal en bonne et due forme et la transmission
de la propriété recevait ainsi sa consécration définitive. Prenons, entre
cent autres, l'exemple d'Arnaud BATAILLEY, nouveau propriétaire achetant une
ferme, le 20 Mai 1787, au hameau de MOULAS, où il a:
" rouvert et fermé les portes et fenêtres
(des) bâtisses, allumé et éteint du feu (dans les) cheminées, coupé des
ceps aux vignes, des branches aux bois taillis et aux pignadas, des bruyères
sur les landes . . . et pris des poignées de terre (et) a, le tout, jeté au
vent, (il s'est) promené et (est) resté sur lesdits lieux, d'un endroit à
l'autre au vu et (au) su de quiconque a voulu s'en apercevoir, sans trouble ni
empêchement de personne..."
Cette pratique ancestrale, venue du fond des âges, et désormais codifiée par la Coutume fait penser au " marquage de territoire" que pratiquent bon nombre d'animaux.
Tout
se passe comme si nos Ancêtres, beaucoup plus proches de la nature que nous
ne le sommes nous-mêmes, avaient éprouvé le besoin, eux aussi, de "
marquer leur territoire ", afin d'affirmer avec vigueur leur prise de
possession du sol et des biens fonciers qui y sont attachés; vieux rêve
profondément ancré dans les mentalités rurales que cette volonté
d'appropriation de la terre que l'on travaille il est vrai, au demeurant, que
dans certains cas il pouvait y avoir intérêt à bien définir son
territoire...
Le
cas par exemple dans lequel, au sein d'une maison, on achète la moitié d'une
pièce dont une autre famille continuera d'occuper 1'autre moitié... Il
faudra s'accommoder du fait que la porte sera commune ( et qu'elle devra être
ouverte ou fermée... ), que la cheminée sera d'un côté et pas de l'autre,
sans parler des innombrables problèmes de cohabitation. La chose nous paraît
invraisemblable, et pourtant...
Le
8 Mai 1778, Pierre DURON dit PINOT, laboureur à BUDOS, demandait à Me PERROY,
Notaire à NOAILLAN, de le " mettre en possession réelle " d'une
moitié de chambre, padouen et jardin attenant qu'il venait d'acheter:
"
ce que lui ayant accordé, partis de notre domicile à cheval, et parvenus au
lieu des MOULIES, dudit BUDOS,(nous) avons mis et introduit ledit DURON. dit
PINOT, en ladite possession réelle par libre entrée dans ladite moitié de
chambre sans cheminée, y ayant ouvert et fermé la porte, pris, de même
qu'au jardin et padouen parcourus, des poignées de terre qu'il a
jetées en l'air..."
Pages (88) |
Cet acte est dressé " dans la moitié de la chambre " en présence de tous les témoins requis. Souhaitons à Pierre DURON et à ses voisins une paisible cohabitation aux limites de leurs 'territoires " respectifs ainsi définis:
Il nous faut encore évoquer une autre procédure
qui, elle, limite parfois assez sensiblement la liberté des transactions
immobilières. Il s'agit du " Retrait Lignager ". Le principe en
sera évoqué dans le Chapitre consacré à la Justice; mais nous examinerons
ici ses implications familiales et sociales.
Un propriétaire décide de vendre un bien foncier et trouve un acquéreur, la vente s'effectue. Jusqu'ici, rien que de très classique. Mais voilà qu'un proche parent du vendeur ( ascendant, descendant ou collatéral ) estime que cette vente est préjudiciable à la conservation du patrimoine familial, celui du " lignage ", dans les termes du temps.
Ce parent va être autorisé à tenter une action en justice Pour " retirer " le bien vendu des mains de l'acquéreur et le réintégrer dans son propre patrimoine. C'est le Retrait Lignager. Pour cela, il s'adresse d'abord à l'acquéreur et tente, devant Notaire, une négociation amiable en lui offrant, comptant, le prix qu'il vient de débourser majoré des " loyaux coûts " que nous avons déjà rencontrés et définis à l'occasion du Droit de Prélation exercé par un Seigneur.
Si l'acquéreur accepte la proposition, la revente s'effectue sur le champ. S'il refuse, le " retrayant " l'informe qu'il va intenter une action en justice pour le contraindre à accepter la transaction qu'il propose, et qu'entre temps, la somme offerte restera consignée entre les mains du Notaire. Il se retourne ensuite vers le Tribunal Seigneurial du lieu et dépose solennellement entre les mains de son Greffier une pièce d'or et une pièce d'argent.
C'est le signe qu'il est solvable, que sa démarche n'est pas téméraire et qu'elle mérite considération. Le Droit Coutumier est assez friand de gestes symboliques. Nous venons de voir ceux qui président à la prise de possession réelle d'un bien, nous découvrons ici celui du dépôt des pièces dans le Retrait Lignager, mais il y en a bien d'autres. Ensuite, il assigne l'acquéreur devant le Tribunal et fournit au Juge les motifs qui l'ont inspiré en engageant cette procédure.
Il
lui faut développer une argumentation propre à le convaincre que le
patrimoine familial se trouve lésé par la vente qui vient de s'accomplir. Si
le Juge n'est pas convaincu, il refusera le retrait et le demandeur "
retrayant " perdra les pièces déposées. Par contre si les arguments
lui paraissent solides il autorisera le retrait. En ce cas, il ne reste plus
au demandeur qu'à se retourner vers l'acheteur en lui signifiant
l'autorisation du Juge. Il devra lui restituer, comptant, le prix initial de
la transaction, toujours majoré des " loyaux coûts ". L'acquéreur
doit lui rétrocéder le bien, aucune dérobade n'est possible.
Cette procédure est utilisé de façon fréquente.
Elle est même si bien acceptée de tous que, très souvent, elle aboutit dés
sa phase amiable sans avoir recours à la Justice. L'acquéreur préfère en
effet se soumettre à la demande plutôt que de se laisser entraîner dans un
procès qu'il a toutes les chances de perdre.
Pages (89) |
Ce sera d'abord un neveu qui a appris que son
oncle, célibataire sans postérité, vient de vendre vingt règes de vigne le
3 Octobre 1788 pour le prix de 24 Livres. En tant qu'héritier potentiel de
son oncle, il estime désastreux de voir cette parcelle quitter le patrimoine
familial. Il manifeste alors son intention de:
" retirer le tout des mains dudit (acquéreur)
par la voie du retrait lignager... (et) il s'est transporté avec Nous ...
Notaire et les ... témoins au domicile (de l') acquéreur auquel il a offert
et exhibé réellement et à découvert sur une table ladite somme de vingt
quatre Livres en quatre écus d'argent de six Livres chacun, ayant cours,
sommant ledit (acquéreur) de les prendre et recevoir et de lui faire la
revente des biens (qu'il a achetés)."
Il
promet en outre:
" de lui payer et rembourser les loyaux coûts
justes et légitimes (dès qu'ils seront) liquidés (et) de prendre et assumer
sur lui... toutes les charges, pactes, conditions et évènements (relatifs
à) ladite vente et de satisfaire (d'une façon générale) à tout ce qui est
prescrit par la coutume..."
A défaut d'acceptation, il consignera les 24
Livres et assignera l'acquéreur devant le Tribunal Seigneurial :
"
pour le faire condamner à la susdite revente ..."
Autre exemple, différent dans les liens de parenté,
mais identique quant au fond. Jean DURON, dit MOUYET, laboureur à BUDOS a un
frère Bernard, dit PERPET. Il a appris que ce Bernard, solidairement avec son
gendre, Jean DUSIRE, marchand à LEOGEATS a vendu à Jean FONTEBRIDE, dit MIC,
laboureur à BALIZAC:
" tous les biens appartenant audit DURON, dit
PERPET, dérivant de son patrimoine (et) situés en ladite Paroisse de BUDOS,
consistant en maison, parc à bétail, jardin, padouen, terres labourables,
vigne, pré, bois et landes... pour le prix et somme de deux mille trois cent
cinquante Livres."
Jean ne conteste pas à son frère le droit de
vendre ce qui lui appartient, mais il lui reproche de l'avoir vendu en
cachette à un tiers, alors que lui-même était prêt à acheter ce bien pour
le maintenir dans le patrimoine du lignage
" cette vente ayant été consentie par lesdits
DURON et DUSIRE furtivement et au préjudice dudit DURON (dit MOUYET) qui en
avait demandé (l'acquisition) et avait la préférence comme leur (plus
proche) parent; cette proximité le fonde et oblige pour ne (pas) laisser en
mains étrangères ces biens venant de sa souche... d'exercer (une) demande en
retrait lignager desdits biens ainsi qu'il a droit suivant la Coutume de
BORDEAUX."
Et
Jean FONTEBRIDE s'incline aussitôt en lui revendant à l'amiable les biens
familiaux qu'il revendique.
Pages (90) |
Les choses sont quelquefois un peu plus complexes.
L'action en retrait ne peut s'exercer que pendant le délai d'un an. Mais
pendant un an, il peut se passer bien des choses sur une propriété que l'o n
vient d'acheter, et la liquidation de la nouvelle situation exige alors
quelques accommodements.
