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Les nobles : Le seigneur et sa famille.
La famille des BUDOS : bref rappel historique.
En cette fin
du XVIIIème siècle, il y avait bien longtemps que l'authentique famille des
BUDOS ne résidait plus en son château de GUYENNE. Elle en était pourtant
issue en de très lointaines origines remontant, à coup sûr, au XIIIème
siècle, et probablement bien avant.
André De
BUDOS avait été le dernier de son lignage à vivre en son Village. Au début
du XVème siècle, en un temps où les affaires du Dauphin CHARLES, futur
CHARLES VII, allaient plutôt mal, André avait, contre toute attente, embrassé
le parti Français. C'était un peu avant l'intervention providentielle de
Jeanne d'Arc, mais, au moment où André prenait son parti, il n'a pu en aucun
cas spéculer sur ce revirement de situation.
Les Jurats de
BORDEAUX estimèrent que cette enclave Française en terre Gasconne était
insupportable, et décidèrent de la réduire en mettant le siège devant le
Château de BUDOS. C'était le 7 Mai 1421.
Nous
passerons rapidement sur les péripéties de cette expédition militaire qui
engagea d'assez gros moyens et fut soutenue par une imposante artillerie.
André de
BUDOS réalisa très vite qu'il n'était pas à même de résister à un tel
déploiement de forces. Il entra donc en négociations vers la fin Juin 1421. Il
confirma nettement qu'il n'avait pas l'intention de " se faire anglais
", mais il accepta de rendre et d'abandonner son Château de BUDOS
moyennant quelques compensations.
Il se dirigea
alors vers le LANGUEDOC où sa famille disposait de grands biens autour de la
Baronnie de PORTETS BERTRAND, à une vingtaine de kilomètres au nord d'ALES,
sans préjudice d'autres possessions acquises en COMTAT VENAISSIN, entre
CARPENTRAS et VAISON la ROMAINE. Ces fiefs appartenaient à la Famille des BUDOS
depuis " l'Aventure Clémentine ", lorsque Bertrand de GOTH, Oncle du
Seigneur Budossais de l'époque était
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Cela se
passait dans les premières années du XIVème siècle, courte période
pendant laquelle les BUDOS avaient pu courir quelques lointaines et
fructueuses aventures. Cent ans plus tard, leurs descendants en recueillaient
encore les fruits.
C'est donc en 1421 que la Famille
de BUDOS bascula de GUYENNE en LANGUEDOC. En fait, à partir de cette date
là, la rupture se consomma de façon progressive.
Dans un
premier temps, le Château nouvellement conquis par les Bordelais fut
concédé par le Roi HENRI VI d'ANGLETERRE au Duc de GLOUCESTER; puis, après
quelques aléas, à Jean de FOIX, Comte de CANDALE. Aucun de
ces grands Seigneurs ne semble y avoir résidé, mais ils y tinrent
garnison et en perçurent les revenus.
Lorsque la GUYENNE redevint Française, en 1453, la Famille de BUDOS récupéra sa Seigneurie et son Château. Mais André était déjà mort depuis Février 1449, et ses enfants, nés en LANGUEDOC, ne revinrent jamais vivre à BUDOS de façon permanente. Leur détachement fut néanmoins progressif car THIBAUD II, Fils d'André, fit encore de nombreux séjours dans nos régions entre 1460 et 1480.
En Mars 1463,
il était à LANGON, et le 25 Novembre 1471, il se maria, somptueusement, à
LA REOLE. Mais à partir de 1485/90, il se fit construire un nouveau Château
au goût du temps à THEYRARGUES, à une vingtaine de kilomètres au nord est
d'ALES, dont il fit désormais sa résidence définitive. Les BUDOS étaient
ainsi devenus Languedociens.
En 1503, la
Seigneurie de BUDOS, fut louée à ferme à un certain André d'AUTUN,
moyennant une rente annuelle.
En Mai 1527,
Charles De BUDOS vendait la Seigneurie de St MEDARD d'EYRANS qu'il possédait
encore en GUYENNE. C'était une nouvelle étape dans le désengagement
aquitain. Pourtant, la Baronnie de BUDOS, berceau de la Famille restait encore
entre les mains de Jean, lequel avait suivi FRANCOIS Ier dans les Guerres
d'ITALIE. Il fut grièvement blessé à la bataille de PAVIE en 1525.
Son Fils
JACQUES poursuivit également sa carrière en ITALIE et fut nommé Gouverneur
de plusieurs Villes Piémontaises. La Paroisse de BUDOS, pour lui, était
alors bien loin... et de plus en plus loin au regard de ses préoccupations
Italiennes.
C'est alors
que nous entrons dans la période troublée des Guerres de Religion. Jacques
se fit protestant pendant dix ans avant de redevenir catholique. Au sein de
toutes ces perturbations, il n'était plus possible de gérer les intérêts
d'une Seigneurie située à si grande distance. Certes, la garde du Château
était confiée à Louis De LUR, Vicomte d'UZA, mais il ne s'agissait là que
d'une maintenance purement militaire et non d'une véritable gestion du
domaine.
Le 26
Novembre 1563, Jacques donna procuration à un certain Christophe Du RET pour
vendre sa Baronnie de BUDOS. L'affaire ne se fit pas tout de suite car, le 3
Novembre 1565, il revint
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Le 7 Juillet
1571, la Seigneurie de BUDOS fut vendue pour 30.000 Livres à Raymond II De
LAROQUE, Seigneur de Ste CROIX du MONT.
La famille des de LAROQUE, seigneurs de BUDOS.
Depuis 1421 ,
les Budossais n'avaient plus eu de Seigneurs résidants sur place. Avec les De
LAROQUE, ils allaient les retrouver, car les nouveaux acquéreurs vinrent
effectivement s'installer à BUDOS et firent du Château leur demeure, eux et
leurs descendants, du moins pendant la belle saison. Tenus par leurs
obligations de Bourgeois de BORDEAUX, ils se devaient d'avoir leur domicile
légal en cette Ville, mais ne s'y retiraient en fait que l'hiver.
Désormais,
et jusqu'à la Révolution, les Budossais reprirent donc contact avec leur
Seigneur dont la Famille devait être, de nouveau, très étroitement
insérée dans la vie du Village.
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L'arrivée
des de LAROQUE,
esquisse
généalogique:
RAYMOND II
(+ 1594) |
JEAN Qui épousa Jeanne De SEGUR en 1593 |
JEAN PIERRE Qui épousa Marie D'ESPAIGNET en 1633 |
RAYMOND III Né vers 1640/45 + à BUDOS le 22 Mai 1687 Avait épousé Dame Bonnaventure de CHAUMEILS en 1669. |
JEAN PIERRE
II Né vers 1670 - + à BUDOS 17.XI.1723 Epouse Dame Marie Anne de BORDES le 14.IV.1715 |
MARIE OLIVE Née 28.VII.1673 Epouse 1- François d'ORLI 2- Jean Charles de |
||
MICHEL
JOSEPH Né vers 1716 + à BARSAC le 21.XI.1770 Epouse Catherine Delphine de |
MICHEL Né à BUDOS le 16.XI.1722 Capitaine Aide Major des Dragons. |
||
CHARLES,FRANCOIS,ARNAUD Né vers 1747 + à BORDEAUX en 1825 Epouse Catherine De MENOIRE DE BEAUJEAU en 1787 Emigré. |
MARGUERITE Mariée en 1775 à Jean Calixte de MONTMORIN Marquis de St HEREM |
CHARLES
FRANCOIS |
CATHERINE DELPHINE |
Michel
Joseph De LAROQUE
et
Catherine Delphine
De BRASSIER :
Tout au début de notre période d'observation, le Seigneur Baron de BUDOS en titre était Michel Joseph De LAROQUE. En 1760, il avait 44 ans et était marié depuis 15 ans avec Dame Catherine Delphine De BRASSIER. Leur fils aîné, âgé de 16 ans était déjà parti aux Armées et leur fille Marguerite faisait ses études au Couvent Notre Dame à BORDEAUX, lorsque leur naquit un troisième enfant, retardataire, Charles François Arnaud, le 16 Décembre 1762.
Contrairement
à ses habitudes, la famille avait dû hésiter à regagner BORDEAUX vers la
mi-Novembre compte tenu de la grossesse avancée de la Baronne. Cette
naissance eût donc lieu à BUDOS et s'avéra d'ailleurs plutôt difficile:
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"
L'an 1762 et le 16 du Mois de Décembre
est né, à 9 heures du matin un fils de Messire Michel Joseph De LAROQUE,
Seigneur, Baron de BUDOS, et de Dame
Catherine Delphine De BRASSIER ses Père et Mère, conjoints, lequel a été
légitimement baptisé au Château par la nommée Luce LEROY à cause du
danger de mort et le susdit enfant ayant été porté à l'Eglise le 17 du
susdit mois, je soussigné, Curé de St ROMAIN de BUDOS lui ai donné le nom
de Charles François Arnaud De LAROQUE, son parrain ayant été Messire
Charles François Arnaud De LAROQUE, son frère, Cornette de Cavalerie dans le
Régiment de Royal CHAMPAIGNE, et la Marraine Demoiselle Marguerite De
LAROQUE, sa soeur pensionnaire au Couvent de Notre Dame de BORDEAUX. Je lui ai
fait les cérémonies accoutumées dans le baptême, ayant été
représentés... pour les cérémonies, au nom des parrain et
marraine ci-dessus nommés par Jean BOUDON, domestique dudit Seigneur,
et par Luce LEROY, faisant la fonction de Femme Sage et de garde de ladite
Dame, mère de l'enfant, ledit Jean BOUDON a signé et non ladite Luce LEROY
qui a déclaré ne savoir."
DORAT Curé
- Jean BOUDON
Il nous faut maintenant revenir un peu en arrière et nous arrêter un moment sur la personnalité de la Baronne, Dame Catherine Delphine De BRASSIER, car elle va jouer un rôle important dans la Famille des De LAROQUE tout au long de notre période.
En 1760, elle
passait déjà le plus clair de son temps à BUDOS, et ceci depuis 15 ans
déjà. Elle ne devait y renoncer que lors de la mise sous séquestre du
Château, à la Révolution. A partir de ce moment là, elle se fixa dans son
domicile Bordelais et n'en bougea plus; elle devait survivre à tous les
évènements de l'époque.
Catherine, Delphine De BRASSIER, était fille d'Etienne François De BRASSIER, Conseiller au Parlement de BORDEAUX, Seigneur de LAMARQUE, BEYCHEVELLE, et autres places du MEDOC, et de Dame Delphine De MONTFERRAND. Elle avait passé sa jeunesse à Bordeaux au sein de sa famille qui habitait rue du HA, sur la Paroisse de Ste EULALIE.
Elle avait
deux frères dont l'un, Armand, devait recevoir le Château et la Seigneurie
de BEYCHEVELE et l'autre, Etienne François qui devait devenir Seigneur de
LAMARQUE. Le frère de sa Mère n'était autre que Messire François Arnaud De
MONTFERRAND, Grand Sénéchal de GUYENNE et, entre autres titres, Marquis de
LANDIRAS.
A coup sûr,
Catherine Delphine constituait un beau parti et son arrivée dans la Famille
des De LAROQUE fut fort bien accueillie car on y avait singulièrement besoin
d'argent...
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Lors du
Contrat de mariage, le 10 Avril 1745, la Dame Marie Anne DES BORDES, Veuve de
feu le Baron Jean Pierre, depuis 22 ans déjà, et qui avait géré la
Seigneurie de BUDOS pendant la minorité de son fils Michel Joseph, le futur
époux, fit don à ce dernier de la totalité des biens propres dont elle
disposerait au moment de son décès:
"
ladite Dame DES BORDES voulant donner des marques de ce que le présent
mariage lui est agréable, et de ce qu'ayant toujours reçu de la part dudit
Seigneur Baron de BUDOS, son fils les témoignages les plus vifs d'un
véritable respect, pour lui donner des preuves de sa tendresse et de sa
satisfaction, ladite Dame DES BORDES a nommé , créé et institué par ces
présentes (dispositions) ledit Seigneur Baron de BUDOS, son fils, futur
époux son héritier général et universel pour recueillir après son décès
tous les biens à elle appartenants, à quel(que) titre qu'elle les
possède.."
Tout va donc,
semble-t-il pour le mieux; le moment est euphorique, mais il faut lire un peu
plus loin... La Dame DES BORDES précise que cette donation ne pourra
l'empêcher :
" de
vendre telle portion de ses biens qu'elle trouvera à propos pour payer ses
dettes et celles de sa famille, et , (si) elle (ne peut y satisfaire) ledit
Seigneur de BUDOS son fils se charge(ra) d'acquitter (aussi bien) les dettes
passives de la (succession) du feu Seigneur Baron de BUDOS, son Père, que
celles contractées jusqu'à ce jour par ladite Dame DES BORDES, tant en
principaux qu'(en) intérêts suivant les rangs ... ordres et priorités des
hypothèques..."
Autrement
dît, en un mot comme en cent, les De LAROQUE étaient couverts de dettes, et
leurs biens étaient largement, très largement hypothéqués... Dans ce
contexte, l'arrivée de la Demoiselle De BRASSIER, et surtout de sa dot, ne
pouvait être mieux venue. Et la future Belle Mère n'en fait absolument aucun
mystère puisqu'elle demande à son fils, sans autre détour :
"
d'employer au payement desdites dettes les sommes qu'il recevra provenant des
droits que la Demoiselle De BRASSIER, future épouse, s'est constituée (en
dot) au fur et à mesure qu'elles lui seront comptées et délivrées..."
Du moins, la
jeune mariée ne sera-t-elle pas surprise puisque dès son Contrat de mariage,
elle savait à quoi allait servir la coquette fortune qu'elle apportait...
Au surplus,
la Dame DES BORDES, sa Belle Mère, conservait l'usufruit des maisons et
Châteaux sa vie durant. Qu'à cela ne tienne, elle :
"
consent de recevoir dans sa maison et compagnie les futurs époux, de les
loger et nourrir, suivant leur état, qualité et condition, ainsi que les
enfants qui seront procréés de leur mariage, tant en santé que maladie,
même les domestiques qui seront à leur service, le tout à ses frais et
dépens, en sorte que les futurs époux ne seront obligés que de payer les
salaires de leurs domestiques et de leur fournir la livrée."
Nous avons
là tout un programme de vie matriarcale qui va régir les relations internes
de la famille De LAROQUE au Château de
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Incontestablement,
la Dame DES BORDES, usufruitière universelle des biens de son défunt mari,
restait maîtresse de tout le patrimoine, et tout Baron qu'il fût, Michel
Joseph ( qui avait pour lors 29 ans ) et sa jeune femme ne paraissait guère
avoir d'autres prérogatives… que de payer les dettes de la famille.
