Chapitre
4 |
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La fiscalité Royale: | |||
la taille | 184 | ||
L'assiette générale de l'impôt | 184 | ||
Le mode de collecte de l'impôt | 186 | ||
La perversité du système | 192 | ||
La fraude fiscale | 197 | ||
être collecteur | 199 | ||
Tentatives de réformes | 200 | ||
La capitation: | 202 | ||
Le vingtième: | 204 | ||
La corvée royale et les voies de communication: | 205 | ||
Principe de l'imposition | 205 | ||
Résistances locales aux prestations de la corvée royale | 207 | ||
Les conséquences pratiques des conflits relatifs à la corvée royale | 210 | ||
L'état des routes et chemins locaux: | 211 | ||
La milice: | 214 | ||
La fiscalité Ecclésiastique: | 216 | ||
La dîme | 216 | ||
Principes généraux | 216 | ||
La perception des dîmes à Budos | 219 | ||
Les quartières |
223 |
La fiscalité.
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(Retour au début.) |
Les Impôts sont de tous les temps. Ils ont toujours
été plus ou moins lourds, plutôt plus que moins, plus ou moins bien
répartis, plutôt moins que plus, plus ou moins complexes, parfois au-delà
de toute raison, et enfin très variés dans leur assiette. Mais ils ont
surtout toujours été des témoins privilégiés d'une été certaine
conception de la Société et de l'Etat. C'est essentiellement à ce titre
qu'ils vont retenir ici notre attention.
- la fiscalité seigneuriale
- la fiscalité royale
- la fiscalité ecclésiastique.
Nous avons déjà abordé la première en étudiant
la propriété de la terre, car elle y était si étroitement liée qu'on ne
pouvait l'en dissocier. Les impôts seigneuriaux tels que le Cens, l'Exporle,
les Lods et Ventes, etc... nous sont déjà connus, nous n'y reviendrons pas,
sinon pour rappeler leur existence conjointe avec les autres redevances et
taxes que nous allons maintenant évoquer.
Les impôts royaux se subdivisaient en impôts
directs et indirects mais, par chance, à BUDOS, comme dans tout le reste de
la GUYENNE, il n'y avait pas d'impôts indirects. La Généralité de GUYENNE
était en effet un " Pays rédimé de Gabelle ", c'est à dire un
pays qui avait racheté, une fois pour toute, son impôt
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De même la GUYENNE n'était elle pas soumise aux " Aides ". Voilà qui va simplifier notre problème puisque nous n'aurons à traiter que des seuls impôts directs, mais ils étaient nombreux : la Taille, la Capitation, le Vingtième. Tous ces noms là nous sont connus; il sera néanmoins probablement utile d'expliquer succinctement ce qu'étaient ces impôts et comment ils s'appliquaient afin de rafraîchir un certain nombre de souvenirs peut-être un peu estompés dans nos mémoires.
Ce faisant, il ne sera évidemment pas question
d'approfondir la matière. De gros ouvrages lui ont été consacrés et ne
l'ont pas pour autant totalement épuisée. Au surplus cela nous conduirait
très loin hors des limites de notre étude.
A ces taxes, nous ajouterons la Corvée Royale qui était un impôt en nature destiné à faire face aux grands travaux décidés par l'Administration, et tout spécialement, du moins dans nos contrées, à l'entretien des chemins royaux. Aussi rattacherons-nous à ce paragraphe tout ce qui concerne les voies de communications locales, les deux sujets sont en effet très imbriqués et l'on ne saurait les séparer sans être conduits à redire deux fois les mêmes choses.
Ce rattachement n'est donc pas aussi arbitraire qu'il
pourrait le paraître. Enfin, nous dirons quelques mots de la Milice, autre
impôt en nature, destiné à pourvoir au recrutement des Armées du Roi.
Le dernier volet de la fiscalité locale était
constitué par les impôts ecclésiastique, la Dîme, payée au Curé du lieu
sur toutes les récoltes, et les Quartières, qui constituaient un impôt au
second degré que le Curé prélevait sur sa Dîme pour le payer à son
Archevêque.
Sur tous ces points, nous essayerons de voir, à
travers les documents locaux, comment fonctionnaient ces différents systèmes
et comment ils étaient perçus par les Budossais qui y étaient soumis.
La fiscalité Royale:
La taille, l'assiette générale de l'impôt
La Taille était un impôt de répartition. Le
Conseil du Roi fixait chaque année le montant de ce qu'il en attendait et le
répartissait entre chacune des Généralités du Royaume selon des critères
passablement empiriques. C'était une première source d'injustices.
Chaque Généralité procédait ensuite à une
seconde répartition entre les différentes Elections qui la
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Enfin, chaque Élection procédait de même entre
chacune des paroisses qui entraient dans son ressort et cette nouvelle
répartition constituait une troisième source d'injustices car elle ne
reposait, tout comme les deux premières, que sur des critères
d'appréciation très subjectifs.
A ce stade de la répartition, telle paroisse, dans
telle Province du Royaume pouvait, à capacité fiscale sensiblement égale,
se voir réclamer une contribution trois ou quatre fois supérieure, et plus
encore, à telle autre paroisse d'une autre Province, simplement parce qu'elle
avait été mieux défendue ou qu'elle avait eu plus de chance.
Mais les choses n'en restaient pas là, tant s'en
faut.
D'abord il fallait compter avec les exemptions collectives; des exemptions considérables tant en nombre qu'en importance. Nombre de grandes Villes ne payaient pas de Taille. BORDEAUX était du nombre, mais aussi PERIGUEUX, BERGERAC, et bien d'autres. Si bien que la Taille avait tendance à prendre le caractère d'un impôt essentiellement rural. Mais encore !
Des paroisses avaient eu l'adresse de "
s'abonner " en un bon moment, lorsque le Trésor Royal, à court
d'argent, acceptait, moyennant une somme forfaitaire immédiate, de renoncer
à toute perception ultérieure de l'impôt. Certes, la somme pouvait être
importante, mais quel avantage de n'avoir plus jamais rien à payer ..! Et
c'est ainsi qu'UZESTE et PRECHAC ne payaient pas de Taille.
Et puis, il fallait aussi compter avec les exemptions
personnelles, les Nobles, le Clergé, d'innombrables Officiers de
l'Administration ( au sens propre du mot, c'est à dire détenteurs d'un
" Office, d'une fonction ) , et puis aussi les Bourgeois des Villes
exemptées, pour tous leurs biens, où qu'ils se trouvent, d'autres encore...
Cela faisait vraiment beaucoup de monde.
Ajoutons encore à tout cela l'application de la
détestable théorie dite du " feu vif " dont nous allons reparler
tout à l'heure, défendue et soutenue par le Parlement contre vents et
marées, et nous pourrons alors réaliser que le poids de l'imposition
paroissiale se partageait entre les Budossais résidants qui n'avaient trouvé
aucun prétexte pour en éviter la charge.
Et ce n'était même pas tout, car cette charge, à
son tour était partagée entre eux de façon tout à fait empirique. Dans
certaines paroisses, cette répartition s'établissait sur la base d'une sorte
de cadastre, souvent très fantaisiste, et dans les autres, et c'était le cas
de BUDOS, selon l'appréciation personnelle du Syndic paroissial et des
Collecteurs désignés pour l'année en cours lesquels se fiaient à l'idée
qu'ils se faisaient des ressources de chacun et les taxaient en
conséquence..., le tout étant qu'au total, on puisse retrouver la somme dont
la paroisse était grevée.
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Du Conseil du Roi à la dernière chaumière
Budossaise, la répartition de l'impôt était uniquement fondée sur des
critères subjectifs et, au demeurant, pas toujours désintéressés.
Mais il nous faut reprendre tout cela, sur le plan
local, avec un peu plus de détails.
Il serait malhonnête de suspecter systématiquement l'équité des services de l'Intendance dans la répartition locale des taxes entre paroisses. On a pu dire que ceux qui leur avaient reproché leur partialité étaient précisément ceux qui, ayant demandé une faveur, s'étaient heurtés à un refus.
Et c'est peut-être vrai... Reste néanmoins que les
moyens d'appréciation dont ils disposaient pour juger des capacités fiscales
de chaque paroisse étaient tout à fait empiriques. Ils ne disposaient
d'aucun appareil administratif sérieux qui aurait pu leur fournir les bases
d'une répartition réellement objective.
Le chiffre fixé par l'Administration était
communiqué à la paroisse vers la fin Janvier. Le document officiel était lu
et publié le Dimanche suivant, à l'issue de la messe sur la place du
Village. A partir de là, il restait à procéder à ce que l'on appelait
" la faction du Rôle ", autrement dit la confection de la liste des
cotisants avec, en face de chacun d'eux, le montant de sa cotisation telle que
le Syndic paroissial et les Collecteurs de l'année l'avaient définie.
Le mode de collecte de l'impôt.
Arrêtons nous un instant sur les titulaires de ces
deux fonctions qui sont les chevilles ouvrières de la vie de la Communauté.
Le Syndic avait un rôle général et durable, il s'occupait, entre autres
choses, des problèmes fiscaux, mais ses compétences pouvaient s'étendre
bien au-delà; les Collecteurs, quant à eux, avaient un rôle purement fiscal
et limité à une année.
Pendant très longtemps, BUDOS avait connu une situation un peu anarchique. Lorsque apparaissait un problème dans lequel étaient engagés les intérêts de la collectivité, contre le Seigneur, contre le Curé, ou contre des tiers, on demandait à l'Intendance l'autorisation de réunir une Assemblée Capitulaire, un Dimanche, à la sortie de la messe, et on élisait un Syndic recevant les pleins pouvoirs pour régler la question pendante, pouvoirs qui pouvaient d'ailleurs s'étendre sur des années, jusqu'au complet règlement du problème ( fin d'un long Procès par exemple ) mais sans dépasser les limites initialement définies.
Rares avaient été les cas où on lui avait
délégué de plus larges compétences. D'autres paroisses, mieux avisées,
avaient de longue date procédé à l'élection d'un Syndic permanent qui
était en charge des intérêts généraux de la Communauté et qui se voyait
confier un peu les attributions que nous reconnaîtrions aujourd'hui à un
Maire, mais un Maire qui n'aurait disposé d'aucun appareil municipal ( ni
Conseil, ni Secrétaire, ni Registres, etc..). Les Budossais avaient fini
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Dans certains cas, ils n'avaient eu aucun représentant pour réagir rapidement alors que le besoin s'en faisait sentir; et en d'autres circonstances, tout au contraire, leur représentant, désigné à l'occasion d'une affaire nettement définie s'était arrogé le droit d'intervenir dans un tout autre domaine dans lequel ses mandants estimaient qu'il n'avait pas qualité.
Ils décidèrent donc, mais ils y avaient mis le
temps, de se doter d'un Syndic permanent à compétence générale. Mais comme
ils n'avaient aucune idée de ce que pouvait être un mandat démocratique,
ils le désignèrent à titre " perpétuel " ce qui réglait, d'un
trait de plume tous problèmes de campagnes électorales et d'élections
futures... Cela se passa devant la porte de l'Eglise, le 24 Juin, jour de la
SAINT JEAN, de 1784, Fête d'obligation religieuse qui avait réuni tout le
Village; C'était un Jeudi:
" Aujourd'huy, jour et Fête de SAINT JEAN
BAPTISTE, 24ème du mois de Juin, étant au-devant de la principale porte de
l'Eglise SAINT ROMAIN de BUDOS (à l') issue de la première messe
paroissiale, et (pendant) que le peuple en sortait, les habitants
préalablement assemblés au son de la cloche suivant l'usage, pardevant nous,
le Notaire Royal de la résidence de PREIGNAC en GUYENNE soussigné, en
présence des témoins cy après nommés, ont comparu :"
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Communauté et desquelles il... a eu quelquefois la
direction e t dont il... s'est très bien acquitté; en conséquence, et en
délibération d'Assemblée faite aux formes prescrites en pareil cas, lesdits
habitants, d'une commune voix et unanime accord ont, par ces (présentes)
dispositions nommé, élu et choisi pour Syndic perpétuel de leur Communauté
ledit Pierre BANOS ..."
Voilà donc une bonne chose de faite, BUDOS aura
désormais un représentant permanent. Et cette délibération est très
officiellement consignée le 30 Septembre suivant sur les Registres de
l'Intendance à BORDEAUX.
Nous avons dit qu'entre autres compétences largement
définies, le Syndic participait à la " faction du Rôle " de la
Taille avec les Collecteurs de l'année. Qui étaient donc ces derniers ?
quelles étaient leurs fonctions, et comment étaient-ils nommés ?
Dans chaque paroisse, chaque année, on désignait entre deux et sept contribuables qui seraient "Collecteurs de la Taille" pour un an. Le nombre variait en fonction de l'importance de la paroisse; à BUDOS, ils étaient cinq. A cet effet, on dressait un " Tableau " désignant pour les dix ou quinze ans à venir ceux qui seraient investis de cette charge.
Ce Tableau se divisait en six colonnes. La première était celle des indigents ( les " pauvres ") , les vieillards, les infirmes, qui étaient dispensés de la fonction. Puis cinq colonnes dans lesquelles les contribuables actifs étaient répartis par " classes "; la première classe correspondant aux plus riches aux plus capables et aux plus imposés, et jusqu'à la cinquième et dernière classe.
On était ainsi désigné " Collecteur de Première Classe ", ou de deuxième, ou de cinquième, pour telle année donnée. Le dernier Tableau de BUDOS a été dressé le 3 Août 1783. Il prévoyait les désignations utiles de 1784 à ... 1800. Il n'aura donc pas eu le loisir de parvenir à son terme puisque la Taille aura été supprimée bien avant son échéance au bénéfice des " Contributions" instituées par la Révolution.
Ce Tableau était établi sous le contrôle d'un
représentant de l'Administration Royale qui en dressait le Procès Verbal de
constitution:
" Ce jourd'huy troisième (d)Août mil sept
cent quatre vingt trois, en présence des habitants de la Paroisse de BUDOS et
à l'issue de la Messe, le peuple et les principaux habitants étant
assemblés au son de la cloche suivant l'usage, ont comparu Jean CAUBIT,
Syndic, Arnaud BATAILLEY, Pierre BOIREAU dit l'HERETEY, Pierre SOUBES dit
BERNACHON, Pierre DELAS dit POURRIERE, Forien LABORDE et autres faisant la
majeure partie des habitants de la susdite Paroisse, assemblés à l'Ordre de
Monseigneur l'Intendant afin de procéder au recollement du Tableau desdits
habitants divisé en diverses colonnes pour y régler et distinguer ceux qui
doivent passer à la Collecte d'avec ceux qui en sont exempts, soit par
pauvreté, vieillesse ou infirmité et autres raisons légitimes, lesquels
habitants nous avons mis et distingués en cinq différentes colonnes, savoir
ceux que nous avons connus les plus aisés et
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Suit alors le Tableau pour les 17 années à venir à
raison de 5 noms par année, accompagné, en marge, de l'énumération des
exemptés. Il n'est évidemment pas question de reproduire ici l'intégralité
de ce document, mais nous allons en tirer un extrait pour l'année 1788 qui
est la dernière où le système a fonctionné sans retouche et que nous
reprendrons un peu plus loin comme exemple.