Bernard BRUN, le Jeune, le 18 Janvier 1788, a vendu à deux frères, Nicolas et autre Nicolas BEDOURET, un certain nombre de parcelles de terre et d'immeubles pour la somme totale de 583 Livres qui ont été payées comptant. Mais ce Bernard BRUN a une fille, Catherine, et un frère également prénommé Bernard, 1'Ainé , qui n'a pas d'enfant.
On notera au passage l'absence d'imagination de ces
deux familles qui, toute deux, ont attribué le même prénom à leurs deux
garçons... BRUN, l'Aîné, estime que cette vente lèse gravement les
intérêts de Catherine, sa nièce. Il décide donc d'intervenir et de "
retraire " ( nous dirions retirer ) ces propriétés des mains
étrangères dans lesquelles elles viennent de tomber. Agissant au nom et
bénéfice de la petite, il:
" s'est transporté avec (le) Notaire et (les)
témoins dans la maison et domicile desdits BEDOURET, située dans (la)
Paroisse de BUDOS, village de PINGOY, auxquels ledit (BRUN, au nom de la
petite Catherine) a offert et exhibé réellement et à découvert ladite
somme de cinq cent quatre vingt huit Livres payée et déboursée par lesdits
BEDOURET et ce, en or, argent et monnaie de FRANCE ayant cours faisant
justement ladite somme, comptée nombrée et mesurée sur une table de la
chambre de l'appartement, demeure et domicile dedits BEDOURET Frères, qui ont
été sommés... (au nom de la petite Catherine)... de prendre et recevoir
ladite somme... et lui faire la revente par retrait lignager des biens dont
(il) s'agit dans ledit contrat sous les offres qu'il fait... de leur payer et
rembourser les intérêts et loyaux coûts, justes et légitimes (dès qu'ils
auront été) liquidés (et) de prendre et assumer sur (lui au nom de la
petite) les évènements de (cette) vente, et (d'une façon générale)
satisfaire à tout ce (à quoi) il est tenu par la Coutume..."
Les BEDOURET, sachant bien qu'ils n'ont aucune chance de résister en justice devant une pareille demande, acceptent la revente; mais nous sommes pour lors le 27 Janvier 1789; un an s'est écoulé depuis leur achat initial et ils ont déjà travaillé sur ces terres. En particulier, ils les ont déjà engraissées de précieuses fumures. Il faut donc négocier tout cela et c'est ici que l'affaire devient intéressante.
Tout d'abord les BEDOURET facturent à BRUN 30 Livres pour les frais d'acte, de Notaire et d'enregistrement. Mais ils y ajoutent, et c'est justice, les 73 Livres 10 sols qu'ils ont payées au Baron de BUDOS au titre des Lods et Ventes. Ce chiffre mérite que l'on s'y arrête car il représente très exactement 12,5 % du montant principal des 588 Livres.
C'est bien la preuve que le Seigneur, en ces toutes
dernières années de l'Ancien Régime, n'avait, dans ce cas précis consenti
aucun relâchement sur le taux du " huitain denier " , confirmant du
même coup que la perception des Lods et Ventes constituait bien l'un des
revenus les plus importants dans la panoplie des droits seigneuriaux plus ou
Pages (91) |
Ceci nous
rappelle l'âpreté que les uns et les autre, au cours de l'histoire du
Village, mirent à la conquête des bruyères de la lande. Nous retrouvons ici
une évidente confirmation de l'importance capitale de ces fournitures dans
l'économie locale.
La Nouvelle
Coutume de BORDEAUX ne consacre pas moins de 33 articles à sa description et
à sa mise en oeuvre. Ce retrait répond en fait à l'obsession permanente des
famille de protéger leur patrimoine de toute dilapidation, et à la volonté
farouchement affirmée de s'approprier la terre que l'on cultive et de ne plus
la lâcher.
Après une
vente, il pouvait y avoir conflit entre le Droit de Prélation du Seigneur
local, cherchant à réintégrer une tenure dans sa directe, et la demande en
retrait lignager formulée par un proche parent. En ce cas, la Coutume de
PARIS donnait la priorité à l'exercice du droit du Seigneur. Mais la Coutume
de BORDEAUX prenait très exactement la position inverse. L'exercice du
retrait lignager l'emportait ici sur celui du droit de prélation. En
Bordelais, une priorité absolue était donnée à la défense du patrimoine
familial.
ACQUISITION
PAR SUCCESSION
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Ce sera
plutôt celui qui paraîtra être le mieux placé par les circonstances pour
conserver et faire valoir le patrimoine. Ce pourra donc très bien être
l'aîné, mais aucun des nombreux testaments étudiés ( plusieurs centaines)
ne fait expresse référence à un quelconque Droit d'Aînesse.
Et par ailleurs, ils s'efforcent également de donner aux autres assez de bien pour leur permettre de se lancer dans la vie et d'y courir leur chance. Ces deux impératifs ne sont pas toujours compatibles. En tout état de cause, la Coutume de BORDEAUX interdisait à un Père de Famille de déshériter complètement un enfant.
Mais à la
vérité cette obligation n'était guère contraignante car la part
réservataire était pratiquement laissée à la libre appréciation du
testateur. Il suffisait à celui-ci de léguer une somme modique à son
héritier pour satisfaire à la Coutume. Cette part s'appelait la "
légitime ". Cette clause de sauvegarde était donc devenue de pur
principe et n'avait pratiquement plus d'effet. On en rencontre néanmoins
quelques exemples en situation d'exception.
Supposons en
effet un patrimoine estimé à 6.000 Livres à répartir entre deux enfants.
Le Père n'aura pas grand scrupule à partager son bien par parts égales
entre chacun car on vit bien sur un fonds de 3.000 Livres. Mais si le
patrimoine est de 3 ou 400 Livres ( et ils sont bien plus nombreux dans ce cas
là ) on ne pourra procéder au même partage sans mettre les deux enfants en
situation bien difficile et compromettre la pérennité du patrimoine
lignager. C'est donc ici que l'on rencontre le coeur de la difficulté. On
pourrait résumer la situation d'un mot en disant qu'en fait, l'équité
était presque un privilège de la fortune.
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Par contre,
il est bien évident que, tout bien compté, elles ne parviennent pas à
obtenir une part équivalente à celle des garçons de la famille.
N'ayant pas
de lignage à assurer, le Père peut alors s'offrir le luxe de l'équité,
même si chaque part doit être minuscule.
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Chacun
pourra, sur ces témoignages se faire une idée personnelle sur une matière
passablement fluctuante au gré des situations particulières et relevant bien
souvent de solutions empiriques.
Le cas est
atypique en ce qu'il concerne une solide fortune foncière dont il existait
peu d'exemples à BUDOS et qui dépassait très largement les limites de la
Paroisse. De ce fait, nous allons nous situer ici très au delà des
normes des patrimoines Budossais moyens, mais les justifications apportées
par le Père de Famille sont tout à fait précieuses et constituent un
remarquable résumé des préoccupations du temps.
Incontestablement,
Nicolas CARROUGE est un Notable très à l'aise, jouissant d'une très bonne
situation matérielle et par conséquent très libre dans ses choix
successoraux.
(une
rège représentait environ 70 m2)
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Il y pourvoit.
Il faut que Marie Scholastique ait en main une exploitation viable, ce qu'en termes modernes nous appellerions une " unité de production " indépendante, et il la lui donne.
Ce faisant, il ne lui donne tout de même que le tiers de tous ses biens fonciers, les deux autres tiers allant à Pierre qui, lui, sera dépositaire de l'avenir du patrimoine familial et portera la responsabilité de la survie du lignage. Mais Nicolas CARROUGE ne fait pas une religion de cette règle de partage. Il n'en applique la proportion que là où elle lui parait indispensable à la sauvegarde du patrimoine foncier.
Il précise
en effet que les meubles se partageront par moitié entre le frère et la
soeur. Ici, en effet, aucun intérêt vital n'est en jeu quant à l'avenir du
lignage, il n'y a donc pas de raison de léser la fille. De même est-il bien
précisé que les récoltes et provisions qui se trouveront sur ses
propriétés au moment de son décès seront également partagées par
moitié. Quant aux objets précieux qui lui appartiennent, il dispose de sa:
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Inutile de préciser que dans les testaments des laboureurs Budossais, il n'y avait ni montre, ni pendule, ni canne à pommeau d'or, ni tabatière d'écaille, et c'est en cela, tout comme en son niveau de fortune, que le testament de Nicolas CARROUGE est tout à fait atypique.
Mais pour
tout le reste , quelle éclatante démonstration des intentions d'un Père qui
, échappant aux contraintes de la médiocrité, peut se permettre de partager
ses biens selon les critères de l'équité du temps. Avantage au garçon
responsable de la suite du lignage, mais pas plus qu'il n'est strictement
nécessaire au projet familial; et par ailleurs, souci de laisser à la fille
une situation économique viable pour assurer son avenir . Nous touchons ici,
au regard des idées du temps à la quasi perfection dont un Père peut
rêver.
Ajoutons,
pour être complet, mais la chose mérite d'être rapportée, qu'avant tout
partage, il faudra dégager la somme nécessaire à la liquidation du legs
fait par Nicolas CARROUGE à sa servante Elizabeth. Les proches serviteurs
apparaissent fréquemment dans les testaments des Bourgeois ruraux, nais ici,
le Maître se montre particulièrement généreux
Trente Livres
par an ! C'est probablement doubler son salaire!