Pourtant, un minimum d'indépendance financière leur serait assuré car la
Dame DES BORDES s'engageait à:
"
payer annuellement au Seigneur Baron de BUDOS son fils, la somme de quinze
cents Livres de pension pour en disposer ainsi qu'il jugera à propos, suivant
ses besoins et ceux de la Demoiselle De BRASSIER, future épouse, la pension,
payable quartier par quartier et par avance."
Nous voici
donc un peu rassurés à leur égard. Mais ce n'est pas tout. La Dame DES
BORDES s'engageait également à payer les intérêts des sommes qui allaient
être englouties dans le règlement des dettes de la famille. La dot de la
Demoiselle de BRASSIER allait s'y perdre, mais du moins produirait-elle un
intérêt...
"
Comme aussi promet et s'engage (la Dame DES BORDES) de payer (au Baron son
fils) les intérêts des sommes qui seront employées à l'acquit et
libération (aussi bien) des dettes passives de la (succession) paternelle,
que de celles contractées jusqu'à ce jour par ladite Dame DES
BORDES..."
Tout cela
parait bien monté, mais encore faut-il que les divers protagonistes
s'entendent entre eux et se supportent. En cas d'incompatibilité d'humeur,
notamment entre la Dame DES BORDES et la Demoiselle DE BRASSIER, il faudrait
bien trouver une issue... Eh bien ! elle est prévue :
" En
cas d'incompatibilité, et (au cas où) les futurs époux fussent obligés de
se séparer de la compagnie de la Dame DES BORDES, (en ce) cas la Dame DES
BORDES promet et s'engage de délaisser audit Seigneur de BUDOS, son fils,
l'usufruit et jouissance tant de la terre de BUDOS que de celle de COUPET avec
toutes leurs appartenances et dépendances, (avec) tous les meubles et effets
qui y seront (présents), comme aussi de lui remettre l'argenterie, meubles et
effets compris dans l'inventaire qu'elle à fait après le décès dudit feu
Seigneur Baron de BUDOS son mari, à la charge par ledit Seigneur de BUDOS son
fils, de remplir l'engagement (qu'il a) contracté pour le payement des
dettes, et moyennant ce(la), il ne pourra rien prétendre ni exiger soit de la
pension stipulée et promise, qui cessera le jour de la séparation, soit des
intérêts des sommes qu'il aura payées à... décharge (aussi bien) de
(l'héritage) paternel que des dettes... de ladite Dame DES BORDES, sa
Mère..."
Ainsi donc,
si le jeune ménage voulait reprendre sa liberté, la Mère usufruitière se
retirerait et leur abandonnerait la Seigneurie de BUDOS ( au demeurant, elle
avait d'autres biens); mais de ce fait, elle cesserait de verser à son fils
la pension des 1.500 Livres, ce qui est assez logique. Cependant, elle
cesserait également de verser les intérêts des sommes englouties dans la
compensation des dettes familiales, et cela l'est beaucoup moins... En effet,
pour prix de sa liberté retrouvée, la jeune Demoiselle DE BRASSIER verrait
en ce cas disparaître
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"
ladite Demoiselle, jouira.. de tous les biens dudit Seigneur futur époux
jusqu'à ce qu'elle soit entièrement payée et remboursée ... des sommes
qu'il aura reçues provenant de sa dot... "
C'est bien le
moins que l'on pouvait faire en cas de veuvage, sinon, il aurait fallu
admettre que cette pauvre Demoiselle aurait pu simplement " passer "
dans la Famille des De LAROQUE uniquement pour éponger leurs dettes en y
apportant son argent... Et de fait, bien plus tard, en 1773, cette clause
jouera dans un moment où la Famille règlera ses comptes ainsi que nous le
verrons un peu plus loin.
Une Famille
qui a toujours connu des situations complexes dans lesquelles les femmes ont
tenu des râles parfois obscurs, parfois de premier plan, mais toujours
déterminants.
Tout au début de notre période, en 1760, la jeune Baronne approche de la quarantaine, mais n'est toujours pas maîtresse en son Château. Mère de deux enfants déjà grands, et bientôt, nous l'avons déjà vu, d'un petit retardataire, elle vit toujours plus ou moins dans la dépendance de sa Belle Mère, la Dame DES BORDES.
Mais il lui
fallait aussi compter sur la présence au Château de la Dame Marie Olive de
BUDOS, soeur de son défunt Beau Père Jean Pierre et par conséquent Tante
paternelle de son mari ( voir Tableau Généalogique succinct ). Après avoir
épousé tardivement Messire François d'ORLI, à l'âge de 41 ans, le 10
Avril 1714, dans la Chapelle du Château de BUDOS, cette Marie Olive était
tombée veuve et avait épousé, en secondes noces, Jean Charles De TRAZET.
Après un second veuvage, elle était revenue à BUDOS, chez son neveu, où
elle vécut jusqu'à sa mort survenue le 5 Mai 1762 :
" à l'âge de 88 ans 9 mois et 19 jours selon son acte de décès. Une telle précision est tout à fait étonnante car c'est bien le seul cas que l'on en trouve dans les Registres Paroissiaux de BUDOS. Sa longévité, assez exceptionnelle pour l'époque avait dû frapper les imaginations et inciter le Curé à effectuer des recherches d'Etat Civil dont il se souciait assez peu à l'ordinaire. Or, il disposait bien des documents à cet effet puisque Marie Olive était née au Château le 28 Juillet 1673. Elle fut inhumée dans l'Eglise de BUDOS sous la Chapelle Notre Dame."
Née au
Château, élevée au Château, mariée au Château, et vivant ses dernières
années au Château, cette Marie Olive a pu constituer, pendant bien des
années, une présence un peu envahissante. Rien ne permet cependant de le
dire car rien ne nous est parvenu de ce qui aurait pu éclairer sa
personnalité.
Quoi qu'il en
soit, avec la Baronne Douairière et sa Belle Fille, cela faisait beaucoup de
femmes en un même Château....
Ah ! si encore la dot de la jeune Baronne avait suffi à rétablir la situation financière des De LAROQUE ! Peut-être en aurait-elle tiré un plus grand poids. Mais, quoique confortable, cette dot n'avait pas été à la mesure du problème. D'autant que Madame DES BORDES empruntait encore...
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A telle
C'est ainsi
que le 8 Juin 1761, le Baron Michel Joseph avait convoqué Me AMANIEU, Notaire
à LANDIRAS en son Château de BUDOS. C'était pour lui faire établir une
procuration en faveur de son frère cadet, Michel, Ecuyer, Capitaine Aide
Major des Dragons, Garde Côtes de GUYENNE qu'il chargeait en son nom de
régler deux affaires de dettes de la Baronne leur Mère.
Aux Frères AGARD, Bourgeois, elle devait 3.800 Livres, et au Sieur NOLLET, Bourgeois et marchand, 2.660 Livres. Ces 6.460 Livres représentaient, certes, une jolie somme, disons à peu près la valeur d'une exploitation rurale pouvant faire vivre deux familles à BUDOS. Mais au regard de la fortune d'un Seigneur, une telle dette n'aurait pas dû constituer un obstacle insurmontable. Encore aurait-il fallu disposer de la somme et il semble bien que ce n'était pas le cas.
Pour sortir de cette impasse, nous allons voir le Baron recourir à une pratique dont sa Famille était coutumière et que nous allons retrouver en d'autres circonstances. Il s'adresse aux créanciers de sa Mère et leur explique qu'il ne peut les rembourser. C'est net. Mais il leur propose de transformer leur créance en rente perpétuelle.
Tout se passe
donc comme si les créanciers avaient déposé le montant de leur créance,
pratiquement à fonds perdus, entre les mains de la Baronne, en échange d'une
rente annuelle perpétuelle qu'elle s'engageait à leur verser au taux de 5%.
En général, plutôt que de tout perdre ou de se lancer dans un procès
ruineux, les créanciers acceptaient. Ils acceptaient d'autant mieux que le
procédé était assez courant à l'époque et que certains rentiers
recherchaient même ce type de placement discret qui ne donnait prise à aucun
impôt,
C'est d'une
telle négociation que le Baron Michel Joseph, dans sa procuration, chargeait
son frère Michel pour le compte de leur Mère. Il lui donne donc pouvoir :
" ...
en son nom, (d')assister au contrat de constitution de cent quatre vingt dix
Livres de rente annuelle et perpétuelle qui doit être consentie par Dame
Marie Anne DES BORDES, veuve de feu Messire Jean Pierre De LAROQUE, (de son)
vivant Chevalier, Seigneur, Baron dudit BUDOS, sa Mère, en faveur des Sieurs
ACARD Frères, Bourgeois de la Ville de BORDEAUX, y demeurant, rue de la Tour
de CASSIES, Paroisse St PIERRE, du capital de la somme de trois mille huit
cents Livres dues par ladite Dame auxdits Sieurs AGARD."
"..
de même donne pareil pouvoir.. d'assister à (un) autre contrat de
constitution de cent trente trois Livres de rente annuelle et perpétuelle qui
doit aussi être consenti par ladite Dame sa Mère en faveur du Sieur NOLLET,
Bourgeois et marchand ... dudit BORDEAUX, y demeurant, Paroisse St MICHEL, du
capital de la somme de deux mille six cent soixante Livres aussi dues par
ladite Dame sa Mère..."
Et il
autorise également son frère à constituer hypothèque sur tous ses biens (
y compris, bien sûr, sur le Château de BUDOS) en garantie de ces créances.
La situation financière de la famille ne devait guère être brillante pour
en venir à de tels
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Pourtant, au fil des années 1761 et 1762, on voit le Baron acheter ici et là quelques lopins de terre pour agrandir son domaine direct. Cela ne va d'ailleurs jamais chercher très loin; ce sera un tout petit bout de pré pour 24 Livres, ou une friche d'un demi hectare pour 120 Livres, quelques achats sont un peu plus importants avec trente ares de bonne terre en friche pour 155 Livres, ou une pièce de pins pour 150, mais il s'agit toujours de parcelles relevant de sa Seigneurie qu'il rachète à quelqu'un de ses tenanciers.
On notera que
tous ces achats sont effectués en son nom propre, ce qui avait pour effet de
les soustraire à l'usufruit général de sa Mère, et qu'ils étaient tous
payés comptant. Le fait de payer rubis sur l'ongle quelques parcelles à BUDOS
entretenait l'image locale d'un Baron " Grand Seigneur " aux solides
capacités financières, mais ne préjugeait en rien de la situation réelle de
la Famille, laquelle restait tout aussi mauvaise, sinon désastreuse, comme nous
allons le voir tout à l'heure.
Dans le même
temps c'était toujours la Dame DES BORDES sa Mère qui était aux affaires. Les
Jurats de BORDEAUX ayant entrepris une révision de leur Livre de Bourgeoisie,
c'est bien elle qui, le 16 Septembre 1762, fut admise à présenter ses "
Lettres de Confirmation " en tant que Chef de Famille:
"
tant pour elle que pour Michel Joseph De LAROQUE, Ecuyer, Baron de BUDOS, son fils
..."
La démarche
est tout à fait significative. Et c'est encore elle que nous allons retrouver
trois ans plus tard, alors que son fils a déjà 49 ans, engagée dans une
négociation financière assez complexe qui donne une bonne idée de l'état de
ses finances.
A la suite d'un procès très embrouillé qu'avait perdu son frère, entre temps décédé, la Dame DES BORDES avait trouvé dans sa succession une dette de 900 Livres envers un certain Marcelin BOMPART. L'affaire remontait à près de 25 ans et n'était toujours pas réglée... Ce Marcelin BOMPART était à son tour décédé, ainsi que son fils, et l'on se retrouvait désormais en présence de Marie BOMPART, sa petite fille, mineure.
La Mère de cette dernière, sa tutrice, voulut liquider cette vieille créance; C'était bien naturel. Neuf cents Livres, ce n'était tout de même pas une somme énorme. Une Baronne douairière aurait dû pouvoir s'acquitter de cela. Eh bien non ! La Dame DES BORDES n'a pas ces 900 Livres. La tutrice se fâche et annonce qu'elle va porter l'affaire en justice où elle est évidemment assurée de gagner son procès; la Baronne le sait bien et le redoute, sans parler des frais subséquents...
Mais quand on n'a pas les 900 Livres, on ne peut pas les donner, même lorsque l'on est propriétaire de plusieurs Châteaux et Seigneuries. Or, la petite Marie BOMPART a hérité de son Père, à BRUGES, de quelques pièces de vigne relevant précisément, à titre féodal, de la Dame DES BORDES moyennant une redevance ( une " agrière ") du " cinquain" autrement dit d'un cinquième de la récolte.
Le 6 Octobre
1765, la Baronne douairière propose à la tutrice :
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" de
lui commuer l'agrière de toutes les pièces de vigne dont elle jouit, faisant
partie de (sa métairie) de BRUGES, en une modique rente en argent, et les
La tutrice accepte et l'affaire se fait. Au lieu des 20% de la récolte de vin que devaient verser annuellement les BOMPART, ils ne payeront plus désormais qu'une " rente modique ", oh! combien puisqu'elle est fixée à un sol symbolique. Certes, la Dame DES BORDES a bien amorti sa dette, elle a évité son procès, et elle a même reçu 300 Livres d'argent frais qui auront peut-être été les bienvenues....
Reste que sa
métairie ne lui rapportera plus qu'un sol par an, tant pour elle que pour ses
descendants, et à perpétuité. C'est, dans une famille une opération qu'il
faut éviter, ou, à tout le moins, ne pas recommencer trop souvent car ce
n'est rien d'autre que de vivre d'expédients.
Peu après la
disparition de sa Mère, début 1768, le Baron MICHEL Joseph eût à faire
face à une situation financière particulièrement délicate. Les créanciers
se réveillèrent et il fallut bien les désintéresser, au moins les plus
actifs d'entre eux. Mais où trouver de l'argent frais ? Dans un premier
temps, ce sera dans des emprunts contractés sous forme de constitution de
rentes, selon le procédé que nous avons déjà rencontré.
Le 18
Février 1768, le Baron,
"
habitant ordinairement à BORDEAUX, rue GUIRAUDE, Paroisse St PROJET "
est pour lors dans son Château de BUDOS. C'est assez inhabituel en cette saison-là. Au matin de ce jour, il se rend au Presbytère de BOMMES et, en présence de Me Jean DUBOURG, Vicaire de cette Paroisse, et de Bertrand DEGENSAC, Avocat à la Cour à BORDEAUX, il rencontre la Dame TROUQUEY, Veuve SAINT LAURENT, soeur de feu Me TROUQUEY, ancien Curé de BOMMES.
