Chapitre 4
La fiscalité,
 fiscalité royale et ecclésiastique

 


 

La fiscalité Royale:  
  la taille 184
  L'assiette générale de l'impôt 184
  Le mode de collecte de l'impôt 186
  La perversité du système 192
  La fraude fiscale 197
   être collecteur 199
  Tentatives de réformes 200
La capitation: 202
Le vingtième: 204
La corvée royale et les voies de communication: 205
  Principe de l'imposition 205
  Résistances locales aux prestations de la corvée royale 207
  Les conséquences pratiques des conflits relatifs à la corvée royale 210
  L'état des routes et chemins locaux: 211
La milice: 214
La fiscalité Ecclésiastique: 216
  La dîme  216
  Principes généraux  216
  La perception des dîmes à Budos  219
  Les quartières 

223

La fiscalité.

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Les Impôts sont de tous les temps. Ils ont toujours été plus ou moins lourds, plutôt plus que moins, plus ou moins bien répartis, plutôt moins que plus, plus ou moins complexes, parfois au-delà de toute raison, et enfin très variés dans leur assiette. Mais ils ont surtout toujours été des témoins privilégiés d'une été certaine conception de la Société et de l'Etat. C'est essentiellement à ce titre qu'ils vont retenir ici notre attention.

  Plus qu'à la technique fiscale proprement dite, nous nous intéresserons davantage à l'application pratique de l'Impôt à BUDOS à la fin de l'Ancien Régime. Si nous parvenons à bien appréhender les mécanismes de cette fiscalité, nous comprendrons mieux les prolongements qu'elle a pu avoir dans la vie sociale du Village, et même la part qu'elle a prise dans la lente maturation politique qui a conduit jusqu'à l'explosion finale de la Révolution.

  Disons tout d'abord, afin que tout soit bien clair, que trois fiscalités se superposaient depuis des temps immémoriaux:

- la fiscalité seigneuriale .

- la fiscalité royale .

- la fiscalité ecclésiastique.

Nous avons déjà abordé la première en étudiant la propriété de la terre, car elle y était si étroitement liée qu'on ne pouvait l'en dissocier. Les impôts seigneuriaux tels que le Cens, l'Exporle, les Lods et Ventes, etc... nous sont déjà connus, nous n'y reviendrons pas, sinon pour rappeler leur existence conjointe avec les autres redevances et taxes que nous allons maintenant évoquer.

Les impôts royaux se subdivisaient en impôts directs et indirects mais, par chance, à BUDOS, comme dans tout le reste de la GUYENNE, il n'y avait pas d'impôts indirects. La Généralité de GUYENNE était en effet un " Pays rédimé de Gabelle ", c'est à dire un pays qui avait racheté, une fois pour toute, son impôt sur le sel et n'avait donc plus à le payer.

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 De même la GUYENNE n'était­ elle pas soumise aux " Aides ". Voilà qui va simplifier notre problème puisque nous n'aurons à traiter que des seuls impôts directs, mais ils étaient nombreux : la Taille, la Capitation, le Vingtième. Tous ces noms là nous sont connus; il sera néanmoins probablement utile d'expliquer succinctement ce qu'étaient ces impôts et comment ils s'appliquaient afin de rafraîchir un certain nombre de souvenirs peut-être un peu estompés dans nos mémoires. 

Ce faisant, il ne sera évidemment pas question d'approfondir la matière. De gros ouvrages lui ont été consacrés et ne l'ont pas pour autant totalement épuisée. Au surplus cela nous conduirait très loin hors des limites de notre étude.

A ces taxes, nous ajouterons la Corvée Royale qui était un impôt en nature destiné à faire face aux grands travaux décidés par l'Administration, et tout spécialement, du moins dans nos contrées, à l'entretien des chemins royaux. Aussi rattacherons-nous à ce paragraphe tout ce qui concerne les voies de communications locales, les deux sujets sont en effet très imbriqués et l'on ne saurait les séparer sans être conduits à redire deux fois les mêmes choses. 

Ce rattachement n'est donc pas aussi arbitraire qu'il pourrait le paraître. Enfin, nous dirons quelques mots de la Milice, autre impôt en nature, destiné à pourvoir au recrutement des Armées du Roi.

Le dernier volet de la fiscalité locale était constitué par les impôts ecclésiastique, la Dîme, payée au Curé du lieu sur toutes les récoltes, et les Quartières, qui constituaient un impôt au second degré que le Curé prélevait sur sa Dîme pour le payer à son Archevêque.

Sur tous ces points, nous essayerons de voir, à travers les documents locaux, comment fonctionnaient ces différents systèmes et comment ils étaient perçus par les Budossais qui y étaient soumis.

 

La fiscalité Royale:

La taille, l'assiette générale de l'impôt

La Taille était un impôt de répartition. Le Conseil du Roi fixait chaque année le montant de ce qu'il en attendait et le répartissait entre chacune des Généralités du Royaume selon des critères passablement empiriques. C'était une première source d'injustices.  

Chaque Généralité procédait ensuite à une seconde répartition entre les différentes Elections qui la composaient, et selon des critères tout aussi aléatoires, ouvrant ainsi la porte à de nouvelles injustices.  

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Enfin, chaque Élection procédait de même entre chacune des paroisses qui entraient dans son ressort et cette nouvelle répartition constituait une troisième source d'injustices car elle ne reposait, tout comme les deux premières, que sur des critères d'appréciation très subjectifs.

A ce stade de la répartition, telle paroisse, dans telle Province du Royaume pouvait, à capacité fiscale sensiblement égale, se voir réclamer une contribution trois ou quatre fois supérieure, et plus encore, à telle autre paroisse d'une autre Province, simplement parce qu'elle avait été mieux défendue ou qu'elle avait eu plus de chance.

Mais les choses n'en restaient pas là, tant s'en faut.

D'abord il fallait compter avec les exemptions collectives; des exemptions considérables tant en nombre qu'en importance. Nombre de grandes Villes ne payaient pas de Taille. BORDEAUX était du nombre, mais aussi PERIGUEUX, BERGERAC, et bien d'autres. Si bien que la Taille avait tendance à prendre le caractère d'un impôt essentiellement rural. Mais encore ! 

Des paroisses avaient eu l'adresse de " s'abonner " en un bon moment, lorsque le Trésor Royal, à court d'argent, acceptait, moyennant une somme forfaitaire immédiate, de renoncer à toute perception ultérieure de l'impôt. Certes, la somme pouvait être importante, mais quel avantage de n'avoir plus jamais rien à payer ..! Et c'est ainsi qu'UZESTE et PRECHAC ne payaient pas de Taille.

Et puis, il fallait aussi compter avec les exemptions personnelles, les Nobles, le Clergé, d'innombrables Officiers de l'Administration ( au sens propre du mot, c'est à dire détenteurs d'un " Office, d'une fonction ) , et puis aussi les Bourgeois des Villes exemptées, pour tous leurs biens, où qu'ils se trouvent, d'autres encore...

Cela faisait vraiment beaucoup de monde.

Ajoutons encore à tout cela l'application de la détestable théorie dite du " feu vif " dont nous allons reparler tout à l'heure, défendue et soutenue par le Parlement contre vents et marées, et nous pourrons alors réaliser que le poids de l'imposition paroissiale se partageait entre les Budossais résidants qui n'avaient trouvé aucun prétexte pour en éviter la charge.

Et ce n'était même pas tout, car cette charge, à son tour était partagée entre eux de façon tout à fait empirique. Dans certaines paroisses, cette répartition s'établissait sur la base d'une sorte de cadastre, souvent très fantaisiste, et dans les autres, et c'était le cas de BUDOS, selon l'appréciation personnelle du Syndic paroissial et des Collecteurs désignés pour l'année en cours lesquels se fiaient à l'idée qu'ils se faisaient des ressources de chacun et les taxaient en conséquence..., le tout étant qu'au total, on puisse retrouver la somme dont la paroisse était grevée.

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Du Conseil du Roi à la dernière chaumière Budossaise, la répartition de l'impôt était uniquement fondée sur des critères subjectifs et, au demeurant, pas toujours désintéressés.

Mais il nous faut reprendre tout cela, sur le plan local, avec un peu plus de détails.

Il serait malhonnête de suspecter systématiquement l'équité des services de l'Intendance dans la répartition locale des taxes entre paroisses. On a pu dire que ceux qui leur avaient reproché leur partialité étaient précisément ceux qui, ayant demandé une faveur, s'étaient heurtés à un refus. 

Et c'est peut-être vrai... Reste néanmoins que les moyens d'appréciation dont ils disposaient pour juger des capacités fiscales de chaque paroisse étaient tout à fait empiriques. Ils ne disposaient d'aucun appareil administratif sérieux qui aurait pu leur fournir les bases d'une répartition réellement objective.

Le chiffre fixé par l'Administration était communiqué à la paroisse vers la fin Janvier. Le document officiel était lu et publié le Dimanche suivant, à l'issue de la messe sur la place du Village. A partir de là, il restait à procéder à ce que l'on appelait " la faction du Rôle ", autrement dit la confection de la liste des cotisants avec, en face de chacun d'eux, le montant de sa cotisation telle que le Syndic paroissial et les Collecteurs de l'année l'avaient définie.  

Le mode de collecte de l'impôt.

Arrêtons nous un instant sur les titulaires de ces deux fonctions qui sont les chevilles ouvrières de la vie de la Communauté. Le Syndic avait un rôle général et durable, il s'occupait, entre autres choses, des problèmes fiscaux, mais ses compétences pouvaient s'étendre bien au-delà; les Collecteurs, quant à eux, avaient un rôle purement fiscal et limité à une année.

 

Pendant très longtemps, BUDOS avait connu une situation un peu anarchique. Lorsque apparaissait un problème dans lequel étaient engagés les intérêts de la collectivité, contre le Seigneur, contre le Curé, ou contre des tiers, on demandait à l'Intendance l'autorisation de réunir une Assemblée Capitulaire, un Dimanche, à la sortie de la messe, et on élisait un Syndic recevant les pleins pouvoirs pour régler la question pendante, pouvoirs qui pouvaient d'ailleurs s'étendre sur des années, jusqu'au complet règlement du problème ( fin d'un long Procès par exemple ) mais sans dépasser les limites initialement définies. 

Rares avaient été les cas où on lui avait délégué de plus larges compétences. D'autres paroisses, mieux avisées, avaient de longue date procédé à l'élection d'un Syndic permanent qui était en charge des intérêts généraux de la Communauté et qui se voyait confier un peu les attributions que nous reconnaîtrions aujourd'hui à un Maire, mais un Maire qui n'aurait disposé d'aucun appareil municipal ( ni Conseil, ni Secrétaire, ni Registres, etc..). Les Budossais avaient fini par se rendre compte que leur système offrait d'assez sensibles inconvénients.

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 Dans certains cas, ils n'avaient eu aucun représentant pour réagir rapidement alors que le besoin s'en faisait sentir; et en d'autres circonstances, tout au contraire, leur représentant, désigné à l'occasion d'une affaire nettement définie s'était arrogé le droit d'intervenir dans un tout autre domaine dans lequel ses mandants estimaient qu'il n'avait pas qualité. 

Ils décidèrent donc, mais ils y avaient mis le temps, de se doter d'un Syndic permanent à compétence générale. Mais comme ils n'avaient aucune idée de ce que pouvait être un mandat démocratique, ils le désignèrent à titre " perpétuel " ce qui réglait, d'un trait de plume tous problèmes de campagnes électorales et d'élections futures... Cela se passa devant la porte de l'Eglise, le 24 Juin, jour de la SAINT JEAN, de 1784, Fête d'obligation religieuse qui avait réuni tout le Village; C'était un Jeudi:

" Aujourd'huy, jour et Fête de SAINT JEAN BAPTISTE, 24ème du mois de Juin, étant au-devant de la principale porte de l'Eglise SAINT ROMAIN de BUDOS (à l') issue de la première messe paroissiale, et (pendant) que le peuple en sortait, les habitants préalablement assemblés au son de la cloche suivant l'usage, pardevant nous, le Notaire Royal de la résidence de PREIGNAC en GUYENNE soussigné, en présence des témoins cy après nommés, ont comparu :"

  et ici, figure une liste de 32 propriétaires et Notables Budossais au premier rang desquels on trouve Bernard PENICAUD qui n'est autre que le Procureur d'Offices du Tribunal Seigneurial local,

  " et divers autres composant la majeure partie.... des habitants de ladite Paroisse, lesquels ont dit, qu'il s'est écoulé bien des années sans qu'il ait été légalement procédé à la nomination d'un Syndic pour les affaires générales de leur Communauté, que si certains particuliers ont agi ci-devant en cette qualité, ce n'était qu'irrégulièrement et sans nul pouvoir spécial puisqu'il est notoire dans ladite Paroisse qu'ils n'en étaient revêtus qu'en vertu d'une simple Assemblée et sans acte public, que, cet usage étant devenu tellement abusif et contraire aux Règlements et aux Ordonnances, que les habitants en ont souffert considérablement (du fait) que ceux qui (sont) passés (par) cette charge, et principalement Jean CAUBIT, du lieu de PINGOY, l'un des derniers Syndics, ont totalement négligé les affaires de ladite Communauté, que lesdits habitants, ne voulant plus être (victimes) de cette négligence outrée et ayant mûrement réfléchi sur ce qui est intéressant pour le bien et avantage de leur Communauté de procéder légalement à la nomination d'un Syndic perpétuel et intelligent aux fins de la direction des affaires générales de ladite Paroisse et ne trouvant personne qui y soit plus propre et plus capable d'occuper cette place que Pierre BANOS, l'un desdits habitants, demeurant au Village des MAROTS, sur lequel lesdits habitants ont tous (de façon) générale fixé leurs vues par rapport à sa probité, à sa vigilance et à son exactitude dans les affaires qui regardent ladite

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Communauté et desquelles il... a eu quelquefois la direction e t dont il... s'est très bien acquitté; en conséquence, et en délibération d'Assemblée faite aux formes prescrites en pareil cas, lesdits habitants, d'une commune voix et unanime accord ont, par ces (présentes) dispositions nommé, élu et choisi pour Syndic perpétuel de leur Communauté ledit Pierre BANOS ..."

Voilà donc une bonne chose de faite, BUDOS aura désormais un représentant permanent. Et cette délibération est très officiellement consignée le 30 Septembre suivant sur les Registres de l'Intendance à BORDEAUX.  

Nous avons dit qu'entre autres compétences largement définies, le Syndic participait à la " faction du Rôle " de la Taille avec les Collecteurs de l'année. Qui étaient donc ces derniers ? quelles étaient leurs fonctions, et comment étaient-ils nommés ?  

Dans chaque paroisse, chaque année, on désignait entre deux et sept contribuables qui seraient "Collecteurs de la Taille" pour un an. Le nombre variait en fonction de l'importance de la paroisse; à BUDOS, ils étaient cinq. A cet effet, on dressait un " Tableau " désignant pour les dix ou quinze ans à venir ceux qui seraient investis de cette charge. 

Ce Tableau se divisait en six colonnes. La première était celle des indigents ( les " pauvres ") , les vieillards, les infirmes, qui étaient dispensés de la fonction. Puis cinq colonnes dans lesquelles les contribuables actifs étaient répartis par " classes "; la première classe correspondant aux plus riches aux plus capables et aux plus imposés, et jusqu'à la cinquième et dernière classe. 

On était ainsi désigné " Collecteur de Première Classe ", ou de deuxième, ou de cinquième, pour telle année donnée. Le dernier Tableau de BUDOS a été dressé le 3 Août 1783. Il prévoyait les désignations utiles de 1784 à ... 1800. Il n'aura donc pas eu le loisir de parvenir à son terme puisque la Taille aura été supprimée bien avant son échéance au bénéfice des " Contributions" instituées par la Révolution. 