Enfin on notera que le texte prévoit que s'il y a quelques dettes au moment du décès, elles se partageront entre la fille et le garçon dans la proportion d'un tiers / deux tiers, mais que le testateur, par ailleurs si précis, n'a pas envisagé un seul instant qu'il puisse se trouver de l'argent liquide en sa maison au moment de son décès.
On ne
conservait pas d'argent, même dans une famille bourgeoise aisée, en tous cas
pas plus qu'il n'en fallait pour assurer les besoins immédiats du ménage. Et
en cela, il est bien possible que les habitudes urbaines, à la même époque,
aient pu être assez sensiblement différentes.
Venons-en à une situation de famille identique, avec deux enfants, également garçon et fille, mais dans une situation beaucoup plus conforme à la moyenne des patrimoines Budossais. Il n'y avait pas assez de biens, ici, pour fournir une plate-forme aux savants dosages d'un Nicolas CARROUGE.
Nous sommes dans la famille LARRUE qui était originaire de LAULAN. Le Père, Jean LARRUE était déjà mort et sa succession réglée. La Mère, Jeanne BILLAUT, venait de mourir à son tour, mais sans avoir fait de testament. Les deux enfants, Arnaud qui était resté sur le bien familial à LAULAN, et Catherine, venue s'installer à BUDOS, avaient donc à se partager par moitié la succession de leur Mère.
Une succession qui pouvait s'élever aux environs de 700 Livres tout au plus. Elle comportait quelques parcelles de terre et les biens dotaux de Jeanne BILLAUT, lesquels consistaient essentiellement en mobilier. Ces enfants allaient ils se partager le lit, le coffre et quelques autres meubles ainsi que ce peu de terre dont Arnaud avait tant besoin pour compléter ce que lui avait laissé son Père à LAULAN ?
Non, le 14
Janvier 1772, ils vont chercher et trouver une solution plus raisonnable.
Catherine aura les meubles et de l'argent, et son frère gardera
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" par les présentes (dispositions, sous la) foi et serment par elle faits à Dieu.."
On avait alors souvent recours à la licitation; c'est à dire que les deux ou trois héritiers concernés procédaient, devant Notaire à une vente aux enchères réservée aux seuls intéressés ( cette procédure sera examinée dans le Chapitre relatif au Tribunal et à la Justice ).
C'est ce que
vont faire Denis et Marie MOTTES, enfants de Marie ROUMAT. Leur Mère leur
avait laissé quelques lopins de terre et une maison située au hameau de
COUCHIRE. Les valeurs n'étant pas comparables, ils ne purent prendre l'un les
terres et l'autre la maison. Ils décidèrent donc de partager ce qui était
partageable et de soumettre la maison à une licitation. C'est ce qu'ils
firent le 2 Décembre 1785; il s'agissait:
" d'une
chambre de maison basse, bâtie de pierre, couverte de tuiles creuses, (d')un
appentis fait en pierre sèche, un petit jardin, et un petit (jardin)
chènevier adjacents, (y) compris les padouens et ayriaux dépendants de
ladite chambre, (avec) le droit de puits et de puisage, au lieu dit
appelé de COUCHIRE. "
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Pierre
LALANDE, l'Aîné, était resté vigneron à BUDOS, tandis que Joseph, le
cadet était allé s'installer à SAUTERNES . Il fallait en sortir. Le 16
Octobre 1771, après en avoir longuement débattu, ils exposèrent à Me
PERROY, Notaire à NOAILLAN que :
Il faut
pourtant bien trouver une solution de partage qui s'impose à tous. Elle peut
être demandée à la Justice. C'est une voie lente ( bien des années
s'écouleront avant qu'intervienne une décision) et surtout très onéreuse;
le plus clair de la succession risque fort d'y passer. Aussi les héritiers
préfèrent ils souvent recourir à l'arbitrage.
Un arbitrage
impartial définissant intelligemment des lots homogènes était donc
préférable pour tout le monde. C'était la solution de raison. Certains nous
expliquent d'ailleurs fort bien les raisons de ce choix. Ainsi le 7 Mars 1785,
Jacques CADILLON, habitant de BUDOS, et son frère, autre Jacques, qui, lui,
était parti se marier à PUJOLS;
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De ce fait, ils sont moins intéressés par les propriétés foncières Budossaises. Ainsi par exemple, à l'ouverture de la succession d'Arnaud BEDOURET et de Catherine MASSE, le 27 Juin 1783, on trouve trois fils dont Bernard, l'Aîné, est resté vigneron à BUDOS tandis que Jean est installé tonnelier à CERONS, et qu' un autre Bernard, le plus jeune, est bouvier à " BIGANOS près LA TESTE ".
Ils étaient
bien loin, et des terres à BUDOS ne les intéressaient guère. Mais Pierre
n'avait pas l'argent nécessaire pour désintéresser sa sœur, du moins pas
tout de suite. Il aurait fallu qu'il dispose de pas mal de temps pour
épargner la somme utile; de beaucoup de temps même, sans parler des
intérêts qui n'auraient pas manqué de courir.
De tels
exemples sont assez significatifs des conditions de vie de ces petits
propriétaires ruraux. Faute de pouvoir régler certains problèmes au fond
parce qu'ils n'en avaient pas les moyens, ils s'efforçaient toujours de
trouver des solutions de survie. C'est vrai dans les liquidations de
succession, mais c'est également vrai en bien d'autres circonstances de leur
vie.
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"
indisposé de sa personne et retenu dans son lit "
Il y a donc
ici une première distorsion, mais il y en a d'autres, beaucoup plus
importantes. Pierre LATAPY avait un demi frère issu d'un autre lit. Il
n'entretenait plus aucunes relations avec lui et ne savait même plus ( du moins
le disait il ) s'il vivait encore.
Mais la Coutume était formelle, il ne pouvait l'exclure de la succession. Aussi
va-t-il lui faire un legs, et quel legs ! Il donne à:
Nous avons vu
que, lorsqu'il n'y avait que des filles, les Pères de Famille étaient plutôt
enclins à l'équité en procédant à un partage par parts égales. Il se
trouvait pourtant des cas dans lesquels un tel partage n'était pas possible, en
particulier lorsque l'un des éléments du patrimoine était indivisible, cas
dans lesquels la licitation constituait généralement l'issue la plus
raisonnable.
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Ce drap se fabriquait à BUDOS au Moulin du BATAN qui était dit " Moulin à étoffe " depuis des temps immémoriaux. Cette tradition s'est d'ailleurs perpétuée jusqu'au milieu du XIXème siècle. Ce Moulin appartenait pour partie à notre Jean BEZIN.
Celui-ci
avait été marié trois fois. Il avait eu une fille, Elizabeth, de sa
première femme, Marie ROUDY; puis une autre fille, encore une autre
Elizabeth, de sa seconde femme Catherine SOUBES; enfin il n'avait pas eu
d'enfant de la troisième, Marie BELLOC qui devait lui survivre.
Le voilà donc avec deux héritières et quelques biens à partager dont sa part du Moulin du BATAN. Or la propriété de ce Moulin n'était pas chose simple. Elle était tout à fait typique de ces situations d'indivision dans lesquelles nos Ancêtres semblaient se complaire.
Outre
la part de Jean BEZIN, une autre part du BATAN appartenait à un certain Jean
LAFARGUE, également foulon, mais à TOULENNE, et enfin une autre partie à
Bernard PENICAUD, Procureur d'Offices au Tribunal de BUDOS.
Or, une occasion allait se présenter de mettre un peu d'ordre dans tout cela. En simplifiant beaucoup, car l'affaire est très complexe, Jean LAFARGUE, qui n'avait pas d'enfant, allait racheter sa part à Bernard PENICAUD et la réunir à sa propre part pour en faire don à son neveu, autre Jean LAFARGUE, qui était également son filleul, lequel allait, de surcroît ... épouser Elizabeth, la fille aînée de Jean BEZIN.
Il
ne restait donc plus à ce dernier qu'à léguer sa part à la même Elizabeth
pour que la propriété pleine et entière du Moulin du BATAN soit
reconstituée entre les mains du jeune couple. C'est bien ce qu'il fit, et
c'est un bel exemple de politique patrimoniale bien conduite, mais conduite,
il faut le souligner, au détriment des intérêts de la seconde fille.
La succession était évaluée à 3.640 Livres avec, toutefois, 2.177 Livres 7 sols de dettes. Des dettes dans lesquelles on trouve entre autres, et pour la petite histoire, 12 Livres 15 sols qui sont encore dues à l'Eglise de BUDOS pour les frais d'obsèques de la première femme du testateur, décédée il y avait presque vingt ans... Il restait donc à partager 1.462 Livres 13 sols au sein desquelles la part du moulin représentait 830 Livres.
On
aurait pu penser que le partage se fit en donnant cette part à l'aînée et
le solde à la cadette. Eh bien pas du tout. Le Moulin est attribué à
l'aînée " hors part ", et le solde, soit 632 Livres 13 sols sera,
seul , partagé entre les deux sœurs, la cadette devant se contenter de 316
Livres. C'est peu, et la situation est d'autant plus injuste que l'aînée
récupèrera en plus 1.500 Livres ( somme considérable ) lui venant de la dot
de sa Mère, Marie ROUDY, alors que Catherine SOUBES, mère de la seconde
parait bien ne pas avoir eu de dot et n'a donc rien pu transmettre à sa
fille.