Cette personne, au décès de son frère, a fait un bel héritage et cherche à placer son argent. Elle va prêter 6.000 Livres au Baron, sous garantie d'hypothèque sur la Seigneurie de BUDOS, en échange d'une rente annuelle et perpétuelle de 240 Livres. Pour le Baron, c'est une bonne affaire car ce genre de contrat se traite alors plutôt à 5% qu'à 4. Et elle lui compte tout aussitôt la somme en or et en argent, comptant.
C'est assez
surprenant car il n'était guère d'usage de conserver de telles sommes par
devers soi. Il est prévu que la rente serait versée en une seule fois, à
terme échu, à la fin de chaque année, à la date anniversaire du contrat.
Une clause prévoit également la possibilité éventuelle d'un rachat de la
dette par l'emprunteur. Il est aussi convenu que le capital deviendrait
immédiatement exigible dans le cas où le Baron laisserait passer trois ans
sans payer la rente ...
Six mille Livres, C'était une jolie somme, mais bien insuffisante au regard des besoins . Dix sept jours plus tard, le 6 Mars, cette fois-ci dans l'après midi, le Baron retournait voir la Veuve, toujours au Presbytère de BOMMES.
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Il y
retrouvait le Curé DORAT, Curé de BUDOS, et Me DUFOURQ Curé de St CHRISTOLY
Cette rente
était réellement perpétuelle car, cette fois-ci, il était précisé
qu'elle était constituée au bénéfice de la Dame TROUQUEY, puis,
ultérieurement, de ses trois filles et de leurs descendants...
Le lendemain
7 Mars dans l'après midi, la chose est à peine croyable, et pourtant... Le
Baron Michel Joseph revenait au Presbytère de BOMMES et, en présence des
mêmes témoins, Mes DORAT et DUFOURQ, empruntait 3.000 autres Livres à la
Veuve... Il ne s'agit absolument pas d'une erreur du Notaire par répétition
car les deux actes des 6 et 7 Mars font bel et bien l'objet d'un contrôle
séparé auprès du Bureau de l'Enregistrement de BARSAC avec perception des
droits correspondants.
Il faut
croire que la situation était bien pressante. Et pourtant, ces expédients ne
suffiront pas.
Après
inventaire, le Baron juge préférable de renoncer à la succession des biens
propres de sa Mère. Les dettes qui les grèvent sont si considérables que le
passif l'emporte sur l'actif. Par contre, il recueille la succession de son
Père, moins lourdement obérée, mais dont l'état va néanmoins exiger de
très lourds sacrifices.
Le 4 Mai suivant, le Baron doit en effet se résoudre à vendre des biens fonciers très importants. Par contrat de ce jour passé devant Me FARNUEL, son Notaire à BORDEAUX, il se défait des Maisons nobles de TRUILLON et de MACAU, entre les mains d'un Sieur LEBLANC, pour la somme de 259.440 Livres.
Cette
fois-ci, on peut espérer que l'importance de la somme va définitivement
renflouer la situation financière de la Famille. De fait, on voit soudain le
Seigneur se mettre à acheter à BUDOS le 10 Janvier 1769 un pré de 500
Livres payées comptant, et une vergnère de 250 Livres réglée de même,
puis, dans les semaines et mois qui suivent, une friche ici, un taillis là,
pour 300, 340, 458 Livres, etc... toujours comptant. On peut voir là un signe
assez évident d'une aisance soudainement retrouvée.
Mais les
choses ne sont pas aussi simple qu'il pourrait paraître, car les 259.440
Livres de la vente ne sont pas réglées dans de très bonnes conditions. Le
Baron qui, fin 1768, a changé de domicile Bordelais pour habiter désormais
rue Ste CATHERINE, doit faire intervenir plusieurs fois son Notaire. La
situation est très complexe, si complexe que son exposé détaillé
dépasserait les limites de notre propos et n'apporterait rien de plus à
notre relation.
Quoi qu'il en
soit, à l'évidence, courant 1769, la position financière des De LAROQUE
parait désormais moins tendue. Tout n'est certes pas réglé, et l'on s'en
apercevra bientôt, mais il y a une amélioration très nette.
Une
amélioration dont Michel Joseph ne profitera guère car, coup de théâtre,
le 21 Novembre 1770, alors qu' il était
Page (383) |
"
L'an mil sept cent septante et le vingt et un du mois de Novembre, dans la
Paroisse de BARSAC et dans la maison de Monsieur le Curé, est décédé de
mort soudaine Messire Michel Joseph De LAROQUE, Seigneur et Baron de BUDOS,
âgé d'environ cinquante cinq ans, il a été inhumé dans l'Eglise de la...
Paroisse (de BUDOS) et dans la Chapelle de Notre Dame, comme étant le tombeau
de ses ancêtres, le vingt deux dudit mois et an que dessus, en présence de
Mrs Etienne BLANCARD, Vicaire de la présente Paroisse et de Jean Baptiste
DUPOUX, Vicaire de BAZAS, en foi de quoi: DORAT Curé."
Décédé à
l'âge de 55 ans, le Baron n'aura donc géré ses affaires de façon
indépendante que pendant moins de cinq ans après la disparition de la Dame
DES BORDES sa Mère.
Voici donc
Catherine Delphine De BRASSIER veuve. Elle a trois enfants, tous mineurs, et
va devoir administrer la Seigneurie; pas pour très longtemps d'ailleurs car
son fils aîné, Charles François Arnaud atteindra sa majorité en 1773. Mais
en attendant, elle est maîtresse de tous les biens en tant que curatrice de
ses enfants, même au regard de son Beau Frère Michel
(voir Tableau Généalogique succinct ) dont il faudra bien, un jour,
liquider les droits.
Elle poursuit la politique d'extension du domaine direct à BUDOS telle que l'avait entamée son mari. Tout juste un mois après son décès, le 21 Décembre, pour 180 Livres, elle achète à François LACASSAIGNE une pièce de pins située au lieu-dit de PASQUILLOT,et déclare la réintégrer dans sa " Directe " .
En Février suivant, elle achète coup sur coup deux friches aux quartiers de MARGARIDE et de FONBANNE. Et pendant tout ce temps là, elle est à BUDOS, résidant en son Château. Il ne semble pas, que cet hiver là, la famille soit rentrée à BORDEAUX, sauf peut-être pour quelques périodes indécelables dans les documents dont nous disposons.
Elle arrondit
ainsi le patrimoine familial, mais elle s'efforce aussi d'assainir une
situation qui en a encore bien besoin; situation qui lui ménage parfois
quelques surprises. C'est ainsi qu'en Février 1772, elle règle aux
héritiers de Jacques PARAGES le prix d'un bien acheté depuis trente ans et
dont le prix n'avait jamais été payé ... Avec les intérêts, la somme
avait presque doublé !
Charles
François Armand De LAROQUE
règle ses comptes et court l'Europe:
La Dame De
BRASSIER poursuit ainsi cette politique d'assainissement jusqu'à la majorité
de Charles François Arnaud. Et nous arrivons ainsi en Septembre 1773. Le
premier acte du nouveau Baron, jeune et fringant militaire, Capitaine d'une
Compagnie de Cavalerie au Régiment de la MARCHE-PRINCE, va consister à
régler sa situation avec son oncle Michel, autre militaire, frère de feu son
Père ( voir Tableau Généalogique
Page (384) |
La chose ne
s'engagea pas sous les meilleurs auspices car les points de vue de l'oncle et
du neveu étaient diamétralement opposés. L'oncle Michel faisait valoir que,
depuis le décès de ses Parents, en dehors des périodes passées au service
du Roi, il avait toujours vécu au Château où il était nourri et logé par
son frère Michel Joseph avec lequel il vivait en bonne intelligence et que,
de ce fait, il n'avait jamais été question entre eux d'un quelconque partage
des biens de leurs Parents. Maintenant que son frère était mort, et que le
jeune Baron, son neveu devenait majeur en prenant ses affaires en main, il
estimait qu'il était temps de liquider cette situation et de:
"
consentir à ce qu'il (soit) amiablement procédé à l'examen et fixation
desdits droits tant en capital qu'en intérêts et restitution de
fruits."
Mais le neveu
ne l'entend pas du tout de cette oreille. Il estime que son oncle ne peut
ignorer :
"
combien la (succession) de son Père était obérée, et que celle de sa Mère
a été répudiée par ledit Seigneur de BUDOS son fils,
car il n'y
aurait pratiquement rien eu à en tirer si l'on avait procédé à une
liquidation.
"
Quant à la restitution des fruits,(perçus) sur ces biens ou intérêts
prétendus par sondit oncle, il croit qu'ils sont au moins compensés par la
nourriture et entretien qu'il (reconnait) lui avoir été fournis par ledit
Seigneur De LAROQUE son Père, et frère de sondit oncle (et) que d'ailleurs,
il est (probable) que lorsque sondit oncle a (embrassé) l'état (militaire)
au service du Roi, il doit en avoir coôté considérablement à son (propre)
Père, soit pour (l'achat de son Brevet) soit pour son équipement et
entretien, ce qui a dû nécessairement diminuer (ce qui aurait pu lui
revenir)..."
L'oncle
réplique :
"
qu'il convient que la (succession) de son Père était chargée de plusieurs
dettes..."
mais il fait
valoir que la dot de sa Mère, remise aux mains de son Père était
intouchable et qu'une part doit lui en revenir. Que si, par ailleurs il est
bien vrai que son frère et sa Mère ont concouru à lui procurer son "
état " au service du Roi, il n'en reste pas moins que les revenus de ce
qui aurait dû lui être attribué ont été consommés sur place, en son
absence, pendant qu'il était aux Armées.
Bref, on n'en
sortait pas.
C'est alors
qu'intervinrent des amis communs, et en particulier Bertrand DEGENSAC, Avocat
à la Cour à BORDEAUX, que nous avons déjà rencontré en d'autres
circonstances. Le 4 Janvier 1773, il réunit l'oncle et le neveu dans sa
maison de LANDIRAS et leur fit accepter un compromis en présence de Me BOLLEE,
Notaire. Pour abréger, nous dirons que le neveu acceptait de verser 25.000
Livres à son oncle pour solde de tous comptes et que celui-ci s'en
contentait. Tant que cette
Page (385) |
Au bas de cet
acte la signature du jeune Baron est nette, décidée et incisive, tout à
l'image de son caractère.
Toujours
plein de feu le voici qui se retourne tout aussitôt vers sa Mère, Catherine
Delphine De BRASSIER pour lui demander des comptes sur la gestion de ses biens
au cours des deux dernières années de sa minorité. Et faute d'en avoir
obtenu une réponse qui le satisfasse, sans hésiter, le 12 Août 1773, il
l'assigne devant le Tribunal du Sénéchal de GUYENNE. Catherine Delphine fait
alors proposer à son fils de lui rendre ses comptes :
" à
l'amiable ou par devant des arbitres dont ils conviendraient "
Ce qu'il
accepte. Elle dresse alors un mémoire par chapitres de recettes et de
dépenses depuis le 21 Novembre 1770, date du décès de son mari, jusqu'au 15
AoÛt 1773,date de l'entrée en possession des biens par son fils. Elle avait
d'ailleurs pris la précaution, deux jours après ce décès, de faire dresser
un inventaire judiciaire de tous les:
"
meubles, effets, titres,. papiers et documents délaissés par (le défunt
Baron)..."
Au terme de
ses calculs, elle se reconnaît débitrice envers son fils d'une somme de 948
Livres 5 sols 2 deniers.
Mais
celui-ci, refaisant les mêmes comptes à sa manière, établit que sa Mère
lui doit 3.510 Livres 10 sols 2 deniers. Sur quoi, la Dame :
"
préférant sa tranquillité à toute plus ample discussion, (a) consenti de
payer à son dit fils ... ladite somme de 3.510 Livres 10 sols 2
deniers,"
qu'elle
règle comptant et en espèces.
Ceci se
passait le 6 Septembre 1773 par devant Me PERRENS Fils, Notaire à BORDEAUX,
au domicile Bordelais de la Dame, en l'Hôtel de son frère, Mr De BRASSIER,
rue MARGAUX, Paroisse St MEXANT.
Le jeune
Baron, quant à lui, vivait alors plus modestement, en pension:
" chez
les Demoiselles GUIBERT rue BAUBEDAT"
Paroisse St
CHRISTOLY. Il était content. Il était en effet désormais majeur, maître en
son Château, et avait obtenu de sa Mère 3.510 Livres là où elle ne lui en
proposait que 948. Tout cela constituait une bonne base de départ.
Erreur ...
La Dame De
BRASSIER, sa Mère, sans désemparer, l'invite à se représenter chez elle le
lendemain 7 Septembre. Et là, outre sa Mère, il retrouve également Me
PERRENS.
Il veut être
maître de ses biens, soit, il va l'être. Elle a payé tout ce qu'il a exigé
d'elle; c'est maintenant réglé; mais il faut qu'on l'écoute et que son fils
lui restitue ce qui, de droit, lui revient dans la succession de son Père. Et
Page (386) |
Les droits de
la Dame dans l'héritage de son mari, désormais recueilli et détenu par son
fils consistent:
" 1°
En un bien noble situé en MEDOC dans la Paroisse (de) St SEURIN de CADOURNES
appelé " à PONTAC "..
qui, lors de
son mariage, en 1745, était affermé à un négociant Bordelais, Mr MOLINIE,
pour une somme annuelle de 2.500 Livres. Or, pressé par ses besoins d'argent,
son défunt mari l'a vendu... bien qu'il se soit agi d'un bien dotal. Qu'à
cela ne tienne, la Dame n'en fera pas un drame et,
"
pour favoriser d'autant sondit fils..."
elle lui fera
un petit prix pour 50.000 Livres.
" 2° La
somme de 25.000 Livres reçue (par son mari des mains) de feu Messire Armand
De BRASSIER; son frère..." Ceci remonte à 1745 et 1748, mais elle n'a
pas oublié et présente les quittances correspondantes qu'elle a
soigneusement conservées par devers elle.
" 3° La
somme de 6.000 Livres léguées à ladite Dame par feu Messire Armand De
MONTFERRAND (son frère) dans son testament ... "
Et sa Belle
Soeur, Dame Thérèse Du HAMEL, veuve de son frère, s'est bel et bien
acquittée de ce legs entre les mains de feu le Baron son mari. Elle n'en a
jamais vu la couleur, mais elle en rapporte la preuve.
" 4° En
pareille somme de 6.000 Livres..." que son frère de MONTFERRAND lui
avait donnée peu avant sa mort et qui ont disparu, comme tout le reste, dans
le gouffre des De LAROQUE.
" 5° En
la somme de 6.000 Livres d'agencement stipulée dans leur contrat de mariage
et gagnée par ladite Dame..."