COLONNES
DESTINEES POUR LA COLLECTE
Première |
Deuxième contenant |
Troisième
contenant |
Quatrième contenant |
Cinquième contenant |
1 | 2 | 3 | 4 | 5 |
1978 | 1978 | 1978 | 1978 | 1978 |
Bernard
SOUBES Lab. à PAULIN imposé 64 L 2 s |
Pierre
LACOSTE Lab. aux MOULIES imposé 14 L 16 s |
Jean LANTRES Vigne. aux MOULIES imposé 12 L 3 s |
Guiraud
BELLOC Vigne. au BOURG imposé 19 L 3 s |
Pierre
LA CASSAIGNE à la PEYROUSE imposé 14 L 2 s |
"Nous, soussigné, certifions le présent
Tableau véritable et que tous ceux qui y sont compris dedans, chacun selon
son rang et colonne, sont en état de passer à la Collecte chacun à son
tour. Fait et arrêté le présent état en présence des habitants de ladite
Paroisse de BUDOS ledit jour et an (désigné ci-dessus ), et ont, les susdits
habitants déclaré ne savoir signer, hors les soussignés."
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Le système était assez pervers. D'une part, ceux qui étaient au Tableau pouvaient avoir tendance à ne pas trop se surcharger entre eux, sachant très bien que, s'ils avaient surtaxé un collègue, celui-ci aurait bien su leur rendre la pareille lorsque son tour viendrait d'être Collecteur. Donc, prudence entre " gens du Tableau ".
Mais comme il fallait bien réunir la somme exigée , il n'y aurait pas eu d'autre issue que de surcharger ceux qui n'étaient pas au Tableau " car si leur indigence les mettait bien à l'abri de la fonction de Collecteur, elle ne les mettait pas pour autant à l'abri de l'impôt. On en serait venu, ainsi, à taxer les pauvres gens plus que de raison. Mais cette tendance était tout de même sérieusement freinée par une autre considération.
Les Collecteurs étaient en effet, pour l'année de leur fonction, responsables sur leurs propres deniers, de la rentrée de la Taille dans les caisses du Trésor Royal. Ils n'avaient donc pas intérêt à trop surcharger des gens qui n'auraient pas pu s'acquitter de leur imposition car, en définitive, ils auraient dû régler à leur place les sommes impayées. Dès lors, la situation réelle était toute en nuances.
Ceux qui n'étaient pas au Tableau pouvaient être relativement surtaxés, mais tout de même pas de façon écrasante. Ces répartitions, objet de savants dosages s'établissaient sur des impressions, sur des signes extérieurs de richesse, sur l'idée que l'on se faisait de la fortune de son voisin. Et sur quoi d'autre les aurait-on fondées puisqu'il n'existait même pas un semblant de cadastre à BUDOS et que les répartiteurs ne disposaient donc d'aucune donnée objective ?
Ceci a eu, au fil du temps, un effet très pervers. Les petits propriétaires n'ont jamais cessé de cultiver le " misérabilisme ", cherchant toujours à paraître plus pauvres que leurs voisins, limitant au besoin leurs entreprises pour ne pas s'attirer de foudres fiscales, payant au tout dernier moment, et même, le plus souvent, en retard, alors même qu'ils auraient pu disposer des fonds nécessaires en temps utile. Mais payer trop vite, c'était courir le risque d'être jugé trop à l'aise.
Il en allait de même pour les paroisses. Telle
localité qui réglait son impôt avec une facilité un peu trop apparente avait
de fortes chances de voir augmenter sa Taille l'année suivante. Ce type de
fiscalité a constitué un véritable frein à l'esprit d'entreprise dans les
campagnes en inculquant aux petits propriétaires " la crainte de
réussir" alors qu'ils auraient pu être des moteurs de développement
économique.
Autre conséquence, ces paiements tardifs systématiques conduisaient les Collecteurs à poursuivre leurs fonctions très au-delà de l'année pour laquelle ils avaient été désignés. Ils allaient encore de porte en porte quémander leur dû 18 mois ou deux ans après l'échéance normale, alors que leurs successeurs frappaient déjà depuis longtemps aux mêmes portes pour récupérer les cotisations de l'année suivante.
Leur fonction ne cessait que tout autant qu'ils
avaient réuni la totalité de l'imposition fixée.... ou payé la différence
sur leurs propres deniers. Inutile de dire qu'en dehors de quelques avantages
qu'il pouvait présenter, il s'exerçait une sourde lutte pour échapper au
Tableau. Les plus aisés de la Paroisse ne pouvaient évidemment prétendre
l'éviter, mais lorsque l'on était tout juste à la limite inférieure de la
cinquième classe, on n'hésitait pas à se donner toutes les apparences de la
dernière misère pour
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Enfin, dernier avatar, n'oublions pas que le plus grand nombre de ces Collecteurs, chargés d'établir les Rôles, de tenir des comptabilités par " quartiers " ( les encaissements étaient trimestriels ), de poursuivre les retardataires, le plus grand nombre donc, ne savait ni lire ni écrire. Et nous avons vu dans quelle large mesure la situation à BUDOS confirmait le propos.
Il leur
fallait donc s'en remettre pour la tenue de leurs écritures à des tiers qui
, bien souvent, trouvaient là moyen d'en tirer quelques profits personnels.
Cette pratique était d'ailleurs bien connue, même en haut lieu. L'Intendant
TOURNY écrit lui-même dans un Mémoire:
Et ailleurs,
le même TOURNY déplore les désordres qui en découlent en regrettant
l'inertie des Officiers de l'Administration:
" Mrs les Officiers des Elections devraient
bien y tenir la main, mais il leur suffit de calculer (le total d') un Rôle
et d ' y trouver l'imposition juste pour (les dispenser) de le vérifier, sans
donner leur soin à corriger les défauts essentiels dont ces Rôles sont
remplis. "
" afin que justice fut rendue à
chacun...."
Il ne semble
pas que des méthodes aussi démocratiques aient été pratiquées à BUDOS,
mais il ne parait pas, non plus, que les opérations de répartition aient
donné lieu à des abus notoires comme on peut en découvrir parfois en
d'autres lieux. Un dépouillement systématique des impositions de 1788 ne
révèle apparemment aucune distorsion scandaleuse.
La Paroisse
avait été taxée cette année là pour une imposition globale de 3.019
Livres 11 sols et 6 deniers qui se décomposait comme suit :
- 1.383 Livres
pour la Taille proprement dite.
- 848 Livres
pour les impositions accessoires à la Taille.
- 752 Livres
pour la Capitation des Taillables ( nous verrons
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A ces sommes
s'ajoutait une taxe de 6 deniers par Livre (2,5%) au titre des frais de
collecte, taxe portant uniquement sur les 1.383 Livres du principal de la
Taille, soit donc 34 Livres 11 sols et 6 deniers; et enfin, une modeste taxe
de 2 Livres pour droit de quittance et d'enregistrement.
Ce sont ces 3.019 Livres qu'il fallait répartir entre les 193 " feux vifs " que comptait la Paroisse. Au résultat de ce travail, on rencontre une imposition de 69 Livres 2 sols pour le Sieur LATAPIE, Bourgeois de BUDOS, habitant au Bourg et qui était un des principaux Notables du Village.
Mais on trouve aussi, à l'autre extrémité de l'échelle, des impositions à 1 Livre 10 sols pour la Veuve de Pierre PARAGE, ou 1 Livre 15 sols pour Raymond FINORE, brassier. On trouve même une imposition à 1 sol pour les héritiers de Jean DURON dont l'héritage ne devait guère être bien conséquent. Il est bien difficile de dire si ces impositions étaient parfaitement équitables ou si elles laissaient places aux critiques générales que nous avons évoquées ci-dessus.
Tout ce que
l'on peut en dire, c'est que le Bourgeois et les Laboureurs manifestement
aisés étaient, à l'évidence, beaucoup plus imposés que le petit artisan,
la veuve ou le brassier, ce qui va bien dans le sens de la justice mais ne
permet guère de se prononcer sur l'exactitude de la répartition.
En tout état
de cause, et les Collecteurs n'y pouvaient rien, cette répartition de
l'impôt était injuste en elle-même par le fait des règles qui la
régissait et pour bien des raisons que nous allons évoquer sur quelques cas
concrets.
Mr MIRAN était Bourgeois de BORDEAUX, il y avait son domicile rue des MENUTS, encore qu'il résidât le plus souvent à BARSAC. Il disposait de grands biens à BARSAC, PUJOLS, BUDOS et autres Paroisses. Et dans aucune d'entre elles il ne payait un seul denier de Taille pour la seule raison qu'il était Bourgeois de BORDEAUX et qu'à ce titre, il en était exempt.
A BUDOS, il était propriétaire à LA HONTIQUE, au CARPIA, au SOUBA, à MASSE et ne figurait pourtant nulle part au Rôle de la Taille. La chose, en elle-même, était injuste, mais la situation pouvait devenir beaucoup plus irritante encore pour les Budossais, car Mr.MIRAN avait de l'argent et ne manquait pas de s'en servir pour arrondir son domaine par des achats judicieux.
C'était son droit le plus strict , et il ne s'est évidemment pas privé d'en user. Mais, lorsque le 2 Décembre 1761, par exemple, il achète 16 règes de terre au CARPIA à Jean LACASSAIGNE dit LACALLE, pour la somme de 105 Livres, c'est un " bien taxable " qui devient " non taxable " par le seul fait qu'il passe des mains de Jean LACASSAIGNE, Budossais taillable, à celles de Mr. MIRAN, Bourgeois Bordelais non taillable.
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La somme
globale dont la Paroisse est imposée ne sera pas pour autant réduite d'un
seul sol; il faudra donc,
Même chose lorsque Mr. MIRAN achètera 17 joualles de vigne à Raymond et Joseph LACASSAGNE, dits CLABAIOT, le 23 Février 1772. Et c'est encore la même chose quand c'est Mr. CONILH, Conseiller au Parlement, propriétaire au LIOYL, ou Mr. DARMAJEAN à PINGUET.
Même chose encore quand c'est le Baron qui achète, parce qu'il est Noble, et quand c'est le Curé DORAT, parce qu'il est Clerc... Et parce que ces gens là ont des moyens, ils achètent mais ne revendent guère. L'opération est donc à peu près toujours à sens unique au détriment des Budossais qui voient, à chaque fois, se réduire l'assiette de leur impôt tandis que leur imposition globale ignore totalement ces transferts.
Inéluctablement,
leur quote-part augmente; les lois de l'arithmétique sont incontournables.
Au fur et à mesure que le siècle s'avance, le privilège de Bourgeoisie est de plus en plus mal accepté par les Villageois. Ici encore s'est dessinée une évolution des mentalités qui a progressivement remis en cause des situations qui, jusque là, avaient été acceptées sans problèmes majeurs. Il faut dire aussi que ces Bourgeois prêtaient eux-mêmes le flanc à la, critique.
Leur qualité de Bourgeois de BORDEAUX leur faisait obligation d'avoir leur domicile dans la Ville ou dans ses faubourgs immédiats. Certes, de longue date, il avait été admis qu'ils puissent résider en campagne à la belle saison sans pour autant perdre leur titre ou qualité. C'était le cas de la quasi totalité des Parlementaires et autres gens de robe.
Mais ils devaient impérativement avoir leur domicile en ville et y habiter effectivement au moins pendant tout l'hiver. Or, ces Bourgeois s'étaient fait aménager en leur campagne des demeures fort agréables où la vie était confortable et douce et qu'ils ne quittaient plus guère. Ils estimaient en tous cas qu'ils y vivaient mieux qu'en ville.
Dans la proche région, le Château de PINGUET représente un exemple tout à fait typique de ce genre de demeure. Mais CERONS, BARSAC et PREIGNAC, bénéficiant de la proximité de la Rivière et du Grand Chemin Royal de BORDEAUX à TOULOUSE, offraient des dizaines de cas semblables. Dès lors, ces Bourgeois n'avaient plus à BORDEAUX qu'un appartement qu'ils fréquentaient de plus en plus rarement et que certains n'utilisaient guère plus que pour aller y traiter leurs affaires ( en particulier la vente de leurs vins ).
Les
Villageois n'étaient absolument pas dupes de ces situations et il n'y a donc
rien d'étonnant à ce qu'ils aient de plus en plus contesté ce privilège de
Bourgeoisie qui leur paraissait de moins en moins justifié. La manifestation
la plus explicite de cette prise de conscience se situe dans une affaire
survenue à PUJOLS; il existe d'autres prises de position assez semblables,
mais aucune n'est aussi nette ni aussi démonstrative que celle ci. Elle
mérite d'être rapportée:
"
Aujourd'huy, troisième Fête de la Pentecôte, sixième Juin Mil Sept Cent
Quatre Vingt Six... (il s'agit du Mardi de Pentecôte qui, tout comme le
Lundi, était alors jour férié et Fête d'Obligation religieuse; il en
allait de même pour Pâques) étant au-devant de la porte principale de l'Eglise
de SAINT PIERRE ES LIENS de la Paroisse de PUJOLS, à l'issue de la
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étant ainsi
régulièrement convoquée et réunie, Jean LACOSTE, dit GANACHE, prend la
parole et leur dit :
" en
exceptant toutefois les véritables privilégiés..."
Même avec
cette prudente réserve, ce texte est audacieux. Certes, ces Bourgeois sont en
défaut, mais dix ans auparavant, une telle prise de position aurait été
absolument impensable de la part des Villageois. C'est sur de telles
situations que, par petites touches, on perçoit l'évolution préparant le
terrain à la Révolution.
Revenons en
à d'autres exemptions, celles des Clercs par exemple. Elles sont très
simples dans leur principe : le Clergé n'est pas taillable. C'est donc bien
clair. Mais l'application de cette règle peut ouvrir la porte à bien des
subtilités.
Ainsi par exemple, chez les SAINT BLANCARD, l'une des familles les plus aisées de BUDOS en ce temps-là, un frère et un fils du Chef de Famille se sont faits prêtres. Le premier, Nicolas, est Curé à SAINT PIERRE de MONS, près de LANGON et l'autre, Etienne, n'est pas allé bien loin puisqu'il est Vicaire à BUDOS.