Inutile de dire qu'en de telles circonstances, il s'élève souvent des contestations, même dans des cas où les choses paraissent simples et bien établies. Le mauvais vouloir de certains héritiers confine parfois à l'escroquerie pure et simple.
Ainsi
en va-t-il de la succession de Pierre BRANEYRE, dit LA FIGURE et de Jeanne
DOUENCE sa femme. Ils avaient eu deux filles toutes deux prénommées
Elizabeth. L'une s'était mariée avec Jean SAUDOUA, lequel était venu
s'installer gendre chez les BRANEYRE, tandis que l'autre, mariée à Guiraud
TACHON, était " partie nore " dans sa Belle Famille.
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A
maintes reprises, elle demanda à sa sœur de procéder à ce partage,
toujours en vain. Les années passèrent, jusqu'au moment où les SAUBOUA se
mirent à couper des bois et à vendre des pins. C'est le fait nouveau qui
détermina les TACHON à intervenir de façon plus radicale à l'encontre des
usurpateurs:
"
cette dureté de leur part, contraire aux lois naturelles et (au) Droit,
forçant les (TACHON), nonobstant les liens du sang, à saisir les voies de
rigueur pour soumettre lesdits SAUBOUA et BRANEYRE, conjoints, à la raison.
"
Nous
sommes alors le 20 Septembre 1769, et c'est le début d'une très longue
affaire qui n'offrait pourtant, à l'origine, et de toute évidence, aucune
prise à la moindre contestation. Seule, la mauvaise foi de l'une des parties
était en cause. Parfois la contestation est littéralement concertée à
l'intérieur de clans familiaux qui se dressent contre d'autres.
Les
SAINT BLANCARD constituaient une famille de laboureurs aisés, l'une des plus
fortunées de la Paroisse. Nicolas, et Jeanne LATAPY, sa femme, avaient eu
quatre enfants, un garçon, Pierre, et trois filles : Anne, Jeanne et Simone,
toutes trois respectivement mariées à BUDOS ( en de " solides
alliances") avec Arnaud BATAILLEY, LACASSAGNE et MOURA.
Selon une pratique que nous avons évoquée ci-dessus, Nicolas SAINT BLANCARD avait estimé, dans son testament que ses filles, à son décès, devraient recevoir un " complément " prélevé sur sa succession et venant s'ajouter à la dot qu'elles avaient déjà reçue au moment de leur mariage. Pierre, le Fils, était chargé de le régler à ses sœurs. Après bien des tractations dans le détail desquelles nous nous garderons de pénétrer, car elles sont fort complexes, un accord familial avait fini par être conclu le 8 Juin 1775. Anne et Jeanne devaient recevoir chacune 717 Livres 10 sols et Simone ( pour d'autres raisons) 1.445 Livres 4 sols.
Pierre réalise alors les sommes nécessaires et, le 6 Décembre de la même année, accompagné de Me BAYLE, Notaire à PUJOLS, chargé de bien des kilogrammes de pièces d'or et d'argent, entreprend la tournée de ses Beaux Frères. Il commence par les BATAILLEY au quartier des MAROTS. Il y rencontre bien Arnaud, le mari de sa sœur, nais aussi le vieux BATAILLEY, son Beau Père, qui régente tout. Anne, la principale intéressée, ne participe pas à l'entretien; c'est bien pourtant de son argent qu'il s'agit ... Qu'importe, c'est une affaire d'hommes et qui se traite entre hommes...
Pierre
étale sur la table 28 Louis d'or de 12 Livres chacun, 66 Ecus de 6 Livres, un
Ecu de 3 Livres et 10 pièces de un sol formant, le tout, 735 Livres 10 sols (
car des intérêts avaient couru dans l'intervalle). Proposition refusée pour
" insuffisance ".
Chez
les LACASSAIGNE et les M0URA, au fil de la même journée, il va reconduire le
même scénario et essuyer les mêmes refus pour la même raison. Dans les
trois cas, il ramassera son argent et le consignera entre les nains d'Arnaud
LATAPY, Bourgeois de BUDOS:
Pages (103) |
Les
trois Beaux Frères pourront en prendre possession quand ils le voudront, sous
la seule condition d'en donner bonne quittance, mais il est bien entendu, et
c'est ce qu'il leur signifie par acte notarié, qu'à compter de ce jour, il
ne leur versera plus un sol d'intérêt. Ici, la collusion entre les trois
Beaux Frères ne pouvait guère faire de doute.
Enfin,
et pour en terminer sur une note un peu plus optimiste, évoquons le partage
réglé au quartier de PINGOY, le 9 Avril 1761 entre Pierre et Arnaud BEDOURET
au décès de leurs Parents. Il s'agit d'un patrimoine lui aussi
considérable, du moins à l'échelle du Village; il est évalué à 8.000
Livres. Ils se le partagent par moitié et en bonne intelligence.
Ainsi, ils conviennent que la cuve neuve qui se trouve dans un chai tombant dans le lot d'Arnaud y restera, mais qu'ils utiliseront les douelles et le fond préparés pour une autre cuve et la feront faire à frais communs pour que Pierre ait aussi sa cuve. Toutes leurs dispositions sont empreintes de la même sagesse.
Mais
l'intérêt majeur de leur partage réside dans l'énumération détaillée de
leurs biens, parcelle par parcelle. Il s'agit là d'un document qui, à BUDOS,
est assez rare et qui permet de mesurer, une fois encore, l'extrême
morcellement de la propriété foncière.
Sans entrer dans tous les détails qu'ils nous fournissent, retenons par exemple que le Lot du cadet comporte 26 parcelles de vignes, près et landes; tout comme chez son frère; la vigne y domine, du moins en nombre, avec 12 parcelles dont la plus grande n'excède pas ( après conversion ), 19 ares 03 et la plus petite 4 ares 30 !
Même si, à part les labours, toutes les façons s'effectuaient à la main en dehors de toute mécanisation, on peut aisément imaginer les pertes de temps et d'efficacité que pouvait entraîner une telle dispersion. Sans nous en rapporter de preuves formelles, les textes nous laissent souvent supposer que nos Ancêtres se déplaçaient beaucoup au hasard de leurs travaux. On peut éventuellement interpréter cet usage comme une sorte d'interruption dans la continuité de leur rude effort physique.
Leurs
temps de parcours d'une parcelle à une autre serait alors une sorte de
respiration une détente dans leur
travail. Il serait hasardeux de l'affirmer, mais on ne peut toutefois en
écarter l'idée.
Les
quelques cas concrets que nous venons d'évoquer, choisis parmi tant d'autres,
illustrent bien les grands principes régissant la transmission des
patrimoines et l'empirisme qui présidait à leur mise en oeuvre.
De
tous les m o d e s de transfert de la propriété, la transmission par
succession est, à coup sûr celui qui touche de plus près à la vie intime
des familles et celui qui pose aussi les paris les plus réfléchis sur les
conditions futures de l'exploitation des fonds.
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LA
GESTION DE LA PROPRIETE
La
gestion des propriétés rurales Budossaises s'effectuait selon trois
modalités différentes:
le faire valoir direct,
le métayage,
le fermage
Nous
allons examiner successivement chacune de ces trois formes d'exploitation.
LE
FAIRE VALOIR DIRECT
Le
faire valoir direct est la forme d'exploitation dominante à BUDOS.
Le
Baron y a recours pour une part notable de son domaine, ainsi que les
Bourgeois Bordelais ou locaux. Les uns et les autres ont bien, ici et là,
quelques métairies constituées en unité d'exploitation autonomes, mais ils
paraissent très attachés à conserver les meilleurs fonds en exploitation
directe.
A
la fin du XVIIIème siècle, l'agriculture est à la mode dans la bonne
société et les notables Bordelais se piquent de leurs intérêts ruraux. Ils
ne se bornent d'ailleurs pas à en encaisser les revenus car ils
s'intéressent réellement à la conduite des domaines dont la gestion
quotidienne est confiée à des hommes d'affaires qualifiés, généralement
recrutés sur place, et auxquels ils donnent leurs directives et leurs
orientations générales.
Le Baron s'inscrivait parfaitement dans ce profil de Notable mi-citadin, mi-rural. Pendant très longtemps, il avait utilisé les services de Benoît ROUSSEAU qui était " Marchand et Agent d'affaires " sans que la nature de son commerce soit précisée. Il vivait au quartier de FONBANE, tout à côté du Château.
Dans
les dernières années de l'Ancien Régime, Jean DUGOUA lui succéda et
conserva ce poste jusqu'à la Révolution, alors même que le Baron avait
déjà émigré, ce qui lui valut d'ailleurs quelques ennuis. Seule, la
dispersion des biens seigneuriaux comme Biens Nationaux mit un terme à ses
fonctions.
Mr
Gérard AUBIN, dans sa remarquable étude sur " LA SEIGNEURIE EN
BORDELAIS AU XVIIIème SIECLE ", brosse un excellent portrait de ces
Hommes d'Affaires seigneuriaux ( cf. page 248).
Le
Régisseur devait être:
"
un homme averti des choses de la campagne... très au fait de la culture et de
l'ensemencement des terres, ainsi que de la manière de bien faire cultiver et
planter les vignes et de bien faire les vins."