Ce Tableau était établi sous le contrôle d'un représentant de l'Administration Royale qui en dressait le Procès Verbal de constitution:

" Ce jourd'huy troisième (d)Août mil sept cent quatre vingt trois, en présence des habitants de la Paroisse de BUDOS et à l'issue de la Messe, le peuple et les principaux habitants étant assemblés au son de la cloche suivant l'usage, ont comparu Jean CAUBIT, Syndic, Arnaud BATAILLEY, Pierre BOIREAU dit l'HERETEY, Pierre SOUBES dit BERNACHON, Pierre DELAS dit POURRIERE, Forien LABORDE et autres faisant la majeure partie des habitants de la susdite Paroisse, assemblés à l'Ordre de Monseigneur l'Intendant afin de procéder au recollement du Tableau desdits habitants divisé en diverses colonnes pour y régler et distinguer ceux qui doivent passer à la Collecte d'avec ceux qui en sont exempts, soit par pauvreté, vieillesse ou infirmité et autres raisons légitimes, lesquels habitants nous avons mis et distingués en cinq différentes colonnes, savoir ceux que nous avons connus les plus aisés et mieux en état de servir dans la première et la seconde classe et ensuite des autres du mieux qui nous a été possible ainsi qu'il suit : "

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Suit alors le Tableau pour les 17 années à venir à raison de 5 noms par année, accompagné, en marge, de l'énumération des exemptés. Il n'est évidemment pas question de reproduire ici l'intégralité de ce document, mais nous allons en tirer un extrait pour l'année 1788 qui est la dernière où le système a fonctionné sans retouche et que nous reprendrons un peu plus loin comme exemple.

 

COLONNES DESTINEES POUR LA COLLECTE

 

Première contenant les noms des habitants de la première classe qui doivent passer à la collecte et être collecteur

Deuxième contenant les noms des habitants de la deuxième classe qui doivent passer à la collecte et être collecteur

Troisième contenant les noms des habitants de la  troisième classe qui doivent passer à la collecte et être collecteur

Quatrième contenant les noms des habitants de la quatrième classe qui doivent passer à la collecte et être collecteur

Cinquième contenant les noms des habitants de la cinquième classe qui doivent passer à la collecte et être collecteur

1 2 3 4 5
1978 1978 1978 1978 1978
Bernard SOUBES 
Lab. à 
PAULIN
 imposé
 64 L 2 s
Pierre LACOSTE
 Lab. aux MOULIES imposé
 14 L 16 s
Jean
 LANTRES Vigne. aux MOULIES imposé 
12 L 3 s
Guiraud BELLOC 
Vigne. au BOURG 
imposé 
19 L 3 s
Pierre LA CASSAIGNE 
à la PEYROUSE imposé 
14 L 2 s

"Nous, soussigné, certifions le présent Tableau véritable et que tous ceux qui y sont compris dedans, chacun selon son rang et colonne, sont en état de passer à la Collecte chacun à son tour. Fait et arrêté le présent état en présence des habitants de ladite Paroisse de BUDOS ledit jour et an (désigné ci-dessus ), et ont, les susdits habitants déclaré ne savoir signer, hors les soussignés."

  On constatera ici que sur les 85 Collecteurs désignés dans ce Tableau, 7 seulement savent écrire, ce qui était évidemment très lourd de conséquences pour l'établissement du Rôle, pour la tenue des comptes et, plus généralement pour le fonctionnement du système.

  Car ce sont bien ces Collecteurs, nous l'avons dit, qui, aidés du Syndic, procédaient à la " faction " du Rôle. C'est à dire qu'ils répartissaient entre tous les taillables la somme globale dont la Paroisse était taxée.

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Le système était assez pervers. D'une part, ceux qui étaient au Tableau pouvaient avoir tendance à ne pas trop se surcharger entre eux, sachant très bien que, s'ils avaient surtaxé un collègue, celui-ci aurait bien su leur rendre la pareille lorsque son tour viendrait d'être Collecteur. Donc, prudence entre " gens du Tableau ". 

Mais comme il fallait bien réunir la somme exigée , il n'y aurait pas eu d'autre issue que de surcharger ceux qui n'étaient pas au Tableau " car si leur indigence les mettait bien à l'abri de la fonction de Collecteur, elle ne les mettait pas pour autant à l'abri de l'impôt. On en serait venu, ainsi, à taxer les pauvres gens plus que de raison. Mais cette tendance était tout de même sérieusement freinée par une autre considération. 

Les Collecteurs étaient en effet, pour l'année de leur fonction, responsables sur leurs propres deniers, de la rentrée de la Taille dans les caisses du Trésor Royal. Ils n'avaient donc pas intérêt à trop surcharger des gens qui n'auraient pas pu s'acquitter de leur imposition car, en définitive, ils auraient dû régler à leur place les sommes impayées. Dès lors, la situation réelle était toute en nuances. 

Ceux qui n'étaient pas au Tableau pouvaient être relativement surtaxés, mais tout de même pas de façon écrasante. Ces répartitions, objet de savants dosages s'établissaient sur des impressions, sur des signes extérieurs de richesse, sur l'idée que l'on se faisait de la fortune de son voisin. Et sur quoi d'autre les aurait-on fondées puisqu'il n'existait même pas un semblant de cadastre à BUDOS et que les répartiteurs ne disposaient donc d'aucune donnée objective ? 

Ceci a eu, au fil du temps, un effet très pervers. Les petits propriétaires n'ont jamais cessé de cultiver le " misérabilisme ", cherchant toujours à paraître plus pauvres que leurs voisins, limitant au besoin leurs entreprises pour ne pas s'attirer de foudres fiscales, payant au tout dernier moment, et même, le plus souvent, en retard, alors même qu'ils auraient pu disposer des fonds nécessaires en temps utile. Mais payer trop vite, c'était courir le risque d'être jugé trop à l'aise. 

Il en allait de même pour les paroisses. Telle localité qui réglait son impôt avec une facilité un peu trop apparente avait de fortes chances de voir augmenter sa Taille l'année suivante. Ce type de fiscalité a constitué un véritable frein à l'esprit d'entreprise dans les campagnes en inculquant aux petits propriétaires " la crainte de réussir" alors qu'ils auraient pu être des moteurs de développement économique.  

Autre conséquence, ces paiements tardifs systématiques conduisaient les Collecteurs à poursuivre leurs fonctions très au-delà de l'année pour laquelle ils avaient été désignés. Ils allaient encore de porte en porte quémander leur dû 18 mois ou deux ans après l'échéance normale, alors que leurs successeurs frappaient déjà depuis longtemps aux mêmes portes pour récupérer les cotisations de l'année suivante. 

Leur fonction ne cessait que tout autant qu'ils avaient réuni la totalité de l'imposition fixée.... ou payé la différence sur leurs propres deniers. Inutile de dire qu'en dehors de quelques avantages qu'il pouvait présenter, il s'exerçait une sourde lutte pour échapper au Tableau. Les plus aisés de la Paroisse ne pouvaient évidemment prétendre l'éviter, mais lorsque l'on était tout juste à la limite inférieure de la cinquième classe, on n'hésitait pas à se donner toutes les apparences de la dernière misère pour être classé " pauvre " et esquiver la contrainte.

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Enfin, dernier avatar, n'oublions pas que le plus grand nombre de ces Collecteurs, chargés d'établir les Rôles, de tenir des comptabilités par " quartiers " ( les encaissements étaient trimestriels ), de poursuivre les retardataires, le plus grand nombre donc, ne savait ni lire ni écrire. Et nous avons vu dans quelle large mesure la situation à BUDOS confirmait le propos. 

Il leur fallait donc s'en remettre pour la tenue de leurs écritures à des tiers qui , bien souvent, trouvaient là moyen d'en tirer quelques profits personnels. Cette pratique était d'ailleurs bien connue, même en haut lieu. L'Intendant TOURNY écrit lui-même dans un Mémoire:

  " la plupart des Collecteurs sont des gens grossiers illettrés, qui, ne sachant pas eux-mêmes former leurs Rôles, s'adressent pour cet effet et trop souvent à des écrivains de campagne..."

Et ailleurs, le même TOURNY déplore les désordres qui en découlent en regrettant l'inertie des Officiers de l'Administration:

" Mrs les Officiers des Elections devraient bien y tenir la main, mais il leur suffit de calculer (le total d') un Rôle et d ' y trouver l'imposition juste pour (les dispenser) de le vérifier, sans donner leur soin à corriger les défauts essentiels dont ces Rôles sont remplis. "

  Situation bien connue, donc, mais qui n'a pourtant jamais été corrigée avant la fin de l'Ancien Régime.

  Dans quelques paroisses certains efforts de transparence avaient parfois été tentés par des Collecteurs particulièrement scrupuleux. Ainsi par exemple à NOAILLAN en 1777. Les documents nécessaires à l'établissement du Rôle y étaient parvenus le Dimanche 26 Janvier en fin d'après-midi; trop tard pour utiliser le rassemblement dominical des Vêpres paroissiales. On avait donc attendu le Dimanche suivant 2 Février pour lire ces documents à la sortie de la Messe sur la place du Village et rendez-vous avait alors été donné à toute la population pour le lendemain, Lundi 3 au matin, toujours sur la place:

  " au-devant le domicile de la Vve de Jean FAURENS ... (parce que c'est) le lieu le plus sec et le plus commode..."

  On y installa une table avec du papier et un écritoire afin d'y procéder à la faction du Rôle en présence de tous: 

" afin que justice fut rendue à chacun...."

Il ne semble pas que des méthodes aussi démocratiques aient été pratiquées à BUDOS, mais il ne parait pas, non plus, que les opérations de répartition aient donné lieu à des abus notoires comme on peut en découvrir parfois en d'autres lieux. Un dépouillement systématique des impositions de 1788 ne révèle apparemment aucune distorsion scandaleuse.

La Paroisse avait été taxée cette année là pour une imposition globale de 3.019 Livres 11 sols et 6 deniers qui se décomposait comme suit :

- 1.383 Livres pour la Taille proprement dite.

- 848 Livres pour les impositions accessoires à la Taille.

- 752 Livres pour la Capitation des Taillables ( nous verrons un peu plus loin comment la Capitation avait fini par se greffer sur la Taille. )

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A ces sommes s'ajoutait une taxe de 6 deniers par Livre (2,5%) au titre des frais de collecte, taxe portant uniquement sur les 1.383 Livres du principal de la Taille, soit donc 34 Livres 11 sols et 6 deniers; et enfin, une modeste taxe de 2 Livres pour droit de quittance et d'enregistrement.

Ce sont ces 3.019 Livres qu'il fallait répartir entre les 193 " feux vifs " que comptait la Paroisse. Au résultat de ce travail, on rencontre une imposition de 69 Livres 2 sols pour le Sieur LATAPIE, Bourgeois de BUDOS, habitant au Bourg et qui était un des principaux Notables du Village. 

Mais on trouve aussi, à l'autre extrémité de l'échelle, des impositions à 1 Livre 10 sols pour la Veuve de Pierre PARAGE, ou 1 Livre 15 sols pour Raymond FINORE, brassier. On trouve même une imposition à 1 sol pour les héritiers de Jean DURON dont l'héritage ne devait guère être bien conséquent. Il est bien difficile de dire si ces impositions étaient parfaitement équitables ou si elles laissaient places aux critiques générales que nous avons évoquées ci-dessus. 

Tout ce que l'on peut en dire, c'est que le Bourgeois et les Laboureurs manifestement aisés étaient, à l'évidence, beaucoup plus imposés que le petit artisan, la veuve ou le brassier, ce qui va bien dans le sens de la justice mais ne permet guère de se prononcer sur l'exactitude de la répartition.

En tout état de cause, et les Collecteurs n'y pouvaient rien, cette répartition de l'impôt était injuste en elle-même par le fait des règles qui la régissait et pour bien des raisons que nous allons évoquer sur quelques cas concrets.

 

La perversité du système.

Mr MIRAN était Bourgeois de BORDEAUX, il y avait son domicile rue des MENUTS, encore qu'il résidât le plus souvent à BARSAC. Il disposait de grands biens à BARSAC, PUJOLS, BUDOS et autres Paroisses. Et dans aucune d'entre elles il ne payait un seul denier de Taille pour la seule raison qu'il était Bourgeois de BORDEAUX et qu'à ce titre, il en était exempt. 

A BUDOS, il était propriétaire à LA HONTIQUE, au CARPIA, au SOUBA, à MASSE et ne figurait pourtant nulle part au Rôle de la Taille. La chose, en elle-même, était injuste, mais la situation pouvait devenir beaucoup plus irritante encore pour les Budossais, car Mr.MIRAN avait de l'argent et ne manquait pas de s'en servir pour arrondir son domaine par des achats judicieux. 

C'était son droit le plus strict , et il ne s'est évidemment pas privé d'en user. Mais, lorsque le 2 Décembre 1761, par exemple, il achète 16 règes de terre au CARPIA à Jean LACASSAIGNE dit LACALLE, pour la somme de 105 Livres, c'est un " bien taxable " qui devient " non taxable " par le seul fait qu'il passe des mains de Jean LACASSAIGNE, Budossais taillable, à celles de Mr. MIRAN, Bourgeois Bordelais non taillable.

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La somme globale dont la Paroisse est imposée ne sera pas pour autant réduite d'un seul sol; il faudra donc, l'année suivante, que l'ensemble des taillables du Village paye un peu plus pour compenser la disparition de cet article du Rôle devenu exempt d'impôt. 

Même chose lorsque Mr. MIRAN achètera 17 joualles de vigne à Raymond et Joseph LACASSAGNE, dits CLABAIOT, le 23 Février 1772. Et c'est encore la même chose quand c'est Mr. CONILH, Conseiller au Parlement, propriétaire au LIOYL, ou Mr. DARMAJEAN à PINGUET. 

Même chose encore quand c'est le Baron qui achète, parce qu'il est Noble, et quand c'est le Curé DORAT, parce qu'il est Clerc... Et parce que ces gens là ont des moyens, ils achètent mais ne revendent guère. L'opération est donc à peu près toujours à sens unique au détriment des Budossais qui voient, à chaque fois, se réduire l'assiette de leur impôt tandis que leur imposition globale ignore totalement ces transferts.

 Inéluctablement, leur quote-part augmente; les lois de l'arithmétique sont incontournables.

Au fur et à mesure que le siècle s'avance, le privilège de Bourgeoisie est de plus en plus mal accepté par les Villageois. Ici encore s'est dessinée une évolution des mentalités qui a progressivement remis en cause des situations qui, jusque là, avaient été acceptées sans problèmes majeurs. Il faut dire aussi que ces Bourgeois prêtaient eux-mêmes le flanc à la, critique. 

Leur qualité de Bourgeois de BORDEAUX leur faisait obligation d'avoir leur domicile dans la Ville ou dans ses faubourgs immédiats. Certes, de longue date, il avait été admis qu'ils puissent résider en campagne à la belle saison sans pour autant perdre leur titre ou qualité. C'était le cas de la quasi totalité des Parlementaires et autres gens de robe. 

Mais ils devaient impérativement avoir leur domicile en ville et y habiter effectivement au moins pendant tout l'hiver. Or, ces Bourgeois s'étaient fait aménager en leur campagne des demeures fort agréables où la vie était confortable et douce et qu'ils ne quittaient plus guère. Ils estimaient en tous cas qu'ils y vivaient mieux qu'en ville. 

Dans la proche région, le Château de PINGUET représente un exemple tout à fait typique de ce genre de demeure. Mais CERONS, BARSAC et PREIGNAC, bénéficiant de la proximité de la Rivière et du Grand Chemin Royal de BORDEAUX à TOULOUSE, offraient des dizaines de cas semblables. Dès lors, ces Bourgeois n'avaient plus à BORDEAUX qu'un appartement qu'ils fréquentaient de plus en plus rarement et que certains n'utilisaient guère plus que pour aller y traiter leurs affaires ( en particulier la vente de leurs vins ). 

Les Villageois n'étaient absolument pas dupes de ces situations et il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'ils aient de plus en plus contesté ce privilège de Bourgeoisie qui leur paraissait de moins en moins justifié. La manifestation la plus explicite de cette prise de conscience se situe dans une affaire survenue à PUJOLS; il existe d'autres prises de position assez semblables, mais aucune n'est aussi nette ni aussi démonstrative que celle ci. Elle mérite d'être rapportée:

" Aujourd'huy, troisième Fête de la Pentecôte, sixième Juin Mil Sept Cent Quatre Vingt Six... (il s'agit du Mardi de Pentecôte qui, tout comme le Lundi, était alors jour férié et Fête d'Obligation religieuse; il en allait de même pour Pâques) étant au-devant de la porte principale de l'Eglise de SAINT PIERRE ES LIENS de la Paroisse de PUJOLS, à l'issue de la première Messe, les habitants de la présente Paroisse étant préalablement assemblés au son des cloches conformément à l'usage (la) plus saine et majeure partie desdits habitants..."  