Les Parents leur ont constitué à chacun un " Titre Clérical " de 3000 Livres; entendons par là, une sorte de dot les désintéressant de la future succession familiale qui se partagera entre les autres descendants. En attendant cette échéance, les terres correspondant à ces 6.000 Livres ( un bien joli domaine ... ) sont resté intégrées à la propriété ancestrale et continuent d'être exploitées par la famille comme si de rien n'était.
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Les
Collecteurs de BUDOS n'avaient vu aucune raison de dégrever de la Taille des
propriétés qui étaient bel et bien
" ils payent la Taille desdits biens (qui
sont) englobés dans les biens de leur famille, dans le temps que les
Déclarations du Roy les exemptent de cet impôt...."
et ils
demandent à la Cour d'ordonner aux Collecteurs de BUDOS qui sont en train
d'établir le nouveau Rôle ;
Et le 10
Septembre 1761, la Cour de l'Election leur donna raison car leur argumentation
était inattaquable au regard des textes en vigueur. Les Budossais n'en furent
pas pour autant satisfaits car c'était une propriété de 6.000 Livres que
l'ont retirait ainsi de l'assiette imposable de la Paroisse sans réduire en
quoi que ce soit le montant de son imposition globale. Une fois encore,
l'arithmétique de répartition, imperturbablement, allait jouer au détriment
de tous les autres Villageois.
Certes, il
existait bien une sorte de garde fou, une règle posée par un Edit remontant
à LOUIS XIII et qui, en 1634, avait prévu que le nombre des privilégiés ne
pouvait pas être supérieur à huit dans les paroisses payant plus de 900
Livres de Taille. Cette disposition avait, par la suite, été rappelée
plusieurs fois, mais 150 ans avaient passé et l'avaient bien effacée des
mémoires. Et quand bien même, ici ou là, on s'en serait souvenu ( ce qui
n'a pas été le cas à BUDOS ) , on aurait tout de même vu , dans la
pratique, les huit plus gros propriétaires de la Paroisse échapper à un
impôt que se seraient partagé tous les autres.
Mais ce n'est pas tout , car il nous faut encore rendre compte des conséquences de la règle du " Feu vif " qui autorisait bien d'autres évasions fiscales. Nous avons déjà rencontré l'expression en évoquant le Rôle de la Taille de 1788 lequel recensait 193 " feux vifs " à BUDOS. Cette règle, fondée sur une Déclaration Royale de 1728 autorisait les taillables à ne cotiser à l'impôt que dans la seule paroisse où ils avaient élu domicile, à l'exclusion de toutes les autres.
Ainsi, un Laboureur ayant élu domicile à LANDIRAS et possédant des biens à LANDIRAS, PUJOLS et BUDOS, ne payait sa Taille qu'à LANDIRAS et ne versait rien ni à PUJOLS, ni à BUDOS, car, aux yeux de l'Administration, il n'y entretenait pas de " feu vif ". Or, comment les Collecteurs de LANDIRAS auraient-ils pu apprécier les revenus perçus dans les paroisses extérieures alors qu'il avaient déjà tant de mal à cerner ceux qui se recueillaient dans leur propre Paroisse ? Le jeu, pour l'intéressé consistait évidemment à élire domicile (fictivement au besoin ) là où il risquait d'être le moins imposé.
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Et il y
parvenait assez
Les Cours de
Justice n'en sont pas moins toujours resté inébranlables et ont toujours
tranché dans le sens de la Règle du " feu vif" quelles qu'aient pu
être les conséquences. Cette jurisprudence s'appuyait sur l'idée que la
Taille avait le caractère d'un impôt personnel et s'attachait au taillable,
là où il était, et non à ses biens, où qu'ils puissent être.
Ainsi, Pierre et Jean DUPRAT habitaient-ils à LANDIRAS où:
" ils supportent la charge pour tous leurs
biens et facultés..."
et pourtant,
les Collecteurs de BUDOS les ont assujettis au Rôle de leur Paroisse au titre
" de quelques petites pièces de
terre..."
pour
lesquelles les propriétaires déclarent, dans une supplique au Président de
l'Election de GUYENNE
" qu'ils veulent (les) exploiter (de leurs
propres)mains par valets à gages et gens à la journée tant et si longuement
qu'ils seront habitants et domiciliés de ladite Paroisse de LANDIRAS..."
En
conséquence, ils demandent qu'il soit fait:
" défense aux Collecteurs qui entreront en
charge l'année prochaine dans ladite Paroisse de BUDOS ni (aucun) autre à
l'avenir, de continuer à (les) comprendre ni cotiser sur leur Rôle de Taille
et autres impositions..."
Et ici
encore, la Cour leur donna raison.
En réaction
contre ces abus protégés par la jurisprudence, les Collecteurs usaient de
toutes sortes d'expédients pour trouver le maximum de cotisants possible afin
de répartir leur imposition sur le plus grand nombre de têtes. A ce jeu là,
les doubles impositions étaient fréquentes.
Jean DEMONS, Laboureur à LANDIRAS avait acquis un bien de Marie BEDOURET et de ses enfants; certaines pièces étaient dans BUDOS, et d'autres dans LANDIRAS. Aussitôt, chacune des Paroisses l'avait taxé sur son propre Rôle pour la totalité ... Si bien que l'acquéreur, à juste titre, se plaignit de payer deux fois pour un même objet.
La
Cour lui donna évidemment raison et il fut décidé qu'il cotiserait
désormais à LANDIRAS et ne payerait plus rien à BUDOS. C'était la pure et
simple application de la règle. Mais ce qui est intéressant, c'est la
publicité que l'on donne à cette décision car, une fois encore, ce que Jean
DEMONS ne versera plus à BUDOS, ce sont les Budossais qui se le partageront
entre eux pour le payer à sa place. Aussi faut-il qu'ils en soient informés.
C'est un huissier qui s'en charge:
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"
Le huitième Septembre Mil Sept Cent Soixante Cinq, à la requête de Jean
DEMONS, Laboureur, habitant de la Paroisse de LANDIRAS où il fait élection
de domicile, nous, Joseph Vincent SERRES, Huissier au Siège Royal de BARSAC
... soussigné, certifions nous être exprès
On voit bien
déjà, que par le seul jeu des règlements et coutumes, l'assiette de la
Taille avec ses nombreux privilèges et ses exemptions constituait une
véritable peau de chagrin. La Taille était bien un impôt de répartition,
mais qui avait fini par être réparti au mépris de toute équité.
Ceci étant
posé, encore fallait-il compter avec les fraudes...
La
fraude fiscale.
Les fraudes ? Bien sûr; ne serait-ce en premier lieu que du fait de l'attitude générale de dissimulation adoptée par chacun. Il fallait à tout prix paraître plus pauvre que son voisin. Ils n'étaient pas très nombreux ceux qui osaient braver l'opinion en habillant leur fille d'une robe de soie au jour de son mariage, même dans les familles où l'on en aurait eu les moyens.
Ce n'était
certes pas la seule motivation car, à l'évidence, on préférait mettre
quelques écus dans une rège de vigne plutôt que dans la robe de la mariée.
Mais tout de même... Ces tentatives de dissimulations fiscales par affichage
d'une pauvreté parfois plus supposée que réelle n'étaient que bonne
guerre. Tout le monde les pratiquait et, finalement, personne, au Village,
n'en était dupe.
La vraie fraude venait d'ailleurs, et tout spécialement des privilégiés eux-mêmes. Un Noble, un Bourgeois Bordelais, un détenteur d'Office était exempt de Taille, mais à titre purement personnel. S'il affermait son bien, son fermier n'en était absolument pas dispensé. L'astuce consistait donc à dissimuler le fermage en faisant passer le fermier pour un valet à gages, censé travailler pour le compte personnel du privilégié, lequel affirmait haut et clair qu'il pratiquait sur le bien un faire valoir direct.
Et en ce cas,
plus de Taille..! Le fermier, tout heureux d'échapper ainsi à l'impôt ne
manquait pas de ristourner au bailleur un petit supplément de fermage pour le
remercier de ce bon office... Inutile de dire que les Collecteurs faisaient
une chasse assidue à ce genre de situation. Mais ce n'était pas une tâche
facile car, en fait, il ne s'agissait de rien moins que de convaincre de
mensonge un personnage généralement important, ou un Notable de la Paroisse.
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Les
Collecteurs, simples Laboureurs locaux, le plus souvent
Les
Collecteurs allaient prendre de plus en plus appui sur la Communauté
paroissiale et s'en faire aider pour s'attaquer à des cas litigieux qu'ils
n'hésiteraient plus, désormais, à contester ouvertement. Déjà, en Janvier
1777, on avait vu les Collecteurs de BARSAC réunir une Assemblée Capitulaire
pour dénoncer le Seigneur d'YQUEM qui avait frauduleusement affermé le
Moulin de PERNAUD :
"à un
Négociant du Haut Pays pour y fabriquer du minot"
en
prétendant qu'il n'était que son salarié. C'était s'attaquer à forte
partie. Ces Collecteurs s'étaient adressés au Seigneur propriétaire et n'en
avaient obtenu que :
" des réponses vagues, mais qui font assez
présumer de la vérité des fermes.."
Quatre ans plus tard, en 1781, le même problème se posait à BUDOS vis à vis des Frères De CONILH, Ecuyers, personnages Bordelais importants, qui avaient affermé clandestinement, conjointement avec leur Mère, un bien qu'ils possédaient à BUDOS. Ce bien n'est pas explicitement désigné, mais il y a tout lieu de croire qu'il s'agissait de la propriété du LIOYL qui appartenait à leur famille d'assez longue date.
Avant de s'attaquer à si forte partie, les Collecteurs Budossais se préoccupèrent d'assurer leurs arrières et demandèrent à Jean CAUBIT, Syndic de la Paroisse, de convoquer une Assemblée Capitulaire à ce sujet. Mais, soit qu'il n'ait pas été trop sûr de la légitimité de son mandat, soit qu'il n'ait pas trop aimé s'engager personnellement dans une telle aventure, Jean CAUBIT ne bougea pas.
Il ne semble
pas d'ailleurs avoir été un Syndic bien efficace. Souvenons nous que c'est
de lui, nommément désigné, que parlera l'Assemblée Capitulaire du Jour de
la SAINT JEAN 1784 lorsque, se proposant de désigner un Syndic perpétuel,
elle dira:
" et principalement Jean CAUBIT, du lieu de
PINGOY ... (qui a)..totalement négligé les affaires de la Communauté
..."
Nous avons
déjà rencontré cet épisode. Eh bien voici précisément un exemple de
l'inertie que l'on reprochait à Jean CAUBIT. Il ne convoque personne. Qu'à
cela ne tienne, les Collecteurs provoquent l'Assemblée d'eux-mêmes, avec
l'autorisation de l'Intendant, à la sortie de la Messe du 29 Avril 1781 et,
s'adressant à tous les Budossais réunis, leur disent :
" que
sur les assurances les moins équivoques qui leur ont été données ... le
nommé Bernard LACASSAIGNE, habitant dudit BUDOS ... a pris à titre de ferme
de Mrs De CONILH Frères, Ecuyers, et ... de Madame BOIREAU leur Mère, le
bien qui leur appartient dans la Paroisse de BUDOS, pour certain prix qu'ils
ignorent (et que ceci) résulte de la gestion et perception des fruits qu'il
fait publiquement. Les Collecteurs, sur l'avis général desdits habitants en
(établissant le brouillon) du Rôle de la présente année 1781 (ont) compris
ledit LACASSAIGNE comme fermier desdits biens, ce qui (a) formé quelque
altercation dans ladite Paroisse et (a)
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déterminé
lesdits Collecteurs, pour éviter toute (contestation) de sommer le nommé
Jean CAUBIT, Syndic, (de) convoquer la Paroisse le huit du courant, jour de
Dimanche des Rameaux pour délibérer sur le fait de ladite cotisation ... Et
comme ledit Syndic n'a (pas déféré) audit acte (de sommation) comme il
aurait dû le faire, lesdits Collecteurs, toujours en vue de remplir les
(devoirs) de leur charge, et dans l'intérêt de la Communauté, ont
eux-mêmes convoqué la présente Assemblée, à laquelle ledit CAUBIT,
Syndic, s'est présenté avec les autres habitants où, après avoir
délibéré sur ladite cotisation ainsi que sur ce qu'il convenait de faire à
ce sujet, il a été convenu à la pluralité des voix que ledit LACASSAIGNE
... serait cotisé comme fermier desdits biens et sur le pied que l'on croit
pouvoir être le prix de ladite ferme, (ce) à quoi lesdits Collecteurs ont
été autorisés par lesdits (habitants) délibérants."
Ce n'était
assurément pas une sinécure que d'être Collecteur ...
être
collecteur.
Dresser le Rôle, répartir les charges, encaisser les sommes correspondantes en faisant le porte à porte dans toute la Paroisse, trimestre après trimestre, poursuivre les débiteurs défaillants et, en fin de compte, se substituer à eux s'ils n'avaient pas réussi à s'en faire payer, telles étaient les obligations dévolues à ces braves gens qui, redisons-le une fois encore ne savaient ni lire ni écrire dans au moins trois cas sur quatre sinon davantage.
A tout cela s'ajoutait encore une autre fonction. Ils étaient chargés de conduire les démarches nécessaires en vue d'obtenir éventuellement des dégrèvements fiscaux en cas de catastrophes naturelles : gelées, grêles, ouragans et autres intempéries. Pour cela, sitôt l'évènement, il leur fallait adresser une supplique à l'Intendance en lui demandant de faire procéder à une enquête sur place.
L'Administration leur accordait cette autorisation très rapidement ( généralement dans un délai inférieur à la semaine). Les Collecteurs convoquaient alors un Notaire expert qui venait procéder sur place aux constatations utiles. On parcourait tout le pays, ainsi que nous l'avons déjà vu faire en plusieurs circonstances, et l'on dressait un Procès Verbal de constatations concluant à un certain pourcentage de pertes. Envoyé à l'Intendance, ce document était soumis à l'appréciation des Services qui décidaient d'accorder ou non un dégrèvement et, en cas de réponse positive, en fixaient le montant en argent.
Ici, le
délai de réflexion de l'Administration était nettement plus long qu'à
l'accoutumée. Elle était en effet obligée d'attendre d'avoir en main la
totalité des demandes de toutes les paroisses pour se faire une idée de
l'étendue des dégâts; et si ceux-ci étaient réellement très importants,
elle ne pouvait réduire trop notablement les impôts sans avoir obtenu un
accord préalable du Gouvernement de VERSAILLES. C'est ainsi que la décision
de dégrever BUDOS de la moitié de sa Taille, à la suite
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Il y avait eu des orages partout et la Province en avait été ravagée. Autre difficulté, celle de la répartition des dégrèvements obtenus. Si les dommages étaient également répartis entre tous les propriétaires, il n'y avait évidemment pas de problème, il suffisait de réduire chaque cotisation d'un pourcentage identique.