Il
devait aussi:
Pages (105) |
Cette description s'applique parfaitement aux deux hommes que s'était successivement attachés le Baron. Il leur a toujours marqué une grande confiance et n'a pas hésité à leur confier par procuration, en différentes circonstances où il était absent, des responsabilités tout à fait considérables sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.
On
perçoit très bien que, dans le Village, devenir l'Homme d'Affaires du Baron
constituait une véritable promotion sociale qui n'allait pas sans soulever
parfois certaines jalousies.
Monsieur MIRAN qui était Bourgeois de BORDEAUX, Avocat au Parlement et Juge de la Prévôté Royale de BARSAC, avait, lui aussi, son intendant à BUDOS. Les propriétaires successifs du Château de PINGUET ont eu également les leurs.
Contrairement
à la plupart des autres grandes propriétés, ce Château a souvent changé
de mains au fil du XVIIIème siècle, passant tour à tour des COSSAGERES du
JUNCA aux DARMAJAN, puis aux LAMALETIE, mais sans que la continuité de
l'exploitation en soit affectée.
Par
contre, d'autres grands propriétaires ( jamais très grands au demeurant à
BUDOS ) semblent bien avoir géré leurs fonds sans intermédiaire. Si, à la
différence des laboureurs locaux, ils ne mettaient pas eux-mêmes la main à
la charrue, ils n'en vivaient pas moins sur place et pouvaient ainsi diriger
leurs propres affaires.
Enfin,
et surtout, le faire valoir direct était également le mode d'exploitation de
la quasi totalité des laboureurs et vignerons Budossais car très rares
étaient ceux qui avaient recours au métayage, et encore moins au fermage.
Parmi eux, on pourrait éventuellement distinguer trois niveaux:
-
le niveau de ceux qui travaillaient de leurs mains une minuscule propriété
insuffisante à leur survie et qui pratiquaient, en complément, une activité
artisanale, ou le travail de journalier pour le compte d'autrui.
-
le niveau de ceux qui détenaient un bien suffisant pour vivre et qui, dans
leur famille, trouvaient la main d'œuvre nécessaire, ( enfants, gendres, etc…)
sans faire appel à des concours extérieurs,
et
le niveau enfin de quelques propriétaires importants, travaillant de leurs
mains avec leurs proches, mais contraints de recourir soit à des journaliers
de complément au moment des grands travaux, soit à des valets agricoles
permanents.
Ces
trois niveaux d'exploitation se rencontraient à BUDOS.
Quant
aux journaliers et aux valets, leur condition était plutôt difficile.
Les
premiers avaient souvent, nous l'avons dit, une activité leur permettant de
vivre tant bien que mal et plutôt mal que bien. Mais leur salaire n'avait
guère évolué au fil du siècle, et l'érosion monétaire leur avait été
très défavorable.
Pages (106) |
Les
valets permanents étaient à peu près logés à la même enseigne. Encore
fallait-il qu'ils fussent payés !... En général, ils finissaient par
l'être, mais avec bien des retards et de longues attentes. Puisqu'ils
étaient nourris et logés, leurs Maîtres estimaient qu'ils n'avaient
pas besoin d'argent et c'est ainsi que leur compte courait...
Jean LAFITAN était valet chez Nicolas SAINT BLANCARD (que nous avons déjà rencontré à l'occasion d'une affaire de succession ). A l'origine, il avait déjà commencé à travailler à la journée au prix de 6 sols l'une, et il avait ainsi fourni 80 journées pour 24 Livres qu'on lui avait payées.
Mais ensuite, il était devenu valet à temps plein au prix de 20 Ecus par an, soit donc 60 Livres annuelles. Et là, au décès de son Maître, cinq ans plus tard , en 1777, on ne lui avait encore rien payé des 300 Livres qu'on lui devait... ! Il n'a pour autant rien perdu.
Le Fils SAINT BLANCARD a réglé la dette sur la succession de son Père sans l'ombre d'une hésitation. Mais tout de même... Les choses ne se terminaient d'ailleurs pas toujours aussi bien.
Bernard
CANTILLAC et Bernard DUPIN étaient allés s'engager comme valets chez Me
LOUSTEAU, Curé de BARSAC. Il était convenu qu'ils percevraient chacun 54
Livres par an, nourris et logés. Mais seize mois plus tard, le Curé ne leur
avait encore rien versé, pas même un acompte, et ne manifestait aucun
empressement à répondre à leurs demandes réitérées. Le 19 Mars 1784, ils
le quittèrent et le firent saisir, ce qui faisait vraiment désordre...
Les
mauvais payeurs sont connus et il leur est parfois difficile de trouver de la
main d'œuvre, laquelle, à la veille de la Révolution, commence à se faire
plus rare dans les campagnes, surtout dans la vallée de la GARONNE. Les
salaires ne paraissent pas pour autant avoir très sensiblement augmenté ce
qui ne laisse pas d'être anormal. Le phénomène mériterait une étude plus
détaillée.
Quoi
qu'il en soit, Raymond COUTURES, Bourgeois de BUDOS, ne jouit pas d'une trop
bonne réputation d'employeur. Le 21 mai 1786, il avait rencontré Pierre
PEROY, dit SANSON, marchand, chez " BERNADET " au Bourg de BUDOS, et
lui avait demandé d'être son prixfaiteur et de lui trouver:
"
du monde pour faire donner la première façon (de l'année) à son bien de
BUDOS"
Pierre
PERROY connaît son homme et ne montre guère d'enthousiasme. L'affaire ne se
fait pas. Mais le lendemain, les deux hommes se retrouvent. PERROY estime que
son commerce lui prend tout son temps; il ne veut pas s'engager dans cette
opération et ne tient pas du tout à être le prixfaiteur de COUTURES. Mais
celui-ci insiste, on le sent pressé d'aboutir.
Il
offre:
"
de luy donner vingt deux sols de la journée d'homme ou manœuvre (non
nourris) qu'ils trouveroit et s'il les avait à moins, ce serait l'indemnité
de sa peine et de ses soins."
Pages (107) |
Vingt deux sols font deux sols de plus que le prix normal d'une journée de travail non nourrie au printemps, et par ailleurs COUTURES abandonne l'idée du forfait. Dans ces conditions, PERROY surmonte ses réticences et finit par accepter le marché. Le voilà qui se met à battre le Village à la recherche de main d'œuvre en sous traitance.
Il
recrute ainsi " le fils du NIN " au quartier des MAR\OTS qui fournit
15 journées, JEAMMET dit LAC0STE qui en fait 4, d'autres encore, pour un
total de 59 journées et demie représentant 65 Livres 9 sols. Or, COUTURES
n'avait avancé que 60 Livres à Pierre PERROY. Le solde ne vient pas...
PERROY arrête les Frais et cesse de fournir sa main d'œuvre.
COUTURES n'hésite pas un instant, sans complexe, il lui adresse une sommation notariée le 11 Juillet, l'invitant à poursuivre ses prestations. Est-il besoin de dire que PERROY n'apprécie pas le procédé. Il explose et porte sur son partenaire un jugement peu amène:
"
il faut qu'il y ait toujours quelque chose qui l'anime et l'agite..."
écrit-il. En tous cas, il se refusera désormais à toute fourniture car il:
" n'est ni son valet ni son prixfaiteur, n'ayant cherché des manœuvres que pour lui faire plaisir parce qu'il n'en trouvait pas lui-même, crainte de n'être pas payés."
Et
puisque COUTURES a si malencontreusement réagi, PERROY ne manquera pas de lui
rappeler par la même occasion, qu'outre les 5 Livres 9 sols restant dues sur
cette opération, il lui doit également 3 paquets de cercles de barriques à
3 Livres pièce, plus 12 Livres pour un boisseau de:
" blé d'Espagne qu'il lui vendit et livra aux vendanges dernières..."
sans
parler
"
aussi de cinq sols qu'il luy prêta dans sa vigne, en travaillant, pour
s'acheter du tabac…"
Le
14 Juillet 1786, PERROY faisait dresser de tout cela un acte en bonne et due
forme par le Notaire de PUJOLS, et le faisait signifier le soir même à
COUTURES par le ministère de Jean BED0URET, Bayle du Tribunal de BUDOS. Un
beau litige en perspective...
Le
faire valoir direct s'applique également à l'exploitation de la Lande
Commune. Chacun va y travailler pour son propre compte, mais là, les
problèmes sont d'un autre ordre. Mous les avons déjà évoqués, mais il
nous faut y revenir un peu plus en détail.
Le
bien étant commun, chacun va y prélever, par son travail, ce qui lui est
nécessaire et selon ses besoins; mais les choses ne sont pas si simples. La
rareté de la bruyère suscite bien des convoitises et les fraudes sont
nombreuses. A plusieurs reprises, la Paroisse a dû se réunir en Assemblée
Capitulaire pour tenter de maîtriser les exploitations abusives. La
réitération de ces Assemblées prouve bien, s'il en était besoin, que le
problème était permanent.
D'aucuns
coupaient plus de bruyères qu'ils n'en avaient besoin et la revendaient
subrepticement à l'extérieur de la Paroisse.