C'est
l'application de la clause dite du " gain nuptial " qui prévoyait
le don de pareille somme au dernier survivant des deux époux, à prélever
sur les biens laissés par l'autre. Cette somme lui est incontestablement due.
"
6°
En la somme de 4.000 Livres pour... (les) bagues et joyaux , reconnue par
ledit feu Seigneur de BUDOS à ladite Dame dans leurdit contrat de mariage
."
C'est bien
beau de les avoir vendus, mais comme ils lui appartenaient, il faut maintenant
lui en restituer la valeur.
" 7° En
la somme de 1.000 Livres annuellement, de douaire viager, à elle donné par
ledit Seigneur de BUDOS..."
et qui ne lui
a jamais été versé. Son mari bénéficiait en effet, de sa dot, mais
devait, en compensation, lui verser 1.000 Livres par an. C'était en quelque
sorte son argent de poche... mais elle ne l'avait jamais perçu non plus.
Mais ce n'est
pas tout, car elle rappelle qu'elle est encore tutrice de Jean François,
frère du jeune Baron, et de Demoiselle Marguerite leur sœur, et que leur
part d'héritage s'élève à 30.000 Livres pour chacun d'eux.
Page (387) |
Elle rappelle
aussi à son fils qu'il doit verser au Père
Finalement, le jeune Baron ne s'en tirera pas à moins de 87.000 Livres... qu'il n'a pas , bien sûr, on s'en serait douté. Nous n'entrerons pas dans les subtiles combinaisons financières qui permettront de liquider ce contentieux car elles sont fort complexes. Nous nous bornerons à constater qu'une bonne part du prix de la Maison noble de TRULON, sur la Paroisse de BRUGES, n'a pas encore été réglée par l'acquéreur ( depuis 1768... et nous sommes en Septembre 1773).
La Dame est
donc invitée à se payer sur cette créance. Quant aux 30.000 Livres dues à
son frère Jean François et à sa soeur Marguerite, le jeune Baron les leur
paiera^plus tard, à leur majorité, et, en attendant, en versera les
intérêts à leur Mère tutrice. En somme, une fois encore, gagner du temps
et renvoyer les échéances constituent les maître mots de toutes ces
opérations familières aux De LAROQUE.
On comprend
mieux que, la veille, lors de la liquidation de ses comptes de tutelle, la
Dame de BRASSIER n'ait pas cherché à discuter avec son fils pour 2 ou 3.000
Livres en litige. Elle avait d'autres cartes en main et n'a pas tardé à les
abattre. Le jeune Baron avait affaire à forte partie.
Mais à ce
prix là (élevé, il faut bien le reconnaître) le voilà maintenant enfin
maître chez lui, et cette fois-ci, ce sera pour de bon.
Sa Mère se
partagera désormais entre BORDEAUX et tel ou tel de ses Châteaux Médocains,
mais ne fréquentera plus guère BUDOS.
Quant à lui,
il confiera la gestion de ses biens à ses hommes d'affaires, d'abord Benoît
ROUSSEAU, puis Jean DUCOUA, et s'en ira courir le monde pendant quinze ans, au
hasard de ses garnisons et de ses campagnes militaires. Pendant ce temps,
BUDOS n'aura plus de Seigneur résidant permanent.
Le 9 Juin
1776, alors qu'il sert à LANDAU, dans le PALATINAT RHENAN, avec le grade de
Capitaine des Dragons au Régiment de son Altesse Monseigneur le Prince de
CONTI, il établit une procuration générale en faveur de Benoît ROUSSEAU
devant le " Syndic Greffier " en faisant préciser que, ni le papier
timbré, ni l'enregistrement :
" ne
sont.. en usage dans cette Ville."
Toutefois,
pour plus de précaution, il fait légaliser son acte par le Sieur GRIEDEL,
Bourgmestre du lieu.
Dans les
années qui allaient suivre, Benoît ROUSSEAU, qui habite à FONBANNE usa de
ce titre pour gérer les affaires de son maître. Ainsi par exemple, le 5 Mars
1781, on le voit acheter deux pièces de vigne, sur la pente du Bourg, à
gauche du chemin
Page (388) |
C'est
une bonne affaire car le Baron possède déjà pas mal de vignes entre son
Château et MARGARIDE, et ces deux pièces complètent heureusement cette
partie de son domaine. Quelque temps plus tard, il afferme pour cinq ans
" le pré du PONT D'AULAN pour 190 Livres annuelles à Jean BISMES, le
Meunier de FONBANNE c'est un loyer très élevé, mais les fourrages sont
toujours hors de prix. Le Baron est donc au loin, mais ses affaires ne sont
pas pour autant délaissées.
De temps en
temps, entre deux campagnes, il revient à BUDOS pour prendre l'air du pays et
faire le point de sa situation. En Novembre 1786, il est en son Château. Il a
pour lors 39 ans et n'est toujours pas marié. Il a fait carrière, car il est
désormais Major du Régiment des Dragons de LANGUEDOC, et entre temps, est
devenu Chevalier de l'Ordre Royal Militaire de St LOUIS. Mais il s'apprête à
repartir une fois encore.
Au matin, du
17 Novembre, il convoque Jean DUCOUA son nouvel Homme d'Affaires, et Me
DUTAUZIN Notaire à LANDIRAS, pour lui établir et délivrer une procuration,
tout spécialement pour régler ses problèmes de déclaration et de vente de
vins. Le moment est en effet bien mal choisi pour partir car c'est bien en
cette fin Novembre ou, au plus tard début Décembre, qu'il convient de
négocier au mieux la vente de la récolte de l'année dans le cadre du
privilège de Bourgeoisie de BORDEAUX que nous avons déjà longuement
évoqué. Pourtant, le service du Roi ne pouvait attendre. Le Baron Charles
François Arnaud prend donc ses dispositions et, à tant que faire, les prend
aussi pour les années à venir. Il donne ainsi pouvoir à Jean DUCOUA de
"
faire chaque année à Messieurs les Maire et Jurats de la Ville de BORDEAUX
et à tous autres qu'il appartiendra, dans le délai des règlements, la
déclaration, chaque année, des vins blancs et rouges qui se recueilleront
dans les biens dudit Seigneur dans ladite Baronnie de BUDOS; affirmer
véritables lesdites déclarations sous la foi du serment ...( s'il en est
requis) ... faire aussi chaque fois qu'il sera nécessaire la déclaration
pour l'entrée des vins (à BORDEAUX) soit de celui déjà déclaré par ledit
Seigneur et ses préposés, (soit celui)... qui se fera...; et (plus)
généralement faire... tout ce que les règlements à cet égard peuvent
exiger et ce que ferait ou pourait faire ledit Seigneur... luimême s'il
(était) présent en personne..."
Puis, il
étend plus largement encore cette procuration à tous les actes concernant la
gestion du domaine, la perception des droits seigneuriaux, des rentes et
revenus, paiements divers, engagements de procédures, etc.. etc...
A lire ce
texte, on a l'impression que le Baron va s'éloigner de BUDOS pendant très
longtemps, pour bien des années peut-être. Or il se trouve qu'il n'en est
rien. Trois mois plus tard , nous le retrouvons encore dans son Château.
Cette fois-ci, c'est pour établir une pension de retraite au bénéfice d'unevieille
gouvernante, fort avancée en âge et liée à la Famille des De LAROQUE
depuis trois générations. Le 20 Février 1787, il déclare ainsi devant Me
DUTAUZIN que
Page (389) |
"
depuis à peu près vingt ans, il avait à son service en qualité de
gouvernante en son dit Château de BUDOS, Marie AUMON, dite BARATTE, veuve de
Sr Jean BARATTE, quand il vivait Maître Chirurgien; que, comme ledit Seigneur
est satisfait et content des soins et de la fidélité de son service, (et)
que d'ailleurs ladite AUMON est déjà très avancée en âge, incapable par
conséquent de s'employer utilement aux mêmes soins..(et qu'elle) avait même
avant l'époque (où elle a commencé à servir le Baron)... fidèlement
servi, en la même qualité, feue Dame DES BORDES, Grand Mère (paternelle)
dudit Seigneur, avec les mêmes soins et la même fidélité, voulant à cet
effet ledit Seigneur... la récompenser et gratifier... il veut et entend
donner, comme il donne par les présentes (dispositions) purement et
simplement, à ladite AUMON... la somme de 150 Livres de pension par an et
pendant la vie de la dite AUMON seulement..."
"
ladite AUMON s'estime bien et duement satisfaite de la générosité et
gratification dudit Seigneur, son Maître, avec promesse de ne lui faire, ni
aux siens , à l'avenir, sous aucun autre prétexte que ce puisse être, nulle
autre demande quelconque, directement, ni indirectement..."
Il semble
donc bien qu'elle aurait pu effectivement demander quelque chose d'autre. Mais
il y a mieux encore :
" ...
dans le cas qu'elle... (fit une demande ... sous quel autre motif que ladite
AUMON pourrait imaginer par la suite, ou induite par tout autre avis ou
conseil (d'une autre personne), en ce cas (il) demeure expressément convenu
que ladite pension (sera) éteinte, finie et anéantie (au) moment même (où)
ladite AUMON formerait de nouvelles demandes;... le présent acte sera alors
de nul effet et (de nulle) valeur, ce qui est absolument une condition
expresse des présentes (dispositions) sans quoi ledit Seigneur ne (les) eût
prises ni consenties..."
Ces
dispositions sont tout à fait draconiennes et se proposent de dresser une
barrière infranchissable à d'éventuelles prétentions ultérieures
auxquelles le don gratuit de la pension entendait couper court. Nous ne
connaîtrons probablement jamais les dessous de cette affaire, mais nous
pouvons imaginer qu'il y a eu tout de même là quelque anguille sous roche.
il appartiendrait à l'imagination d'un romancier d'explorer le terrain sur
lequel l'histoire ne peut s'aventurer.
Revenons un
instant sur la situation personnelle de la Dame De BRASSIER.
Page (390) |
Par suite de
circonstances dramatiques, elle avait successivement hérité de ses deux
frères, et tout spécialement
Ce grand
Seigneur avait eu un fils unique, Charles Hyacinthe, qui aurait dû hériter de
tous ses titres et de ses grands biens. Ce jeune homme était Capitaine
d'Infanterie et avait commencé une brillante carrière en participant aux
batailles de FONTENOY, RAUCOUR et LAWFELD. Mais il devait finir prématurément
ses jours de façon tragique, bien loin des combats dans lesquels il s'était
exposé. Laissons le chroniqueur relater cette triste affaire:
" Le 30 Septembre 1751, il part... de BORDEAUX avec un valet de chambre pour rejoindre son Régiment à NANCY; il arrive à AMBOISE le 2 Octobre sur les sept heures du soir. Il traversait la rue St ROCH, dans le faubourg, entre les ponts, lorsqu'un chien se jette dans les pattes de son cheval; il lui donne un coup de fouet.
Un homme,
armé d'un fusil lui demande pourquoi il frappe son chien, le Comte de
MONTFERRAND lui répond " Tu ne sais pas à qui tu parles…" et il
passe au pas de son cheval. L'autre se précipite à la tête du cheval et,
MONTFERRAND voulant en descendre, sortant le pied de l'étrier, il lui tire un
coup de fusil. il meurt quatre heure plus tard."
A la suite de ce décès, François Armand , son Père, déjà veuf, était resté sans postérité, et c'est ainsi qu'à son décès, en 1761, son frère avait recueilli sa succession. Lequel frère, venant à disparaître à son tour sans plus de postérité, avait légué tous ses biens à sa soeur, la Dame de BRASSIER qui en forte femme qu'elle était, les gérait elle-même avec beaucoup d'indépendance.
Son fils
avait bien pu l'écarter de la gestion de BUDOS qu'elle avait assuré pendant sa
minorité, elle n'en était pas moins bien plus riche que lui, et désormais
tout à fait à l'abri des expédients médiocres qu'elle avait connus avec feu
le Baron son époux et dont son fils allait peu ou prou poursuivre la pratique.
Tandis que ce
fils courait l'EUROPE en quête de gloire militaire en laissant la gestion de
BUDOS à ses hommes d'Affaires, elle administrait au mieux une très importante
fortune. Le 10 Mars 1787, résidant pour lors en son Château de BEYCHEVELLE en
MEDOC, on la voit procéder à l'inventaire des fiefs dont elle doit rendre
hommage au Roi, et cet inventaire ne laisse pas d'être impressionnant. Elle
possède en effet, à titre personnel:
la
Seigneurie de LANDIRAS
la
Seigneurie de MONTFERRAND
la
Seigneurie de POUJAUX
la
Seigneurie de LAMARQUE
la
Seigneurie de BEYCHEVELLE les trois dernières se situant en MEDOC dans des
terroirs où les vins se vendaient à très bon prix.
Avec
BUDOS pour seul apanage, le Baron Charles François Armand n'avait pas, à
beaucoup près les mêmes revenus que sa Mère ...
Page (391) |
Charles
François Armand de LAROQUE
se marie et revient à Budos:
" L'an 1789 et le 2 du mois de Juillet, à 6h12 du matin, est née et a été baptisée le 4, Demoiselle Catherine Delphine De LAROQUE, fille de Charles Arnaud De LAROQUE, Ecuyer, Baron de BUDOS... ancien Major de Dragons et Chevalier de l'Ordre Royal et Militaire de St LOUIS, et de Dame Catherine De MENOIRE De BEAUJEAU. Le parrain a été Guy De MENOIRE De BEAUJEAU, Chevalier, Président de la Cour des Aides et Finances de GUYENNE. La marraine a été Catherine De BRASSIER, veuve de Michel Joseph De LAROQUE, Ecuyer, Baron de BUDOS. "
Signé :
DORAT, Curé.
Il semble bien que ce mariage et cette naissance ait quelque peu rapproché la Mère et le fils. Catherine De BRASSIER était, à coup sûr à BUDOS à l'occasion de ce baptême, sinon l'acte porterait la mention de la personne " ayant tenu l'enfant " en son nom.
Le Curé DORAT, parfois
sujet à quelques fantaisies que nous avons eu l'occasion de découvrir,
n'était tout de même pas homme à omettre une telle information si la
marraine avait été absente. Mais nous allons rencontrer d'autres preuves de
ce rapprochement familial car les évènements, à partir de là, vont se
précipiter.
Le 28 Décembre 1789, le Baron est à BUDOS en son Château, mais son domicile Bordelais est désormais fixé " en son Hôtel, rue MARGAUX " qui n'est autre que l'Hôtel de sa Mère, provenant de l'héritage du Baron de MONTFERRAND. Nous n'en sommes plus, donc, entre la Mère et le fils, au temps des assignations et des procès de 1773.