Mais il en allait tout autrement lorsque les Procès Verbaux faisaient apparaître des inégalités dans les atteintes du mal : tel, ayant à peine été touché, alors que tel autre avait tout perdu ... En pareil cas, l'Administration, prudente, se méfiait beaucoup de la répartition locale de ses dégrèvements. Elle pensait, peut-être avec quelques raisons, que les avantages accordés pourraient bien aller aux mieux placés plutôt qu'aux plus atteints.
Or, le
Pouvoir Royal n'avait aucun échelon administratif dans les paroisses pour
surveiller une telle opération . Il recherchait donc un correspondant local, au
coup par coup, qui lui paraissait digne de confiance, et le chargeait de
superviser cette répartition. Ce pouvait être le Curé, ou bien le Juge
Seigneurial; ainsi par exemple, Mr. COPMARTIN, Conseiller du Roi, Président de
l'Election de GUYENNE, écrit-il à Me Jacques DORAT, Curé de BUDOS, le 13
Janvier 1761:
"Monsieur,
J'ai l'honneur d'être, avec un très profond respect, Monsieur, votre très
humble et obéissant serviteur."
La Taille,
impôt rural par excellence, était, de tous les impôts directs, le plus lourd,
et aussi, de très loin, le plus impopulaire. Et cette impopularité venait non
seulement de son poids, mais plus encore de son mode de perception qui étalait
au grand jour les plus flagrantes inégalités, tout en imposant à la société
rurale la chape de plomb de la " pauvreté militante " qui freinait
toute tentative d'expansion et empoisonnait littéralement les relations de la
vie sociale.
Le Pouvoir
Royal n'ignorait rien de ces problèmes et a cherché, à plusieurs reprises, en
cette fin du XVIIIème siècle, à réformer un système devenu inacceptable. En
Août 1767, le Contrôleur Général s'était adressé aux Intendants par une
lettre circulaire les informant qu'à partir de 1768, un inventaire serait
établi dans chaque paroisse en vue d'aboutir à une base d'imposition nettement
définie, sur laquelle on établirait des
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Dans chacune
de ces paroisses, on réunirait une Assemblée, en présence d'un
représentant de l'Intendance, et chacun viendrait déclarer ses biens de
façon contradictoire tandis qu'un Rôle en serait dressé. Ceux qui seraient
dépourvus de propriétés foncières, les brassiers et journaliers par
exemple, seraient taxés forfaitairement sur la base de 200 journées de
travail par an. Un Déclaration Royale du 7 Février 1768 vint confirmer tout
cela. L'un de ses articles réformait en outre la Déclaration du 17 Février
1728 en décidant d'abandonner la règle du " feu vif ", les
propriétés foncières étant désormais taxées au lieu où elles se
situaient et nulle part ailleurs. Enfin, il était prévu que les
biens fonciers exemptés de Taille pour un motif quelconque,
seraient néanmoins recensés et recevraient une côte pour mémoire
afin qu'à l'occasion d'une vente ou d'un transfert de propriété quelconque
à un non privilégié, on puisse immédiatement connaître le montant de
l'impôt exigible sans avoir besoin de reprendre toute la répartition
paroissiale à grand renfort d'arithmétique. Tout cela était fort bien vu et
allait tout à fait dans le bon sens.
Ce fut un énorme tollé ! !
Nous n'entrerons pas dans ce débat qui dépasse très largement les limites de notre propos, mais nous dirons simplement qu'après des " Lettres de Remontrances " adressées au Roi par la Cour de BORDEAUX, celui-ci manifesta une ferme réaction par des " Lettres de Jussion " en date du 2 Septembre 1768 qui déclenchèrent une nouvelle explosion de démagogie parlementaire, etc..
La Cour finit par enregistrer la Déclaration... mais
en la vidant totalement de sa substance. En particulier, les biens des
privilégiés ne seraient pas recensés, les propriétaires extérieurs à la
Paroisse continueraient d'être taxés à leur seul domicile selon la règle
du " feu vif", la confection du Rôle en présence d'un
représentant de l'Intendance ne constituerait plus qu'une procédure tout à
fait exceptionnelle, etc ... etc ... En bref , et pour couper court, sur
l'ensemble de la Généralité de GUYENNE, trois paroisses seulement sur des
centaines procédèrent à l'inventaire prescrit.
Ce fut un échec total; le Roi n'insista pas.
Quelques années plus tard, TURGOT tenta de reprendre
l'affaire, mais il ne fit qu'un trop bref passage au Gouvernement et fut
promptement balayé. Finalement, la seule amélioration, modeste mais réelle,
fut apportée par NECKER dans, la Déclaration du 13 Février 1780 qui rendit
pour l'avenir le montant de la Taille fixe dans chaque paroisse, rendant ainsi
plus facile sa répartition.
Au résultat de ces divers affrontements politiques,
le Pouvoir Royal paraissait plus que jamais dans l'incapacité de faire
aboutir les réformes dont il sentait pourtant l'impérieuse nécessité mais
qui, toutes, se heurtaient à des résistances qu'il
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Dans son ouvrage sur L'IMPOT SUR LE REVENU AU XVIIIème SIECLE ", Marcel
MARION notait en 1901:
" De toutes les institutions de l'Ancien
Régime, il n'en est peut-être pas une qui n'ait été, dans les actes
officiels eux-mêmes, critiquée et condamnée; puis, après en avoir signalé
les vices, le gouvernement, reculant devant les résistances de l'intérêt
particulier, les laissait vivre, donnant ainsi aux populations, plus
attentives qu'il ne le pensait et plus aigries que jamais par le sentiment de
leurs souffrances cet enseignement redoutable que des réformes étaient
indispensables et que le Roi était incapable de les réaliser."
On ne saurait mieux résumer le sentiment
d'impuissance qui se dégage effectivement de ces réformes avortées et le
frémissement d'impatience qui se fait jour, comme nous l'avons vu, dans les
couches populaires notamment rurales. L'aveuglement des classes dirigeantes et
tout spécialement le comportement à la fois élitiste et démagogique des
Parlementaires ont précipité l'irruption des idées qui ont fait la
révolution.
La Capitation était un très vieil impôt. Elle
remontait à une Ordonnance de CHARLES VII, prise en 1445. Son inspiration
égalitaire lui conférait, à l'origine, un souci de parfaite équité:
"voulons égalité estre gardée entre
nos sujets ès charges et (fardeaux) qu'ils ont à supporter, sans que l'un
porte ou soit contraint à porter les (fardeaux) et charges de l'autre, sans
ombre de privilège et de cléricature, ni autrement. "
Cette répartition était indépendante du partage
entre les " Ordres " de la Noblesse, du Clergé et du Tiers Etat.
Elle ne tenait compte que de la position sociale. On pouvait donc y rencontrer
des roturiers mieux classés que certains nobles. Tout de suite, le Clergé
protesta vivement et se refusa à entrer dans cette classification. Moyennant
un versement global de quatre millions de Livres, il en fut dispensé.
A part le Roi et la Reine, personne n'échappait à
la " Grille Sociale " . La première classe constituait un club
très fermé dans lequel on ne trouvait que Monseigneur le Dauphin, le propre
fils du ROI, le Duc d'ORLEANS et neuf autres proches de la famille royale,
ainsi que les Ministres, les Secrétaires d'Etat et les Fermiers Généraux.
Chacun cotisait pour un montant de 2000 Livres annuelles.
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A 1.500 Livres, dans la seconde classe, on trouvait
les Princes et les Ducs, les Maréchaux de FRANCE, les Gouverneurs de
Province, etc...
Survolant très rapidement le reste du Tableau, nous
noterons au passage que les Marquis, Comtes, Vicomtes et Barons, réunis dans
la septième classe étaient taxés pour 250 Livres; mais il avait bien dû se
négocier quelques accommodements en cours de route car, sur les Rôles de la
Capitation de la Noblesse de l'Election de BORDEAUX, pour l'an 1777, sous le
N' 71, on voit figurer :
(plus supplément) 8
Livres
Ci ....... 38
Livres
Il s'agit de Dame Catherine Delphine De BRASSIER,
Veuve depuis l'année précédente du Baron Michel Joseph De LAROQUE, Seigneur
de BUDOS. En dépit du " supplément ", nous sommes ici bien loin
des 250 Livres du Tarif de 1696.
Enfin, en 22ème classe, devant acquitter une Livre,
on recensait " les soldats, cavaliers, trompettes, dragons, matelots,
timbaliers, tambours et fifres, manoeuvreset journaliers, et tous les
habitants des bourgs et villages cotisés à la Taille à 40 sols et
au-dessous."
Cette belle image de la hiérarchie de la Société Française disparut très vite, dès 1705, du moins dans les pays de Taille personnelle ce qui, nous l'avons vu, était le cas de BUDOS. La Capitation avait alors été intégrée dans le Rôle de la Taille sous forme d'un pourcentage de majoration pour tous ceux qui y étaient soumis.
Elle s'était par ailleurs transformée en une
imposition forfaitaire pour les " non taillables " selon un Rôle
spécial qui était établi au siège de l'Election de BORDEAUX. Les
spécialistes estiment généralement que ces forfaits manquaient de
cohérence dans leurs définitions. C'est peut-être ce qui explique la
sous-taxation de la Baronne de BUDOS que nous avons évoquée.
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Le vingtième:
Cet impôt direct était le plus récent dans
l'arsenal fiscal de 1'Etat. Tout à la différence de la Taille, il se trouve
qu'il n'a pratiquement laissé aucune trace dans l'histoire locale . Il était
pourtant perçu, lui aussi , en utilisant l'inventaire des habitants figurant
au Rôle. Et puisqu'il était perçu, il nous faut bien en dire quelques mots
sur le plan général, simplement pour le situer et rappeler les très grands
traits de son histoire, brève, mais fort complexe.
En 1709, la Guerre de Succession d'ESPAGNE tournait au désastre. Après la défaite de MALPLAQUET et la perte de MONS, il fallut bien se résoudre à ouvrir des pourparlers de paix avec les Députés des Etats Généraux de HOLLANDE. Entamés en Mars 1710, devant l'intransigeance de ces Députés, ils cessèrent presque aussitôt.
A la vérité, les Hollandais, bien renseignés, savaient que LOUIS XIV n'avait plus un sou vaillant devant lui et qu'il ne pouvait poursuivre la guerre, d'où leur attitude et leurs exigences démesurées. Or, par une déclaration signée à MARLY le 14 Octobre 1710, l'Etat institua un impôt du " Dixième " qui serait prélevé sur la totalité des revenus perçus dans le Royaume, quelle qu'en soit l'origine.
Les Grands, l'Eglise et les privilégiés de tous ordres firent alors un beau tapage. Il suffit de relire ce qu'en dit SAINT SIMON ... Mais contre toute attente, cet impôt rentra. Et il rentra si bien que les Coalisés ( Anglais, Hollandais, Prussiens, etc) comprirent que la FRANCE disposait encore de plus de ressources qu'ils ne l'avaient cru.
Ceci mit un frein à leurs prétentions et permit de
signer le Traité d'UTRECHT ( 11 Avril 1713 ) puis de RASTADT ( avec
l'AUTRICHE, 7 Mars 1714 ) . Tout le début de l'histoire de cet impôt tient
en ces quelques lignes. Après, c'est une toute autre affaire, riche en
rebondissements de tous genres.
Il avait été convenu que ce prélèvement cesserait trois mois après la conclusion de la Paix. Mais la dette publique était immense. Une nouvelle Déclaration du 9 Juillet 1715, au mépris de tous les engagements pris, en prorogea l'application. Passons sur d'innombrables péripéties telles qu'exemptions, rachats, transformations, etc… pour en venir au Ministère de NACHAUT D'ARNOUVILLE qui, en mai 1749, supprima le Dixième que seuls les petits contribuables payaient encore et instaura à la place le " Vingtième " ( impôt de 5% ) auquel personne, absolument personne ne pourrait échapper.
Autrement dit, en termes abrupts, on effaçait tout et l'on recommençait ... Et tout aussitôt reparurent les pressions de tous bords. Celles du Clergé, en premier lieu qui exigeait l'exemption pure et simple . C'est en cette occasion que les Prélats prononcèrent des paroles définitives, disant qu'ils " obéiraient à Dieu plutôt qu'au Roi ", laissant entendre par là que Dieu leur avait défendu de payer l'impôt ...
Mais ils ne furent pas les seuls à descendre dans
l'arène. Des Provinces sollicitèrent un abonnement ( le LANGUEDOC par
exemple) , des Villes aussi, etc ... Ce fut un beau remue ménage. En bref, au
résultat de tout ceci, MACHAUT D'ARNOUVILLE .... fut évacué sur le
Ministère de la Marine ... En
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En fait, ces vingtièmes successifs s'appliquaient à des revenus fort imprécis, d'origine essentiellement rurale. De là naquit l'idée de constituer un cadastre ( Avril 1763 ) auquel rien n'échapperait, pas même les biens de la Couronne et pas davantage ceux des Princes du Sang , de 1'Eglise , des Nobles et des privilégiés.
Ce fut le début d'une partie de bras de fer entre le
Gouvernement et les Parlements, en particulier celui de BORDEAUX.
L'affrontement dura des mois et des mois. Finalement, c'est bien l'Etat qui
dût lâcher du lest. Et le Parlement de BORDEAUX, triomphant, fit défense
aux Contrôleurs de modifier quoi que ce soit aux Rôles existants sous peine
d'être poursuivis pour concussion !
Cinq ans plus tard, en 1768, nous l'avons vu, les
Parlementaires s'opposeront encore à toute réforme de la Taille. Cette
attitude démagogique, précipitant les désordres financiers conduira tout
droit à la nécessité de convoquer les Etats Généraux.
En 1789, on percevait encore les vingtièmes sur des
bases dépourvues de toute crédibilité mais évidemment favorables à ceux
qui les avaient définies et rendues invérifiables.
La corvée royale et les voies de communication:
Encore un impôt typiquement rural ...
En principe, la Corvée Royale pouvait s'appliquer à toutes sortes de travaux d'intérêt général : entretien de cours d'eau, constructions de digues, creusement de canaux ou de ports, etc.. Mais il se trouve qu'à BUDOS et dans la région immédiate, seuls, les routes et les chemins ont bénéficié de sa mise en oeuvre.