Pages (108) |
Il
faut croire que les fraudeurs ne se laissèrent guère impressionner car les
abus se poursuivirent. C'est pourquoi nous retrouvons les Budossais réunis
dans une nouvelle Assemblée Capitulaire, toujours sur la place du Village, à
la sortie des Vêpres du Dimanche 19 Février 1786. Ils constatent d'abord
que:
"
ils ne peuvent . . . pas arrêter le cours de différents abus qui se
perpétuent de plus en plus et qui semblent prendre un plus grand degré de
force chez certaines personnes qui sont plus hardies et plus entreprenantes
que bien d'autres. Ces abus consistent, entre autres choses, dans un coupement
immense de bruyères sur ledit communal et l'exportation de (celle-ci) et des
fumiers en provenant hors de l'enceinte de ladite Paroisse de BUDOS…"
Les fraudeurs ont mis au point un système assez astucieux. Ils embauchent en secret à titre de journaliers et en les payant au-delà des salaires normaux, des Budossais qui ont un droit d'accès incontestable aux produits de la Lande , mais qui ont peu de besoins en bruyère, voire pas de besoin du tout. Ces ouvriers procèdent à des coupes comme s'ils agissaient pour leur propre compte et en cèdent le produit à leur commettant qui à son tour en fait commerce à l'extérieur de la Paroisse. C'est ce qu'explique l'Assemblée Capitulaire:
" il y a plusieurs personnes qui, usant de ruse (font) couper à prix d'argent une grande quantité de ladite bruyère; qu'ils emploient pour cela le plus souvent beaucoup de monde, de ceux desdits communiers qui sont le moins fonciers (entendons par là ceux qui ont le moins de terre), qui n'ont besoin pour eux que très peu de bruyère et qui se prêtent d'autant plus volontiers à la supercherie qu'ils trouvent une ample récompense dans un salaire plus fort que leur paye celui qui profite de ladite bruyère; en sorte que par l'effet d'une pareille manoeuvre, les... Syndics sont souvent trompés et la Communauté, par conséquent, (lésée)..."
Les
Syndics proposent alors à l'Assemblée un Règlement d'Exploitation dans le
détail duquel nous n'entrerons pas, mais qui définit les droits et devoirs
de chacun. Ils proposent également d'en confier la sanction au Juge du
Tribunal de Budos sous contrainte d'une amende de 50 Livres pour chaque
contravention relevée
"
et de plus grande en cas de récidive".
Le
faire valoir direct d'une propriété collective n'a jamais été chose simple
sous quelque cieux qu'on l'ait tenté, l'exploitation
de la grande Lande de BUDOS en porte un nouveau témoignage.
Pages (109) |
Venons
en maintenant aux autres formes de gestion de la propriété foncière, et
tout d'abord au métayage.
LE
METAYAGE
Les métairies n'étaient pas très nombreuses à BUDOS. Aucun document ne permet d'en déterminer le nombre exact. S'il fallait absolument fixer les idées, on pourrait peut-être avancer le chiffre d'une quinzaine dont le tiers environ appartenait au Baron, et les autres à des Notables, souvent Bordelais tel Mr NIRAN à LA HONTIQUE, Mr CONILH au LIOL, ou d'autres encore, non résidants, telle la métairie du CRABIAU que nous allons retrouver ci-après.
Très
rares sont les métairies appartenant à des laboureurs Budossais. Si rares,
qu'à la vérité on n'en identifie qu'une seule avec certitude, à JAMART,
achetée par Arnaud BATAILLEY dans des conditions que nous rapporterons en
leur temps. Il se peut qu'il y en ait eu quelques autres qui n'auraient pas
laissé de traces, mais au total, un chiffre compris entre quinze et vingt
tout au plus devrait correspondre à la réalité.
Les
contrats de métayage sont suffisamment détaillés pour donner une idée
précise des droits et obligations de chacun. Une bonne métairie devait
disposer d'un peu de chaque nature de sol vignes, terres, près, landes, afin
de pouvoir se suffire à elle-même et d'assurer la vie du métayer et de sa
famille. On notera toutefois qu'à BUDOS, les cultures en " joualles
" étant largement dominantes, il sera assez rares de les voir doter de
terres exclusivement destinées au labour.
Le
partage des récoltes avec le propriétaire s'établissait, selon les
produits, sur la base de la moitié ou du tiers.
Le
18 Novembre 1765, Jean DUTRENIT, dit GENDRON, tonnelier à LANDIRAS, concède
à François LAPORTE, vigneron à BUDOS, la métairie de CRABIAU:
" consistant en vignes, terres labourables entre deux, près et landes aux conditions suivantes: savoir, les vignes (et) chènevier, à moitié, et les terres labourables au tiers de tous grains que... LAPORTE sera tenu de bailler chaque année audit DUTRENIT dans leur saison..."
Dans
certains contrats, il est parfois prévu un partage des glands qui se faisait
généralement par moitié. La proportion du tiers des grains pour le
propriétaire est, elle aussi, générale. On découvre cependant parfois des
conditions particulières de partage lorsqu'il convient de résoudre certains
problèmes. Ainsi verra t on par exemple le propriétaire renoncer
à sa part (le filasse de chanvre, ou même de vin:
"
en considération de ce que (le métayer) promet (d') arracher tout le
chiendent ... et autres mauvaises herbes qui se trouveront dans lesdits biens,
nuisibles à la production des fruits."
Pages (110) |
Les contrats prévoient également les redevances " évaluées en volailles et produits de basse-cour. Le métayer devra par exemple remettre au propriétaire:
"six
paires de poulets et quatre douzaines d'oeufs"
ou
bien trois paires de chapons et:
" le présent ordinaire du cochon..."
qui
consiste en un morceau noble de l'animal
généralement du filet et qui est offert par le métayer au
propriétaire le jour où il tue son porc. Ce métayer, par ailleurs:
" promet et sera tenu de bien soigner, régir et gouverner lesdits biens en bon ménager et père de famille, tailler les vignes et les bêcher de trois façons de bêche, les labourer des façons ordinaires, semer les autres terres labourables, le tout en bon temps et saison, échalader les vignes des échalas nécessaires à frais communs..."
Le
contrat règle également toutes les questions relatives aux fourrages et aux
animaux:
" ayant été convenu entre lesdites parties que le foin, la paille, javelle et fumier resteront (dans la métairie) lorsque... LAPORTE (la) quittera et délaissera... au surplus, (elle dispose aussi d') une paire de bœufs pour la somme de 196 Livres, quarante quatre têtes de brebis appréciées entre les parties (à) la somme de 150 Livres, (de plus) une jument pour quarante cinq Livres, faisant (le tout la somme) de trois cent nonante et une Livres, le tout à moitié perte et profit pendant le... temps à la fin duquel... DUTRENIT pourra prendre et retirer lesdits bœufs, brebis et jument, son capital, et partager le profit s'il y en a, au dire et estimation d'experts si les parties ne peuvent (s'accorder) entre elles... ; et (LAPORTE) ne pourra transporter (ailleurs) vendre ni aliéner lesdits bœufs, brebis (et) jument sans le congé et licence dudit DUTREINIT; si lesdits bœufs, brebis et jument se perdent et (se) gâtent ou meurent par cas fortuit de Dieu, la perte sera par moitié, et s'ils se perdent, gâtent ou meurent par la faute dudit LAPORTE, il sera tenu de payer le tout audit DUTRENIT avec les dommages et intérêts (qu'en) raison de sa faute... (il) devra supporter..."
Les contrats comportent également des dispositions fiscales. En général, les Dimes du Curé se prélèvent au moment de la récolte et avant tout partage; l'impôt royal de la Taille se répartit par moitié entre les deux parties.
Il
arrive enfin assez souvent, et c'est le cas dans le contrat du CRABIAU, que le
propriétaire fasse au métayer une avance en argent liquide ( ici, 68 Livres)
pour lui permettre de démarrer son exploitation dans de bonnes conditions.
Cette avance ne portait généralement pas d'intérêt et devait être
restituée au moment de la liquidation finale des comptes.
Un
peu en marge des contrats classiques de métayage, on rencontre ce que les
contemporains appelaient des " baux à faisande ". Il n'était plus
ici question de concéder une exploitation complète, mais seulement une ou
plusieurs parcelles vouées à une culture déterminée (généralement la
vigne) dont
Pages (111) |
Prenons
pour exemple la convention passée le 13 Octobre 1771 entre le Sieur Jean
Baptiste ARME, Juge de la Juridiction de ROQUETAILLADE, habitant au Bourg de
NOAILLAN, et Arnaud MASSE, vigneron à BUDOS.
Jean
Baptiste ARME:
" baille par ces présentes (conventions) à titre de faisande, pour le temps et espace de neuf années consécutives... à Arnaud MASSE, vigneron, habitant la Paroisse de BUDOS, présent et acceptant, savoir, à moitié, toutes les vignes appartenant (au) Sieur ARME dans les biens ( dont il jouit… au lieu et environs du village de PERON, Paroisse de BUDOS... pendant lesquelles neuf années (MASSE) s'oblige (à) soigner lesdites vignes en Père de Famille, les tailler, y faire les provins nécessaires, (les pourvoir d'échalas avec les bois) que ledit Sieur ARME lui fournira (et) qu'il sera tenu (de) couper aux endroits que ledit Sieur bailleur lui indiquera, épamprer, ramer, fouir de trois façons en temps requis et convenable et (plus) généralement tous les travaux accoutumés (ainsi que) le labourage , (en outre) les vendanges (se feront) à ses frais, de même que le vin dont il sera tenu (de) remettre la moitié... (et pour le) loger ledit Sieur ARME sera tenu de fournir les fûts (après avoir été) averti préalablement... du jour (où) le vin devra être fait et écoulé..."
est
encore convenu que les impositions royales se partageront par moitié et pour
" mieux engager ledit MASSE à cultiver lesdites vignes, le Sieur ARME lui permet d'ensemencer annuellement en blé le vide des joualles (en) y mettant du (fumier) suivant l'usage et (de garder) pour lui le fruit des semences auquel ledit Sieur ARME renonce (formellement)."