La Famille est de nouveau
réunie. Toutefois, et pour ne pas changer, une fois encore, le Baron a besoin
d'argent. Et ce n'est pas auprès de sa Mère qu'il va le chercher, mais
auprès d'un riche Bourgeois Budossais que nous avons déjà rencontré, le
Sieur Arnaud LATAPIE, qui habite au BOURG, et qui était le plus gros
contribuable de la Paroisse.
En échange de 40.000
Livres en espèces que LATAPIE lui verse comptant, le Baron lui constitue une
rente annuelle et perpétuelle de 2.000 Livres en lui offrant une hypothèque
générale sur tous ses biens en garantie du paiement de la rente:
"
laquelle dite somme de deux mille Livres de rente sera payée audit
Sieur LATAPIE par ledit Seigneur, ainsi qu'il s'y oblige, année par année,
et à la fin de chacune d'icelles..."
La première échéance
était prévue pour le 28 Décembre 1790. Le Baron se réservait le droit de
se libérer du versement de tout ou partie de cette rente :
" en trois temps et
paiements "
Page (392) |
de 20.000, 10.000 et autre
versement de 10.000 Livres dès qu'il trouverait les fonds nécessaires.
On pourrait se demander si
le Baron ne préparait pas déjà, là , son émigration. C'est peu probable
car, fin 1789, les conditions politiques générales n'étaient pas encore
alarmantes au point d'inciter au départ un petit Baron de province. Et
d'ailleurs, il n'émigra que beaucoup plus tard, aux environs du mois de Mai
1791 , date approximative à quelques semaines près et qu'il n'est pas
possible de préciser davantage compte tenu de la discrétion dont s'est
entouré ce départ.
A ce moment là, la Dame Catherine De MENOIRE, sa femme, avait déjà quitté BUDOS pour se réfugier à BORDEAUX auprès de sa Belle Mère, dans l'Hôtel de la rue MARGAUX. Elle ne devait jamais revenir à BUDOS car elle mourut peu de temps après probablement à l'occasion de la naissance d'une seconde fille.
Ce point n'a pu être
encore totalement éclairci, mais il existe de sérieuses chances de retrouver
les documents nécessaires à son établissement dès que les recherches
utiles pourront être entreprises. En tout état de cause, en Janvier 1793,
elle était déjà morte depuis quelques temps déjà.
Les biens mobiliers du Château furent mis sous séquestre par la Municipalité de BUDOS nouvellement créée, le 17 Mai 1792; mais la jeune Baronne avait eu le temps de faire enlever du Château l'argenterie et les pièces de mobilier les plus précieuses. De même avait-elle fait vider les chais et transporter le vin à BORDEAUX.
Grâce au dévouement de
Jean DUGOUA, le fidèle Homme d'Affaires de la Famille, qui était resté sur
place, elle avait même pu percevoir, pour la dernière fois, les fruits des
récoltes de 1791 alors que son mari avait déjà rejoint l'émigration.
C'est en cette année 1791 que l'on peut situer la dispersion des Officiers et des domestiques permanents qui animaient la vie du Château Juge, Procureur d'Offices, Greffier, Bayle, Garde Chasse, Tonnelier, Jardinier, Palefreniers, Bouviers et nombreux Valets de vigne, ces derniers domiciliés soit dans le Château lui-même ( quelques célibataires ), soit à proximité immédiate, à MOUYET, FONBANNE et BOUILLON.
Les Domestiques les plus
proches des Seigneurs tels que Valets de pied et Femmes de Chambre avaient,
semble-t-il, déjà suivi la Baronne à BORDEAUX.
Mais nous sommes déjà là
dans une autre période, celle de la Révolution, et c'est une toute autre
histoire.
En cette fin de l'Ancien Régime, les De LAROQUE ont souvent été des Seigneurs proches de la vie du Village. Pendant une bonne partie de l'année, on pouvait les croiser à chaque détour de chemin allant, venant, chassant, ou les rencontrer à l'Eglise à l'occasion de chaque office carillonné.
A la différence de
nombreux Seigneurs non résidants, ils étaient réellement connus, et
finalement acceptés de tous comme membres de la communauté paroissiale. Au
delà des clivages sociaux, tout à fait incontestables et que l'on ne saurait
minimiser, ils restaient néanmoins liés à leurs manants par des liens de
complicité tantôt
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Leur mode de vie, les services dont ils s'entouraient, leurs vêtements, la qualité de leurs chevaux, l'aménagement de leur demeure les distinguaient très largement des villageois de leur entourage.
Et pourtant, pour nous qui, à la faveur des documents retrouvés, connaissons les dessous de leur histoire, nous savons que, sous la réserve de la situation personnelle de la Dame De BRASSIER, ils ont toujours été à court d'argent en dépit de leurs terres, de leur Château de fière allure, de leurs ressources engrangées à chaque récolte sous les regards plus ou moins envieux du Village, ils vivaient d'expédients, vendant ceci, négociant cela, toujours à l'affût d'emprunts et de reports d'échéances.
Il leur fallait tenir un
rang et sacrifier aux apparences, mais en fait, leur position réelle n'était
finalement pas aussi assurée que celle de quelques bons bourgeois et
laboureurs locaux qui, sous des apparences de médiocrité savamment
entretenues ( surtout chez les laboureurs), développaient patiemment leur
patrimoine et préparaient, en silence, la prospérité de leur descendance.
Si les De LAROQUE
constituaient la seule Famille noble résidante à BUDOS à la fin de l'Ancien
Régime, plusieurs Bourgeois, dans le même temps , figuraient parmi les
Notables Budossais.
Ils étaient au nombre
d'une demi douzaine environ, pas beaucoup plus, et encore étaient-ils de
fortune très inégale.
C'est ainsi que la Dame
Jeanne De MAILLET, veuve de Me Joseph CORRONAT, Avocat au Parlement, s'était
définitivement retirée de BORDEAUX à BUDOS en 1784, après son veuvage.
Elle occupait au quartier du BATAN une petite maison de deux pièces qui
était en fort mauvais état. Elle y vivait discrètement avec des revenus,
semble-t-il, assez limités. Son logis:
" menace un
écroulement prochain, "
les murs sont gravement
làzardés, de haut en bas, sur chaque face,
" et
le plancher vis à vis la cheminée (est) soutenu par deux escorres ( c'est à
dire des étais de bois) sans lesquelles ledit plancher ne se serait pas
soutenu jusqu'à présent."
de même :
" tous les contrevents
et vitres de la maison (ont)
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On peut donc être
Bourgeois et devoir se contenter d'une situation bien précaire.
Est en effet Bourgeois de
BUDOS celui ou celle qui, possédant des biens fonciers, ne les exploitait pas
de ses propres mains, ou bien encore, disposant de rentes, se trouvait
dispensé de travail manuel.
Bernard PENICAUD, dernier Procureur d'Offices du Tribunal de BUDOS était, lui aussi, Bourgeois de la Paroisse. Nous l'avons déjà rencontré en diverses circonstances, notamment au Chapitre de la Justice en évoquant ses "errances " de BUDOS à LEOGEATS, de là à PUJOLS, puis de nouveau à LEOGEATS, sans parler d'un détour par BARSAC, avant de revenir faire une fin à BUDOS.
C'était donc un Budossais
de fraîche date et qui ne s'est réellement fixé que tout à la fin de notre
période. Mais son histoire a le mérite de bien montrer qu'aucun délai
n'était requis pour être reconnu comme Bourgeois local par la Communauté.
Il ne s'agissait d'ailleurs pas d'un titre protégé par une quelconque
réglementation, et au surplus, il ne conférait ni avantage ni privilège.
Autre Bourgeois Budossais
Raymond COUTURES. Son Père Joseph Vincent avait été Greffier du Tribunal
Seigneurial et, à sa mort , survenue le 20 Avril 1767, il avait été
enseveli à l'intérieur de l'Eglise :
"
dans la sépulture de sa Famille..."
signe incontestable d'une
position sociale assez exceptionnelle et de vieilles racines Budossaises. Et
pourtant, son fils Raymond, tout Bourgeois qu'il était, ne jouissait pas
d'une trop bonne réputation. On le disait mauvais payeur. Souvenons nous de
l'avoir lui aussi déjà rencontré dans le Chapitre consacré à la
Possession de la Terre, lorsqu'il s'était trouvé en conflit ouvert avec
Pierre PERROY, dit SANSON, chargé de lui recruter des journaliers à prix
faits.
N'oublions surtout pas Arnaud LATAPIE, le plus riche Bourgeois de la Paroisse, en tous cas le plus imposé, qui habitait au BOURG, et que nous venons de voir prêter 40.000 Livres comptées en belles pièces d'or et d'argent entre les mains du Baron De LAROQUE, le 28 Décembre 1789... En l'absence de toute banque locale, où avait-il pu tenir autant d'argent caché ? Jamais un laboureur n'aurait couru un tel risque...
En premier lieu parce
qu'aucun d'entre eux n'aurait pu réunir une pareille somme , mais surtout
parce qu'avec les premiers milliers de Livres épargnées, il aurait tout
aussitôt acheté quelques terres, " pour ne pas garder d'argent à la
maison ". Or, Arnaud LATAPIE détenait bel et bien cette somme, énorme
pour BUDOS, et portant témoignage d'une très confortable aisance. C'est un
cas unique au sein de toutes les transactions passées par les Villageois au
fil des trente dernières années de l'Ancien Régime.
Il ne peut être question
d'entrer dans le détail de l'histoire de chacune de ces Familles, il faudrait
leur consacrer des volumes entiers. La chose serait néanmoins tout à fait
possible à qui disposerait du temps nécessaire à la recherche
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A titre d'exemple,
nous évoquerons l'histoire de l'une de ces Familles, et pour ce faire, nous
porterons notre choix sur les JAMART. Cette Famille a occupé une place
importante dans la vie locale tout au long du XVIIIème siècle, ne serait-ce
que par le nombre de ses membres et par leurs alliances, mais aussi parce
qu'elle a laissé son nom à un hameau du Village. Enfin il faut dire aussi
que nous n'avons guère eu l'occasion de parler d'elle jusqu'ici et qu'il nous
faut combler cette lacune.
A l'origine les JAMART
étaient une Famille de Bourgeois de BORDEAUX qui s'était vouée au métier
des armes.
Etaient-ils nobles ou
simples Bourgeois ? La réponse n'est pas absolument évidente. Il est des
circonstances où ils se disent Bourgeois; mais cela ne signifie pas grand
chose. Le Baron De LAROQUE lui-même oublie parfois ses nombreux titres pour
se dire Bourgeois de BORDEAUX " ( ce qu'il est, effectivement lorsqu'il
s'agit de revendiquer un privilège fiscal attaché à cette qualité.
Certains les ont dits nobles. Et en effet, jusqu'au milieu du XVIIIème, ils se sont fait volontiers appeler " JAMART de TERREFORT ". Mais cela peut très bien n'avoir été que le nom d'un bien foncier accolé à leur nom propre sans leur conférer le moindre droit à une quelconque noblesse. Ce genre de pratique était fréquent et plus encore peut-être chez les militaires que chez quiconque d'autre.
Pour échapper à toute
poursuite en usurpation d'Etat, il suffisait de bien se garder de s'affubler
d'un titre nobiliaire, de Baron, par exemple ou même de plus modestes tels
qu'Ecuyer ou Chevalier. Quant au nom, chacun a pu modifier le sien ou le
compléter à sa guise jusqu'en 1790 pourvu que ce ne fut " ni par dol,
ni par fraude ". Nous avons déjà rencontré cette faculté au Chapitre
de la Démographie.
Or, il semble bien que les JAMART et leurs alliés aient usé de cette tolérance avec une généreuse libéralité. Ne vit-on pas la Demoiselle PERROY, épouse d'Etienne Honoré JAMART s'intituler " PERROY De JAMMART " dans un acte de baptême où elle était marraine, ou encore sa Belle-sœur, épouse de Me PERROY, le Notaire de NOAILLAIN, qui, en une même circonstance n'hésita pas à signer CAZALET De PERROY " alors qu'elle s'appelait tout bonnement CAZALET ".
En dépit de ces aimables
fantaisies, il parait bien que les JAMART n'ont été rien d'autre que de bons
Bourgeois. Au demeurant, la quasi totalité de leurs alliances, au fil du
XVIIIème siècle, ont été roturières ( sous la réserve d'une seule,
d'ailleurs modeste) et c'est là un signe qui ne trompe guère.
Jacques JAMART, Bourgeois
de BORDEAUX, était Capitaine au Régiment Royal. Il avait épousé la
Demoiselle d'AULEDE, dont
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Généal
Jacques JAMART |
1° Pierre JAMART, né vers
1674, DCD à BUDOS le15 Nov.1734. Dragon,Célibataire. |
2°Jacquette JAMART, née
vers 1683, DCD à BUDOS le 20 Sept.1729, Célibataire. |
3° Marie JAMART, mariée à BUDOS le 11 Avril 1712 avec Etienne
CARROURGE, Contrôleur Fiscal à BELIN. Un fils, Nicolas CARROUGE, Médecin à BARSAC, qui épouse Marie LABORIE, DCD à BARSAC vers 1784. D'où deux enfants Pierre CARROUGE, Avocat à BORDEAUX et Marie Scholastique CARROUGE. |
4° Joseph JAMART, épouse Anne BARRIERE, DCD vers 1742. D'où trois enfants : deux garçons et Claire JAMART mariée à BUDOS le 10 Avril 1745 avec Bernard BEZIN. D'où cinq enfants: Marguerite BEZIN, née le 17 Juin 1747 à BUDOS, DCD le 3 Sept. 1747; Barthélémy BEZIN, né le 11 Sept. 1749 à BUDOS; Jean BEZIN né le 17 Mai 1756 à BUDOS, DCD le 8 Juin 1756; Marie BEZIN née à BUDOS le 12 Janv. 1758 ; Elizabeth BEZIN née à BUDOS le 28 Déc. 1761. |
5°Barthélémy JAMART né
vers 1680, Cavalier au service du ROI en 1735, Bourgeois de BUDOS en
1742, DCD le 14 Juil. 1750. |
6° Etienne Honoré JAMART
de TERREFORT, Bourgeois de BUDOS, épouse à NOAILLAN la Demoiselle
PERROY DCD vers 1742. |
7° Anne JAMART épouse à
BUDOS le 18 Oct. 1734 Denis DUVERGER, Bourgeois. |
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C'est en effet à partir de
1709, et un peu par hasard, que les JAMART devinrent Budossais.
Jacques JAMART était
propriétaire d'un bien fort important situé à BARSAC et, tout comme bon
nombre de Nobles et Bourgeois de son temps, partageait harmonieusement sa vie
entre la Ville et son domaine rural, du moins dans l'intervalle de ses
campagnes militaires.