A telle enseigne que dans l'esprit des Budossais, en
cette fin du XVIIIème siècle, il y avait identité à peu près parfaite
entre les prestations de la Corvée Royale et l'entretien des chemins. C'est
donc en partant de là que nous allons tenter de faire le point à la fois,
sur cet impôt en nature, et sur l'état des voies de communication.
C'est le Contrôleur Général ORRY qui, à partir de
1738, généralisa l'application de la Corvée à l'entretien des Grands
Chemins.
Par une Ordonnance de 1757, l'Intendant TOURNY avait
défini la consistance de la prestation, et il avait eu la main lourde. Tout
homme assujetti à la Taille, résidant dans les paroisses situées à moins
de deux lieues ( environ 8 Km ) des ateliers
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Tous les taillables sans exception y étaient soumis, même les plus riches. C'était réellement très lourd. Douze jours de travail gratuit pour un pauvre journalier qui avait bien du mal à survivre constituaient une charge considérable. La désobéissance et la passivité se manifestèrent sans tarder. D'autres, pour qui ces 12 journées auraient été plus supportables, s'alignèrent sur la réaction des plus défavorisés.
Le désordre fut général et l'Intendant ESMANGART, par la suite, ne put que constater l'échec de cette imposition. Ajoutons que ceux qui fournissaient un attelage voyaient leur prestation réduite de moitié. Mais notons aussi qu'après l'épizootie de 1774 déjà évoquée par ailleurs, les attelages étaient devenus très rares et que cela n'arrangeait guère les chantiers d'entretien.
Par une Déclaration du 11 Août 1776, on refondit tout le système. La durée du service devenait proportionnelle à l'imposition à la Taille et l'on prévoyait de surcroît la possibilité d'un rachat en argent pour les paroisses qui préféreraient payer plutôt que de fournir le service de main d'oeuvre. Par une ordonnance du 16 Novembre 1776, l'Intendant DUPRE de SAINT MAUR s'efforça de répartir les travaux de voirie entre les paroisses en fonction de leurs capacités réelles.
C'était un progrès considérable dans le sens de l'équité. Mais il se trouva que la mesure lésait les plus gros contribuables tandis qu'elle soulageait les plus petits. Les premiers se firent entendre, pas les seconds. Les Parlementaires, évidemment, s'en mêlèrent. Dans un Arrêt du 20 Mars 1778, la Cour des Aides prohiba la perception de toute taxe en compensation du rachat des corvées.
Cet Arrêt fut cassé par un Arrêt du Conseil du
Roi. Il s'en suivit une énorme confusion qui dura longtemps. Au cours d'une
absence de l'Intendant, le Parlement s'empara de l'affaire et en fit un habile
montage en vue de desservir DUPRE de SAINT MAUR, et le Gouvernement finit par
céder en désavouant son Intendant ...
Dans ce climat passionnel d'intrigues et de
résistance passive, chacun tentait de se défiler devant la Corvée.
L'exemple de SAUTERNES, dont les statistiques nous ont été conservées est
tout à fait significatif. On y dénombrait 39 bouviers et 200 journaliers
inscrits au Rôle de la Corvée Royale. Or, l'Administration ne recensait au
travail sur ses chantiers que 13 paires de boeufs et 58 journaliers. Où
donc étaient les autres?
Et pourtant, tout le monde se plaignait de l'état des routes et des chemins; ce à quoi l'Intendance répondait, avec une belle constance, qu'elle était parfaitement à même de les améliorer pour peu que les assujettis voulussent bien se présenter au Service de la Corvée...
Et de fait, il est exact qu'elle avait ouvert des chantiers où l'on cassait la pierre et stockait la grave nécessaire, à LANGON par exemple, où se trouvait un " atelier " important destiné à l'entretien des Grands Chemins Royaux vers BORDEAUX et BAZAS. Mais c'est bien là que le bât blessait.
Les villageois n'auraient peut-être pas tellement
rechigné au travail s'il avait pu s'effectuer chez eux. Ce qu'ils ne
voulaient pas, C'était sortir de leur paroisse. Ils entretenaient même assez
volontiers leurs propres chemins, mais partir de BUDOS pour se rendre à
l'atelier de LANGON et, de
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Ils étaient d'autant plus réticents qu'ils avaient bien conscience que l'on n'utilisait pas à fond les ressources de la main d'oeuvre locale. Tout au long de la rive gauche de la GARONNE, il y avait beaucoup de châteaux et de Résidences Bourgeoises où habitaient nombre de privilégiés, il y en avait en tous cas beaucoup plus qu'à BUDOS.
Or, ces privilégiés voyaient d'un très mauvais oeil leur personnel quitter les travaux de leurs exploitations pour s'en aller à la Corvée; et ils n'avaient de cesse, sous un prétexte ou sous un autre , que de les en faire exempter.
Si bien qu'en fait, on voyait les villageois des paroisses moins " protégées " telles que LANDIRAS, BUDOS, LEOGEATS et autres venir apporter le concours de leurs bras à l'entretien du Grand Chemin Royal alors qu'il y aurait eu sur place des moyens disponibles qui auraient pu presque y suffire.
Cette situation était mal vécue; elle l'était
d'autant plus mal qu'en 1769, pressée par la nécessité, et pour faire face
aux innombrables défections, l'Administration s'était vue contrainte de
rétablir le service à 12 jours par an comme au temps de TOURNY.
Résistances locales aux prestations de la corvée royale.
La situation était telle que l'on allait parfois jusqu'à l'épreuve de force. En 1782, les Budossais décidèrent d'eux-mêmes de consacrer leur Service de Corvée à l'amélioration de leurs propres chemins en direction de LANGON et qu'ils ne sortiraient pratiquement pas de leur Paroisse. C'est ce qu'ils firent.
Mais l'Administration ne voulut rien entendre et se
borna à constater qu'ils ne s'étaient pas présentés à l'atelier de
LANGON. En conséquence, faute d'avoir fourni le travail qui leur avait été
prescrit, il leur faudrait verser le montant du rachat de leur Corvée selon
le Rôle établi d'office à BORDEAUX. C'est ce qui leur fut signifié par une
Ordonnance de l'Intendant du 23 Août 1783. Le texte précisait qu'ils
seraient contraints à ce paiement :
" par toutes voies dues et raisonnables,
même par corps ... "
Les Budossais ne répondirent pas et attendirent.
Le 16 Octobre 1783, Pierre MERCADE, Huissier de
l'Administration Fiscale fit le voyage de BORDEAUX à BUDOS pour venir sommer
Arnaud BATAILLEY, Collecteur désigné pour l'année, de venir retirer ce
Rôle à BORDEAUX. Il eût peut-être été plus simple qu'il le lui apportât
dans le même voyage, mais les règles administratives étaient telles, il
fallait qu'il se rende à BORDEAUX pour aller le chercher et le mettre en
recouvrement.
Cet Huissier se présenta donc chez les BATAILLEY, au
quartier des MAROTS, et demanda à voir Arnaud. Et là, s'engagea une partie
de bras de fer qui allait durer bien des mois. Arnaud BATAILLEY prétendait
que le service de Corvée avait déjà été fourni tandis que le
représentant de l'Administration prétendait le contraire et réclamait son
argent… C'est ainsi que Pierre MERCADE dressa son Procès Verbal sur place:
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" Ce jourd'huy seize Octobre Mil Sept Cent
Quatre Vingt Trois, à la requête de Monsieur DUCHESNE De BEAUMANOIR,
Subdélégué au Département de BORDEAUX, (qui m'a) remis un Ordre de
Monseigneur l'Intendant contre les Collecteurs et Redevables de la Paroisse de
BUDOS ... chargés de faire le recouvrement du Rôle de Rachat de Corvée de
l'année Mil Sept Cent Quatre Vingt Deux, Nous, Pierre MERCADE Aîné,
Huissier aux Tailles de la Section de BORDEAUX, demeurant à BORDEAUX, rue
DEGAND, Paroisse SAINTE EULALIE, me (suis) transporté chez le nommé Arnaud
BATAILLEY, Collecteur pour le Rôle de la Paroisse de BUDOS, en conséquence
des ordres (qui m'ont été) donnés par mondit Sieur DUCHESNE De BEAUMANOIR
... (et) je somme ledit Arnaud BATAILLEY, Collecteur de ladite Paroisse de
BUDOS, de partir le plus tôt possible pour BORDEAUX, pour aller (y) chercher
le Rôle de Corvée (afin) d'en (assurer) le recouvrement. Il (m'a) répondu
qu'il ne savait pas ce que je voulais lui dire (en) lui (parlant) de Rôle de
Corvée, attendu qu'il (a) fait l'ouvrage sur le Chemin de LANGON pour Quatre
Vingt Deux et Quatre Vingt Trois et que, de plus, il ne voulait pas se faire
mal (voir) de tous les paroissiens qui lui (défendent) étroitement de
prendre (ce Rôle). J'ai eu beau lui faire apercevoir que lui seul en serait
la victime, qu'on le forcerait à le prendre pour son compte, il (n'a)
répondu qu'il ne craignait rien, qu'il avait de bonnes protections (et) que
je pouvais faire ce que je voudrais. (Sur) ces discours je lui ai déclaré
que j'allais dresser un Procès Verbal contre lui pour être présenté à
Monseigneur l'Intendant pour ordonner ce qu'il avisera...."
Cette affaire là n'était rien d'autre qu'un coup monté. En effet, l'année précédente, en 1781, les Budossais ne s'étaient pas présentés à la Corvée. Ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls dans ce cas car, à LEOGEATS, on avait fait de même. L'Administration les avaient imposés d'office selon un Rôle établi par ses soins à BORDEAUX le 13 Avril 1782 pour un montant de 435 Livres, majoré de frais divers représentant 28 Livres 18 sols 3 deniers.
Il leur avait donc fallu débourser 463 Livres et quelques menues monnaies réparties entre 252 Cotisants. Cette répartition s'était faite au prorata des impositions au Rôle de la Taille. Les plus forts imposés avaient été LATAPIE, Bourgeois de BUDOS, pour 10 Livres 18 sols, Bernard SOUBES et sa Mère, pour 11 Livres et 14 sols, Pierre BEDOURET pour 9 Livres et 17 sols, Joseph Vincent COUTURES pour 8 Livres 3 sols, treize autres familles entre 5 et 7 Livres, etc..
Les plus modestes n'avaient eu à fournir que quelques sols et même, Laurent CAPDEVILLE, un seul sol ... Mais à l'occasion de cette expérience, les Budossais avaient au moins appris deux choses : la première était que l'Administration ne renoncerait pas à ses droits, et la seconde qu'ils s'étaient mis en tort en ne fournissant aucune participation.
Ils en avaient donc tiré la leçon, et c'est ainsi
qu'ils avaient décidé l'année suivante, en 1782, d'ouvrir leur propre
chantier sur le Chemin de LANGON ce qui avait à leurs yeux le double avantage
d'améliorer un itinéraire qui leur était utile et de ne pas trop les
éloigner de leur Paroisse. Ils s'étaient concertés avec leurs voisins de
LEOGEATS
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On sent bien là une sorte de vent de fronde… Mais ils étaient bien loin d'être les seuls à s'être engagés dans cette voie. Les paroissiens d'AMBARES , ceux de SAUCATS, ceux de BAUGES en MEDOC, la même année 1782 avaient adopté la même attitude.
L'Inspecteur des Ponts et Chaussées de la
Subdivision de BORDEAUX rendait compte à l'Intendant de l'attitude de ces
Médocains, expliquant que lorsqu'on leur assigne une corvée d'entretien sur le
Chemin Royal de BORDEAUX à LESPARRE, ils répondent qu'ils ont réparé les
Chemins de leur Paroisse ou du voisinage et qu'ils ont ainsi satisfait à leurs
obligations :
" . . . jamais un tel motif dont la faiblesse
est palpable n'a été admis, et l'on sent bien que s'il (l'avait) été, il n'y
aurait pas une toise de Chemin Royal de construite dans toute la FRANCE; en
effet quel est, dans tout le Royaume la Communauté qui, pour sa commodité et
son agrément personnel n'eût mieux aimé s'occuper au rétablissement de ses
chemins particuliers que d'abandonner ses foyers pour aller construire au loin
des communications publiques ...."
C'était exactement le problème de BUDOS et de
LEOGEATS. Aussi bien , Pierre MARCADE n'avait-i1pas fait le voyage de BUDOS pour
rien car, dans la même foulée, il avait eu à faire la tournée de plusieurs
paroisses, dont LEOGEATS, et très exactement pour le même motif. Son
Procès-Verbal dressé à LEOGEATS est, mot pour mot, le même qu'à BUDOS.
Nous n'avons pu retrouver l'issue de cet
affrontement, mais les archives nous ont tout de même conservé le brouillon de
l'Ordonnance qu'a dû prendre l'Intendant à l'endroit de ces récalcitrants. Le
rédacteur avait préparé son texte en laissant des blancs afin qu'il puisse
servir aussi bien pour BUDOS que pour LEOGEATS ( ce qu'il précise d'ailleurs en
marge ). Après avoir repris les termes des Procès Verbaux dressés par MERCADE,
on proposait à Monseigneur DUPRE De SAINT MAUR d'ajouter:
" Nous, Intendant susdit, avons ordonné, et,
par les présentes, ordonnons, que dans trois jours pour tout délai, à compter
de celui de la signification qui sera faite de Notre Ordonnance, le nommé...
(un blanc)Collecteur Porte Rôle de la présent année pour la paroisse de...
(un blanc)... se rendra à BORDEAUX pour prendre le Rôle de la Corvée dont il
s'agit et en faire le recouvrement; faute de quoi, et ledit délai passé sans
que ledit...(un blanc)... ait satisfait à notre ordre... il sera
personnellement tenu à faire l'avance de la somme qui doit faire l'objet dudit
Rôle et au paiement de laquelle il sera contraint par les voies ordinaires,
même par corps, sauf à lui à se pourvoir ensuite pour son remboursement
(auprès) de qui il appartiendra."
Ce brouillon est daté du 15 Décembre 1783. Nous ne
connaîtrons donc pas le dénouement de cette fronde; mais il ne semble pas
toutefois qu'Arnaud BATAILLEY ait passé la Noë1 1783 sur la paille humide des
cachots de la Prison Royale de BARSAC où aurait pu le conduire la contrainte
par corps. Il est donc probable que ce Rôle a fini par être mis en
recouvrement tout comme celui de l'année précédente, mais rien ne permet de
le dire avec certitude.
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Cet épisode est tout à fait significatif, ici encore, d'une très nette évolution des mentalités. Les paysans Budossais, en ces dernières années de l'Ancien Régime, n'hésitaient plus à sortir de leur résignation passive pour affronter l'Administration Royale.