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étant ainsi régulièrement convoquée et réunie, Jean LACOSTE, dit GANACHE, prend la parole et leur dit :

  " que le poids accablant des impositions royales et annuelles devenant de plus en plus préjudiciable au bas peuple qui se trouve comme dans l'impossibilité d'y satisfaire, il serait intéressant pour les contribuables actuels qui, seuls, en supportent avec peine le fardeau, de comprendre et cotiser à l'avenir sur les Rôles annuels de ladite Paroisse ceux qui jusqu'à présent ne l'ont pas été sous le vain prétexte qu'ils sont Bourgeois de BORDEAUX et qui jouissent abusivement du privilège d'exemption ainsi qui le sont réellement en vertu des Lettres (de Bourgeoisie) dont ils peuvent être nantis mais qui, néanmoins, en s'écartant formellement de ce qui leur est prescrit par lesdites Lettres font continuellement leur résidence dans ladite Paroisse puisqu'il est vrai qui il est notoire que les uns et les autres ne vont en ville que passagèrement et dans ce dernier cas se sont persuadés être en droit de jouir de ce privilège tandis que cette résidence vague qu'ils font en ville et celles qu'ils font plus des trois quarts de l'année dans cette Paroisse sont entièrement contraires et aux Ordonnances et à tout ce qui leur est prescrit..." ,

  Moyennant quoi, les Pujolais, sans autre forme de procès, décident de les soumettre à la Taille locale :

" en exceptant toutefois les véritables privilégiés..."

Même avec cette prudente réserve, ce texte est audacieux. Certes, ces Bourgeois sont en défaut, mais dix ans auparavant, une telle prise de position aurait été absolument impensable de la part des Villageois. C'est sur de telles situations que, par petites touches, on perçoit l'évolution préparant le terrain à la Révolution.

Revenons en à d'autres exemptions, celles des Clercs par exemple. Elles sont très simples dans leur principe : le Clergé n'est pas taillable. C'est donc bien clair. Mais l'application de cette règle peut ouvrir la porte à bien des subtilités.

Ainsi par exemple, chez les SAINT BLANCARD, l'une des familles les plus aisées de BUDOS en ce temps-là, un frère et un fils du Chef de Famille se sont faits prêtres. Le premier, Nicolas, est Curé à SAINT PIERRE de MONS, près de LANGON et l'autre, Etienne, n'est pas allé bien loin puisqu'il est Vicaire à BUDOS. 

Les Parents leur ont constitué à chacun un " Titre Clérical " de 3000 Livres; entendons par là, une sorte de dot les désintéressant de la future succession familiale qui se partagera entre les autres descendants. En attendant cette échéance, les terres correspondant à ces 6.000 Livres ( un bien joli domaine ... ) sont resté intégrées à la propriété ancestrale et continuent d'être exploitées par la famille comme si de rien n'était.

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Les Collecteurs de BUDOS n'avaient vu aucune raison de dégrever de la Taille des propriétés qui étaient bel et bien exploitées par les Parents SAINT BLANCARD après la constitution du " Titre Clérical " tout comme elles l'étaient auparavant. En 1761, les deux Prêtres s'en plaignirent auprès du Président de l'Election de GUYENNE auquel il présentèrent une supplique exposant que:

" ils payent la Taille desdits biens (qui sont) englobés dans les biens de leur famille, dans le temps que les Déclarations du Roy les exemptent de cet impôt...."

et ils demandent à la Cour d'ordonner aux Collecteurs de BUDOS qui sont en train d'établir le nouveau Rôle ;

  " de distraire de la côte pour laquelle SAINT BLANCARD, frère du Sieur BLANCARD, Curé, et Père d'Etienne, Vicaire de ladite Paroisse de BUDOS (est imposé) leurs biens qui ont été affectés (au) Titre Clérical... et (de) faire... défense tant aux Collecteurs de ladite année 1762... qu'à ceux (de) l'avenir de (faire) cotiser les (intéressés à) raison de leurs biens compris dans le Titre Clérical."

Et le 10 Septembre 1761, la Cour de l'Election leur donna raison car leur argumentation était inattaquable au regard des textes en vigueur. Les Budossais n'en furent pas pour autant satisfaits car c'était une propriété de 6.000 Livres que l'ont retirait ainsi de l'assiette imposable de la Paroisse sans réduire en quoi que ce soit le montant de son imposition globale. Une fois encore, l'arithmétique de répartition, imperturbablement, allait jouer au détriment de tous les autres Villageois.

Certes, il existait bien une sorte de garde fou, une règle posée par un Edit remontant à LOUIS XIII et qui, en 1634, avait prévu que le nombre des privilégiés ne pouvait pas être supérieur à huit dans les paroisses payant plus de 900 Livres de Taille. Cette disposition avait, par la suite, été rappelée plusieurs fois, mais 150 ans avaient passé et l'avaient bien effacée des mémoires. Et quand bien même, ici ou là, on s'en serait souvenu ( ce qui n'a pas été le cas à BUDOS ) , on aurait tout de même vu , dans la pratique, les huit plus gros propriétaires de la Paroisse échapper à un impôt que se seraient partagé tous les autres.

 

Mais ce n'est pas tout , car il nous faut encore rendre compte des conséquences de la règle du " Feu vif " qui autorisait bien d'autres évasions fiscales. Nous avons déjà rencontré l'expression en évoquant le Rôle de la Taille de 1788 lequel recensait 193 " feux vifs " à BUDOS. Cette règle, fondée sur une Déclaration Royale de 1728 autorisait les taillables à ne cotiser à l'impôt que dans la seule paroisse où ils avaient élu domicile, à l'exclusion de toutes les autres.

 Ainsi, un Laboureur ayant élu domicile à LANDIRAS et possédant des biens à LANDIRAS, PUJOLS et BUDOS, ne payait sa Taille qu'à LANDIRAS et ne versait rien ni à PUJOLS, ni à BUDOS, car, aux yeux de l'Administration, il n'y entretenait pas de " feu vif ". Or, comment les Collecteurs de LANDIRAS auraient-ils pu apprécier les revenus perçus dans les paroisses extérieures alors qu'il avaient déjà tant de mal à cerner ceux qui se recueillaient dans leur propre Paroisse ? Le jeu, pour l'intéressé consistait évidemment à élire domicile (fictivement au besoin ) là où il risquait d'être le moins imposé.

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Et il y parvenait assez bien car les Collecteurs avaient plutôt tendance à le ménager afin qu'il n'aille pas transporter son domicile dans une autre paroisse en leur faisant perdre un cotisant... Il y avait là une source d'abus considérables contre lesquels de multiples plaintes se sont élevées tout au long du XVIIIème siècle. 

Les Cours de Justice n'en sont pas moins toujours resté inébranlables et ont toujours tranché dans le sens de la Règle du " feu vif" quelles qu'aient pu être les conséquences. Cette jurisprudence s'appuyait sur l'idée que la Taille avait le caractère d'un impôt personnel et s'attachait au taillable, là où il était, et non à ses biens, où qu'ils puissent être.

Ainsi, Pierre et Jean DUPRAT habitaient-ils à LANDIRAS où:

" ils supportent la charge pour tous leurs biens et facultés..."

et pourtant, les Collecteurs de BUDOS les ont assujettis au Rôle de leur Paroisse au titre

" de quelques petites pièces de terre..."

pour lesquelles les propriétaires déclarent, dans une supplique au Président de l'Election de GUYENNE :

" qu'ils veulent (les) exploiter (de leurs propres)mains par valets à gages et gens à la journée tant et si longuement qu'ils seront habitants et domiciliés de ladite Paroisse de LANDIRAS..."  

En conséquence, ils demandent qu'il soit fait:

" défense aux Collecteurs qui entreront en charge l'année prochaine dans ladite Paroisse de BUDOS ni (aucun) autre à l'avenir, de continuer à (les) comprendre ni cotiser sur leur Rôle de Taille et autres impositions..."

Et ici encore, la Cour leur donna raison.

En réaction contre ces abus protégés par la jurisprudence, les Collecteurs usaient de toutes sortes d'expédients pour trouver le maximum de cotisants possible afin de répartir leur imposition sur le plus grand nombre de têtes. A ce jeu là, les doubles impositions étaient fréquentes.

Jean DEMONS, Laboureur à LANDIRAS avait acquis un bien de Marie BEDOURET et de ses enfants; certaines pièces étaient dans BUDOS, et d'autres dans LANDIRAS. Aussitôt, chacune des Paroisses l'avait taxé sur son propre Rôle pour la totalité ... Si bien que l'acquéreur, à juste titre, se plaignit de payer deux fois pour un même objet. 

La Cour lui donna évidemment raison et il fut décidé qu'il cotiserait désormais à LANDIRAS et ne payerait plus rien à BUDOS. C'était la pure et simple application de la règle. Mais ce qui est intéressant, c'est la publicité que l'on donne à cette décision car, une fois encore, ce que Jean DEMONS ne versera plus à BUDOS, ce sont les Budossais qui se le partageront entre eux pour le payer à sa place. Aussi faut-il qu'ils en soient informés. C'est un huissier qui s'en charge:

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" Le huitième Septembre Mil Sept Cent Soixante Cinq, à la requête de Jean DEMONS, Laboureur, habitant de la Paroisse de LANDIRAS où il fait élection de domicile, nous, Joseph Vincent SERRES, Huissier au Siège Royal de BARSAC ... soussigné, certifions nous être exprès transporté ce jourd'huy, jour de Saint Dimanche, sur la place et au-devant (de ) la porte de l'Eglise paroissiale de BUDOS, et à mesure que le peuple sortait d'entendre les Vêpres, j'ai bien et duement signifié à Sieur François LACASSAIGNE, Syndic, la requête présentée par le requérant ( Jean DEMONS ) et (l')Ordonnance de la Cour... aux fins qu'il ne l'ignore, en ayant        préalablement fait lecture à haute et intelligible voix, afin qu'elle soit notoire aux habitants de ladite Paroisse et qu'ils aient à y déférer."

On voit bien déjà, que par le seul jeu des règlements et coutumes, l'assiette de la Taille avec ses nombreux privilèges et ses exemptions constituait une véritable peau de chagrin. La Taille était bien un impôt de répartition, mais qui avait fini par être réparti au mépris de toute équité.

Ceci  étant posé, encore fallait-il compter avec les fraudes...

   

La fraude fiscale. 

Les fraudes ? Bien sûr; ne serait-ce en premier lieu que du fait de l'attitude générale de dissimulation adoptée par chacun. Il fallait à tout prix paraître plus pauvre que son voisin. Ils n'étaient pas très nombreux ceux qui osaient braver l'opinion en habillant leur fille d'une robe de soie au jour de son mariage, même dans les familles où l'on en aurait eu les moyens. 

Ce n'était certes pas la seule motivation car, à l'évidence, on préférait mettre quelques écus dans une rège de vigne plutôt que dans la robe de la mariée. Mais tout de même... Ces tentatives de dissimulations fiscales par affichage d'une pauvreté parfois plus supposée que réelle n'étaient que bonne guerre. Tout le monde les pratiquait et, finalement, personne, au Village, n'en était dupe.  

La vraie fraude venait d'ailleurs, et tout spécialement des privilégiés eux-mêmes. Un Noble, un Bourgeois Bordelais, un détenteur d'Office était exempt de Taille, mais à titre purement personnel. S'il affermait son bien, son fermier n'en était absolument pas dispensé. L'astuce consistait donc à dissimuler le fermage en faisant passer le fermier pour un valet à gages, censé travailler pour le compte personnel du privilégié, lequel affirmait haut et clair qu'il pratiquait sur le bien un faire valoir direct. 

Et en ce cas, plus de Taille..! Le fermier, tout heureux d'échapper ainsi à l'impôt ne manquait pas de ristourner au bailleur un petit supplément de fermage pour le remercier de ce bon office... Inutile de dire que les Collecteurs faisaient une chasse assidue à ce genre de situation. Mais ce n'était pas une tâche facile car, en fait, il ne s'agissait de rien moins que de convaincre de mensonge un personnage généralement important, ou un Notable de la Paroisse.  

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Les Collecteurs, simples Laboureurs locaux, le plus souvent analphabètes n'auraient pu faire le poids dans un tel affrontement s'ils avaient été seuls pour monter au créneau. Et de fait pendant longtemps, ils avaient rongé leur frein et s'étaient inclinés. Mais ici aussi, le temps passant, bien des choses avaient changé. 

Les Collecteurs allaient prendre de plus en plus appui sur la Communauté paroissiale et s'en faire aider pour s'attaquer à des cas litigieux qu'ils n'hésiteraient plus, désormais, à contester ouvertement. Déjà, en Janvier 1777, on avait vu les Collecteurs de BARSAC réunir une Assemblée Capitulaire pour dénoncer le Seigneur d'YQUEM qui avait frauduleusement affermé le Moulin de PERNAUD :

"à un Négociant du Haut Pays pour y fabriquer du minot"

en prétendant qu'il n'était que son salarié. C'était s'attaquer à forte partie. Ces Collecteurs s'étaient adressés au Seigneur propriétaire et n'en avaient obtenu que :

" des réponses vagues, mais qui font assez présumer de la vérité des fermes.."

Quatre ans plus tard, en 1781, le même problème se posait à BUDOS vis à vis des Frères De CONILH, Ecuyers, personnages Bordelais importants, qui avaient affermé clandestinement, conjointement avec leur Mère, un bien qu'ils possédaient à BUDOS. Ce bien n'est pas explicitement désigné, mais il y a tout lieu de croire qu'il s'agissait de la propriété du LIOYL qui appartenait à leur famille d'assez longue date. 

Avant de s'attaquer à si forte partie, les Collecteurs Budossais se préoccupèrent d'assurer leurs arrières et demandèrent à Jean CAUBIT, Syndic de la Paroisse, de convoquer une Assemblée Capitulaire à ce sujet. Mais, soit qu'il n'ait pas été trop sûr de la légitimité de son mandat, soit qu'il n'ait pas trop aimé s'engager personnellement dans une telle aventure, Jean CAUBIT ne bougea pas. 

Il ne semble pas d'ailleurs avoir été un Syndic bien efficace. Souvenons nous que c'est de lui, nommément désigné, que parlera l'Assemblée Capitulaire du Jour de la SAINT JEAN 1784 lorsque, se proposant de désigner un Syndic perpétuel, elle dira:

" et principalement Jean CAUBIT, du lieu de PINGOY ... (qui a)..totalement négligé les affaires de la Communauté ..."

Nous avons déjà rencontré cet épisode. Eh bien voici précisément un exemple de l'inertie que l'on reprochait à Jean CAUBIT. Il ne convoque personne. Qu'à cela ne tienne, les Collecteurs provoquent l'Assemblée d'eux-mêmes, avec l'autorisation de l'Intendant, à la sortie de la Messe du 29 Avril 1781 et, s'adressant à tous les Budossais réunis, leur disent :

" que sur les assurances les moins équivoques qui leur ont été données ... le nommé Bernard LACASSAIGNE, habitant dudit BUDOS ... a pris à titre de ferme de Mrs De CONILH Frères, Ecuyers, et ... de Madame BOIREAU leur Mère, le bien qui leur appartient dans la Paroisse de BUDOS, pour certain prix qu'ils ignorent (et que ceci) résulte de la gestion et perception des fruits qu'il fait publiquement. Les Collecteurs, sur l'avis général desdits habitants en (établissant le brouillon) du Rôle de la présente année 1781 (ont) compris ledit LACASSAIGNE comme fermier desdits biens, ce qui (a) formé quelque altercation dans ladite Paroisse et (a)

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déterminé lesdits Collecteurs, pour éviter toute (contestation) de sommer le nommé Jean CAUBIT, Syndic, (de) convoquer la Paroisse le huit du courant, jour de Dimanche des Rameaux pour délibérer sur le fait de ladite cotisation ... Et comme ledit Syndic n'a (pas déféré) audit acte (de sommation) comme il aurait dû le faire, lesdits Collecteurs, toujours en vue de remplir les (devoirs) de leur charge, et dans l'intérêt de la Communauté, ont eux-mêmes convoqué la présente Assemblée, à laquelle ledit CAUBIT, Syndic, s'est présenté avec les autres habitants où, après avoir délibéré sur ladite cotisation ainsi que sur ce qu'il convenait de faire à ce sujet, il a été convenu à la pluralité des voix que ledit LACASSAIGNE ... serait cotisé comme fermier desdits biens et sur le pied que l'on croit pouvoir être le prix de ladite ferme, (ce) à quoi lesdits Collecteurs ont été autorisés par lesdits (habitants) délibérants."