Mais il avait aussi des dettes, et des dettes fort importantes. Et qui donc au XVIIIème siècle n'en avait pas en nos contrées ... ? On peut évidemment objecter que, seuls, les débiteurs chroniques ont laissé des traces dans nos archives et que ceux de leurs contemporains qui en étaient exempts ne s'y retrouvent pas. D'où une impression de généralisation trompeuse. C'est incontestable, et l'argument a du poids.
Mais il n'en reste pas
moins que l'endettement est une pratique si générale dans toutes les couches
de la société qu'il devient un phénomène sociologique de premier ordre. Un
endettement revêtant toutes sortes de formes, souvent prolongé au-delà de
toute raison, alors même que nous savons que le débiteur aurait eu les
moyens de se libérer de ses obligations. Un endettement enfin portant tout
aussi bien sur de très fortes sommes, comme sur des montants dérisoires.
Bref, quelles qu'en soient
les raisons, Jacques JAMART avait d'assez grosses dettes se chiffrant en
milliers de Livres et, tout au début du siècle, sa situation parait soudain
n'avoir plus été tenable. Il fallait donc trouver une issue.
C'est alors qu'il rencontra
le Sieur De St MARC, Receveur des Fermes à BELIN, propriétaire d'un bien
foncier important estimé à 7.000 Livres, situé à MOULAS, sur la Paroisse
de BUDOS.
Le Sieur De SAINT MARC avait acquis cette propriété en échange d' une rente annuelle de 350 Livres qu'il versait à la Veuve SAINT MESMIN entrée en religion après son veuvage au Couvent Notre Dame à BORDEAUX.
Quelques années plus tard, devait s'élever autour du versement de cette rente une vive contestation mettant en cause la Supérieure du Couvent, accusée de l'avoir détournée, l'Archevêque, accusé d'avoir couvert l'opération de son silence, sinon de sa quasi complicité, le Ministère à VERSAILLES demandant à l'Intendant d'intervenir pour forcer l'Archevêque à prendre position, d'autres intervenants encore ...
Bref, une affaire peu
banale dans laquelle s'affrontèrent sournoisement Pouvoir Royal et Pouvoir
Ecclésiastique. Nous n'entrerons pas dans la relation de ce contentieux fort
complexe, même s'il fut parfois cocasse, car il se développa tout à fait en
marge des JAMART qui n'y furent jamais mêlés.
Pour en revenir à leur propres affaires, voici donc Jacques JAMART et le Sieur De SAINT MARC face à face, et ils vont conclure un arrangement astucieux. Ils vont échanger entre eux leurs propriétés de BARSAC et de BUDOS.
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Et comme la valeur
Il l'utilisera à
désintéresser ses créanciers dont il fera désormais son affaire selon la
liste qui lui en sera fournie. Et Jacques JAMART, enfin libéré de ce poids
pourra repartir du bon pied sur des bases assainies. Ce qui ne l'empèchera
pas de contracter ultérieurement de nouvelles dettes que l'on retrouvera à
son décès...
C'est ainsi qu'en 1709, les
JAMART prirent leur premier contact avec BUDOS alors qu'ils n'avaient jusque
là jamais eu l'occasion de nouer la moindre relation avec cette paroisse.
Pierre JAMART, le fils
aîné était Dragon. Après avoir parcouru l'EUROPE au fil de ses campagnes,
il finit par rejoindre sa famille à l'occasion de sa retraite. De Bordelaise
qu'elle était lorsqu'il avait pris du service, il l'avait retrouvée
Budossaise à son retour. Il s'installa donc tout naturellement à BUDOS où
il mourut, toujours célibataire, le 15 Novembre 1734, à l'âge de 60 ans, ce
qui situe sa naissance aux environs de 1674. Il fut enterré sous le "
rabelin " de l'Eglise.
Barthélemy JAMART, né
vers 1680, s'était engagé comme "Cavalier au service de Sa Majesté
", sans autre précision. Ayant ultérieurement abandonné les armes,
nous le retrouvons " Bourgeois de BUDOS " en 1742. Fin 1749, il
était toujours à BUDOS puisqu'il y parraina le petit Barthélemy BEZIN, fils
de sa nièce Claire. Mais il lui restait alors peu de temps à vivre puisqu'il
mourut au quartier de LARRAT le 14 Juillet 1750. Il ne semble pas qu'il
se soit jamais marié. Il fut enterré dans l'Eglise.
Jacquette JAMART était
née vers 1683; restée célibataire, elle vint s'installer à BUDOS en même
temps que le reste de la Famille. Elle y mourut le 20 Septembre 1729, à
l'âge de 46 ans.
Marie JAMART fut la première à s'établir à BUDOS. Le 7 Novembre 1710, alors qu'elle habitait encore à BORDEAUX, sur la Paroisse St CHRISTOLY d'abord, puis sur celle de St MICHEL, elle passa contrat de mariage avec Etienne CARROUGE.
Il est vraisemblable
qu'elle le connaissait déjà car les CARROUGE, bien qu'habitant BELIN,
avaient de solides attaches à BARSAC où les JAMART avaient aussi été très
bien implantés jusqu'en 1709, date de l'échange des biens.
Curieusement, ce mariage fut longtemps différé, exactement pendant 17 mois, puisqu'il ne fut célébré, en l'Eglise de BUDOS, que le 11 Avril 1712. Il se peut que ce décalage soit imputable au transfert de la Famille de BORDEAUX à BUDOS car, si le bien de MOULAS a effectivement été acquis en 1709, il n'en est pas moins vrai qu'en fin 1710 la Famille était encore Bordelaise.
Quoi qu'il en soit, ce fut
un beau mariage dont un frère du Baron et Bernard COUTURES procureur
d'Offices local furent les témoins. Ils eurent pour fils Nicolas CARROUGE qui
revint plus tard s'installer médecin à BARSAC et que nous avons déjà
rencontré bien des fois en diverses circonstances. Marié à Marie LABORIE,
ils eurent à leur tour deux enfants Pierre devenu Avocat au Parlement
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Joseph JAMART n'a laissé aucune trace à BUDOS, il se peut qu'il n'y soit jamais venu, du moins de façon durable. Il se pourrait (mais ce n'est qu'une hypothèse ) que l'on puisse situer sa naissance entre celles de Pierre et de Barthélemy soit donc quelque part entre 1675 et 1679. Son mariage avec Demoiselle Anne BARRIERE aurait très bien pu en ce cas se situer avant 1709, avant par conséquent l'arrivée de la Famille à BUDOS.
Cette hypothèse aurait le mérite d'expliquer qu'étant déjà établi ailleurs, il n'ait pas fait partie du voyage ... Encore convient-il de bien dire " ailleurs ", et pas nécessairement à BORDEAUX car son épouse semble bien avoir été Landaise. En 1745, après son veuvage, on la retrouvera retirée à AIRE sur l'ADOUR.
En tous cas, ce couple
avait eu au moins trois enfants : deux garçons dont nous ne savons rien et
qui semblent bien n'avoir jamais résidé à BUDOS, et une fille, Claire
JAMART qui, elle, fut incontestablement Budossaise. Mariée sur place, le 10
Avril 1745, avec Bernard BEZIN, elle en eût cinq enfants : Marguerite,
Barthélemy, Jean, Marie et Elizabeth, dont trois seulement survécurent. Elle
resta veuve après le 29 Décembre 1779.
Coup sur coup, en 1734,
dans les vingt mois suivant le décès de leur Mère, Antoinette d'AULEDE, les
deux derniers enfants JAMART se marièrent.
Etienne Honoré, se disant
lui aussi " De TERREFORT " et Bourgeois de BUDOS, épousa à
NOAILLAN une Demoiselle PERROY, soeur du Notaire local. Ils ne devaient guère
vivre ensemble car il mourut très tôt après avoir eu trois filles : Marie,
Anne, et autre Marie, toutes trois mortes en bas âge. Restée veuve après
1742 et désormais sans descendance, la Demoiselle PERROY légua tous ses
biens à son frère, le Notaire.
La même année, le 18 Octobre 1734, Anne JAMART épousait à BUDOS Denis DUVERGER, Bourgeois qui, bien qu'habitant BUDOS, parait avoir eu une origine Bordelaise puisque sa Famille tenait commerce en cette Ville sur la Paroisse St REMI. Les époux s'établirent sur place et eurent cinq enfants dont deux jumeaux qui ne vécurent qu'une dizaine de jours.
Leur dernière fille Anne devait également mourir, encore célibataire, en 1768, à l'âge de 27 ans. Seule, leur fille aînée, Marguerite devait faire un mariage noble, le seul et unique de la Famille, en épousant à BUDOS, le 19 Septembre 1769, Noble Gilles De GRENIER, Sieur De La FEUILLADE, Ecuyer, qui était de VILLANDRAUT et appartenait à une Famille de Maître Verriers ( la verrerie était alors une " profession noble " ).
Denis DUVERGER, Père de la
mariée, venait juste de mourir un mois et demi auparavant, le 31 Juillet
1769, en laissant 1.139 Livres de dettes, l'une d'entre elles avait été
souscrite auprès de la Demoiselle DORAT, soeur du Curé, qui lui avait servi
de banquière pour un prêt d'argent remontant à quatre ans et demi. Son
montant, compte tenu des intérêts impayés, s'élevait à 776 Livres et 4
sols.
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Anne JAMART, la veuve va
s'en acquitter le 20 Juillet 1770 en abandonnant entre les mains de ses
créanciers une succession qui lui était
Finalement, sur les sept
enfants JAMART vivants au début du XVIIIème siècle, au terme de la seconde
génération, il ne restait plus un seul descendant connu susceptible de
transmettre le nom. Il faut bien prendre le soin de dire " connu " car
il ne faut pas oublier les deux garçons issus de Joseph, qui n'ont jamais vécu
à BUDOS mais qui ont très bien pu faire souche à BORDEAUX ou ailleurs. C'est
sur cette seule branche que d'éventuelles recherches pourraient être
entreprises si l'on voulait un jour poursuivre l'histoire de cette Famille.
Jacques JAMART, l'Ancêtre,
était mort à BUDOS le 30 Novembre 1721, bien avant que tous ses enfants ne
soient encore établis. Il avait été, lui aussi, enterré sous le rabelin de
l'Eglise.
L'inventaire de ses dettes
après son décès avait été passablement conséquent. On y avait trouvé un
peu de tout, y compris 30 Livres dues:
" au
Fabriqueur de (1'Eglise) de BUDOS pour trois sépultures..."
à la suite de deuils
familiaux qui remontaient à plusieurs années, et quelques autres arriérés
tout aussi dérisoires dont on se demande bien pourquoi ils n'avaient pas été
réglés en leur temps, d'autant que, tout le monde en tomba d'accord, l'actif
successoral permettait, pour une fois, d'honorer tous les engagements.
Quant aux propriétés, de
partages successifs en liquidations de dettes, elles avaient littéralement
fondu comme neige au soleil.
Tout cela donne
l'impression d'un grand désordre dans la gestion des affaires de cette Famille.
Impression largement confirmée par quelques descriptions qui nous sont
parvenues concernant l'état des biens constituant le patrimoine. C'est ainsi
qu'en 1742, une métairie située au quartier des MOULIES et qui faisait partie
du domaine nous est décrite comme une:
"
maison bâtie de pierre, couverte de tuiles, délabrée et en mauvais état,
parc à bétail dont la charpente a tombé et les murs délabrés; padouens,
ayriauux, jardin chènevîer, terre labourable, près, pignadas et autres
dépendances, le tout à tenant, situé au Village des MOULIES. "
Les JAMART étaient
peut-être de bons soldats, mais tout donne à penser qu'ils étaient de bien
piètres exploitants agricoles...
Par quelques judicieux
rachats successifs, une part de cet important domaine fut néanmoins sauvegardé
entre les mains de deux alliés de la Famille. Celles de Me PERROY, Notaire à
NOAILLAN qui en recueillit une modeste part, celle de sa soeur, veuve d'Etienne
Honoré, lors de l'extinction de cette branche; et surtout celles de Nicolas
CARROUGE, la médecin de BARSAC qui, par une politique active de rachats et une
gestion
Page (401) |
Or,
celui-ci, comme nous l'allons voir tout à l'heure, s'empressa de revendre ce
bien, pour 11.500 Livres, moins de trois ans après la disparition de son Père...
De cette
Famille Bourgeoise, il ne reste que le nom, attaché à un hameau de BUDOS.
Rien de plus que pour les DARMAJAN qui, au milieu du siècle, étaient propriétaires
du Château de PINGUET et disparurent, eux aussi en laissant leur nom au
" Clos DARMAJAN" toujours planté en vignes depuis l'époque et qui
s'étend à l`ouest du Château de BUDOS.
Par des hasards divers et des circonstances plus ou moins fortuites, toutes ces Familles ont disparu alors que celles des laboureurs se maintenaient, les LEGLISE, les BOIREAU, les DAMBONS, les BEDOURET, les LACASSAGNE, les BRUN, les MARQUETTE, d'autres encore, tous authentiques Budossais de vieille souche, et depuis bien des siècles.
Certains ont
même poussé la fidélité à leur terre jusqu'à ne pas bouger de leur
quartier, tels les LEGLISE qui sont établis à PAULIN depuis au moins 350 ans
et probablement bien davantage encore. C'est sur leur histoire que nous allons
maintenant porter notre attention.
Le terme de
" Manant " est devenu péjoratif . A l'époque il ne l'était pas,
du moins pas encore. Les habitants de BUDOS, de LANDIRAS, de BALIZAC ou de
telle autre paroisse rurale n'hésitaient pas, dans leurs actes officiels à
se désigner eux-mêmes sous ce nom:
" Nous,
Manants de la Paroisse de..."
Les Manants,
à l'origine de la Féodalité, étaient ceux qui " restaient sur place
" , attachés au sol de la Seigneurie. Il y avait bien des siècles que
les paysans locaux étaient libérés de cette contrainte et qu'ils avaient
tout loisir d'aller s'établir où bon leur semblait. Mais, dans la plupart
des cas, ils n'en " restaient " pas moins sur place ( en latin
" manere" signifie rester, persister ) en toute liberté; et ceci,
bien souvent, parce qu'ils étaient devenus " laboureurs " en
prenant possession de quelques parcelles de cette terre que leurs ancêtres
avaient si longuement convoitée.
Ils étaient
Manants et n'en faisaient aucun complexe. En cette fin du XVIIIème siècle,
le terme avait déjà vieilli et n'était guère plus utilisé que dans les
textes officiels, en particulier notariaux.
Page (402) |
Mais comment
rendre compte de l'histoire de centaines de familles au fil de trente années
? ... L'entreprise, si elle se voulait systématique, serait à coup sûr tout
à fait démesurée.