Il est vrai que l'exemple venait de haut , et même de très haut. Le Parlement de BORDEAUX, par pur esprit de démagogie, avait pris violemment parti contre le service de la Corvée et tout autant contre sa compensation financière en cas d'inexécution des prestations par les paroisses.
Outre le fait déjà signalé que les Parlementaires n'aimaient pas beaucoup voir distraire leurs paysans de leurs travaux agricoles, ils avaient vu dans cette opposition une excellente occasion de contrer l'action des Intendants successifs dont ils ont toujours cherché, systématiquement, à contrecarrer les initiatives. Il y a toujours eu une lutte d'influence, tantôt insidieuse et tantôt féroce entre ces deux pouvoirs provinciaux.
Sachant très bien de quel appui
populaire il pouvait bénéficier en dénonçant le poids de la Corvée, le
Parlement s'est largement complu, au fil du temps, dans ces attitudes
radicalement démagogiques. Elles lui avaient valu une très large popularité
dans les milieux citadins et ruraux les plus modestes, et il en usait, à
l'occasion, avec beaucoup d'habileté.
Les conséquences pratiques
des conflits relatifs
à la corvée royale.
" Il n'y a pas une seule route en bon état
et sur laquelle il ne se trouve de réparations très importantes et urgentes
à faire."
Et pourtant, vaille que vaille, le réseau des routes principales restait à peu près accessible en toutes saisons. Il en allait tout autrement du réseau secondaire, surtout dans les zones où le terrain naturel était limoneux ou instable. La circulation y était difficile en été et impraticable pendant la majeure partie de l'hiver. Cette situation désastreuse avait plusieurs conséquences immédiates.
Tout d'abord celle de limiter les charges transportées sur chaque charrette, et par conséquent, de multiplier le nombre des charrois. Celle aussi d'épuiser prématurément les animaux de trait, et tout spécialement les bœufs qui ne faisaient guère de longues carrières, alors que leur valeur était considérable.
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Une
conséquence, plus indirecte,
En définitive, tous ces va et vient faisaient perdre beaucoup de temps à tout le monde. Nombreux sont ceux qui s'en plaignaient: nos paysans qui font un commerce étonnant de charrois abandonnent leurs travaux ruinent leur bétail, font perdre les engrais..." écrit Mr. De MARBOTIN à LANGON. Le Curé de SENDETS lui fait écho:
"... la grande quantité de Foires
détournent les habitants de la culture de leurs terres en mauvais
état..."
et il
propose, rien de moins, d'en supprimer la moitié. Le Curé d'UZESTE n'est pas
en reste, disant que les transports rendent les paysans :
" ... tellement indolents qu'un homme actif
ferait aisément le travail de quatre dans la journée..."
Ce dernier propos est probablement un peu pessimiste, mais il ne faut pas nier pour autant le problème de fond. Quand la Ville de BAZAS se plaint de la multiplication des Foires à VILLANDRAUT, cette Paroisse répond en faisant valoir que les chemins sont impraticables et que le pont sur le CIRON, emporté par une crue depuis des années n'a pas été rétabli. Ces arguments sont indiscutables.
Mais il y a
une autre motivation, sous jacente, à la popularité de ces Foires et
Marchés, une motivation difficilement avouable, c'est que l'argent gagné en
ces rencontres dans le négoce du vin, des grains ou des animaux échappait
totalement à la Dîme et beaucoup plus facilement aux Impôts Royaux que
n'importe quel revenu de la terre. Aussi les Foires et Marchés étaient-ils
très suivis et très prisés des paysans, ils avaient leurs raisons ...
A la veille
de la Révolution, les choses en étaient venues à un point tel que les
intéressés eux-mêmes finissaient par regretter que l'Administration ne se
soit pas montrée plus ferme à leur endroit !... Les Cahiers de Doléances se
sont montrés unanimes sur la nécessité de restaurer les chemins et
certains, même ont proposé:
"aux dépens de qui il appartiendra, même
par Corvée..."
Cette Corvée
si impopulaire finissait par être admise, sous la pression de la nécessité,
pour peu qu'elle fût plus équitablement répartie et qu'elle n'éloignât
pas trop les intéressés de leur domicile car, sur ce point, l'exigence
persiste avec beaucoup de fermeté.
L'état des routes et chemins locaux:
Mais au fait,
ces chemins, quels étaient-ils ? et dans quel état ? pour autant du moins
que nous le sachions ....
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A " grande distance " ( pour l'époque ...), la voie de communication qui concernait le plus BUDOS, était la route de BORDEAUX. Pour les transports de marchandises, la voie la plus pratiquée était celle du Port de BARSAC. Les bois y étaient acheminés par flottage sur le CIRON, et les vins par charrois routiers via PUJOLS.
La seconde
partie du parcours était assurée par la voie fluviale qui était alors la
plus rapide et, en tous cas, la plus sûre. Pour le déplacement des
personnes, un itinéraire direct pouvait s'établir, à la belle saison, par
LANDIRAS et SAINT MICHEL de RIEUFRET, et de là par le très ancien "
Camin Bourdelès " ( Chemin Bordelais ) mais il ne semble pas qu'il ait
été très prisé, peut-être parce qu'il n'était pas aisément praticable
en tous temps. Le plus commun passait par LANDIRAS et PODENSAC, encore
n'était-il pas des meilleurs, nous le verrons tout à l'heure, dans son
parcours d'approche.
De PODENSAC
à LABREDE, François de Paule LATAPIE, Inspecteur des Manufactures en
tournée, trouvait en 1782 un :
" grand chemin, bien tenu, à travers les
vignes et les bois..."
et de LABREDE
à BORDEAUX une
" belle route, à travers les vignes et les
forêts..."
Là, donc,
tout allait bien. De PODENSAC à BORDEAUX, il comptait 6 Lieues ½ en
définissant la Lieue comme:
"l'espace que parcourt un cheval au petit
trot en une heure de temps."
On pouvait
donc créditer ce trajet de 6 heures et demie de route et, en extrapolant, 9
à 10 heures pour le parcours total de BUDOS à BORDEAUX. Encore fallait-il
probablement y ajouter quelques délais de repos intermédiaire, à moins
qu'ils ne fussent compris dans le décompte de François LATAPIE, ce qui n'est
pas précisé. Toutefois, il n'est pas douteux qu'en cas d'urgence, on devait
pouvoir se rendre à BORDEAUX, tout au moins de jour dans un délai nettement
plus bref.
Dans l'autre
sens, de PREIGNAC à LANGON, la route était:
" très belle, bordée de belles maisons de
campagne ayant pour perspective cette riche suite de coteaux qui bordent la
rive droite de la GARONNE..."
La vision est
quasiment idyllique et contraste fortement avec la suite de l'itinéraire en
direction de BAZAS, où, dès la sortie de LANGON le chemin, très mauvais,
est coupé de fondrières en 'inscrivant dans un cadre
"
de bois, de bruyères et de landes."
Revenant à BUDOS, nous signalerons tout d'abord un chemin important qui n'a pas bougé de place depuis l'époque, c'est l'actuel CD 11 de BALIZAC à LANDIRAS. C'était l'itinéraire privilégié des charrois venant de SAINT LEGER, SAINT SYMPHORIEN et au-delà en direction du Port de PODENSAC.
Les Budossais
estimaient n'avoir aucun intérêt à entretenir ce chemin qu'ils
n'utilisaient pas, du moins sur sa partie traversant leur Paroisse, entre
BALIZAC et LANDIRAS. Leur communication avec BALIZAC s'établissait en effet,
à l'époque, tout droit à travers la lande, en partant de MEDOUC, par le
chemin du POUY. La route actuelle via COURNAOU date du milieu du XIXème
siècle. Ce grand chemin de BALIZAC à PODENSAC franchissait le TURSAN au Gué
du KA ( du Gascon " KA "= charrette à quatre roues ) en un passage
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Au delà de
LANDIRAS, en direction d'ILLATS, il devenait franchement mauvais, sinon
détestable. A tel point que les habitants de LANDIRAS finirent par estimer
que cette situation était devenue insupportable. Le 23 août 1767, ils se
réunirent en Assemblée Capitulaire dans le cimetière, autour de l'Eglise à
la sortie de la Messe. Tout le monde était là, y compris le Curé et les
privilégiés et l'on y constata que :
" entre autres chemins, ceux qui conduisent
du Bourg de LANDIRAS, à ILLATS et PODENSAC ... sont devenus impraticables ...
dans lesquels néanmoins sont obligés de passer les voitures allant de BUDOS
à PODENSAC, celles allant de BALIZAC aussi au même Port, de même que celles
de plusieurs autres paroisses; ils requièrent ... de demander à Monseigneur
l'Intendant la réparation et l'élargissement des susdits chemins et la
contribution par Corvée desdites Paroisses de BUDOS et BALIZAC comme étant
celles les plus à portée et proximité..."
Ils ont un peu raison car l'itinéraire de BUDOS au Port de PODENSAC, et au-delà, vers BORDEAUX, s'établissait bien, effectivement par ce chemin. On le rejoignait par une route partant de FONBANNE en direction du SOUBA et franchissant le TURSAN à gué au PAS de PERROT; route par conséquent assez sensiblement différente du cheminement actuel.
Mais les
Budossais pratiquaient relativement peu de charrois sur le Port de PODENSAC,
leur Port était celui de BARSAC. L'itinéraire vers BORDEAUX via LANDIRAS et
PODENSAC ne concernait guère que les cavaliers et les piétons que l'on ne
pouvait taxer de détériorer le chemin. Ils se sentaient donc beaucoup plus
concernés par leurs propres routes, en particulier celles de BARSAC, de
LANGON et de VILLANDRAUT.
Celle de
LANGON, depuis FONBANNE filait droit sur BOMMES par le Pont d'AULAN. Ce pont
était fait de poutres de pin et de planches de chêne, mais il n'était
accessible qu'aux piétons, aux cavaliers et aux animaux de bât; les
charrettes en étaient exclues et devaient passer à gué. Ce pont avait été
construit, et toujours entretenu au fil du temps par la famille du Baron de
BUDOS afin de drainer vers son Moulin de FONBANNE les pratiques de BOMMES et
de SAUTERNES.
Le chemin de VILLANDRAUT avait un tracé très différent de la route actuelle. Descendant par la TERCE, il rejoignait le quartier de FINORE où il retrouvait le chemin de FONBANNE au LANDON et de là, sur l'autre rive du CIRON, filait sur LEOGEATS et NOAILLAN. Le tracé actuel n'avait pour vocation que de desservir les quartiers des PARAGES, des MOULIES et JAMART.
Il se
prolongeait néanmoins jusqu'à LAULAN et PRAT. Au-delà, le tracé
parfaitement rectiligne que nous lui connaissons aujourd'hui jusqu'à la HURE
est une réalisation artificielle du Second Empire. Pour accéder à
VILLANDRAUT, il fallait donc, à l'époque, traverser deux fois le CIRON.
Sous la seule
réserve du chemin de BALIZAC qui traversait une zone humide et passablement
instable, BUDOS avait eu la chance de pouvoir établir ses voies de
communications locales sur des terrains à peu près sains. Ses chemins du
moins pour l'époque, pouvaient passer pour à peu près convenables et
étaient
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Lorsque
le 4 mai 1784, le Curé DORAT et ses Paroissiens se réunirent dans l'Eglise
en Assemblée " contradictoire " pour discuter de la nécessité de
remettre en place un Vicaire, la question de l'état des chemins vint à être
soulevée, et le Procès Verbal de séance enregistra que:
" les chemins ne sont pas généralement
mauvais dans la Paroisse et ne peuvent pas, par conséquent empêcher les
habitants qui sont les plus éloignés de se rendre à l'heure marquée à la
Messe paroissiale. "
Aucune contradiction ne s'éleva. On pourrait certes faire observer qu'il s'agit ici, essentiellement, de déplacements de piétons et qu'un chemin peut fort bien livrer passage à un homme, voire à un cavalier, tout en se révélant peu propice aux charrois. Mais l'ambiance générale de cette Assemblée est si tendue et les arguments si serrés que des voix n'auraient pas manqué de s'é1ever si tel ou tel itinéraire local avait par exemple été coupé de fondrières.
Et si le
chemin de BALIZAC, dont nous savons par ailleurs qu'il était assez mauvais
au-delà du quartier de MEDOUC , n'est pas ici évoqué, c'est tout simplement
parce qu'il ne desservait aucun Paroissien et ne pouvait donc servir
d'argument dans le débat. Il semble donc que, par privilège de la nature, et
à la différence de bien des Paroisses avoisinantes, BUDOS disposait de
chemins à peu près acceptables.
Reste que,
dans son ensemble, le problème des communications est resté sans solution
d'ensemble en Bordelais jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.
Le Service
armé pesait essentiellement sur les campagnes. Sous des prétextes divers, au
fil du temps, les villes avaient presque toutes réussi à s'en faire
exempter.
Le recrutement de la Milice n'était pas régulier. En temps de paix, il semble bien avoir été très faible, en temps de guerre, tout au contraire, il se faisait plus pressant. La désignation des soldats se faisait par tirage au sort. On pouvait y échapper en quittant sa campagne pour aller vivre en ville ou ... en se mariant, car les hommes mariés étaient dispensés du Service.
Aussi, les
levées de la Milice suscitaient elles souvent des vocations au mariage.
Personne dans le Village n'en était dupe. Souvenons-nous du Curé DORAT qui,
en Mars 1767, se refusa à marier Jean MAIGNA parce qu'il ne l'avait jamais vu
au catéchisme, qu'il n'assistait pas aux offices et que, tout à coup :
" depuis l'année dernière que les Ordres de la
Mlice étant arrivés dans ladite Paroisse et que voulant l'éviter par le
mariage, il s'est présenté par intervalle à l'Eglise..."
D'une façon
générale, les paysans détestaient les soldats dont ils avaient tout à
craindre, mais ils détestaient plus
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Ceux
que le sort avait désignés, S'ils en avaient les moyens, pouvaient se faire
remplacer par un tiers. Il n'en coûtait guère plus de 70 à 80 Livres, ce
qui n'était pas très cher payé. Encore faut-il bien dire q u'on ne les
versait au remplaçant, bien souvent, qu'en plusieurs échéances et pas
toujours avec fidélité. Jean PUDAL, de NOAILLAN en avait fait l'expérience
:
"Etienne
PUDAL, dit COUCATS . . . ayant subi le sort pour la milice… fut du nombre
des miliciens, et, le courage lui manquant pour s'en aller présenter au
Bataillon et passer sous le Drapeau, il fit prix avec (Jean PUDAL) ici
comparant qui se soumit pour aller servir pour le temps prescrit par les
Ordres du Roi pour la somme de soixante douze Livres... sur
Belle
promesse en vérité, mais voilà sept ou huit ans (il ne se souvient plus ...