Ce n'était assurément pas une sinécure que d'être Collecteur ...

   

être collecteur.

Dresser le Rôle, répartir les charges, encaisser les sommes correspondantes en faisant le porte à porte dans toute la Paroisse, trimestre après trimestre, poursuivre les débiteurs défaillants et, en fin de compte, se substituer à eux s'ils n'avaient pas réussi à s'en faire payer, telles étaient les obligations dévolues à ces braves gens qui, redisons-le une fois encore ne savaient ni lire ni écrire dans au moins trois cas sur quatre sinon davantage. 

A tout cela s'ajoutait encore une autre fonction. Ils étaient chargés de conduire les démarches nécessaires en vue d'obtenir éventuellement des dégrèvements fiscaux en cas de catastrophes naturelles : gelées, grêles, ouragans et autres intempéries. Pour cela, sitôt l'évènement, il leur fallait adresser une supplique à l'Intendance en lui demandant de faire procéder à une enquête sur place. 

L'Administration leur accordait cette autorisation très rapidement ( généralement dans un délai inférieur à la semaine). Les Collecteurs convoquaient alors un Notaire expert qui venait procéder sur place aux constatations utiles. On parcourait tout le pays, ainsi que nous l'avons déjà vu faire en plusieurs circonstances, et l'on dressait un Procès Verbal de constatations concluant à un certain pourcentage de pertes. Envoyé à l'Intendance, ce document était soumis à l'appréciation des Services qui décidaient d'accorder ou non un dégrèvement et, en cas de réponse positive, en fixaient le montant en argent. 

Ici, le délai de réflexion de l'Administration était nettement plus long qu'à l'accoutumée. Elle était en effet obligée d'attendre d'avoir en main la totalité des demandes de toutes les paroisses pour se faire une idée de l'étendue des dégâts; et si ceux-ci étaient réellement très importants, elle ne pouvait réduire trop notablement les impôts sans avoir obtenu un accord préalable du Gouvernement de VERSAILLES. C'est ainsi que la décision de dégrever BUDOS de la moitié de sa Taille, à la suite de la grêle de Juin 1756 ne fut prise que le 30 Octobre 1757.

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 Il y avait eu des orages partout et la Province en avait été ravagée. Autre difficulté, celle de la répartition des dégrèvements obtenus. Si les dommages étaient également répartis entre tous les propriétaires, il n'y avait évidemment pas de problème, il suffisait de réduire chaque cotisation d'un pourcentage identique. 

Mais il en allait tout autrement lorsque les Procès Verbaux faisaient apparaître des inégalités dans les atteintes du mal : tel, ayant à peine été touché, alors que tel autre avait tout perdu ... En pareil cas, l'Administration, prudente, se méfiait beaucoup de la répartition locale de ses dégrèvements. Elle pensait, peut-être avec quelques raisons, que les avantages accordés pourraient bien aller aux mieux placés plutôt qu'aux plus atteints. 

Or, le Pouvoir Royal n'avait aucun échelon administratif dans les paroisses pour surveiller une telle opération . Il recherchait donc un correspondant local, au coup par coup, qui lui paraissait digne de confiance, et le chargeait de superviser cette répartition. Ce pouvait être le Curé, ou bien le Juge Seigneurial; ainsi par exemple, Mr. COPMARTIN, Conseiller du Roi, Président de l'Election de GUYENNE, écrit-il à Me Jacques DORAT, Curé de BUDOS, le 13 Janvier 1761:

"Monsieur,  
Le moins imposé de huit cent dix Livres qui (a) été accordé à la Paroisse de BUDOS sur le principal de la Taille (l')a été en considération des grêles et gelées réitérées qu'ont éprouvé les habitants de votre Paroisse. Ainsi, ceux qui en ont le plus souffert doivent-(ils) éprouver plus de soulagement que les autres. Cela est de la dernière justice; Mrs. les Collecteurs doivent avoir attention à cela même.  
J'ai l'honneur d'être, avec un très profond respect, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur."

  Nous ne saurions dire si ce voeu a été ou non exaucé, mais en dépit de l'humilité toute conventionnelle de la formule de politesse, une telle invite de l'Administration Provinciale ne pouvait en aucun cas laisser le Curé DORAT indifférent.  

  Tentatives de réformes.

La Taille, impôt rural par excellence, était, de tous les impôts directs, le plus lourd, et aussi, de très loin, le plus impopulaire. Et cette impopularité venait non seulement de son poids, mais plus encore de son mode de perception qui étalait au grand jour les plus flagrantes inégalités, tout en imposant à la société rurale la chape de plomb de la " pauvreté militante " qui freinait toute tentative d'expansion et empoisonnait littéralement les relations de la vie sociale.

Le Pouvoir Royal n'ignorait rien de ces problèmes et a cherché, à plusieurs reprises, en cette fin du XVIIIème siècle, à réformer un système devenu inacceptable. En Août 1767, le Contrôleur Général s'était adressé aux Intendants par une lettre circulaire les informant qu'à partir de 1768, un inventaire serait établi dans chaque paroisse en vue d'aboutir à une base d'imposition nettement définie, sur laquelle on établirait des tailles fixes.

 

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Dans chacune de ces paroisses, on réunirait une Assemblée, en présence d'un représentant de l'Intendance, et chacun viendrait déclarer ses biens de façon contradictoire tandis qu'un Rôle en serait dressé. Ceux qui seraient dépourvus de propriétés foncières, les brassiers et journaliers par exemple, seraient taxés forfaitairement sur la base de 200 journées de travail par an. Un Déclaration Royale du 7 Février 1768 vint confirmer tout cela. L'un de ses articles réformait en outre la Déclaration du 17 Février 1728 en décidant d'abandonner la règle du " feu vif ", les propriétés foncières étant désormais taxées au lieu où elles se situaient et nulle part ailleurs. Enfin, il était prévu que les   biens fonciers exemptés de Taille pour un motif quelconque,       seraient néanmoins recensés et recevraient une côte pour mémoire afin qu'à l'occasion d'une vente ou d'un transfert de propriété quelconque à un non privilégié, on puisse immédiatement connaître le montant de l'impôt exigible sans avoir besoin de reprendre toute la répartition paroissiale à grand renfort d'arithmétique. Tout cela était fort bien vu et allait tout à fait dans le bon sens.

Ce fut un énorme tollé  ! !

  La réaction des Parlementaires fut littéralement véhémente. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que le Pouvoir Royal tentait d'établir une base d'imposition objective et saine; sa dernière tentative remontait à cinq ans à peine, en 1763, pour essayer de mieux asseoir l'impôt du vingtième. Et en 1768, tout comme en 1763, les Parlements et les Cours des Aides réussirent à faire échec à la réforme. 

Nous n'entrerons pas dans ce débat qui dépasse très largement les limites de notre propos, mais nous dirons simplement qu'après des " Lettres de Remontrances " adressées au Roi par la Cour de BORDEAUX, celui-ci manifesta une ferme réaction par des " Lettres de Jussion " en date du 2 Septembre 1768 qui déclenchèrent une nouvelle explosion de démagogie parlementaire, etc.. 

La Cour finit par enregistrer la Déclaration... mais en la vidant totalement de sa substance. En particulier, les biens des privilégiés ne seraient pas recensés, les propriétaires extérieurs à la Paroisse continueraient d'être taxés à leur seul domicile selon la règle du " feu vif", la confection du Rôle en présence d'un représentant de l'Intendance ne constituerait plus qu'une procédure tout à fait exceptionnelle, etc ... etc ... En bref , et pour couper court, sur l'ensemble de la Généralité de GUYENNE, trois paroisses seulement sur des centaines procédèrent à l'inventaire prescrit.

Ce fut un échec total; le Roi n'insista pas.

Quelques années plus tard, TURGOT tenta de reprendre l'affaire, mais il ne fit qu'un trop bref passage au Gouvernement et fut promptement balayé. Finalement, la seule amélioration, modeste mais réelle, fut apportée par NECKER dans, la Déclaration du 13 Février 1780 qui rendit pour l'avenir le montant de la Taille fixe dans chaque paroisse, rendant ainsi plus facile sa répartition.

Au résultat de ces divers affrontements politiques, le Pouvoir Royal paraissait plus que jamais dans l'incapacité de faire aboutir les réformes dont il sentait pourtant l'impérieuse nécessité mais qui, toutes, se heurtaient à des résistances qu'il était incapable de réduire.

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Dans son ouvrage sur  L'IMPOT SUR LE REVENU AU XVIIIème SIECLE ", Marcel MARION notait en 1901:

" De toutes les institutions de l'Ancien Régime, il n'en est peut-être pas une qui n'ait été, dans les actes officiels eux-mêmes, critiquée et condamnée; puis, après en avoir signalé les vices, le gouvernement, reculant devant les résistances de l'intérêt particulier, les laissait vivre, donnant ainsi aux populations, plus attentives qu'il ne le pensait et plus aigries que jamais par le sentiment de leurs souffrances cet enseignement redoutable que des réformes étaient indispensables et que le Roi était incapable de les réaliser."

On ne saurait mieux résumer le sentiment d'impuissance qui se dégage effectivement de ces réformes avortées et le frémissement d'impatience qui se fait jour, comme nous l'avons vu, dans les couches populaires notamment rurales. L'aveuglement des classes dirigeantes et tout spécialement le comportement à la fois élitiste et démagogique des Parlementaires ont précipité l'irruption des idées qui ont fait la révolution.  

  La capitation:

La Capitation était un très vieil impôt. Elle remontait à une Ordonnance de CHARLES VII, prise en 1445. Son inspiration égalitaire lui conférait, à l'origine, un souci de parfaite équité:

  "voulons égalité estre gardée entre nos sujets ès charges et (fardeaux) qu'ils ont à supporter, sans que l'un porte ou soit contraint à porter les (fardeaux) et charges de l'autre, sans ombre de privilège et de cléricature, ni autrement. "

  L'intention était excellente, mais il restait à voir ce que l'histoire allait en faire ... Ce n'est pas ici notre propos. Nous dirons pourtant que dans ses derniers temps, la Capitation était devenue un impôt de classes. Son dernier tarif, publié le 18 Janvier 1696 prévoyait  " 22 Classes " et 569 " Rangs " entre lesquels se hiérarchisait la société française. 

Cette répartition était indépendante du partage entre les " Ordres " de la Noblesse, du Clergé et du Tiers Etat. Elle ne tenait compte que de la position sociale. On pouvait donc y rencontrer des roturiers mieux classés que certains nobles. Tout de suite, le Clergé protesta vivement et se refusa à entrer dans cette classification. Moyennant un versement global de quatre millions de Livres, il en fut dispensé.

A part le Roi et la Reine, personne n'échappait à la " Grille Sociale " . La première classe constituait un club très fermé dans lequel on ne trouvait que Monseigneur le Dauphin, le propre fils du ROI, le Duc d'ORLEANS et neuf autres proches de la famille royale, ainsi que les Ministres, les Secrétaires d'Etat et les Fermiers Généraux. Chacun cotisait pour un montant de 2000 Livres annuelles.

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A 1.500 Livres, dans la seconde classe, on trouvait les Princes et les Ducs, les Maréchaux de FRANCE, les Gouverneurs de Province, etc...  

Survolant très rapidement le reste du Tableau, nous noterons au passage que les Marquis, Comtes, Vicomtes et Barons, réunis dans la septième classe étaient taxés pour 250 Livres; mais il avait bien dû se négocier quelques accommodements en cours de route car, sur les Rôles de la Capitation de la Noblesse de l'Election de BORDEAUX, pour l'an 1777, sous le N' 71, on voit figurer :

  La Dame Veuve du Sieur Baron de BUDOS (branche aînée) 30 Livres

                                                                            (plus supplément) 8 Livres

                                                                           Ci      .......            38 Livres

Il s'agit de Dame Catherine Delphine De BRASSIER, Veuve depuis l'année précédente du Baron Michel Joseph De LAROQUE, Seigneur de BUDOS. En dépit du " supplément ", nous sommes ici bien loin des 250 Livres du Tarif de 1696.

  En vingtième classe, les Juges et Procureurs des Tribunaux Seigneuriaux payaient 3 Livres, ce qui ne les situait pas à un niveau de considération bien remarquable dans la hiérarchie sociale car ils venaient ainsi tout juste avant " les artisans des bourgs et des villages, les vignerons et laboureurs ", taxés à 2 Livres en 2lème classe.

Enfin, en 22ème classe, devant acquitter une Livre, on recensait " les soldats, cavaliers, trompettes, dragons, matelots, timbaliers, tambours et fifres, manoeuvreset journaliers, et tous les habitants des bourgs et villages cotisés à la Taille à 40 sols et au-dessous."

Cette belle image de la hiérarchie de la Société Française disparut très vite, dès 1705, du moins dans les pays de Taille personnelle ce qui, nous l'avons vu, était le cas de BUDOS. La Capitation avait alors été intégrée dans le Rôle de la Taille sous forme d'un pourcentage de majoration pour tous ceux qui y étaient soumis. 

Elle s'était par ailleurs transformée en une imposition forfaitaire pour les " non taillables " selon un Rôle spécial qui était établi au siège de l'Election de BORDEAUX. Les spécialistes estiment généralement que ces forfaits manquaient de cohérence dans leurs définitions. C'est peut-être ce qui explique la sous-taxation de la Baronne de BUDOS que nous avons évoquée.

  En tous cas, dans les dernières décades du XVIIIème siècle, la Capitation n'était plus perçue à BUDOS, pour les manants, que sous la forme d'une simple majoration du principal de leur Taille tandis que les privilégiés y restaient soumis selon leur Rôle spécifique Bordelais.

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Le vingtième:

Cet impôt direct était le plus récent dans l'arsenal fiscal de 1'Etat. Tout à la différence de la Taille, il se trouve qu'il n'a pratiquement laissé aucune trace dans l'histoire locale . Il était pourtant perçu, lui aussi , en utilisant l'inventaire des habitants figurant au Rôle. Et puisqu'il était perçu, il nous faut bien en dire quelques mots sur le plan général, simplement pour le situer et rappeler les très grands traits de son histoire, brève, mais fort complexe.

En 1709, la Guerre de Succession d'ESPAGNE tournait au désastre. Après la défaite de MALPLAQUET et la perte de MONS, il fallut bien se résoudre à ouvrir des pourparlers de paix avec les Députés des Etats Généraux de HOLLANDE. Entamés en Mars 1710, devant l'intransigeance de ces Députés, ils cessèrent presque aussitôt. 

A la vérité, les Hollandais, bien renseignés, savaient que LOUIS XIV n'avait plus un sou vaillant devant lui et qu'il ne pouvait poursuivre la guerre, d'où leur attitude et leurs exigences démesurées. Or, par une déclaration signée à MARLY le 14 Octobre 1710, l'Etat institua un impôt du " Dixième " qui serait prélevé sur la totalité des revenus perçus dans le Royaume, quelle qu'en soit l'origine. 

Les Grands, l'Eglise et les privilégiés de tous ordres firent alors un beau tapage. Il suffit de relire ce qu'en dit SAINT SIMON ... Mais contre toute attente, cet impôt rentra. Et il rentra si bien que les Coalisés ( Anglais, Hollandais, Prussiens, etc) comprirent que la FRANCE disposait encore de plus de ressources qu'ils ne l'avaient cru. 

Ceci mit un frein à leurs prétentions et permit de signer le Traité d'UTRECHT ( 11 Avril 1713 ) puis de RASTADT ( avec l'AUTRICHE, 7 Mars 1714 ) . Tout le début de l'histoire de cet impôt tient en ces quelques lignes. Après, c'est une toute autre affaire, riche en rebondissements de tous genres.