Mieux vaut
donc adopter un procédé beaucoup plus sélectif en relatant un certain
nombre d'anecdotes de caractère monographique, puisées dans tel ou tel
groupe familial, et portant sur un large éventail d'activités et de préoccupations.
Ainsi pourra-t-on espérer, par petites touches successives, restituer un peu
de cette vie quotidienne de nos Ancêtres que nous avons parfois bien du mal
à cerner dans ses détails.
Le procédé
pourra paraître manquer de cohérence puisqu'il fera sauter le lecteur d'un
sujet à un autre en dehors de tout enchaînement logique, mais à l'usage, il
pourrait peut-être se révéler plus vivant et finalement plus démonstratif
qu'un exposé se voulant rigoureux et systématique.
Au lecteur de
juger du bien fondé éventuel de cette tentative.
Les
tribulations familiales d'Arnaud BATAILLEY.
Arnaud
BATAILLEY était le septième enfant d'une famille de riches laboureurs
installés, depuis des temps immémoriaux au quartier de LASSUS, sur la
Paroisse de SAINT SYMPHORIEN.
Il y était né
en 1715. Il était fils de Jean et de Catherine CAUBIT. Il avait passé son
enfance à LASSUS, travaillant avec ses frères sur le fonds de la propriété
familiale.
Si important
que fût le bien ( et il l'était...) il vint un temps où il n'offrit plus
assez de travail pour tout le monde. En effet, à partir de 1730, outre le Père,
la famille se composait de quatre solides garçons de 15 à plus de 25 ans,
sans parler des filles... Cela faisait beaucoup de main d'oeuvre. Et comme les
aînés avaient déjà commencé à faire souche sur place, de toute nécessité,
il fallait essaimer. Ce fut le plus jeune garçon qui, le premier, vint à
partir en Janvier 1735.
Nous ne
savons en quelle occasion, quelle Fête, quelle rencontre de champ de foire ou
dans quelle autre circonstance le Père BATAILLEY rencontra Arnaud ROUMEGOUX,
laboureur de très vieille souche Budossaise, installé au quartier des MAROTS
probablement depuis des générations. Toujours est-il qu'ils se rencontrèrent.
Or, chez les
ROUMEGOUX, la situation était exactement inverse; on manquait de bras. Cet
Arnaud ROUMEGOUX était né à BUDOS vers 1677 et avait épousé Louise
PIECHAUD qui était probablement originaire de LANDIRAS. Ils avaient eu cinq
enfants et n'avaient conservé que Jeanne, leur fille aînée, née le 21 Août
1719. Les quatre autres étaient morts en bas âge.
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Une telle hécatombe,
dans une même famille, illustre de façon très concrète tout ce que nous
avons pu dire par ailleurs des ravages que provoquait une effroyable mortalité
infantile. En 1734, Arnaud, le Père, approchait de la soixantaine et commençait
à " avoir besoin d'un gendre ". Mais la petite Jeanne était bien
jeunette; elle avait tout juste 15 ans et demi. Qu'à cela ne tienne, PETITON,
le dernier des fils BATAILLEY en avait à peine vingt..
Et parce
qu'un tel mariage arrangeait les affaires des deux familles, et contrairement
à tous les usages du temps, on décida de marier ces deux jeunes gens une
dizaine d'années avant le terme habituel des épousailles 24 à 25 ans pour
les filles et 27 à 29 ans pour les garçons C'est un cas, sinon unique, du
moins très rare dans les annales Budossaises.
Dans l'après
midi du 18 Décembre 1734, c'était un Samedi, les familles BATAILLEY et
ROUMEGOUX se réunirent au quartier des MAROTS dans la maison des ROUMEGOUX.
Il y avait là beaucoup de monde. Le contrat de mariage que l'on s'apprêtait
à rédiger énumère nommément treize personnes, mais signale en outre la présence
"
d'autres parents et amis des parties ici présentes et assemblées..."
Jean BATAILLEY, le Père de l'époux, avait amené l'un de ses Notaires ( il en pratiquait plusieurs ). Il s'agissait de Me LAFOURCADE, Notaire Royal à BALIZAC. Manifestement, celui-ci connaissait parfaitement la famille BATAILLEY car il désigne avec beaucoup de complaisance les parents et alliés venus de St SYMPHORIEN pour l'occasion. Il passe au contraire très vite sur les Budossais car, à l'évidence, il les connaissait beaucoup moins.
Outre le Père
et la Mère de la petite Jeanne, il ne cite en effet, côté ROUMEGOUX, que
Martin SOUBES, " son parain "; C'était bien le moins qu'il pouvait
faire. Mais le Père BATAILLEY, prudent, avait fait venir également un autre
Notaire de ses amis, Me DARTIAILH, de St SYMPHORIEN, auprès duquel il déposera,
d'ailleurs, peu après son testament. Bien que Notaire, ce Me DARTIAILH
n'interviendra cependant dans l'acte qu'au titre de témoin.
Et l'on
commença à parler affaires.
Pour les
ROUMEGOUX, les choses étaient très simples. Ils n'avaient plus d'autre
enfant que Jeanne et lui faisaient don de tous leurs biens meubles et
immeubles tels qu'ils se trouveraient au décès du dernier survivant d'entre
eux. Bien entendu, ils s'en réservaient la jouissance jusqu'à ce terme. Ils
s'engageaient en outre à:
"
recevoir en leur compagnie les futurs époux, à les nourrir et entretenir, étant
en bonne santé et malades,"
tandis
que les futurs époux:
"
travailleront de leur possible."
C'est sur la
base de ce contrat qu'Arnaud BATAILLEY dit PETITON vint " s'installer
gendre " au quartier des MAROTS.
Mais de son côté,
les affaires se présentaient de façon beaucoup plus complexe. Ses sœurs
Catherine, Jeanne et Marie ayant été désintéressées par des dots appropriées,
il restait encore les quatre garçons dont il était le plus jeune.
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Qu'à
cela ne tienne,
"
ledit BATAILLEY Père... fait aussi don et donation... à jamais irrévocable
audit futur époux de la quatrième partie (c'est à dire du quart) de tous
ses biens meubles et immeubles, présents et avenir, en quoi que le tout
puisse consister, qui se trouveront... au temps de son décès."
Mais ce n'est
pas tout. Le Père BATAILLEY est riche, et il ne sera pas dit qu'il aura envoyé
l'un de ses fils " gendre" les mains vides. Il lui donne:
" un
châlit de bois de pin, ferré dans le bas avec des vergettes de fer, et un
coffre de bois de chêne fermant à clef, tenant environ deux boisseaux (soit
203 litres)..."
étant
entendu que cette libéralité est consentie en avance sur son futur héritage.
Et ce n'est
encore pas tout, car, tant que les jeunes époux vivront au foyer des
ROUMECOUX, le Père BATAILLEY leur servira une rente annuelle de:
" six
boisseaux de seigle bon et marchand, mesure de BAZAS..."
ce qui représente
un peu moins de 610 litres, livrables en Juillet, et:
" d'un millier d'oeuvres de pin que lesdits... futurs époux iront couper dans les bois dudit BATAILLEY Père, situés dans ladite Paroisse de St SYMPHORIEN."
Toutefois, il
est bien précisé que:
" en le cas que lesdits futurs époux ne puissent vivre dans la compagnie (desdits parents ROUMEGOUS),
la rente
cesserait aussitôt. Voilà bien un puissant stimulant pour sauvegarder la
bonne entente familiale et aplanir d'éventuels conflits de générations.
Au
total :
"
tous les biens meubles et immeubles... donnés et constitués (par les deux
familles) ont été évalués par les parties à la somme de mille Livres.
C'était une
somme assez considérable, mais en y regardant de près, et au terme de
calculs dans le détail desquels nous n'entrerons pas ici, il semble bien
qu'elle ait été assez notablement sous évaluée en vue d'éviter une part
des droits d'Enregistrement qui étaient Proportionnels à la valeur déclarée
par les familles.
Toutes ces
dispositions étant arrêtées, et paraphées, tout le monde prit le chemin.
pour monter à l'Eglise et aller y célébrer solennellement les fiançailles
du futur jeune couple.
Ce fut une
bien belle journée...
Le mariage
suivit, moins d'un mois plus tard, le 11 Janvier 1735, un mardi, en présence
de Mr THEODOLIN, Vicaire de la Paroisse de BUDOS.
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Voici donc
Arnaud et Jeanne mariés et installés au quartier des MAROTS. Le 24 Juin
1737, ils ont un premier enfant, Arnaud, du même prénom que son Père. Il
est né viable mais décède le jour même de sa naissance. C'était donc le
premier né de Jeanne, elle n'avait pas encore dix huit ans.
Un autre
enfant vient au foyer le 13 Juillet 1738, on l'appelle Martin ; puis vient Marie, la seule qui
survivra de ce mariage et qui naquit le 8 Novembre 1740. Son parrain fut un
certain Jean DARTIGOLLES, très certainement un ami de la famille ROUMEGOUX
car il figurait déjà parmi les témoins du contrat de mariage de 1734. Il se
disait simple " brassier ",mais il savait signer, ce qui constituait
un cas d'exception, à BUDOS, pour un homme de condition aussi modeste.
Mais voici
que survient un nouveau drame. La mort frappe à nouveau. C'est au tour de
Jeanne, la petite épouse, de mourir, très jeune, le 27 Avril 1742,
probablement des suites de couches difficiles lors de la naissance d'un nouvel
enfant qui n'aurait pas survécu. Elle n'avait pas 23 ans.
C'est ainsi
qu'Arnaud BATAILLEY se retrouva seul dans la maison de ses Beaux Parents avec
les deux petits orphelins, Martin, qui avait déjà quatre ans et Marie qui en
avait deux.
Entre temps,
son Père était mort et lui avait laissé un bien à LASSUS. Tout en restant
à BUDOS, Arnaud s'en occupe activement. Il y a installé des métayers et en
tire, entre autres choses, de la résine et de la cire " en petite bougie
( que l'on appelle communément " queue de rat ").
Son Beau Père
ROUMEGOUX meurt à son tour de même que le petit Martin, le 21 Novembre 1743,
à l'âge de cinq ans et quatre mois.
Arnaud
BATAILLEY est de plus en plus seul dans la maison des MAROTS où il n'y a plus
que Louise PIECHAUD, sa Belle Mère, qui commence à prendre de l'âge, et la
petite Marie, désormais seule enfant survivante.
En Janvier
1744, à l'âge de 29 ans, il se remarie avec une certaine Catherine DAULAN
qui vient s'installer aux MAROTS avec l'accord de Louise PIECHAUD, maîtresse
des lieux en qualité d'usufruitière de son défunt mari. Dés la fin de
l'année, il naît un enfant de ce second mariage, un autre Arnaud.
Et tout le
monde vit ainsi pendant plusieurs années jusqu'au décès de Louise PIECHAUD,
survenu le 5 Novembre 1751. A ce moment là, c'est la petite Marie, issue du
premier mariage, qui devient seule et unique propriétaire de tous les biens
venant des ROUMEGOUX.
Mais
elle n'a que onze ans. C'est donc son Père, Arnaud, qui assurera sa tutelle,
mais sans pouvoir prétendre à quoi que ce soit dans cet héritage sur lequel
il ne dispose même pas du plus modeste usufruit.
Il faut donc
procéder à un inventaire.
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Les biens
immobiliers sont constitués par la maison des MAROTS et ses dépendances, une
vigne au lieudit de GARRIGUES, une autre au quartier de MARGES, une troisième
au GELAT, une pièce de taillis et un pré au lieudit du BRUHE et enfin, une
dernière pièce de terre à POUIMESTET. Les biens mobiliers consistent en une
charrette, une paire de bœufs et deux lits garnis:
"
plus une paire de chenets de fer usés, un gril aussi en fer, une paire de fer
à lisser, une bêche étroite, un trident , un rateau, un trépied, une pelle
et un pendant de feu, une broche de fer une paire de tenailles , une bêche
large, un rateau pliê ( ? ) , une banne communément employée à planter l'œuvre,
une hache, un ciseau servant à faire des mortaises, deux outils de
charpentier de barriques, l'un appelé chien et l'autre dabiet, un poelon de
cuivre jaune, un plat, deux assiettes, une pinte, deux cuillères d'étain,
une cuillère à pot de cuivre jaune."
Telle était la fortune de la petite Marie. Inventaire intéressant en ce qu'il nous révèle du mode de vie de cette famille de laboureurs. Il est à peu près conforme à d'autre inventaires que nous ont livrés d'autres documents en différentes maisons. Ceux-ci ne laissent jamais paraître ni fourchettes ni couteaux; les fourchettes parce qu'elles étaient encore inconnues en dehors des tables nobles et bourgeoises, et les couteaux pour des raisons moins évidentes; peut-être parce que chacun détenait le sien. C'est tout à fait probable pour les hommes mais beaucoup moins sûr pour les femmes.
Les cuillères sont rares, mais les inventaires ne mentionnent que celles qui sont faites de métal. Les ménages détenaient des spatules en bois dont certaines creusées pouvaient faire office de cuillère, mais considérées comme dépourvues de toute valeur. On pourrait faire une observation assez voisine quant à la vaisselle. Il n'est ici question que de deux assiettes et un plat sans que la matière en soit précisée.
Certains inventaires sont plus explicites, il doit s'agir de vaisselle de faïence ou de terre vernissée, les seules présentant quelque valeur. Mais le ménage comportait généralement des écuelles en bois de fabrication domestique, ou encore en terre brute.
N'ayant
aucune valeur marchande, ces ustensiles sont à peu près systématiquement négligés
dans les inventaires et c'est probablement ici le cas. En tout état de cause,
un tel document atteste de la frugalité des conditions de vie de cette
famille qui occupait déjà pourtant un petit rang dans la hiérarchie de la
société rurale. Au-dessous d'eux, on trouvait encore maints petits
laboureurs encore plus modestes, les journaliers, les brassiers et les valets
...
Enfin, en
dernier point, cet inventaire précise que la petite Marie reçoit :
" les
nippes de ladite PIECHAUD "
autrement dit
la robe de sa Grand Mère, une ou deux brassière et quelques bas qu'elle
portera dès qu'elle sera un peu plus grande. Il est en effet de règle qu'une
Mère ( ici la Grand Mère puisque la Mère est morte ) lègue sa robe à sa
fille qui en tirera parti pendant bien des années encore pour économiser sa
propre robe, bien souvent la robe de sa vie, celle de son mariage.
Et la famille
vit ainsi pendant quelques années sans problèmes majeurs.