Enfin
MASSE:
"sera en outre tenu (de) remettre chaque année au (Sieur ARME) la moitié du sarment que lesdites vignes produiront."
Ces
baux peuvent porter ( et portent d'ailleurs souvent) sur de toutes petites
parcelles. Il n'est pas rare d'en trouver des cas dans lesquels les parties
estiment attendre, dans les meilleures conditions, des récoltes de deux ou
trois barriques annuelles.
Une autre forme de bail spécialisé, proche du métayage, est celui de la gazaille , également dénommée " Bail à Cheptel".
Un
propriétaire d'animaux les met en pension chez une personne qui, désormais,
les nourrira et soignera à ses frais, les produits du troupeau étant partagés
par moitié. Ainsi, le 13 Avril 1771, Me BAYLE Notaire à PUJOLS, confie-t-il
à Jean DAMBONS, dit l'ESCLOUPEY, laboureur à BUDOS:
"quatre têtes de vaches dont l'une (de) poil blanchâtre, et les autres trois rouges, dont deux pleines, l'une de l'âge de quinze ans, l'autre de sept, l'autre de trois et l'autre de un an.."
Il
les lui baille:
Pages (112) |
"
à titre de cheptel ou de gazaille... pour le temps qui
lui plaira, à moitié perte et moitié profits suivant l'usage, sans que
ledit DAMBONS puisse vendre ni échanger lesdites vaches ni leurs (produits)
sans le gré et consentement dudit Sieur BAYLE...
et le profit de ladite gazaille ou cheptel sera partagé par moitié;
et si par cas il arrive que lesdites vaches ou leurs (produits) viennent à périr
ou prendre mal par la faute dudit DAML0NS ou des siens , il sera tenu en cela
de supporter en entier ladite perte, et si au contraire elles périssaient ou
prenaient mal par cas fortuit et imprévu... la perte serait partagée et
supportée par moitié..."
Ces contrats donnent souvent lieu à des liquidations difficiles. Les profits sont assez aisés à définir. Les pertes beaucoup moins. Les animaux prennent de l'âge et, cinq ou dix ans plus tard , n'ont plus la même valeur qu'au premier jour du bail. Il faut souvent faire appel à des experts pour trancher ce genre de débat qui s'alimente parfois, il faut bien le dire, de considérations tout à fait subjectives...
Qu'il
s'agisse de métayage au sens propre du terme, ou de baux spécialisés, tous
ces contrats ont pour dénominateur commun le partage des fruits du bien concédé.
Le bailleur et le preneur sont solidaires dans les résultats de
l'exploitation. Nous avons déjà vu combien cette formule était différente
de celle du fermage que nous allons aborder maintenant.
En
cette fin du XVIIIème siècle, le fermage constitue à BUDOS une forme
d'exploitation particulièrement rare, beaucoup plus rare que celle du métayage.
On afferme volontiers un moulin, ou l'exploitation d'une carrière, ou toute autre activité de caractère industriel, mais beaucoup plus rarement une propriété foncière.
Si l'on excepte le cas bien particulier dans lequel nous avons vu Pierre LACASSAGNE devenir le fermier de sa sœur Suzanne pour sa part d'héritage, nous ne trouverons guère dans la proche région que deux autres cas de fermage sur les trente années d'observation : celui de FOND de BAQUEY, à LEOGEATS, mais tout proche de BUDOS, et celui de MARGARIDE.
Il
se peut qu'il s'en soit trouvé quelques autres, nais la rareté des documents
tend bien tout de même à prouver qu'ils n'ont pas été très nombreux.
Encore
faut-il préciser que, dans les deux cas recensés, les situations familiales
se sont révélées déterminantes dans le choix de cette forme
d'exploitation.
Le propriétaire de FOND de BAQUEY, Pierre Antoine CAZALET, était un Notaire en retraite déjà très âgé. Il attendait manifestement de son bien un revenu fixe sans plus se donner le souci d'en surveiller l'exploitation.
De
même à BUDOS pour MARGARIDE, dont la propriétaire était Marie LACASSAGNE,
Veuve de Sieur Vincent COUTURES ancien Greffier du Tribunal de BUDOS. Elle
aussi attendait de sa terre un revenu lui permettant de vivre, mais ne se
sentait pas qualifiée pour intervenir dans la gestion de la propriété.
Pages (113) |
Elle
passe contrat le 11 novembre 1774, tant en son nom qu'au nom de l'enfant dont
elle est tutrice, avec Jean VIMES, Meunier du Moulin de BUDOS. Ce contrat est
intéressant, non seulement parce qu'il est assez typique de ce que pouvait être
un contrat de fermage, mais aussi parce qu'il fournit une véritable "
photographie instantanée " de ce que pouvait être la ferme de MARGARIDE
à ce moment-là.
Ainsi
les bailleurs, Mère et Fils ont-ils:
"
donné... à titre de ferme et (à) prix d'argent pour le temps... de neuf années
les cueillettes ou récoltes... à Jean VIIIES, meunier, habitant dudit BUDOS,
ici présent et acceptant (à) savoir (de) toute la maison, ayriaux et
padouens, jardin chènevier, appelés de MARGARIDE, Paroisse de BUDOS,
appartenant auxdits COUTURES, bailleurs, consistant en deux chambres basses et
deux hautes, dont une chambre basse sert de chai et de cuvier, parc à boeufs;
se réservant néanmoins lesdits bailleurs... la chambre basse qui est au
levant avec la cave qui est au dessous de ladite chambre, et la moitié
du jardin du côté nord, et en outre deux cents de buches de pin et (un) demi
cent de sarment que ledit VIMES s'oblige (à) leur donner chaque année. Avec
ladite maison sont compris les vaisseaux vinaires, (les) boeufs et (la)
charrette et outils aratoires ci après (énumérés), avec les vignes
(et) les terres labourables entre deux (rangs) qui sont au devant et au
derrière (de) ladite, maison..."
S'y
ajoutent un pré, un taillis, une lande, un autre taillis, plus:
" les rastes (c'est à dire les haies) qui sont autour du bien de MARGARIDE..."
Ainsi
que:
"
les meubles et les effets de ladite ferme consistant, premièrement en une
paire de bœufs estimés la somme de cent quatre vingt Livres, une charrette
ferrée et une autre petite basse...estimées soixante Livres les deux, en
outre, le joug et jouilles, cheville de fer à chaque joug... avec deux paires
de ferrures, deux araires, l'une neuve et l'autre usée, un calet (petite
charrue) demi-usé; les vaisseaux vinaires consistant en (un) pressoir avec
son assortiment nécessaire, trappes, deux pelles, une cuve (d')environ trois
tonneaux qui est actuellement défaite (et) démontée avec cinq cercles demi
usés, trois petits douils, six
fûts de vielles barriques, une baste, deux bastots, un seau, une fourche de
fer, deux râteaux, un trident (dont VIMES, le preneur, aura la jouissance)."
Pages (114) |
" de toutes les façons nécessaires et accoutumées dans la Paroisse de BUDOS."
Il
devra aussi:
"
diminuer autant qu'il se pourra le chiendent... au point qu'il ne croisse pas
au moins davantage, n'y en ayant pas encore beaucoup; fumer et échalasser
ladite terre (qui est) en vigne, (et) recouvrir et entretenir la charpente
desdites chambres et maison par moitié entre les (deux) parties à quoi (il
faut) ajouter... soixante quintaux de foin et huit quintaux de paille (également)
compris dans ladite ferme et qui sont sur le grenier de ladite maison..(dans
lequel) ledit VIMES, la dernière année (du fermage)... sera tenu... d'en
laisser autant ou de payer sa juste valeur au choix des bailleurs. Le présent
bail à ferme (est) ainsi fait... moyennant le prix... de cent cinquante
Livres pour chacune desdites neuf années, payables quartier par quartier
(c'est à dire par trimestre) et d'avance."
Tout y est. C'est une ferme en état d'exploitation; avec pourtant quelques sujets d'étonnement . Il n ' y a qu'une " baste " et deux " bastots " au cuvier. Dans quoi pouvait-on donc ramasser le raisin au moment de la vendange ? On peut évidemment supposer que chaque vendangeur apportait son panier et c'est tout à fait probable car d'autres inventaires de chais révèlent la même carence. Mais comment acheminer les raisins coupés jusqu au pressoir alors qu'il n'y a qu'une " baste " ? A moins que les trois petits " douils " ne soient affectés à cet usage. C'est bien possible.