Il avait été convenu que ce prélèvement cesserait trois mois après la conclusion de la Paix. Mais la dette publique était immense. Une nouvelle Déclaration du 9 Juillet 1715, au mépris de tous les engagements pris, en prorogea l'application. Passons sur d'innombrables péripéties telles qu'exemptions, rachats, transformations, etc… pour en venir au Ministère de NACHAUT D'ARNOUVILLE qui, en mai 1749, supprima le Dixième que seuls les petits contribuables payaient encore et instaura à la place le " Vingtième " ( impôt de 5% ) auquel personne, absolument personne ne pourrait échapper. 

Autrement dit, en termes abrupts, on effaçait tout et l'on recommençait ... Et tout aussitôt reparurent les pressions de tous bords. Celles du Clergé, en premier lieu qui exigeait l'exemption pure et simple . C'est en cette occasion que les Prélats prononcèrent des paroles définitives, disant qu'ils  " obéiraient à Dieu plutôt qu'au Roi ", laissant entendre par là que Dieu leur avait défendu de payer l'impôt ... 

Mais ils ne furent pas les seuls à descendre dans l'arène. Des Provinces sollicitèrent un abonnement ( le LANGUEDOC par exemple) , des Villes aussi, etc ... Ce fut un beau remue ménage. En bref, au résultat de tout ceci, MACHAUT D'ARNOUVILLE .... fut évacué sur le Ministère de la Marine ... En Juillet 1756, on instaura un second vingtième, et en Février 1760, un troisième ....

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En fait, ces vingtièmes successifs s'appliquaient à des revenus fort imprécis, d'origine essentiellement rurale. De là naquit l'idée de constituer un cadastre ( Avril 1763 ) auquel rien n'échapperait, pas même les biens de la Couronne et pas davantage ceux des Princes du Sang , de 1'Eglise , des Nobles et des privilégiés. 

Ce fut le début d'une partie de bras de fer entre le Gouvernement et les Parlements, en particulier celui de BORDEAUX. L'affrontement dura des mois et des mois. Finalement, c'est bien l'Etat qui dût lâcher du lest. Et le Parlement de BORDEAUX, triomphant, fit défense aux Contrôleurs de modifier quoi que ce soit aux Rôles existants sous peine d'être poursuivis pour concussion !

Cinq ans plus tard, en 1768, nous l'avons vu, les Parlementaires s'opposeront encore à toute réforme de la Taille. Cette attitude démagogique, précipitant les désordres financiers conduira tout droit à la nécessité de convoquer les Etats Généraux.

En 1789, on percevait encore les vingtièmes sur des bases dépourvues de toute crédibilité mais évidemment favorables à ceux qui les avaient définies et rendues invérifiables.

 

La corvée royale et les voies de communication:

Principe de l'imposition.

Encore un impôt typiquement rural ...

En principe, la Corvée Royale pouvait s'appliquer à toutes sortes de travaux d'intérêt général : entretien de cours d'eau, constructions de digues, creusement de canaux ou de ports, etc.. Mais il se trouve qu'à BUDOS et dans la région immédiate, seuls, les routes et les chemins ont bénéficié de sa mise en oeuvre.

A telle enseigne que dans l'esprit des Budossais, en cette fin du XVIIIème siècle, il y avait identité à peu près parfaite entre les prestations de la Corvée Royale et l'entretien des chemins. C'est donc en partant de là que nous allons tenter de faire le point à la fois, sur cet impôt en nature, et sur l'état des voies de communication.

C'est le Contrôleur Général ORRY qui, à partir de 1738, généralisa l'application de la Corvée à l'entretien des Grands Chemins.

Par une Ordonnance de 1757, l'Intendant TOURNY avait défini la consistance de la prestation, et il avait eu la main lourde. Tout homme assujetti à la Taille, résidant dans les paroisses situées à moins de deux lieues ( environ 8 Km ) des ateliers de construction ou de réparation des chaussées devait fournir 12 journées de travail par an au service de la Corvée.

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 Tous les taillables sans exception y étaient soumis, même les plus riches. C'était réellement très lourd. Douze jours de travail gratuit pour un pauvre journalier qui avait bien du mal à survivre constituaient une charge considérable. La désobéissance et la passivité se manifestèrent sans tarder. D'autres, pour qui ces 12 journées auraient été plus supportables, s'alignèrent sur la réaction des plus défavorisés. 

Le désordre fut général et l'Intendant ESMANGART, par la suite, ne put que constater l'échec de cette imposition. Ajoutons que ceux qui fournissaient un attelage voyaient leur prestation réduite de moitié. Mais notons aussi qu'après l'épizootie de 1774 déjà évoquée par ailleurs, les attelages étaient devenus très rares et que cela n'arrangeait guère les chantiers d'entretien. 

Par une Déclaration du 11 Août 1776, on refondit tout le système. La durée du service devenait proportionnelle à l'imposition à la Taille et l'on prévoyait de surcroît la possibilité d'un rachat en argent pour les paroisses qui préféreraient payer plutôt que de fournir le service de main d'oeuvre. Par une ordonnance du 16 Novembre 1776, l'Intendant DUPRE de SAINT MAUR s'efforça de répartir les travaux de voirie entre les paroisses en fonction de leurs capacités réelles. 

C'était un progrès considérable dans le sens de l'équité. Mais il se trouva que la mesure lésait les plus gros contribuables tandis qu'elle soulageait les plus petits. Les premiers se firent entendre, pas les seconds. Les Parlementaires, évidemment, s'en mêlèrent. Dans un Arrêt du 20 Mars 1778, la Cour des Aides prohiba la perception de toute taxe en compensation du rachat des corvées. 

Cet Arrêt fut cassé par un Arrêt du Conseil du Roi. Il s'en suivit une énorme confusion qui dura longtemps. Au cours d'une absence de l'Intendant, le Parlement s'empara de l'affaire et en fit un habile montage en vue de desservir DUPRE de SAINT MAUR, et le Gouvernement finit par céder en désavouant son Intendant ...

Dans ce climat passionnel d'intrigues et de résistance passive, chacun tentait de se défiler devant la Corvée. L'exemple de SAUTERNES, dont les statistiques nous ont été conservées est tout à fait significatif. On y dénombrait 39 bouviers et 200 journaliers inscrits au Rôle de la Corvée Royale. Or, l'Administration ne recensait au travail sur ses chantiers que 13 paires de boeufs et 58 journaliers. Où  donc étaient les autres?

Et pourtant, tout le monde se plaignait de l'état des routes et des chemins; ce à quoi l'Intendance répondait, avec une belle constance, qu'elle était parfaitement à même de les améliorer pour peu que les assujettis voulussent bien se présenter au Service de la Corvée... 

Et de fait, il est exact qu'elle avait ouvert des chantiers où l'on cassait la pierre et stockait la grave nécessaire, à LANGON par exemple, où se trouvait un " atelier " important destiné à l'entretien des Grands Chemins Royaux vers BORDEAUX et BAZAS. Mais c'est bien là que le bât blessait. 

Les villageois n'auraient peut-être pas tellement rechigné au travail s'il avait pu s'effectuer chez eux. Ce qu'ils ne voulaient pas, C'était sortir de leur paroisse. Ils entretenaient même assez volontiers leurs propres chemins, mais partir de BUDOS pour se rendre à l'atelier de LANGON et, de là, aller empierrer le Chemin Royal à PREIGNAC ou BARSAC, c'était trop leur demander.

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 Ils étaient d'autant plus réticents qu'ils avaient bien conscience que l'on n'utilisait pas à fond les ressources de la main d'oeuvre locale. Tout au long de la rive gauche de la GARONNE, il y avait beaucoup de châteaux et de Résidences Bourgeoises où habitaient nombre de privilégiés, il y en avait en tous cas beaucoup plus qu'à BUDOS. 

Or, ces privilégiés voyaient d'un très mauvais oeil leur personnel quitter les travaux de leurs exploitations pour s'en aller à la Corvée; et ils n'avaient de cesse, sous un prétexte ou sous un autre , que de les en faire exempter. 

Si bien qu'en fait, on voyait les villageois des paroisses moins " protégées "  telles que LANDIRAS, BUDOS, LEOGEATS et autres venir apporter le concours de leurs bras à l'entretien du Grand Chemin Royal alors qu'il y aurait eu sur place des moyens disponibles qui auraient pu presque y suffire. 

Cette situation était mal vécue; elle l'était d'autant plus mal qu'en 1769, pressée par la nécessité, et pour faire face aux innombrables défections, l'Administration s'était vue contrainte de rétablir le service à 12 jours par an comme au temps de TOURNY.  

Résistances locales aux prestations de la corvée royale.

La situation était telle que l'on allait parfois jusqu'à l'épreuve de force. En 1782, les Budossais décidèrent d'eux-mêmes de consacrer leur Service de Corvée à l'amélioration de leurs propres chemins en direction de LANGON et qu'ils ne sortiraient pratiquement pas de leur Paroisse. C'est ce qu'ils firent. 

Mais l'Administration ne voulut rien entendre et se borna à constater qu'ils ne s'étaient pas présentés à l'atelier de LANGON. En conséquence, faute d'avoir fourni le travail qui leur avait été prescrit, il leur faudrait verser le montant du rachat de leur Corvée selon le Rôle établi d'office à BORDEAUX. C'est ce qui leur fut signifié par une Ordonnance de l'Intendant du 23 Août 1783. Le texte précisait qu'ils seraient contraints à ce paiement :

" par toutes voies dues et raisonnables, même par corps ... "

Les Budossais ne répondirent pas et attendirent.

Le 16 Octobre 1783, Pierre MERCADE, Huissier de l'Administration Fiscale fit le voyage de BORDEAUX à BUDOS pour venir sommer Arnaud BATAILLEY, Collecteur désigné pour l'année, de venir retirer ce Rôle à BORDEAUX. Il eût peut-être été plus simple qu'il le lui apportât dans le même voyage, mais les règles administratives étaient telles, il fallait qu'il se rende à BORDEAUX pour aller le chercher et le mettre en recouvrement.

Cet Huissier se présenta donc chez les BATAILLEY, au quartier des MAROTS, et demanda à voir Arnaud. Et là, s'engagea une partie de bras de fer qui allait durer bien des mois. Arnaud BATAILLEY prétendait que le service de Corvée avait déjà été fourni tandis que le représentant de l'Administration prétendait le contraire et réclamait son argent… C'est ainsi que Pierre MERCADE dressa son Procès Verbal sur place:

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" Ce jourd'huy seize Octobre Mil Sept Cent Quatre Vingt Trois, à la requête de Monsieur DUCHESNE De BEAUMANOIR, Subdélégué au Département de BORDEAUX, (qui m'a) remis un Ordre de Monseigneur l'Intendant contre les Collecteurs et Redevables de la Paroisse de BUDOS ... chargés de faire le recouvrement du Rôle de Rachat de Corvée de l'année Mil Sept Cent Quatre Vingt Deux, Nous, Pierre MERCADE Aîné, Huissier aux Tailles de la Section de BORDEAUX, demeurant à BORDEAUX, rue DEGAND, Paroisse SAINTE EULALIE, me (suis) transporté chez le nommé Arnaud BATAILLEY, Collecteur pour le Rôle de la Paroisse de BUDOS, en conséquence des ordres (qui m'ont été) donnés par mondit Sieur DUCHESNE De BEAUMANOIR ... (et) je somme ledit Arnaud BATAILLEY, Collecteur de ladite Paroisse de BUDOS, de partir le plus tôt possible pour BORDEAUX, pour aller (y) chercher le Rôle de Corvée (afin) d'en (assurer) le recouvrement. Il (m'a) répondu qu'il ne savait pas ce que je voulais lui dire (en) lui (parlant) de Rôle de Corvée, attendu qu'il (a) fait l'ouvrage sur le Chemin de LANGON pour Quatre Vingt Deux et Quatre Vingt Trois et que, de plus, il ne voulait pas se faire mal (voir) de tous les paroissiens qui lui (défendent) étroitement de prendre (ce Rôle). J'ai eu beau lui faire apercevoir que lui seul en serait la victime, qu'on le forcerait à le prendre pour son compte, il (n'a) répondu qu'il ne craignait rien, qu'il avait de bonnes protections (et) que je pouvais faire ce que je voudrais. (Sur) ces discours je lui ai déclaré que j'allais dresser un Procès Verbal contre lui pour être présenté à Monseigneur l'Intendant pour ordonner ce qu'il avisera...."

Cette affaire là n'était rien d'autre qu'un coup monté. En effet, l'année précédente, en 1781, les Budossais ne s'étaient pas présentés à la Corvée. Ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls dans ce cas car, à LEOGEATS, on avait fait de même. L'Administration les avaient imposés d'office selon un Rôle établi par ses soins à BORDEAUX le 13 Avril 1782 pour un montant de 435 Livres, majoré de frais divers représentant 28 Livres 18 sols 3 deniers. 

Il leur avait donc fallu débourser 463 Livres et quelques menues monnaies réparties entre 252 Cotisants. Cette répartition s'était faite au prorata des impositions au Rôle de la Taille. Les plus forts imposés avaient été LATAPIE, Bourgeois de BUDOS, pour 10 Livres 18 sols, Bernard SOUBES et sa Mère, pour 11 Livres et 14 sols, Pierre BEDOURET pour 9 Livres et 17 sols, Joseph Vincent COUTURES pour 8 Livres 3 sols, treize autres familles entre 5 et 7 Livres, etc.. 

Les plus modestes n'avaient eu à fournir que quelques sols et même, Laurent CAPDEVILLE, un seul sol ... Mais à l'occasion de cette expérience, les Budossais avaient au moins appris deux choses : la première était que l'Administration ne renoncerait pas à ses droits, et la seconde qu'ils s'étaient mis en tort en ne fournissant aucune participation. 

Ils en avaient donc tiré la leçon, et c'est ainsi qu'ils avaient décidé l'année suivante, en 1782, d'ouvrir leur propre chantier sur le Chemin de LANGON ce qui avait à leurs yeux le double avantage d'améliorer un itinéraire qui leur était utile et de ne pas trop les éloigner de leur Paroisse. Ils s'étaient concertés avec leurs voisins de LEOGEATS qui avaient fait très exactement de même.

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 On sent bien là une sorte de vent de fronde… Mais ils étaient bien loin d'être les seuls à s'être engagés dans cette voie. Les paroissiens d'AMBARES , ceux de SAUCATS, ceux de BAUGES en MEDOC, la même année 1782 avaient adopté la même attitude. 

L'Inspecteur des Ponts et Chaussées de la Subdivision de BORDEAUX rendait compte à l'Intendant de l'attitude de ces Médocains, expliquant que lorsqu'on leur assigne une corvée d'entretien sur le Chemin Royal de BORDEAUX à LESPARRE, ils répondent qu'ils ont réparé les Chemins de leur Paroisse ou du voisinage et qu'ils ont ainsi satisfait à leurs obligations :

" . . . jamais un tel motif dont la faiblesse est palpable n'a été admis, et l'on sent bien que s'il (l'avait) été, il n'y aurait pas une toise de Chemin Royal de construite dans toute la FRANCE; en effet quel est, dans tout le Royaume la Communauté qui, pour sa commodité et son agrément personnel n'eût mieux aimé s'occuper au rétablissement de ses chemins particuliers que d'abandonner ses foyers pour aller construire au loin des communications publiques ...."

C'était exactement le problème de BUDOS et de LEOGEATS. Aussi bien , Pierre MARCADE n'avait-i1pas fait le voyage de BUDOS pour rien car, dans la même foulée, il avait eu à faire la tournée de plusieurs paroisses, dont LEOGEATS, et très exactement pour le même motif. Son Procès-Verbal dressé à LEOGEATS est, mot pour mot, le même qu'à BUDOS.

Nous n'avons pu retrouver l'issue de cet affrontement, mais les archives nous ont tout de même conservé le brouillon de l'Ordonnance qu'a dû prendre l'Intendant à l'endroit de ces récalcitrants. Le rédacteur avait préparé son texte en laissant des blancs afin qu'il puisse servir aussi bien pour BUDOS que pour LEOGEATS ( ce qu'il précise d'ailleurs en marge ). Après avoir repris les termes des Procès Verbaux dressés par MERCADE, on proposait à Monseigneur DUPRE De SAINT MAUR d'ajouter:

" Nous, Intendant susdit, avons ordonné, et, par les présentes, ordonnons, que dans trois jours pour tout délai, à compter de celui de la signification qui sera faite de Notre Ordonnance, le nommé... (un blanc)Collecteur Porte Rôle de la présent année pour la paroisse de... (un blanc)... se rendra à BORDEAUX pour prendre le Rôle de la Corvée dont il s'agit et en faire le recouvrement; faute de quoi, et ledit délai passé sans que ledit...(un blanc)... ait satisfait à notre ordre... il sera personnellement tenu à faire l'avance de la somme qui doit faire l'objet dudit Rôle et au paiement de laquelle il sera contraint par les voies ordinaires, même par corps, sauf à lui à se pourvoir ensuite pour son remboursement (auprès) de qui il appartiendra."