) que le pauvre soldat remplaçant n'a plus reçu un sol, d'où son
mécontentement et la sommation qu'il adresse à son débiteur en vue de
récupérer son dû.
Il ne semble
pas qu'il y ait jamais eu à BUDOS de recrutements massifs de miliciens; en
tous cas, pas à la mesure de la frayeur que suscitaient les tirages au sort.
On ne trouve
presque pas de traces des soldats Budossais. Et pourtant, il y en eût. L'un
des rares documents qui nous soient parvenus à ce sujet est l'attestation de
Bertrand DUBOURDIEU délivrée le 23 Avril 1762 et que nous avons déjà
évoquée dans le Chapitre sur la Démographie. Ce DUBOURDIEU:
" dit
qu'il a connu Pierre LACOSTE dit CADICHE et Etienne SOUBES, l'un et l'autre
natifs de la... Paroisse de BUDOS et que, l'année 1758, ils étaient
soldats... de
Cela se passait à COLOGNE alors qu'ils allaient
rejoindre l'armée en WESTPHALIE. Et DUBOURDIEU atteste que Pierre LACOSTE est
mort à l'Hôpital de COLOGNE. Il y en a certainement eu d'autres, mais il est
curieux que l'on n'en retrouve aucun, notamment dans les Registres Paroissiaux
où leur qualité d'ancien soldat aurait dû ressortir à l'occasion d'un
mariage, d'un parrainage ou d'un décès. Or, il n'en est rien.
La faiblesse
relative de ces recrutements trouve au demeurant une confirmation dans une
remarque de l'Administration:
" il faut souvent cinq ou six paroisses pour
faire un homme...."
ce qui
s'accorde mal avec l'insistance que mettent les Cahiers de Doléances de 1789
à dénoncer la pression exercée sur les campagnes par le service de la
Milice. L'un d'entre eux propose même une solution radicale en suggérant de
recruter les soldats:
" parmis les fainéants et les oisifs qui
infestent les grandes villes au lieu de les prendre dans la classe des
laboureurs ......"
Il n'est donc
pas facile de faire un point exact de l'impact de cette contrainte sur la vie
paroissiale.
Page (216) |
Il faudrait
entreprendre des recherches spécifiques sur le sujet pour y
Le Curé ne
recevait aucun traitement de quiconque. Il devait assurer sa propre
subsistance et les frais généraux de son ministère avec le montant de la
Dîme qu'il percevait sur les revenus de ses paroissiens.
Ces frais généraux étaient, à l'origine, à peu près illimités. Il fallait y comprendre la subsistance et la rémunération du Vicaire ( lorsqu'il y en avait un, comme c'était le cas à BUDOS, du moins jusqu'en 1776 ), l'entretien des bâtiments de l'Eglise et du Presbytère , de leur mobilier, des fournitures nécessaires au culte ( luminaire, etc…) et l'assistance aux pauvres.
Au fil du temps, ces obligations avaient évolué. En particulier, l'entretien des bâtiments avait été confié à une " Fabrique " gérée par des laïcs qui s'efforçaient de recueillir les fonds nécessaires en monnayant certaines prestations ( sonnerie des cloches par exemple) et en recevant divers dons et legs testamentaires. De même l'assistance aux pauvres avait-elle, au moins en partie, été prise en charge par des Confréries également animées par des laïcs, mais toujours sous contrôle ecclésiastique.
Par contre la
charge du Vicaire était restée du domaine exclusif du Curé. A BUDOS, son
traitement était fixé à 400 Livres par an et le coût de son entretien (
nourriture, couchage, etc...) évalué à 100 Livres. Peu attentif à
l'évolution du prix de la vie, le Curé DORAT n'avait jamais révisé ce
traitement. Selon les documents dont nous disposons, il était déjà de 400
Livres en 1715 et n'avait pas augmenté d'un sol en 1776 lors du départ
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La Dîme
était un impôt en nature, et exclusivement en nature, que le Curé
prélevait, selon un taux fixe, sur les récoltes de la Paroisse.
Tous les
revenus agricoles y étaient soumis, aussi bien ceux issus des biens nobles
que ceux provenant des biens roturiers. Elle était perçue :
" quelque part que le grain soit semé, quand
ce serait sur le toit d'une maison..."
A cette
règle très générale, il y avait peu d'exceptions. Signalons toutefois :
- la
production du bois, quelle que soit sa destination (chauffage ou construction
) par contre les résines y étaient soumises;
- les
fourrages issus des prairies naturelles;
- les f r u i t s et légumes issus des petits jardins domestiques " clos de haies ou de fossés " mais avec des limitations de surface que la Jurisprudence du Parlement de BORDEAUX avait fixée à un demi journal ( environ 1600 m2 ) pour une famille vivant sur un bien dont les labours exigeaient une paire de boeufs, et un journal ( environ 3.200 m2 si les labours en exigeaient deux paires.
- les
productions que le Curé lui-même estimait trop modestes pour s'y
intéresser; cela a par exemple été le cas du miel à BUDOS dont la récolte
était si faible que le Curé avait fini par en abandonner la Dîme.
Nous noterons
que cette Dîme portait sur les revenus agricoles mais que les activités
artisanales, les charrois, le commerce y échappaient, ce qui peut
éventuellement expliquer, au moins en partie et comme nous l'avons déjà
indiqué, le vif intérêt des paysans pour certaines de ces occupations, en
particulier les Foires, les Marchés et les charrois.
On
distinguait les " Grosses Dîmes " portant essentiellement à BUDOS
sur le froment, le seigle et le vin, et d'autre part les Menues Dîmes
également appelées Dîmes Vertes recueillies sur les productions secondaires
telles que le millet, le mais, le chanvre et les fruits des vergers. A ces
dernières on assimilait les " Dîmes de charnage " sur les agneaux,
porcs, volailles et la laine des moutons qui y était rattachée.
Le taux de
prélèvement général en GUYENNE était de 1/13ème, avec d'assez nombreuses
variations locales. A BUDOS, il semble bien que ce taux ait été observé
pour les Grosses Dîmes, mais un texte donne fortement à penser qu'il était
porté à 1/10ème pour les troupeaux.
Ces
pourcentages étaient fixés une fois pour toutes; le niveau de vie du Curé
était donc ainsi étroitement lié à celui de ses paroissiens. Si les
récoltes étaient bonnes, elles l'étaient pour tout le monde. Si elles
étaient mauvaises, elles l'étaient également pour tous. Mais, au-delà de
ces fluctuations saisonnières, il pouvait y avoir d'énormes différences
entre les cures.
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Etre nommé
Curé dans une bonne Paroisse viticole
Dans la
Grande Lande, où ce type de situation était très commun, le taux de la
Dîme s'élevait couramment jusqu'à 1/8ème des récoltes, ce qui était
évidemment très lourd sur de maigres revenus.
Certes, le sort du Curé était bien lié à celui de ses paroissiens. Ainsi par exemple, en 1751 , la Dîme avait produit à BUDOS 180 Boisseaux de seigle, mais deux ans plus tard , en 1753, elle se limitait à 120 Boisseaux, le tout au taux de 1/13ème. L'équité paraissait donc respectée, mais en fait, il n'en était rien car l'incidence d'une mauvaise récolte était beaucoup plus sévère pour le paysan que pour le Curé.
Le
pourcentage de la Dîme s'appliquait en effet à la récolte brute, c'est à
dire pour les grains, avant le prélèvement obligé des semences de l'année
suivante, et ceci avait de lourdes conséquences; d'autant plus lourdes que la
récolte était plus mauvaise. Pour bien comprendre ce phénomène, il
convient de prendre un exemple chiffré tout à fait vraisemblable au regard
de la production moyenne de BUDOS. Nous le traiterons directement en unités
métriques afin d'éviter des conversions fastidieuses.
Soit une
bonne récolte qui, pour 500 hectolitres de semence, fournissait 2.000
hectolitres de seigle ( rendement de 4 pour 1 qui, à l'époque, était jugé
très correct); la Dîme à 1/13 ème fournissait 154 hectolitres et les
laboureurs conservaient par devers eux 1846 hectolitres d'où ils devaient
retirer 500 hectolitres pour assurer la semence de l'année suivante. Il leur
restait donc, net, 1.346 hectolitres.
Soit une
mauvaise récolte, qui, pour les mêmes 500 hectolitres de semence,
fournissait 1000 hectolitres de seigle ( rendement de 2 pour 1, et l'on a
parfois connu pire ) . La Dîne fournissait 77 hectolitres, laissant 923
hectolitres aux laboureurs qui devaient en retirer les 500 hectolitres fixes
de la semence, ce qui leur laissait 423 hectolitres nets.
Passant de
154 à 77 hectolitres, la Dîme avait chuté de 50 %, mais, passant de 1346 à
423 hectolitres, la part des paysans, dans le même temps avait diminué de
68,6 % . Si la tendance était bien la même , le poids des conséquences
était bien différent.
Tout ceci eut été relativement simple si toutes les Dîmes avaient appartenu au Curé. Mais ce n'était pas le cas partout. En bien des endroits, le droit de prélever cet impôt avait été acheté, ou échangé contre des biens fonciers ou, quelquefois, tout simplement usurpé par de tierces personnes qui se l'étaient approprié.
Ces tiers pouvaient être à peu près n'importe qui: nobles, bourgeois, Communautés religieuses étrangères à la Paroisse, etc... C'est ce que l'on appelait les " Dimes inféodées! .. Le " Décimateur " pouvait habiter à des centaines de kilomètres de la Paroisse et même n'y avoir jamais mis les pieds. Il lui suffisait d'entretenir un représentant local pour percevoir ses droits et s'occuper de ses intérêts.
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A un moment
Le pauvre
Curé " réduit la portion congrue " ne pouvait absolument pas
assurer sa subsistance. Il percevait donc de ses ouailles un " Casuel
" prélevé sur les baptêmes, les mariages, les enterrements, les messes
et autres Offices religieux. Mais ceci était très mal vu des paroissiens car
ils estimaient, et à juste raison, qu'ils payaient deux fois le même
service, une fois au Décimateur et une autre au Curé.
Et pourtant, la Dîme, même lorsque le taux en était lourd, était relativement bien acceptée. Aucun Cahier de Doléances, en mars 1789, n'a demandé sa suppression. Mais elle était acceptée à la condition d'être versée au Curé desservant la Paroisse et qu'il ne soit plus ensuite question de Casuel.
Et sur ce
point , les mêmes Cahiers de Doléances sont on ne peut plus formels. La
seule critique de principe que l'on y voit parfois apparaître concerne
l'assiette de l'impôt, les assujettis demandant que le prélèvement soit
effectué, en vertu du raisonnement que nous avons développé ci-dessus, sur
la récolte nette, après prélèvement des futures semences.
Précisons
enfin que le Curé jouissait de son droit de Dîme:
" sans autre titre que son clocher..."
Entendons par
là que ce droit lui appartenait sans avoir besoin d'en apporter la preuve, à
moins que la Dime ne fut " inféodée" mais en ce cas le détenteur
devait apporter la preuve de son droit.
La
perception des dîmes à Budos.
A BUDOS, la
situation était assez complexe; les " Grosses Dîmes " (vendange,
seigle, froment) étaient partagées par moitié entre le Curé et le Baron De
LAROQUE; les " Menues Dîmes (millet, chanvre et agneaux) appartenaient
en entier au Curé.
Mais les Seigneurs n'ayant ( et il y avait fort longtemps acheté que la moitié du droit, ils n'avaient aucune Portion Congrue à verser au Curé. Celui-ci devait donc vivre sur le fondement de la seule part qui lui avait été conservée. A plusieurs reprises, on vit le Curé DORAT affirmer qu'il ne percevait pas de Casuel et l'Archevêché, dans ses registres, en avait pris note.
Officiellement
c'était donc probablement exact. Mais en quelques circonstances, on voit
apparaître certaines allusions pouvant donner à penser qu'il percevait
quelques rémunérations complémentaires de circonstance. En tous cas, c'est
absolument certain en ce qui concerne les Messes et Services célébrés à
l'intention des défunts.
Ce partage de
la Dîme Budossaise entre le Curé et le Baron exige un petit exercice
arithmétique si l'on veut retrouver
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De même pour
le seigle dont i1 percevait 70 boisseaux en moyenne, dont il faut doubler le
chiffre pour retrouver l'assiette réelle de l'impôt, soit une récolte
totale de 1.820 Boisseaux 1865 hectolitres ).
Même chose
pour le froment dont la récolte moyenne totale était d'environ 190
hectolitres. Par contre, lorsque le Curé nous dit qu'il a perçu 4,5
Boisseaux de millet, il faut se souvenir qu'il détenait là la totalité de
l'impôt sans aucun partage; de même pour le chanvre avec un prélèvement
moyen de 60 Livres/Poids ( environ 29 Kg sur une récolte globale qui pouvait
être de l'ordre de 300 Kg. Il faut donc se montrer prudents dans le maniement
de ces chiffres et surtout ne pas extrapoler le système d'une paroisse à
l'autre, fût-elle voisine, car les situations locales pouvaient être fort
différentes.
Les Dîmes
étaient " quérables et non portables " Le bénéficiaire devait en
effet aller en " quérir " les fruits sur le lieu de la récolte.
Les assujettis n'avaient aucune obligation de livraison, et de fait, il est
nettement établi, à BUDOS, que les paysans ne se déplaçaient pas. Ils
laissaient en bordure de champs les gerbes destinées à l'impôt, ou encore
la vendange en bout de rège et le Curé, pour sa part, tout comme le Baron
pour la sienne, devaient venir les enlever.
Le Curé
DORAT s'y appliquait d'ailleurs avec beaucoup d'attention et nul ne pouvait
prétendre échapper à sa vigilance. En 1770, il intenta par exemple un
procès à Jean LAFON qui avait tenté de le frustrer d'une gerbe et demi de
froment et de trois gerbes et demi de seigle... Nous évoquerons un peu plus
loin cette affaire dans le Chapitre relatif au Curé DORAT. Elle est tout à
fait caractéristique de la vive attention qu'il portait à ses ressources.
Le Curé
embauchait donc des journaliers pour ramasser ses gerbes et les battre, et des
bouviers pour les transporter. Ses comptes sont tout à fait explicites
" pour
faire dîmer le blé dans la Paroisse, 30 journées à une Livre par jour,
compris la nourriture= 30 Livres."