On
notera encore qu'à la différence de bon nombre d'autres fermes Budossaises,
il n'y a ici ni vaches laitières, ni moutons. Certes, l'élevage n'a jamais
été une activité dominante à BUDOS, Mais la plupart des maisons disposait
tout de même de quelques têtes de bétail, ne serait-ce que pour obtenir les
précieux fumiers si convoités des vignerons.
On
pourra également observer qu'en ce mois de Novembre où l'acte est passé, il
n'y a, dans la maison, aucune réserve de vin ou de grain issue de la dernière
récolte. C'est probablement parce que Marie LACASSAGNE n'avait aucune raison
d'inclure dans la ferme des provisions qui lui appartenaient en propre et sur
lesquelles elle allait vivre au cours des mois suivants.
Cette Veuve devait connaître par la suite bien des difficultés dans l'exécution de ce contrat. Elle croyait avoir choisi la voie de la sécurité, et en cela, elle s'était bien trompée. Nous n'entrerons pas dans les démêlés qu'elle connut avec son fermier sinon, à titre de curiosité, pour prendre connaissance de ses doléances exprimées dans une langue chargée de préciosité et assez typique du " beau langage " des derniers temps de l'Ancien Régime .
Pages (115) |
" en déclarer et assurer 1'abus et inuti1ité . Elle pourrait dire mille choses sur la nouveauté (stupéfiante) d'un pareil acte qui, au moyen de discours fabuleux (entendons par là dignes d'une fable) q u'i1 contient, le dit VIMES s'est imaginé de résilier de son propre mouvement et (de sa propre) autorité un contrat de ferme entre eux passé, et de dire à ce sujet les rhapsodies les plus (primaires)… autour de trois années de jouissance des biens... affermés; en vérité, il fait beau entendre ce fermier au milieu de sa ferme... après qu'il a eu dévasté et laissé dépérir le bien..."
Voilà
qui est bien envoyé, et tout le reste de sa réponse est de la même veine
... En bref, et s'adressant à VIMES, son fermier,
"
elle rejette ses ridicules et fabuleuses propositions pour s'en tenir à leur
contrat de ferme qui doit (recevoir) son exécution..."
Finalement, ce contrat sera bel et bien résilié le mois suivant moyennant quelques compensations versées par VIMES. Nous nous en tiendrons là car ceci serait l'amorce d'une nouvelle anecdote qui nous entraînerait bien loin de notre propos.
Faire
valoir direct, métayage et fermage, nous avons fait le tour des modes
d'exploitation de la propriété foncière, une propriété très largement répartie
entre de très nombreuses mains, chacun rêvant de l'indépendance que pouvait
lui apporter la possession de la terre, et de la promotion attachée au développement
d'un patrimoine.
Il
nous reste à tenter d'apprécier la valeur, de ce sol tant convoité et à
essayer de nous faire une idée sur les chances que les uns et les autre
pouvaient avoir de se l'approprier en fonction de leur travail et de leurs
revenus.
LA
VALEUR DE LA TERRE
Il
est assez difficile de se faire une idée précise de la valeur de la terre à
BUDOS en cette fin du XVIIIème siècle.
Toute
tentative d'appréciation met en effet en jeu plusieurs paramètres dont
certains sont quasiment subjectifs.
Tout
d'abord, rares sont les contrats dont le texte permet une détermination
vraiment précise de la superficie en jeu. Sur plusieurs milliers de ventes de
terre répertoriées et analysées sur une période de trente ans, nous n'en
avons trouvé que 37, permettant une évaluation indiscutable de la surface
considérée.
Pages (116) |
Ensuite,
les prix des parcelles sont estimés dans des conditions parfois aléatoires.
Une estimation à dire d'expert, chacune des parties désignant le sien, a de
bonnes chances d'être sérieuse. Mais que dire d'une vente faite, par
exemple, en compensation d'une dette ? Les parties en présence ne se sont
elles pas davantage attachées à " faire cadrer " approximativement
la valeur déclarée du bien avec le montant de la somme due plutôt qu'avec
sa valeur intrinsèque ? On peut souvent se poser la question.
Enfin
sous la même désignation de " vigne " ou de " pré" , ou
encore de " friche " peuvent se rencontrer des terrains de valeurs
très différentes. Il y avait à BUDOS, et il y a toujours, de bonnes vignes,
bien situées, et de moins bonnes aussi... Et c'est ici qu'interviennent des
interprétations subjectives fondées sur des critères qui, à l'époque, n'étaient
pas nécessairement les mêmes que les nôtres aujourd'hui.
La
détermination d'un prix à l'hectare (après conversion des surfaces)
comporte donc déjà pas mal d'incertitudes. Mais, en admettant même que l'on
parvienne à définir une approche acceptable, que signifie en fait un prix de
200 ou de 1.000 Livres.
Que
représentaient de telles sommes au regard du pouvoir d'achat du temps ? C'est
encore un autre problème. Seules des comparaisons de valeurs relatives
peuvent en fournir une idée approchée.
Il
nous faut donc reprendre ces différents points, autant que faire se peut, et
par nature de sol.
Tout
d'abord la vigne, qui constitue la valeur la mieux cotée, et de très loin,
par rapport à tous les autres terrains. Nous disposons à son sujet de neuf
observations précises qui font l'objet du Tableau ci-dessous:
Années: | Lieux-dit: | Contenance: | Prix à l'ha: | Observations: |
1764 | CAUSSON | 56 a 32 | 1.172 | |
1768 | AU POUMEY | 25 a 19 | 1.191 | |
1778 | LA PEYROUSE | 6 a 35 | 1.134 | Vigne plénière |
1781 | AU BOURG | 9 a 87 | 973 | |
1783 | CAZEAUX | 10 a 02 | 1.157 | |
1783 | CAZEAUX | 13 a 60 | 1.838 | Téméré |
1786 | AU FOUIT | 3 a 60 | 1.361 | |
1788 | A MOUYET | 13 a 95 | 1.792 | |
1789 | AU PLANTON | 14 a 70 | 1.146 |
Il
convient de préciser que toutes ces parcelles, à l'exception d'une seule
sont plantées " en joualles ", laissant entre chaque rang un large
espace dévolu à d'autres cultures,
Pages (117) |
Or, il semble bien que l'on puisse éliminer ces extrêmes. Au premier cas, la parcelle est minuscule ( 987 m2 ) et le prix est de 96 Livres. Et comme il s'attachait un intérêt fiscal à ce que le prix fût inférieur à 100 Livres, il est bien possible que, d'entente entre les deux parties, il ait été minoré de quelques Livres afin de ne pas excéder, devant le Notaire, la limite de la tranche fiscale.
Au
surplus, il n'y avait en ce cas aucun risque de voir le Seigneur user de son
droit de prélation car une telle parcelle ne pouvait intéresser que l'un des
propriétaires déjà mitoyens aux fins d'un remembrement, et c'était bien
l'objet de la transaction. Quant au second cas, la parcelle est cédée en
amortissement d'une dette de même montant, et la vente est conclue sous
condition d'un pacte de réméré d'un an. C'est donc une situation bien
particulière et tout à fait en marge des transactions normales.
Il
n'est donc pas déraisonnable de retenir pour le prix de la vigne la
fourchette approximative de 1.100 à 1.300 Livres l'hectare que nous avons
proposée.
Années: | Lieux-dit: | Contenance: | Prix à l'ha: | Observations: |
1760 | AU LANOT | 32 a 90 | 176 | |
1764 | TOUNINE | 1 ha 60 a 57 | 128 | |
1764 | COUILLET | 40 a 71 | 147 | Avec pins |
1775 | A L'ABEILLEY | 1 ha 42 a 77 | 133 | |
1782 | PAULIN | 74 a 44 | 188 | |
1786 | SAINT PIERRE | 43 a 57 | 137 | |
1787 | LA GRAVE | 22 a 87 | 157 | |
1790 | PAULIN | 66 a 60 | 180 |
Il
s'agit ici de Lande nue destinée au pacage et à la production de bruyères.
Il y pousse bien parfois quelques pins très clairsemés, ce qui est
d'ailleurs quelquefois précisé, mais en aucun cas ces parcelles ne sont
destinées à la production du bois. Les contenances sont diverses et l'on
voit apparaître quelques parcelles un peu plus importantes que la moyenne,
encore que l'on en trouve aussi de bien modestes ( 2.287 m2 pour une pièce de
Lande..). Quant au prix, il s'inscrit dans la fourchette
Pages (118) |
Pour
l'affiner davantage, il faudrait disposer de la connaissance des sols et en
particulier de leur aptitude à fournir de la bruyère. Faute de ces
renseignements, nous nous en tiendrons à cette définition.
Pages (119) |
Au
résumé de tout ceci, nous arrêterons donc nos évaluations aux prix
suivants:
VIGNE | 1.100 a 1.300 | Livres à l'hectare |
LANDE | 130 a 190 | Livres à l'hectare |
PIGNADA | 200 a 300 | Livres à l'hectare |
TAILLIS | 200 a 250 | Livres à l'hectare |
PRAIRIES | 700 a 1.000 | Livres à l'hectare |
Pages (120) |
En
principe, il y a au moins une charrue dans chaque maison, également une cuve et
quelques barriques, mais le pressoir constitue un investissement lourd et sa
possession marque déjà un certain niveau de prospérité économique. Nombre
de petits vignerons ont recours au pressoir d'un voisin plus fortuné qu'ils rémunèrent
en journées de travail au fil des saisons.