Ce brouillon est daté du 15 Décembre 1783. Nous ne connaîtrons donc pas le dénouement de cette fronde; mais il ne semble pas toutefois qu'Arnaud BATAILLEY ait passé la Noë1 1783 sur la paille humide des cachots de la Prison Royale de BARSAC où aurait pu le conduire la contrainte par corps. Il est donc probable que ce Rôle a fini par être mis en recouvrement tout comme celui de l'année précédente, mais rien ne permet de le dire avec certitude.

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Cet épisode est tout à fait significatif, ici encore, d'une très nette évolution des mentalités. Les paysans Budossais, en ces dernières années de l'Ancien Régime, n'hésitaient plus à sortir de leur résignation passive pour affronter l'Administration Royale. 

Il est vrai que l'exemple venait de haut , et même de très haut. Le Parlement de BORDEAUX, par pur esprit de démagogie, avait pris violemment parti contre le service de la Corvée et tout autant contre sa compensation financière en cas d'inexécution des prestations par les paroisses. 

Outre le fait déjà signalé que les Parlementaires n'aimaient pas beaucoup voir distraire leurs paysans de leurs travaux agricoles, ils avaient vu dans cette opposition une excellente occasion de contrer l'action des Intendants successifs dont ils ont toujours cherché, systématiquement, à contrecarrer les initiatives. Il y a toujours eu une lutte d'influence, tantôt insidieuse et tantôt féroce entre ces deux pouvoirs provinciaux. 

Sachant très bien de quel appui populaire il pouvait bénéficier en dénonçant le poids de la Corvée, le Parlement s'est largement complu, au fil du temps, dans ces attitudes radicalement démagogiques. Elles lui avaient valu une très large popularité dans les milieux citadins et ruraux les plus modestes, et il en usait, à l'occasion, avec beaucoup d'habileté.  

Les conséquences pratiques

 des conflits relatifs

 à la corvée royale.

  Ce conflit aigu sur la Corvée Royale avait fini par désorganiser complètement l'entretien des routes et chemins, constituant ainsi un frein de plus en plus intolérable aux échanges économiques. A la fin de la période, en 1792, BREMONTIER pouvait écrire:

" Il n'y a pas une seule route en bon état et sur laquelle il ne se trouve de réparations très importantes et urgentes à faire."

  Il faut cependant bien préciser que la situation n'était pas partout la même sur l'ensemble du Royaume. La relation des voyages de GUIBERT en 1775 rapporte qu'entre ANGOULEME et BORDEAUX, à quelques pas près, on pouvait tout de suite reconnaître la différence d'entretien du Grand Chemin Royal lorsqu'on pénétrait sur le territoire de la Généralité de BORDEAUX ... Il faut croire que tous les Parlements n'étaient pas également combatifs, ou que certains d'entre eux avaient choisi d'autres sujets d'affrontements ...

Et pourtant, vaille que vaille, le réseau des routes principales restait à peu près accessible en toutes saisons. Il en allait tout autrement du réseau secondaire, surtout dans les zones où le terrain naturel était limoneux ou instable. La circulation y était difficile en été et impraticable pendant la majeure partie de l'hiver. Cette situation désastreuse avait plusieurs conséquences immédiates. 

Tout d'abord celle de limiter les charges transportées sur chaque charrette, et par conséquent, de multiplier le nombre des charrois. Celle aussi d'épuiser prématurément les animaux de trait, et tout spécialement les bœufs qui ne faisaient guère de longues carrières, alors que leur valeur était considérable.

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Une conséquence, plus indirecte, en découlait également avec la multiplication des Foires et des Marchés. A défaut de facilités de déplacements à longue distance, les grandes Foires régionales, telle celle de SAINT CLAIR à SAINT LEGER, aux premiers jours de Juin, périclitaient au profit du développement de petites Foires plus locales, plus proches et plus fréquentes, telles celles d'UZESTE ou de VILLANDRAUT par exemple. 

En définitive, tous ces va et vient faisaient perdre beaucoup de temps à tout le monde. Nombreux sont ceux qui s'en plaignaient: nos paysans qui font un commerce étonnant de charrois abandonnent leurs travaux ruinent leur bétail, font perdre les engrais..." écrit Mr. De MARBOTIN à LANGON. Le Curé de SENDETS lui fait écho:

"... la grande quantité de Foires détournent les habitants de la culture de leurs terres en mauvais état..."

et il propose, rien de moins, d'en supprimer la moitié. Le Curé d'UZESTE n'est pas en reste, disant que les transports rendent les paysans :

" ... tellement indolents qu'un homme actif ferait aisément le travail de quatre dans la journée..."

Ce dernier propos est probablement un peu pessimiste, mais il ne faut pas nier pour autant le problème de fond. Quand la Ville de BAZAS se plaint de la multiplication des Foires à VILLANDRAUT, cette Paroisse répond en faisant valoir que les chemins sont impraticables et que le pont sur le CIRON, emporté par une crue depuis des années n'a pas été rétabli. Ces arguments sont indiscutables. 

Mais il y a une autre motivation, sous jacente, à la popularité de ces Foires et Marchés, une motivation difficilement avouable, c'est que l'argent gagné en ces rencontres dans le négoce du vin, des grains ou des animaux échappait totalement à la Dîme et beaucoup plus facilement aux Impôts Royaux que n'importe quel revenu de la terre. Aussi les Foires et Marchés étaient-ils très suivis et très prisés des paysans, ils avaient leurs raisons ...

A la veille de la Révolution, les choses en étaient venues à un point tel que les intéressés eux-mêmes finissaient par regretter que l'Administration ne se soit pas montrée plus ferme à leur endroit !... Les Cahiers de Doléances se sont montrés unanimes sur la nécessité de restaurer les chemins et certains, même ont proposé:

"aux dépens de qui il appartiendra, même par Corvée..."

Cette Corvée si impopulaire finissait par être admise, sous la pression de la nécessité, pour peu qu'elle fût plus équitablement répartie et qu'elle n'éloignât pas trop les intéressés de leur domicile car, sur ce point, l'exigence persiste avec beaucoup de fermeté.

 

L'état des routes et chemins locaux:

Mais au fait, ces chemins, quels étaient-ils ? et dans quel état ? pour autant du moins que nous le sachions ....  

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A " grande distance " ( pour l'époque ...), la voie de communication qui concernait le plus BUDOS, était la route de BORDEAUX. Pour les transports de marchandises, la voie la plus pratiquée était celle du Port de BARSAC. Les bois y étaient acheminés par flottage sur le CIRON, et les vins par charrois routiers via PUJOLS. 

La seconde partie du parcours était assurée par la voie fluviale qui était alors la plus rapide et, en tous cas, la plus sûre. Pour le déplacement des personnes, un itinéraire direct pouvait s'établir, à la belle saison, par LANDIRAS et SAINT MICHEL de RIEUFRET, et de là par le très ancien " Camin Bourdelès " ( Chemin Bordelais ) mais il ne semble pas qu'il ait été très prisé, peut-être parce qu'il n'était pas aisément praticable en tous temps. Le plus commun passait par LANDIRAS et PODENSAC, encore n'était-il pas des meilleurs, nous le verrons tout à l'heure, dans son parcours d'approche.

De PODENSAC à LABREDE, François de Paule LATAPIE, Inspecteur des Manufactures en tournée, trouvait en 1782 un :

" grand chemin, bien tenu, à travers les vignes et les bois..."

et de LABREDE à BORDEAUX une

" belle route, à travers les vignes et les forêts..."

Là, donc, tout allait bien. De PODENSAC à BORDEAUX, il comptait 6 Lieues ½ en définissant la Lieue comme:

"l'espace que parcourt un cheval au petit trot en une heure de temps."

On pouvait donc créditer ce trajet de 6 heures et demie de route et, en extrapolant, 9 à 10 heures pour le parcours total de BUDOS à BORDEAUX. Encore fallait-il probablement y ajouter quelques délais de repos intermédiaire, à moins qu'ils ne fussent compris dans le décompte de François LATAPIE, ce qui n'est pas précisé. Toutefois, il n'est pas douteux qu'en cas d'urgence, on devait pouvoir se rendre à BORDEAUX, tout au moins de jour dans un délai nettement plus bref.

Dans l'autre sens, de PREIGNAC à LANGON, la route était:

" très belle, bordée de belles maisons de campagne ayant pour perspective cette riche suite de coteaux qui bordent la rive droite de la GARONNE..."

La vision est quasiment idyllique et contraste fortement avec la suite de l'itinéraire en direction de BAZAS, où, dès la sortie de LANGON le chemin, très mauvais, est coupé de fondrières en 'inscrivant dans un cadre :

 " de bois, de bruyères et de landes."

Revenant à BUDOS, nous signalerons tout d'abord un chemin important qui n'a pas bougé de place depuis l'époque, c'est l'actuel CD 11 de BALIZAC à LANDIRAS. C'était l'itinéraire privilégié des charrois venant de SAINT LEGER, SAINT SYMPHORIEN et au-delà en direction du Port de PODENSAC. 

Les Budossais estimaient n'avoir aucun intérêt à entretenir ce chemin qu'ils n'utilisaient pas, du moins sur sa partie traversant leur Paroisse, entre BALIZAC et LANDIRAS. Leur communication avec BALIZAC s'établissait en effet, à l'époque, tout droit à travers la lande, en partant de MEDOUC, par le chemin du POUY. La route actuelle via COURNAOU date du milieu du XIXème siècle. Ce grand chemin de BALIZAC à PODENSAC franchissait le TURSAN au Gué du KA ( du Gascon " KA "= charrette à quatre roues ) en un passage réputé difici1e.

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 Au delà de LANDIRAS, en direction d'ILLATS, il devenait franchement mauvais, sinon détestable. A tel point que les habitants de LANDIRAS finirent par estimer que cette situation était devenue insupportable. Le 23 août 1767, ils se réunirent en Assemblée Capitulaire dans le cimetière, autour de l'Eglise à la sortie de la Messe. Tout le monde était là, y compris le Curé et les privilégiés et l'on y constata que :

" entre autres chemins, ceux qui conduisent du Bourg de LANDIRAS, à ILLATS et PODENSAC ... sont devenus impraticables ... dans lesquels néanmoins sont obligés de passer les voitures allant de BUDOS à PODENSAC, celles allant de BALIZAC aussi au même Port, de même que celles de plusieurs autres paroisses; ils requièrent ... de demander à Monseigneur l'Intendant la réparation et l'élargissement des susdits chemins et la contribution par Corvée desdites Paroisses de BUDOS et BALIZAC comme étant celles les plus à portée et proximité..."  

Ils ont un peu raison car l'itinéraire de BUDOS au Port de PODENSAC, et au-delà, vers BORDEAUX, s'établissait bien, effectivement par ce chemin. On le rejoignait par une route partant de FONBANNE en direction du SOUBA et franchissant le TURSAN à gué au PAS de PERROT; route par conséquent assez sensiblement différente du cheminement actuel. 

Mais les Budossais pratiquaient relativement peu de charrois sur le Port de PODENSAC, leur Port était celui de BARSAC. L'itinéraire vers BORDEAUX via LANDIRAS et PODENSAC ne concernait guère que les cavaliers et les piétons que l'on ne pouvait taxer de détériorer le chemin. Ils se sentaient donc beaucoup plus concernés par leurs propres routes, en particulier celles de BARSAC, de LANGON et de VILLANDRAUT.

Celle de LANGON, depuis FONBANNE filait droit sur BOMMES par le Pont d'AULAN. Ce pont était fait de poutres de pin et de planches de chêne, mais il n'était accessible qu'aux piétons, aux cavaliers et aux animaux de bât; les charrettes en étaient exclues et devaient passer à gué. Ce pont avait été construit, et toujours entretenu au fil du temps par la famille du Baron de BUDOS afin de drainer vers son Moulin de FONBANNE les pratiques de BOMMES et de SAUTERNES.

Le chemin de VILLANDRAUT avait un tracé très différent de la route actuelle. Descendant par la TERCE, il rejoignait le quartier de FINORE où il retrouvait le chemin de FONBANNE au LANDON et de là, sur l'autre rive du CIRON, filait sur LEOGEATS et NOAILLAN. Le tracé actuel n'avait pour vocation que de desservir les quartiers des PARAGES, des MOULIES et JAMART. 

Il se prolongeait néanmoins jusqu'à LAULAN et PRAT. Au-delà, le tracé parfaitement rectiligne que nous lui connaissons aujourd'hui jusqu'à la HURE est une réalisation artificielle du Second Empire. Pour accéder à VILLANDRAUT, il fallait donc, à l'époque, traverser deux fois le CIRON.  

Sous la seule réserve du chemin de BALIZAC qui traversait une zone humide et passablement instable, BUDOS avait eu la chance de pouvoir établir ses voies de communications locales sur des terrains à peu près sains. Ses chemins du moins pour l'époque, pouvaient passer pour à peu près convenables et étaient reconnus comme tels.

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 Lorsque le 4 mai 1784, le Curé DORAT et ses Paroissiens se réunirent dans l'Eglise en Assemblée " contradictoire " pour discuter de la nécessité de remettre en place un Vicaire, la question de l'état des chemins vint à être soulevée, et le Procès Verbal de séance enregistra que:  

" les chemins ne sont pas généralement mauvais dans la Paroisse et ne peuvent pas, par conséquent empêcher les habitants qui sont les plus éloignés de se rendre à l'heure marquée à la Messe paroissiale. "

Aucune contradiction ne s'éleva. On pourrait certes faire observer qu'il s'agit ici, essentiellement, de déplacements de piétons et qu'un chemin peut fort bien livrer passage à un homme, voire à un cavalier, tout en se révélant peu propice aux charrois. Mais l'ambiance générale de cette Assemblée est si tendue et les arguments si serrés que des voix n'auraient pas manqué de s'é1ever si tel ou tel itinéraire local avait par exemple été coupé de fondrières. 

Et si le chemin de BALIZAC, dont nous savons par ailleurs qu'il était assez mauvais au-delà du quartier de MEDOUC , n'est pas ici évoqué, c'est tout simplement parce qu'il ne desservait aucun Paroissien et ne pouvait donc servir d'argument dans le débat. Il semble donc que, par privilège de la nature, et à la différence de bien des Paroisses avoisinantes, BUDOS disposait de chemins à peu près acceptables.

Reste que, dans son ensemble, le problème des communications est resté sans solution d'ensemble en Bordelais jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.

 

La milice:

Le Service armé pesait essentiellement sur les campagnes. Sous des prétextes divers, au fil du temps, les villes avaient presque toutes réussi à s'en faire exempter.

Le recrutement de la Milice n'était pas régulier. En temps de paix, il semble bien avoir été très faible, en temps de guerre, tout au contraire, il se faisait plus pressant. La désignation des soldats se faisait par tirage au sort. On pouvait y échapper en quittant sa campagne pour aller vivre en ville ou ... en se mariant, car les hommes mariés étaient dispensés du Service. 

Aussi, les levées de la Milice suscitaient elles souvent des vocations au mariage. Personne dans le Village n'en était dupe. Souvenons-nous du Curé DORAT qui, en Mars 1767, se refusa à marier Jean MAIGNA parce qu'il ne l'avait jamais vu au catéchisme, qu'il n'assistait pas aux offices et que, tout à coup :

" depuis l'année dernière que les Ordres de la Mlice étant arrivés dans ladite Paroisse et que voulant l'éviter par le mariage, il s'est présenté par intervalle à l'Eglise..."  

D'une façon générale, les paysans détestaient les soldats dont ils avaient tout à craindre, mais ils détestaient plus encore devenir soldats eux-mêmes. 