" pour
faire charger la gerbe, 16 voyages de bouviers y compris la nourriture, à 30
sols par voyage = 24 Livres . "
" pour
dépiquer la totalité du blé , le vaner , le porter au grenier, y compris la
nourriture qui est très coûteuse, 50 journées à 25 sols par jour = 62
Livres 10 sols. "
Cette année-là, le Curé avait récolté 80
Boisseaux de seigle et 8 Boisseaux de froment ( environ 90 hectolitres au
total) dont il avait tiré, sur le marché, 464 Livres. Après le règlement
des 116 Livres et 10 sols ci-dessus détaillées, il lui était donc resté
347 Livres et 10 sols, nettes de tous frais.
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Quant aux " Dîmes vineuses " , elles portaient sur la vendange et non sur le vin. Après en avoir pris livraison, il appartenait en effet au Curé de faire son vin lui-même; un vin réalisant un assemblage de toutes les productions de la Paroisse. Et pour ce travai1, il lui fallait, ici encore de la main d'oeuvre mais aussi du matériel et des locaux dont le Presbytère n'était pas doté.
Au surplus,
le vin obtenu devait être logé en barriques et, à la différence des
céréales, ne pouvait être négocié que très exceptionnellement sur les
marchés locaux. Il fallait donc, dans la plupart des cas le transporter
jusqu'à BORDEAUX. A travers les comptes qu'il nous a laissés, le Curé DORAT
apparaît ainsi comme un véritable exploitant agricole. Jugeons en plutôt ;
" vimes, cercles de cuve, de douils, de
barriques pour les douils, cuves et cantonnières "
le montant de
cette ligne comptable est variable d'une année à l'autre, et s'inscrit dans
une fourchette de 14 à 24 Livres.
Ici la somme est constante chaque année. Mais que sont donc ces " cantonnières " ?
C'est un point que nous n'avons pu éclaircir; aucun autre texte local n'y fait référence. Leur nombre est identique tous les ans, quelle que soit la récolte, et, d'après le compte précédent, il semble bien qu'elles aient été cerclées. Il s'agit donc, selon toute vraisemblance, de récipients de bois.
S'agirait-il
de sortes de comportes que l'on aurait déposées, vides , en bout de rège
dans chaque pièce de vigne en vue d'y voir déposer la part de vendange
revenant à la Dîme ? En ce cas, il y aurait eu trente points de collecte
dans la Paroisse et leur nombre aurait effectivement été indépendant du
niveau de la récolte puisque le récipient pouvait être plus ou moins rempli
et pouvait également resservir plusieurs fois.
Ce n'est
qu'une simple hypothèse, rien ne permet de l'étayer. Au surplus, que
signifie " rabattre " Il semble bien que le mot désigne une
opération annuelle d'entretien simple ( elle ne coûte que 5 sols pour les
cantonnières... ) portant sur les vaisseaux vinaires en général car le
compte suivant prévoit également
" pour rabattre les cuves, douils et
pressoir, y compris la nourriture = 6 Livres."
Vient ensuite
une ligne comptable réellement sibylline:
" pour deux cavaliers y compris leur
nourriture et celle de leurs chevaux, l'espace d'un mois = 180 Livres."
Sachant que tous les transports sont assurés par des attelages de boeufs sous la seule réserve des chevaux de certains meuniers que viennent faire ici ces " cavaliers " ? Il ne semble d'ailleurs pas qu'ils aient transporté quoi que ce soit. Leur nombre, deux, et la durée de leur mission, un mois, restent identiques chaque année et leur activité était incontestablement liée à la perception de la Dîme sur les vendanges.
Etaient-ils
chargés d'une surveillance de la bonne application du pourcentage du
prélèvement dîmaire ? Nous n'en saurons pas davantage pour le moment, mais
leur rôle devait être important pour que le Curé accepte d'y affecter une
dépense de 180 Livres ...
Le compte
suivant est nettement plus explicite ;
" Deux
coureurs dans la Paroisse à 10 sols par jour
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" Deux
hommes au pressoir au même prix = 60 Livres"
Les coureurs
sont ceux qui vont quérir la vendange sur place au fur et à mesure de la
cueillette.
" l'espace d'un mois à cause des tries que
l'on fait..."
tandis que
les deux sédentaires restaient au pressoir pour en tirer le vin.
Venait
ensuite le poste des barriques. Ici les quantités et les prix sont très
variables selon les récoltes . Le Curé a besoin de 40 à 30 barriques
annuelles qu'il fait construire par les tonneliers locaux au cours de l'été,
en fonction de la récolte espérée.
Le vin étant
logé, il fallait encore le vendre; opération qui se déroulait par
l'intermédiaire d'un courtier Bordelais moyennant versement d'une commission
:
" Pour le courtage de douze tonneaux = 36
Livres."
Ces frais, à
raison de 3 Livres par Tonneau sont constants sur toute la période.
Puis vient le
transport qui s'effectue en deux temps
"
Pour le transport de douze Tonneaux par bouvier à la Rivière ... de
l'éloignement de deux Lieues, à 30 sols par barrique y compris la nourriture
72 Livres."
"
Pour le port de bateau ( jusqu'à BORDEAUX à 25 sols ( le Tonneau ) ...
"
Mais il ne faudrait pas pour autant oublier les frais
afférents aux locaux qui font défaut au Presbytère et que le Curé doit
louer dans le Village :
"... pour le loyer de deux petits chais,
cuvier, grenier, grange et vaisseaux vinaires, c'est à dire cuve, et pressoir
et moitié du jardin = 60 Livres."
ce prix
étant constant tout au long de la période.
Nous
arrêterons là ces décomptes détaillés pour en venir à une appréciation
globale du revenu de la Dîme. Si l'on en croit le Curé DORAT, son revenu
annuel net pouvait s'éventailler de zéro à 600 Livres avec, semble-t-il,
des années moyennes comprises entre 400 et 500 Livres. Mais il faut
accueillir ces chiffres avec beaucoup de réserves car, en une autre
circonstance, alors qu'on lui demandait une évaluation globale moyenne, le
même Curé DORAT fixait son revenu annuel à … 54 Livres ...
Il est vrai
qu'il souscrivait là à une déclaration qui devait servir de base à
l'établissement de ses quartières , c'est-à-dire comme nous l'avons déjà
dit, de l'Impôt qu'il devait lui-même reverser à son Archevêque.
Or, l'idée
que l'on peut se faire de la Paroisse de BUDOS à travers la correspondance
que le Curé DORAT entretenait avec l'Archevêché au sujet de ses quartières
est plutôt :triste, sinon même franchement désolante.
Page (223) |
Ce sont
" Messieurs les Députés du Bureau et Syndics du Diocèse " qui, à
BORDEAUX , sont chargés de faire rentrer les Quartières prélevées sur les
Paroisses. Ils sont tous clercs. Ils portent le souci constant d'évaluer
aussi exactement que possible les revenus des Curés afin de mieux répartir
l'Impôt. ,mais la chose n'est pas aisée ...
Tout d'abord,
les situations sont, nous l'avons vu, infiniment variées. Entre les paroisses
où le Curé est le Décimateur naturel et unique, celles où, tout au
contraire, il est réduit à la portion congrue, celles où il est décimateur
pour un tiers, ou pour moitié (
comme c'est le cas à BUDOS ) et celles qui offrent des situations encore plus
complexes ( et il y en a...) n'est pas toujours facile de se retrouver.
Et puis il y
a encore des paroisses dans lesquelles des biens fonciers sont attachés à l'Eglise
elle-même; des biens gérés par la Fabrique et qui proviennent
généralement de legs testamentaires plus ou moins anciens. Ils étaient
parfois considérables, produisant d'importants revenus sous forme de
fermages; parfois aussi bien modestes, une petite métairie comme à SAINT
LEGER, par exemple , ou une simple prairie… ou bien encore totalement
inexistants, comme c'était le cas à BUDOS.
Enfin, il
fallait également tenir compte de la très grande variété des Dîmes
perçues. Ici, elles portaient sur la vigne, cas très général en GUYENNE,
et sur les céréales, mais dans la forêt littorale du MEDOC et de LA TESTE,
elle était prélevée sur les résines et les goudrons, ailleurs sur
l'élevage, etc... L'alternance des bonnes et des mauvaises récoltes, et la
plus ou moins bonne aptitude des Curés à commercialiser leurs produits sur
les marchés devaient également être prises en compte.
Ajoutons à
tout cela, et peut-être par dessus tout, que les intéressés eux-mêmes ne
mettaient pas beaucoup d'empressement à fournir des renseignements nets et
précis.
Il ne devait
certes pas être bien facile de tenir la plume au " Bureau de
l'Archevêché ". Aussi, très souvent, excédés de ne pas obtenir de
réponses à leurs enquêtes, ces Messieurs finissaient-ils par taxer les
Curés d'office, et en ce cas-là, bien sûr , sans trop de ménagement. Ils
étaient alors assurés d'obtenir des réactions rapides et circonstanciées
des mêmes Curés qui, de passifs qu'ils étaient, devenaient tout à coup
prolixes et coopératifs... Vu à travers ces réponses, l'état des paroisses
devait littéralement arracher des larmes aux yeux de " ces Messieurs du
Bureau " . Découvrons par exemple avec eux la bien triste situation de
BUDOS telle que la voit le Curé DORAT dans une supplique qu'il leur adresse
dans un document non daté mais qui est de 1761 :
Page (224) |
" Le
Suppliant a l'honneur de vous faire observer que les fonds de cette Paroisse
sont si ingrats et si peu produisants que plusieurs habitants, lassés
"..Le
Suppliant a l'honneur de vous représenter que depuis 1756
il ne retire aucun revenu de ladite Paroisse et que, depuis la susdite
année, il vit d'emprunts et ce, du fait des) fléaux de grêle et gelée qui
sont tombés dans cette Paroisse en si grande quantité qu'il serait difficile
de vous l'exprimer. En 1756, au commencement de Juin, la grêle tomba en si
grande quantité et d'une grosseur si prodigieuse, que non seulement elle
enleva toute espèce de récolte, mais encore elle écharpa tous les arbres et
la vigne d'une si grande force que l'on délibéra s'il fallait couper, la
vigne au pied.
" ( Les
choses allèrent de telle ) façon que de deux années elle n'a rien produit,
et pour surcroît de malheur, l'an 1758 la gelée emporta toute la récolte du
vin et en 1759 et 1760 la grêle retomba dans cette Paroisse et fit
presqu'autant de dégât qu'en 1756, notamment celle de l'année dernière
1760 qui tomba le 21 Juin en si grande quantité et d'une grosseur si
prodigieuse qu'elle écharpa les vignes ainsi qu'en 1756, et le Suppliant,
dans le moment de (il) orage, se vit plus de quatre Tonneaux d'eau dans sa
maison, qui avait coulé par la charpente dont la tuile avait été
entièrement fracassée par la grêle qui était généralement de la grosseur
du poing, de façon que chacun, dans le moment, n'attendit que l'heure de le
voir écrasé sous les ruines de sa maison..."
Comment pourrait-on avoir le cœur de taxer un Curé
vivant dans une contrée aussi ingrate et émergeant tout juste de quatre
tonneaux d'eau... ? Et pourtant, ils le firent, mais avec modération
puisqu'en définitive, ils ne lui demandèrent que 28 Livres et 10 sols ...
On notera en
passant que lorsqu'il ne redoute aucune contrainte fiscale, le Curé DORAT
porte sur sa Paroisse un regard un peu plus bienveillant Des notes qu'il
adresse à l'Abbé BAUREIN en vue de la rédaction de ses " VARIETES
BORDELOISES", ce dernier tirera une description beaucoup plus avenante
et, somme toute, plus conforme à la réalité :
"Son Eglise (de BUDOS) qui est belle, est
placée sur une éminence très élevée..."
Page (225) |
" Cette
Paroisse, dont un quart est en côte et le
" Il y a
dans cette Paroisse et au pied du Château, une fontaine remarquable dont le
cours est égal en toutes saisons, et dont l'eau coule avec assez d'abondance
pour faire tourner, à peu de distance, un moulin à trois meules..."
Le ton, ici, n'est plus du tout le même; nous voici
donc un peu rassurés ...
En cas d'intempéries, il n'y avait pas de plus ardent défenseur des intérêts communs que le Curé. Il plaidait la cause de ses paroissiens auprès de l'Intendance et participait même parfois aux enquêtes administratives constatant les dégâts des gelées, des grêles ou des ouragans.
Cette
attitude n'était pas totalement désintéressée car, lorsque la Paroisse
avait obtenu un dégrèvement de ses Tailles, il ne manquait pas d'en demander
un Certificat à l'Administration pour en faire bon usage auprès du Bureau de
l'Archevêque. Ainsi par exemple, en 1758, le Curé DORAT s'adresse-t-il à
Mr. COPMARTIN, Président de l'Election de GUYENNE pour lui demander une
attestation des dégâts causés par la grêle de Juin 1756. Et de fait, il
reçoit bien ce précieux document avec la satisfaction que l'on peut imaginer
:
" Pierre COPMARTIN, Conseiller du Roy,
Président de l'Election de GUYENNE, certifie qu'attendu la grêle qui tomba
le mois de Juin 1756, il fut accordé à la Paroisse de BUDOS qui se trouva
affligée de ce fléau, une diminution de la moitié des Impositions Royales
le 30ème 8bre 1757; laquelle fut répartie sur les habitants qui possèdent
les fonds (dans) ladite Paroisse, soit sur les Tailles, Capitation, Taillon et
Dixième; j'atteste au surplus que cette diminution fut accordée sur ce qu'il
fût justifié par des (Procès) Verbaux qui furent faits dans le temps
(exposant) que la moitié des fruits avait été enlevée par ladite grêle; A
BORDEAUX, ce 5 Avril 1758, COPMARTIN ."
Le Curé
allait faire bon usage de cette Attestation auprès de l'Administration
Episcopale. mais une telle démarche s'inscrivait dans un cadre beaucoup plus
général où la quasi totalité des Curés se disait chacun plus pauvre et
plus démuni que son voisin.
Nous avons vu qu'ils n'étaient pas les seuls à cultiver un tel " misérabilisme ", et s'il fallait résumer en peu de mots la Fiscalité Directe de l'Ancien Régime finissant, on pourrait dire que le défaut de critères objectifs dans l'appréciation des biens et des ressources avait conduit dans tous les cas à la seule prise en compte des signes extérieurs de richesse.
Il en était
résulté, du moins en milieu rural, des Laboureurs aux petits Bourgeois, en
passant par les modestes Curés campagnards, un repli sur soi, une sorte
d'auto censure des comportements qui ont constitué un frein économique
et social tout à fait regrettable dans un temps où, par ailleurs, de
nouvelles idées et de nouvelles possibilités se faisaient jour.
Si la
Fiscalité avait évolué dans le sens d'une meilleure équité, le Pouvoir
Royal aurait peut-être pu faire l'économie de la Révolution.
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