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 Ceux que le sort avait désignés, S'ils en avaient les moyens, pouvaient se faire remplacer par un tiers. Il n'en coûtait guère plus de 70 à 80 Livres, ce qui n'était pas très cher payé. Encore faut-il bien dire q u'on ne les versait au remplaçant, bien souvent, qu'en plusieurs échéances et pas toujours avec fidélité. Jean PUDAL, de NOAILLAN en avait fait l'expérience :

"Etienne PUDAL, dit COUCATS . . . ayant subi le sort pour la milice… fut du nombre des miliciens, et, le courage lui manquant pour s'en aller présenter au Bataillon et passer sous le Drapeau, il fit prix avec (Jean PUDAL) ici comparant qui se soumit pour aller servir pour le temps prescrit par les Ordres du Roi pour la somme de soixante douze Livres... sur lesquelles il lui paya (en acompte) celle de trente trois Livres et lui promit (de) lui payer le restant le jour de la TOUSSAINT (de) l'an prochain..."

Belle promesse en vérité, mais voilà sept ou huit ans (il ne se souvient plus ... ) que le pauvre soldat remplaçant n'a plus reçu un sol, d'où son mécontentement et la sommation qu'il adresse à son débiteur en vue de récupérer son dû.  

Il ne semble pas qu'il y ait jamais eu à BUDOS de recrutements massifs de miliciens; en tous cas, pas à la mesure de la frayeur que suscitaient les tirages au sort.

On ne trouve presque pas de traces des soldats Budossais. Et pourtant, il y en eût. L'un des rares documents qui nous soient parvenus à ce sujet est l'attestation de Bertrand DUBOURDIEU délivrée le 23 Avril 1762 et que nous avons déjà évoquée dans le Chapitre sur la Démographie. Ce DUBOURDIEU:  

" dit qu'il a connu Pierre LACOSTE dit CADICHE et Etienne SOUBES, l'un et l'autre natifs de la... Paroisse de BUDOS et que, l'année 1758, ils étaient soldats... de la ... Compagnie de Mr. De La MOTHE..."

Cela se passait à COLOGNE alors qu'ils allaient rejoindre l'armée en WESTPHALIE. Et DUBOURDIEU atteste que Pierre LACOSTE est mort à l'Hôpital de COLOGNE. Il y en a certainement eu d'autres, mais il est curieux que l'on n'en retrouve aucun, notamment dans les Registres Paroissiaux où leur qualité d'ancien soldat aurait dû ressortir à l'occasion d'un mariage, d'un parrainage ou d'un décès. Or, il n'en est rien.

La faiblesse relative de ces recrutements trouve au demeurant une confirmation dans une remarque de l'Administration:

" il faut souvent cinq ou six paroisses pour faire un homme...."

ce qui s'accorde mal avec l'insistance que mettent les Cahiers de Doléances de 1789 à dénoncer la pression exercée sur les campagnes par le service de la Milice. L'un d'entre eux propose même une solution radicale en suggérant de recruter les soldats:

" parmis les fainéants et les oisifs qui infestent les grandes villes au lieu de les prendre dans la classe des laboureurs ......"

Il n'est donc pas facile de faire un point exact de l'impact de cette contrainte sur la vie paroissiale.  

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Il faudrait entreprendre des recherches spécifiques sur le sujet pour y voir un peu plus clair; encore faudrait-il découvrir des documents explicites qui, jusqu'ici, nous ont fait défaut. Taille et Capitation, Vingtième, Corvée, Milice, nous venons de faire un tour rapide des Impôts Royaux directs tels qu'ils étaient perçus ou levés à BUDOS; il nous reste maintenant à examiner les Impôts Ecclésiastiques dont la charge était, à coup sûr, tout à fait considérable.

 

La fiscalité Ecclésiastique:

  Il existait deux Impôts Ecclésiastiques la Dîme et les Quartières. Seule, la Dîme concernait les paysans car les Quartières étaient une sorte d'impôt au second degré que le Curé payait à son Archevêque sur le montant des Dîmes qu'il percevait.

 

La dîme:

Principes généraux.

Le Curé ne recevait aucun traitement de quiconque. Il devait assurer sa propre subsistance et les frais généraux de son ministère avec le montant de la Dîme qu'il percevait sur les revenus de ses paroissiens.

Ces frais généraux étaient, à l'origine, à peu près illimités. Il fallait y comprendre la subsistance et la rémunération du Vicaire ( lorsqu'il y en avait un, comme c'était le cas à BUDOS, du moins jusqu'en 1776 ), l'entretien des bâtiments de l'Eglise et du Presbytère , de leur mobilier, des fournitures nécessaires au culte ( luminaire, etc…) et l'assistance aux pauvres. 

Au fil du temps, ces obligations avaient évolué. En particulier, l'entretien des bâtiments avait été confié à une " Fabrique " gérée par des laïcs qui s'efforçaient de recueillir les fonds nécessaires en monnayant certaines prestations ( sonnerie des cloches par exemple) et en recevant divers dons et legs testamentaires. De même l'assistance aux pauvres avait-elle, au moins en partie, été prise en charge par des Confréries également animées par des laïcs, mais toujours sous contrôle ecclésiastique. 

Par contre la charge du Vicaire était restée du domaine exclusif du Curé. A BUDOS, son traitement était fixé à 400 Livres par an et le coût de son entretien ( nourriture, couchage, etc...) évalué à 100 Livres. Peu attentif à l'évolution du prix de la vie, le Curé DORAT n'avait jamais révisé ce traitement. Selon les documents dont nous disposons, il était déjà de 400 Livres en 1715 et n'avait pas augmenté d'un sol en 1776 lors du départ de l'Abbé PERIE dernier Vicaire en titre.

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La Dîme était un impôt en nature, et exclusivement en nature, que le Curé prélevait, selon un taux fixe, sur les récoltes de la Paroisse.

Tous les revenus agricoles y étaient soumis, aussi bien ceux issus des biens nobles que ceux provenant des biens roturiers. Elle était perçue :

" quelque part que le grain soit semé, quand ce serait sur le toit d'une maison..."

A cette règle très générale, il y avait peu d'exceptions. Signalons toutefois :

- la production du bois, quelle que soit sa destination (chauffage ou construction ) par contre les résines y étaient soumises;

- les fourrages issus des prairies naturelles;

- les f r u i t s et légumes issus des petits jardins domestiques " clos de haies ou de fossés " mais avec des limitations de surface que la Jurisprudence du Parlement de BORDEAUX avait fixée à un demi journal ( environ 1600 m2 ) pour une famille vivant sur un bien dont les labours exigeaient une paire de boeufs, et un journal ( environ 3.200 m2 si les labours en exigeaient deux paires.

- les productions que le Curé lui-même estimait trop modestes pour s'y intéresser; cela a par exemple été le cas du miel à BUDOS dont la récolte était si faible que le Curé avait fini par en abandonner la Dîme.

Nous noterons que cette Dîme portait sur les revenus agricoles mais que les activités artisanales, les charrois, le commerce y échappaient, ce qui peut éventuellement expliquer, au moins en partie et comme nous l'avons déjà indiqué, le vif intérêt des paysans pour certaines de ces occupations, en particulier les Foires, les Marchés et les charrois.

On distinguait les " Grosses Dîmes " portant essentiellement à BUDOS sur le froment, le seigle et le vin, et d'autre part les Menues Dîmes également appelées Dîmes Vertes recueillies sur les productions secondaires telles que le millet, le mais, le chanvre et les fruits des vergers. A ces dernières on assimilait les " Dîmes de charnage " sur les agneaux, porcs, volailles et la laine des moutons qui y était rattachée.

Le taux de prélèvement général en GUYENNE était de 1/13ème, avec d'assez nombreuses variations locales. A BUDOS, il semble bien que ce taux ait été observé pour les Grosses Dîmes, mais un texte donne fortement à penser qu'il était porté à 1/10ème pour les troupeaux.

Ces pourcentages étaient fixés une fois pour toutes; le niveau de vie du Curé était donc ainsi étroitement lié à celui de ses paroissiens. Si les récoltes étaient bonnes, elles l'étaient pour tout le monde. Si elles étaient mauvaises, elles l'étaient également pour tous. Mais, au-delà de ces fluctuations saisonnières, il pouvait y avoir d'énormes différences entre les cures.  

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 Etre nommé Curé dans une bonne Paroisse viticole du MEDOC assurait une fortune rapide. Etre nommé curé à ORIGNE ouvrait des perspectives certainement moins attrayantes. Certaines petites paroisses parvenaient difficilement à faire vivre leur Curé. C'est ainsi qu'à plusieurs reprises, ORIGNE a été rattaché à titre d'annexe à BALIZAC. 

Dans la Grande Lande, où ce type de situation était très commun, le taux de la Dîme s'élevait couramment jusqu'à 1/8ème des récoltes, ce qui était évidemment très lourd sur de maigres revenus.

Certes, le sort du Curé était bien lié à celui de ses paroissiens. Ainsi par exemple, en 1751 , la Dîme avait produit à BUDOS 180 Boisseaux de seigle, mais deux ans plus tard , en 1753, elle se limitait à 120 Boisseaux, le tout au taux de 1/13ème. L'équité paraissait donc respectée, mais en fait, il n'en était rien car l'incidence d'une mauvaise récolte était beaucoup plus sévère pour le paysan que pour le Curé. 

Le pourcentage de la Dîme s'appliquait en effet à la récolte brute, c'est à dire pour les grains, avant le prélèvement obligé des semences de l'année suivante, et ceci avait de lourdes conséquences; d'autant plus lourdes que la récolte était plus mauvaise. Pour bien comprendre ce phénomène, il convient de prendre un exemple chiffré tout à fait vraisemblable au regard de la production moyenne de BUDOS. Nous le traiterons directement en unités métriques afin d'éviter des conversions fastidieuses.

Soit une bonne récolte qui, pour 500 hectolitres de semence, fournissait 2.000 hectolitres de seigle ( rendement de 4 pour 1 qui, à l'époque, était jugé très correct); la Dîme à 1/13 ème fournissait 154 hectolitres et les laboureurs conservaient par devers eux 1846 hectolitres d'où ils devaient retirer 500 hectolitres pour assurer la semence de l'année suivante. Il leur restait donc, net, 1.346 hectolitres.

Soit une mauvaise récolte, qui, pour les mêmes 500 hectolitres de semence, fournissait 1000 hectolitres de seigle ( rendement de 2 pour 1, et l'on a parfois connu pire ) . La Dîne fournissait 77 hectolitres, laissant 923 hectolitres aux laboureurs qui devaient en retirer les 500 hectolitres fixes de la semence, ce qui leur laissait 423 hectolitres nets.

Passant de 154 à 77 hectolitres, la Dîme avait chuté de 50 %, mais, passant de 1346 à 423 hectolitres, la part des paysans, dans le même temps avait diminué de 68,6 % . Si la tendance était bien la même , le poids des conséquences était bien différent.

Tout ceci eut été relativement simple si toutes les Dîmes avaient appartenu au Curé. Mais ce n'était pas le cas partout. En bien des endroits, le droit de prélever cet impôt avait été acheté, ou échangé contre des biens fonciers ou, quelquefois, tout simplement usurpé par de tierces personnes qui se l'étaient approprié. 

Ces tiers pouvaient être à peu près n'importe qui: nobles, bourgeois, Communautés religieuses étrangères à la Paroisse, etc... C'est ce que l'on appelait les " Dimes inféodées! .. Le " Décimateur " pouvait habiter à des centaines de kilomètres de la Paroisse et même n'y avoir jamais mis les pieds. Il lui suffisait d'entretenir un représentant local pour percevoir ses droits et s'occuper de ses intérêts.

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A un moment quelconque de l'histoire ( et il y avait de cela parfois plusieurs siècles ) ses prédécesseurs avaient acheté au Curé de l'époque le droit de prélever la Dîme, et ils en étaient ainsi devenus les titulaires perpétuels. Ils avaient, depuis lors, pour seule obligation de verser au Curé du lieu une pension alimentaire fixe appelée " portion congrue " et qui , faute d'avoir été réévaluée au fil du temps, avait souvent fini par devenir dérisoire en cette fin du XVIIIène siècle. 

Le pauvre Curé " réduit la portion congrue " ne pouvait absolument pas assurer sa subsistance. Il percevait donc de ses ouailles un " Casuel " prélevé sur les baptêmes, les mariages, les enterrements, les messes et autres Offices religieux. Mais ceci était très mal vu des paroissiens car ils estimaient, et à juste raison, qu'ils payaient deux fois le même service, une fois au Décimateur et une autre au Curé.

Et pourtant, la Dîme, même lorsque le taux en était lourd, était relativement bien acceptée. Aucun Cahier de Doléances, en mars 1789, n'a demandé sa suppression. Mais elle était acceptée à la condition d'être versée au Curé desservant la Paroisse et qu'il ne soit plus ensuite question de Casuel. 

Et sur ce point , les mêmes Cahiers de Doléances sont on ne peut plus formels. La seule critique de principe que l'on y voit parfois apparaître concerne l'assiette de l'impôt, les assujettis demandant que le prélèvement soit effectué, en vertu du raisonnement que nous avons développé ci-dessus, sur la récolte nette, après prélèvement des futures semences.

Précisons enfin que le Curé jouissait de son droit de Dîme:

" sans autre titre que son clocher..."

 

Entendons par là que ce droit lui appartenait sans avoir besoin d'en apporter la preuve, à moins que la Dime ne fut " inféodée" mais en ce cas le détenteur devait apporter la preuve de son droit.

 

La perception des dîmes à Budos.

A BUDOS, la situation était assez complexe; les " Grosses Dîmes " (vendange, seigle, froment) étaient partagées par moitié entre le Curé et le Baron De LAROQUE; les " Menues Dîmes (millet, chanvre et agneaux) appartenaient en entier au Curé.  

Mais les Seigneurs n'ayant ( et il y avait fort longtemps acheté que la moitié du droit, ils n'avaient aucune Portion Congrue à verser au Curé. Celui-ci devait donc vivre sur le fondement de la seule part qui lui avait été conservée. A plusieurs reprises, on vit le Curé DORAT affirmer qu'il ne percevait pas de Casuel et l'Archevêché, dans ses registres, en avait pris note. 

Officiellement c'était donc probablement exact. Mais en quelques circonstances, on voit apparaître certaines allusions pouvant donner à penser qu'il percevait quelques rémunérations complémentaires de circonstance. En tous cas, c'est absolument certain en ce qui concerne les Messes et Services célébrés à l'intention des défunts.

Ce partage de la Dîme Budossaise entre le Curé et le Baron exige un petit exercice arithmétique si l'on veut retrouver les productions totales de la Paroisse à travers les quelques comptes du Curé qui nous sont parvenus.

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  S'il nous dit avoir perçu 13,5 Tonneaux de vin ( en année moyenne ), c'est parce que la Dîme en avait produit 27 et que la production totale de la Paroisse avait été de 351 tonneaux, soit 3.200 hectolitres ( le Tonneau Bordelais jaugeant à l'époque 912 litres.  

De même pour le seigle dont i1 percevait 70 boisseaux en moyenne, dont il faut doubler le chiffre pour retrouver l'assiette réelle de l'impôt, soit une récolte totale de 1.820 Boisseaux 1865 hectolitres ).  

Même chose pour le froment dont la récolte moyenne totale était d'environ 190 hectolitres. Par contre, lorsque le Curé nous dit qu'il a perçu 4,5 Boisseaux de millet, il faut se souvenir qu'il détenait là la totalité de l'impôt sans aucun partage; de même pour le chanvre avec un prélèvement moyen de 60 Livres/Poids ( environ 29 Kg sur une récolte globale qui pouvait être de l'ordre de 300 Kg. Il faut donc se montrer prudents dans le maniement de ces chiffres et surtout ne pas extrapoler le système d'une paroisse à l'autre, fût-elle voisine, car les situations locales pouvaient être fort différentes.

Les Dîmes étaient " quérables et non portables " Le bénéficiaire devait en effet aller en " quérir " les fruits sur le lieu de la récolte. Les assujettis n'avaient aucune obligation de livraison, et de fait, il est nettement établi, à BUDOS, que les paysans ne se déplaçaient pas. Ils laissaient en bordure de champs les gerbes destinées à l'impôt, ou encore la vendange en bout de rège et le Curé, pour sa part, tout comme le Baron pour la sienne, devaient venir les enlever.

Le Curé DORAT s'y appliquait d'ailleurs avec beaucoup d'attention et nul ne pouvait prétendre échapper à sa vigilance. En 1770, il intenta par exemple un procès à Jean LAFON qui avait tenté de le frustrer d'une gerbe et demi de froment et de trois gerbes et demi de seigle... Nous évoquerons un peu plus loin cette affaire dans le Chapitre relatif au Curé DORAT. Elle est tout à fait caractéristique de la vive attention qu'il portait à ses ressources.

Le Curé embauchait donc des journaliers pour ramasser ses gerbes et les battre, et des bouviers pour les transporter. Ses comptes sont tout à fait explicites

" pour faire dîmer le blé dans la Paroisse, 30 journées à une Livre par jour, compris la nourriture= 30 Livres."  

" pour faire charger la gerbe, 16 voyages de bouviers y compris la nourriture, à 30 sols par voyage = 24 Livres . "

" pour dépiquer la totalité du blé , le vaner , le porter au grenier, y compris la nourriture qui est très coûteuse, 50 journées à 25 sols par jour = 62 Livres 10 sols. "

Cette année-là, le Curé avait récolté 80 Boisseaux de seigle et 8 Boisseaux de froment ( environ 90 hectolitres au total) dont il avait tiré, sur le marché, 464 Livres. Après le règlement des 116 Livres et 10 sols ci-dessus détaillées, il lui était donc resté 347 Livres et 10 sols, nettes de tous frais.  

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Quant aux " Dîmes vineuses " , elles portaient sur la vendange et non sur le vin. Après en avoir pris livraison, il appartenait en effet au Curé de faire son vin lui-même; un vin réalisant un assemblage de toutes les productions de la Paroisse. Et pour ce travai1, il lui fallait, ici encore de la main d'oeuvre mais aussi du matériel et des locaux dont le Presbytère n'était pas doté. 

Au surplus, le vin obtenu devait être logé en barriques et, à la différence des céréales, ne pouvait être négocié que très exceptionnellement sur les marchés locaux. Il fallait donc, dans la plupart des cas le transporter jusqu'à BORDEAUX. A travers les comptes qu'il nous a laissés, le Curé DORAT apparaît ainsi comme un véritable exploitant agricole. Jugeons en plutôt ;

" vimes, cercles de cuve, de douils, de barriques pour les douils, cuves et cantonnières "  

le montant de cette ligne comptable est variable d'une année à l'autre, et s'inscrit dans une fourchette de 14 à 24 Livres.

  " façon de charpentier pour rabbattre trente cantonnières à 5 sols = 7 Livres 10 sols "

Ici la somme est constante chaque année. Mais que sont donc ces " cantonnières " ? 

C'est un point que nous n'avons pu éclaircir; aucun autre texte local n'y fait référence. Leur nombre est identique tous les ans, quelle que soit la récolte, et, d'après le compte précédent, il semble bien qu'elles aient été cerclées. Il s'agit donc, selon toute vraisemblance, de récipients de bois. 

S'agirait-il de sortes de comportes que l'on aurait déposées, vides , en bout de rège dans chaque pièce de vigne en vue d'y voir déposer la part de vendange revenant à la Dîme ? En ce cas, il y aurait eu trente points de collecte dans la Paroisse et leur nombre aurait effectivement été indépendant du niveau de la récolte puisque le récipient pouvait être plus ou moins rempli et pouvait également resservir plusieurs fois.

Ce n'est qu'une simple hypothèse, rien ne permet de l'étayer. Au surplus, que signifie " rabattre " Il semble bien que le mot désigne une opération annuelle d'entretien simple ( elle ne coûte que 5 sols pour les cantonnières... ) portant sur les vaisseaux vinaires en général car le compte suivant prévoit également

" pour rabattre les cuves, douils et pressoir, y compris la nourriture = 6 Livres."

Vient ensuite une ligne comptable réellement sibylline:

" pour deux cavaliers y compris leur nourriture et celle de leurs chevaux, l'espace d'un mois = 180 Livres."

Sachant que tous les transports sont assurés par des attelages de boeufs sous la seule réserve des chevaux de certains meuniers que viennent faire ici ces " cavaliers " ? Il ne semble  d'ailleurs pas qu'ils aient transporté quoi que ce soit. Leur nombre, deux, et la durée de leur mission, un mois, restent identiques chaque année et leur activité était incontestablement liée à la perception de la Dîme sur les vendanges. 

Etaient-ils chargés d'une surveillance de la bonne application du pourcentage du prélèvement dîmaire ? Nous n'en saurons pas davantage pour le moment, mais leur rôle devait être important pour que le Curé accepte d'y affecter une dépense de 180 Livres ...

Le compte suivant est nettement plus explicite ;

" Deux coureurs dans la Paroisse à 10 sols par jour et à 10 sols de nourriture pendant un mois = 60 Livres.

 

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" Deux hommes au pressoir au même prix = 60 Livres"

Les coureurs sont ceux qui vont quérir la vendange sur place au fur et à mesure de la cueillette.

" l'espace d'un mois à cause des tries que l'on fait..."

tandis que les deux sédentaires restaient au pressoir pour en tirer le vin.

Venait ensuite le poste des barriques. Ici les quantités et les prix sont très variables selon les récoltes . Le Curé a besoin de 40 à 30 barriques annuelles qu'il fait construire par les tonneliers locaux au cours de l'été, en fonction de la récolte espérée.

Le vin étant logé, il fallait encore le vendre; opération qui se déroulait par l'intermédiaire d'un courtier Bordelais moyennant versement d'une commission :

" Pour le courtage de douze tonneaux = 36 Livres."

Ces frais, à raison de 3 Livres par Tonneau sont constants sur toute la période.

Puis vient le transport qui s'effectue en deux temps

"  Pour le transport de douze Tonneaux par bouvier à la Rivière ... de l'éloignement de deux Lieues, à 30 sols par barrique y compris la nourriture 72 Livres."  

"  Pour le port de bateau ( jusqu'à BORDEAUX à 25 sols ( le Tonneau ) ... "  

Mais il ne faudrait pas pour autant oublier les frais afférents aux locaux qui font défaut au Presbytère et que le Curé doit louer dans le Village :  

"... pour le loyer de deux petits chais, cuvier, grenier, grange et vaisseaux vinaires, c'est à dire cuve, et pressoir et moitié du jardin = 60 Livres."

ce prix étant constant tout au long de la période.

Nous arrêterons là ces décomptes détaillés pour en venir à une appréciation globale du revenu de la Dîme. Si l'on en croit le Curé DORAT, son revenu annuel net pouvait s'éventailler de zéro à 600 Livres avec, semble-t-il, des années moyennes comprises entre 400 et 500 Livres. Mais il faut accueillir ces chiffres avec beaucoup de réserves car, en une autre circonstance, alors qu'on lui demandait une évaluation globale moyenne, le même Curé DORAT fixait son revenu annuel à … 54 Livres ...

Il est vrai qu'il souscrivait là à une déclaration qui devait servir de base à l'établissement de ses quartières , c'est-à-dire comme nous l'avons déjà dit, de l'Impôt qu'il devait lui-même reverser à son Archevêque.

Or, l'idée que l'on peut se faire de la Paroisse de BUDOS à travers la correspondance que le Curé DORAT entretenait avec l'Archevêché au sujet de ses quartières est plutôt :triste, sinon même franchement désolante.

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Les quartières.

Ce sont " Messieurs les Députés du Bureau et Syndics du Diocèse " qui, à BORDEAUX , sont chargés de faire rentrer les Quartières prélevées sur les Paroisses. Ils sont tous clercs. Ils portent le souci constant d'évaluer aussi exactement que possible les revenus des Curés afin de mieux répartir l'Impôt. ,mais la chose n'est pas aisée ...

Tout d'abord, les situations sont, nous l'avons vu, infiniment variées. Entre les paroisses où le Curé est le Décimateur naturel et unique, celles où, tout au contraire, il est réduit à la portion congrue, celles où il est décimateur pour un  tiers, ou pour moitié ( comme c'est le cas à BUDOS ) et celles qui offrent des situations encore plus complexes ( et il y en a...) n'est pas toujours facile de se retrouver.

Et puis il y a encore des paroisses dans lesquelles des biens fonciers sont attachés à l'Eglise elle-même; des biens gérés par la Fabrique et qui proviennent généralement de legs testamentaires plus ou moins anciens. Ils étaient parfois considérables, produisant d'importants revenus sous forme de fermages; parfois aussi bien modestes, une petite métairie comme à SAINT LEGER, par exemple , ou une simple prairie… ou bien encore totalement inexistants, comme c'était le cas à BUDOS.

Enfin, il fallait également tenir compte de la très grande variété des Dîmes perçues. Ici, elles portaient sur la vigne, cas très général en GUYENNE, et sur les céréales, mais dans la forêt littorale du MEDOC et de LA TESTE, elle était prélevée sur les résines et les goudrons, ailleurs sur l'élevage, etc... L'alternance des bonnes et des mauvaises récoltes, et la plus ou moins bonne aptitude des Curés à commercialiser leurs produits sur les marchés devaient également être prises en compte.

Ajoutons à tout cela, et peut-être par dessus tout, que les intéressés eux-mêmes ne mettaient pas beaucoup d'empressement à fournir des renseignements nets et précis.

Il ne devait certes pas être bien facile de tenir la plume au " Bureau de l'Archevêché ". Aussi, très souvent, excédés de ne pas obtenir de réponses à leurs enquêtes, ces Messieurs finissaient-ils par taxer les Curés d'office, et en ce cas-là, bien sûr , sans trop de ménagement. Ils étaient alors assurés d'obtenir des réactions rapides et circonstanciées des mêmes Curés qui, de passifs qu'ils étaient, devenaient tout à coup prolixes et coopératifs... Vu à travers ces réponses, l'état des paroisses devait littéralement arracher des larmes aux yeux de " ces Messieurs du Bureau " . Découvrons par exemple avec eux la bien triste situation de BUDOS telle que la voit le Curé DORAT dans une supplique qu'il leur adresse dans un document non daté mais qui est de 1761 :

 

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" Le Suppliant a l'honneur de vous faire observer que les fonds de cette Paroisse sont si ingrats et si peu produisants que plusieurs habitants, lassés de cultiver leurs fonds inutilement, les uns les ont abandonnés et laissés en friche, les autres les ont ensemencés en pins, ce q u i conséquemment diminue le revenu de la Dîme; 2° que la majeure partie du terrain de cette Paroisse est un sable mort, très susceptible aux gelées et aux mauvais coups d'air que le vulgaire appelle " bises " ; que cette Paroisse est entourée d'une grande quantité de pignadas et de bois qui attirent beaucoup de brouillards et des gelées ce qui fait perdre les récoltes ; (il s'agit) d'ailleurs ( d'une ) Dîme inféodée dont le Seigneur (a) la moitié sans en supporter aucune charge; ( il y a ) beaucoup de pauvres dans la Paroisse, une Eglise sans bien ni vente, un Presbytère en très mauvais état, obligé de payer loyer pour les chai, grenier, cuvier et grange et (aussi ) d'avoir (un Vicaire). "

"..Le Suppliant a l'honneur de vous représenter que depuis 1756  il ne retire aucun revenu de ladite Paroisse et que, depuis la susdite année, il vit d'emprunts et ce, du fait des) fléaux de grêle et gelée qui sont tombés dans cette Paroisse en si grande quantité qu'il serait difficile de vous l'exprimer. En 1756, au commencement de Juin, la grêle tomba en si grande quantité et d'une grosseur si prodigieuse, que non seulement elle enleva toute espèce de récolte, mais encore elle écharpa tous les arbres et la vigne d'une si grande force que l'on délibéra s'il fallait couper, la vigne au pied.

" ( Les choses allèrent de telle ) façon que de deux années elle n'a rien produit, et pour surcroît de malheur, l'an 1758 la gelée emporta toute la récolte du vin et en 1759 et 1760 la grêle retomba dans cette Paroisse et fit presqu'autant de dégât qu'en 1756, notamment celle de l'année dernière 1760 qui tomba le 21 Juin en si grande quantité et d'une grosseur si prodigieuse qu'elle écharpa les vignes ainsi qu'en 1756, et le Suppliant, dans le moment de (il) orage, se vit plus de quatre Tonneaux d'eau dans sa maison, qui avait coulé par la charpente dont la tuile avait été entièrement fracassée par la grêle qui était généralement de la grosseur du poing, de façon que chacun, dans le moment, n'attendit que l'heure de le voir écrasé sous les ruines de sa maison..."

Comment pourrait-on avoir le cœur de taxer un Curé vivant dans une contrée aussi ingrate et émergeant tout juste de quatre tonneaux d'eau... ? Et pourtant, ils le firent, mais avec modération puisqu'en définitive, ils ne lui demandèrent que 28 Livres et 10 sols ...

On notera en passant que lorsqu'il ne redoute aucune contrainte fiscale, le Curé DORAT porte sur sa Paroisse un regard un peu plus bienveillant Des notes qu'il adresse à l'Abbé BAUREIN en vue de la rédaction de ses " VARIETES BORDELOISES", ce dernier tirera une description beaucoup plus avenante et, somme toute, plus conforme à la réalité :

"Son Eglise (de BUDOS) qui est belle, est placée sur une éminence très élevée..."

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" Cette Paroisse, dont un quart est en côte et le restant en plaine est assez bien cultivée.  On y voit des vignobles, des terres labourables, (et) des terrains où l'on a semé ou laissé croître des pins..."

" Il y a dans cette Paroisse et au pied du Château, une fontaine remarquable dont le cours est égal en toutes saisons, et dont l'eau coule avec assez d'abondance pour faire tourner, à peu de distance, un moulin à trois meules..."

Le ton, ici, n'est plus du tout le même; nous voici donc un peu rassurés ...  

En cas d'intempéries, il n'y avait pas de plus ardent défenseur des intérêts communs que le Curé. Il plaidait la cause de ses paroissiens auprès de l'Intendance et participait même parfois aux enquêtes administratives constatant les dégâts des gelées, des grêles ou des ouragans. 

Cette attitude n'était pas totalement désintéressée car, lorsque la Paroisse avait obtenu un dégrèvement de ses Tailles, il ne manquait pas d'en demander un Certificat à l'Administration pour en faire bon usage auprès du Bureau de l'Archevêque. Ainsi par exemple, en 1758, le Curé DORAT s'adresse-t-il à Mr. COPMARTIN, Président de l'Election de GUYENNE pour lui demander une attestation des dégâts causés par la grêle de Juin 1756. Et de fait, il reçoit bien ce précieux document avec la satisfaction que l'on peut imaginer :

" Pierre COPMARTIN, Conseiller du Roy, Président de l'Election de GUYENNE, certifie qu'attendu la grêle qui tomba le mois de Juin 1756, il fut accordé à la Paroisse de BUDOS qui se trouva affligée de ce fléau, une diminution de la moitié des Impositions Royales le 30ème 8bre 1757; laquelle fut répartie sur les habitants qui possèdent les fonds (dans) ladite Paroisse, soit sur les Tailles, Capitation, Taillon et Dixième; j'atteste au surplus que cette diminution fut accordée sur ce qu'il fût justifié par des (Procès) Verbaux qui furent faits dans le temps (exposant) que la moitié des fruits avait été enlevée par ladite grêle; A BORDEAUX, ce 5 Avril 1758,  COPMARTIN ."

Le Curé allait faire bon usage de cette Attestation auprès de l'Administration Episcopale. mais une telle démarche s'inscrivait dans un cadre beaucoup plus général où la quasi totalité des Curés se disait chacun plus pauvre et plus démuni que son voisin.

Nous avons vu qu'ils n'étaient pas les seuls à cultiver un tel " misérabilisme ", et s'il fallait résumer en peu de mots la Fiscalité Directe de l'Ancien Régime  finissant, on pourrait dire que le défaut de critères objectifs dans l'appréciation des biens et des ressources avait conduit dans tous les cas à la seule prise en compte des signes extérieurs de richesse. 

Il en était résulté, du moins en milieu rural, des Laboureurs aux petits Bourgeois, en passant par les modestes Curés campagnards, un repli sur soi, une sorte d'auto censure des comportements qui ont constitué un frein économique et social tout à fait regrettable dans un temps où, par ailleurs, de nouvelles idées et de nouvelles possibilités se faisaient jour.

Si la Fiscalité avait évolué dans le sens d'une meilleure équité, le Pouvoir Royal aurait peut-être pu faire l'économie de la Révolution.

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