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Cette seconde
famille d'Arnaud BATAILLEY se développe rapidement. Outre le jeune Arnaud que
nous avons déjà vu naître fin 1744, cinq autres enfants vont venir peupler
la maison des MAROTS. Mais voilà que la situation devient plus délicate
lorsque Marie vient à se marier en 1763, avec Pierre BOIREAU, du quartier de
CAUSSON. C'est elle qui va partir en abandonnant sa maison à la tribu
BATAILLEY...
Le contrat de ce mariage est passé devant Me DEGENSAC, Notaire à LANDIRAS, le 22 Janvier 1763. Arnaud BATAILLEY constitue en dot à sa fille tous les biens qui lui viennent de ses Grands Parents ROUMEGOUX. Voilà un geste qui ne lui coûte guère puisqu'elle en est déjà propriétaire depuis déjà tantôt douze ans ... Au surplus, il y apporte quelques exceptions et réserves.
C'est ainsi
que l'on ne retrouve plus la paire de bœufs ( ils ont dû vieillir ) mais
leur valeur, passe encore ... Mais beaucoup plus arbitraire est sa décision
de conserver la charrette par devers lui, avec pour seule justification le
fait . . . qu'il en a besoin pour son travail. Elle sera :
" rétablie
(c'est à dire restituée) à la future épouse après son décès"
De même
conserve-t-il les deux lits qui figuraient à l'inventaire car ils sont nécessaires
au couchage de sa nombreuse famille, mais là, en échange, il s'engage à en
fournir un neuf:
"
composé de couette et coussin de coutil remplis de plumes, une couverte de la
valeur de vingt et quatre Livres, une courte pointe piquée, le tout empanté
(c'est à dire entouré) de cadix vert bordé d'un ruban jaune."
voilà qui
est largement calculé. Mais le Père se réserve l'usufruit de la majeure
partie des biens fonciers de sa fille, et ceci jusqu'à sa mort. On ne voit
vraiment pas de quel droit, puisque son contrat de mariage ne le prévoyait
pas et que Jeanne, sa première femme n'avait pas établi de testament en sa
faveur. En fait c'est tout simplement parce qu'il en a besoin pour loger et
faire vivre sa nouvelle famille... En outre, très sérieusement, et sans
aucun soupçon d'humour noir, Arnaud constitue en dot à sa fille ;
" les
frais funèbres et autre charges"
qu'il a payés
à l'occasion des décès de sa première femme et de ses Beaux Parents.
Enfin, et
cette fois-ci sur ses deniers propres, il donne à Marie 200 Livres et il:
"
promet d'habiller la future épouse pour le jour de ses noces d'un habit d'étamine
de soie, cotte et brassière."
Si ces 200
Livres ne constituent pas une dotation considérable ( à peu près la valeur
de deux tonneaux de vin de BUDOS en ces années là ) , par contre, la robe de
soie fait montre d'un luxe tout à fait exceptionnel. Nul doute que, dans
BUDOS, on parlera de cette robe au jour du mariage, et même que l'on en
parlera longtemps. C'est en tous cas le seul exemple de vêtement de soie
rencontré sur des dizaines de contrats de mariage concernant des filles de
laboureurs locaux.
Tel quel, ce
contrat offre un curieux mélange de lésine et d'ostentation. Arnaud
BATAILLEY, d'autre documents le confirment,
a dû être un personnage assez original.
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Ainsi donc,
le jour de son mariage le 10 Février 1763, Marie abandonne sa propre maison
à la tribu des BATAILLEY et va " s'installer nore " dans la famille
de son mari, Pierre BOIREAU, à CAUSSON.
Et cette
situation plutôt anormale va durer 23 ans... jusqu'au décès de son Père
survenu le 10 Novembre 1786.
A partir de
ce moment là, les choses vont aller très vite. Catherine DAULAN, la veuve et
ses trois enfants qui ont survécu (l'aîné, Arnaud Fils a déjà 44 ans ...
) n'ont vraiment plus rien à faire dans la maison des MAROTS. Et de son côté,
Marie estime qu'avoir attendu pendant 23 ans une indépendance qu'elle aurait
pu avoir dès le premier jour constitue un délai suffisant.
Trois mois
plus tard, le 3 Février, tous les intéressés se retrouvent au domicile du
Vicaire de LANDIRAS qui tient le rôle de conciliateur. Et de fait, un accord
général s'établit. Arnaud et François BATAILLEY, ses demi frères règlent
à Marie 340 Livres représentant le prix de la charrette qu'ils conservent (
il y a 35 ans que l'on en parle ) et de quelques autres effets:
"
dont il n'avait pas encore été fait raison à ladite Marie BATAILLEY du chef
de sa ... Mère et de ses Ayeul et Ayeule."
Ces 340
Livres sont comptées sur le champ, en écus d'argent de six Livres à Marie
et Pierre BOIREAU, son mari. Quant à la maison des MAROTS, les frères
BATAILLEY promettent :
" de
vider et de rendre libre et net de tous bourriers et immondices la maison et
toutes les bâtisses appartenantes à ladite Marie BATAILLEY, pendant toute la
journée de mardi prochain afin qu'il soit loisible à elle et audit BOIREAU
son mari d'en user."
A la lecture
de ce texte, on peut se poser quelques questions quant à la tenue du ménage
par les précédents occupants...
Et c'est
ainsi que le mercredi 8 Février 1787, Marie BATAILLEY et son mari Pierre
BOIREAU, venant du quartier de CAUSSON où elle laissait sa Belle Famille,
sont venus s'installer dans leur maison des MAROTS pour y vivre désormais
libres et indépendants.
Après
quelques vicissitudes imputables à des alliances successives, plus de deux
cents ans plus tard, leurs descendants y vivent encore...
Comment deux fils de bonnes familles
firent table rase
de la volonté de leurs pères défunts.
Ces deux
fils, nous les connaissons déjà pour les avoir rencontrés à plusieurs
reprises. Il s'agit, pour le premier, de Pierre CARROUGE, Avocat au Parlement
de BORDEAUX, fils de Nicolas, le médecin de BARSAC, et pour le second,
d'Arnaud BATAILLEY, le Jeune, fils de l'autre Arnaud, dit PETITON dont nous
venons tout juste d'évoquer les problèmes familiaux.
Page (409) |
La passion de Nicolas CARROUGE, sur la fin de sa vie, avait été de reconstituer à son profit l'importante propriété de MOULAS que nous avons vu se disperser au hasard des partages successifs survenus dans la Famille JAMART. Et il y était à peu près parvenu.
Il avait voulu en faire un patrimoine cohérent, harmonieusement réparti entre les vignes, les terres, les près et les bois, afin que son fils Pierre puisse disposer d'un bien rural à la mesure d'un " honnête homme " tel qu'on en avait conçu l'image dans sa génération.
Cette idée
s'explicite d'ailleurs fort bien dans son testament du 21 Février 1784
lorsqu'il partage ses biens entre Pierre et sa sœur Marie Scholastique. Son
seul regret avait été de n'avoir pas eu le temps de remettre cette propriété
sur pied. Il n'avait pu en effet la lui léguer que dans l'état où la déplorable
gestion des JAMART l'avait laissée. Sous cette réserve, Nicolas CARROUCE
avait conduit son projet à bon terme.
Quant à Arnaud BATAILLEY, le Père, s'il s'était fort bien intégré à la vie Budossaise, il n'avait jamais pour autant oublié que les racines du jeune PETITON étaient profondément implantées à St SYMPHORIEN. Sa métairie de LASSUS, héritée de son propre Père avait, toute sa vie durant, fait l'objet de ses soins les plus attentifs.
Dans son
testament du 19 Avril 1785, il avait attribué cette métairie à Arnaud, son
fils aîné, afin d'en assurer la pérennité dans le cadre de la tradition
familiale. Il avait même prévu que, dans le cas où le fils ne s'entendrait
pas avec sa Mère, il devrait, après séparation, lui fournir une rente
annuelle de 25 livres de résine prélevées sur la récolte de LASSUS et une
livre de cire élaborée par les " mouches à miel " de la métairie.
Tout étant ainsi réglé, et l'avenir de LASSUS assuré, il avait cru pouvoir
mourir tranquille.
Or, ces deux
Pères s'étaient lourdement trompés.
Moins de
trois ans après la mort de Nicolas CARROUGE, au début de 1787, son fils
Pierre mettait sa propriété de MOULAS en vente...
Et Arnaud
BATAILLEY, le Jeune, intéressé, allait, pour l'acheter, remettre en cause
ses attaches avec St SYMPHORIEN.
Tous deux
entrèrent en pourparlers.
Cette propriété
de MOULAS, pour Arnaud, était un " gros morceau ", un très gros
morceau, même, du moins au regard des moyens dont il disposait. Pour lui, c'était
un coup de bourse un peu fou. Il y avait là:
" une
maison, parc, cuvier, chai, écuries, granges, fournière et autres bâtisses,
jardin chènevier, bois taillis, prairies, vignes en joualles, terres
labourables, pignadas, pacages et landes et autres natures de fonds s'il s'en
trouve."
bref , une
exploitation très complète, pour le prix de 11.500 Livres; une somme tout à
fait considérable, surtout si l'on veut bien tenir compte du fait qu'Arnaud
ne disposait que...de 500 Livres !
Page (410) |
Louis
d'or de 48 Livres, complétés en écus d'argent de 6 Livres. Dans le même
temps, il promettait d'apporter 3.000 Livres pour le mois d'Août suivant et les
dernières 8.000 Livres à échéance de deux ans à compter du ler Novembre
1787, avec intérêts, évidemment.
Arnaud
n'entendait pas laisser traîner les choses. Il allait, incontinent, prendre
possession de son bien le jour même. A cet effet, il s'est transporté à
MOULAS avec le Notaire et les témoins, et là,
"
(il) a ouvert et fermé les portes et fenêtres des dites bâtisses, allumé et
éteint du feu auxdites cheminées, coupé des ceps aux vignes, des branches aux
bois taillis et aux pignadas, des bruyères sur les landes .... et pris des
poignées de terre qu'il a, le tout, jeté au vent, (il s'est) promené et resté
sur lesdits lieux, de l'un endroit à l'autre au vu et su de quiconque a voulu
s'en apercevoir, sans trouble ni empêchement de personne."
Voici donc
Arnaud, le Jeune, propriétaire de ce bien qu'il a désiré de toutes ses
forces. Toutefois, il ne va pas manquer l'occasion de formuler quelques
remarques plutôt sévères en invitant le Notaire à les consigner:
" et
en parcourant les susdits lieux, ledit BATAILLEY nous a fait apercevoir que
toutes les bâtisses sont en très mauvais état, y ayant des lézardes et des
crevasses considérables, les portes et fenêtres (étant) pourries et
vermoulues, de même que les planchers du principal corps de logis, et quant aux
vignes et terres labourables, elles sont remplies de chiendent et dépourvues d'œuvres
(autrement dit d'échalas), en sorte que le tout parait avoir besoin de fortes
et urgentes réparations..."
Il parait
donc bien que cette propriété était restée dans l'état où les JAMART
l'avaient laissée lorsque Nicolas CARROUGE avait entrepris son remembrement.
Pierre son fils n'y avait donc rien investi depuis la mort de son Père.
Tout est donc
maintenant réglé. Réglé ? C'est beaucoup dire, car il faut qu'Arnaud
BATAILLEY trouve maintenant de l'argent, et même beaucoup d'argent; pour
honorer ses échéances, certes, mais aussi pour remettre le domaine en état.
Et cela fait beaucoup à la fois...
Il semble que
les 3.000 Livres de l'échéance d'Août 1787 aient été versées. Du moins ne
retrouve-t-on dans les documents aucune allusion à un quelconque retard. Mais
il faut dire aussi, et c'est assez curieux, que l'on ne trouve pas davantage la
moindre trace de quittance de ce versement dans les minutes du Notaire. En l'état
actuel des recherches, on ne peut en dire plus.
Par contre,
pour les 8.000 Livres devant être réglées au ler Novembre 1789 au plus tard,
la situation est claire, Arnaud ne les a pas... Déjà, au cours du premier
exercice ( ler Novembre 87 au 31 Octobre 88 ) il aurait dû effectuer au moins
un versement. Il n'a pu le faire. Sa situation est donc difficile.
Page (411) |
Aussi , le 28
Octobre 1788, à trois jours de l'échéance de cet exercice, il se résout à
vendre tous ses grands pins de St SYMPHORIEN au dénommé Arnaud LEGLISE,
habitant du Bourg de St LEGER. Il vend ainsi:
"
tous les arbres pins qui, actuellement produisent de la résine appartenant
audit BATAILLEY et qui sont assis dans ses biens, paroisse de St SYMPHORIEN,
en quelque nombre et quantité qu'ils soient."
Cette vente ne concerne ni le sol, ni les jeunes pins non résinés. Il est précisé que tout devra être coupé dans un délai de trente mois et que le prix, soit 2.000 Livres devra être directement versé au Sieur Elie LAGARDE, Homme d'Affaires du Sieur Pierre CARROUGE.
Cette vente
constitue un acte grave, car, à l'époque, seule la résine est considérée
comme un revenu; on la récolte jusqu'à la mort de l'arbre, ou du moins
jusqu'à son extrême vieillesse. Le bois de pin est peu prisé, et couper un
pin encore susceptible de produire de la résine, c'est tout simplement
liquider son capital.
Dans la nuit du 28 au 29 Octobre 1788, Arnaud BATAILLEY a dû mal dormir. C'est bien beau de récupérer 2.000 Livres et de faire un geste de bonne volonté envers son créancier CARROUGE, mais où aller chercher les 6.000 dernières dans les douze mois qui vont suivre ? Que lui reste-t-il à négocier sinon la métairie elle-même.
Au matin, sa
décision est prise, et il reprend contact avec Arnaud LECLISE, son acheteur
de la veille et il se retrouvent dans l'après midi du même jour, 29 Octobre,
chez Mle DUCASSE, Notaire à LANDIRAS. Et cette fois-ci, il lui vend tout,
sol, maison, jeunes pins, troupeaux, tout ce qu'il avait reçu de son Père à
LASSUS:
" un
petit bien... la majeure partie en un tenant, consistant en maison, parc,
jardin, eyriaux, près, terre labourable, pignadas grands et petits, lande et
pelouse, le tout appelé A LASSUS et, se joignant ensemble, contenant plus de
quarante journaux grande mesure."
Le terme de
" grande mesure " signifie très probablement qu'il s'agit du
Journal de PRECHAC, lequel représentait 60,78 ares au lieu du Journal de
BAZAS qui n'en comportait que 38. Comme LASSUS se trouvait à la limite
d'influence des deux mesures, il est très vraisemblable que l'expression
désigne le Journal de PRECHAC. Si cette hypothèse est bonne, le domaine
aurait eu une superficie de l'ordre de 25 hectares.
A cette
métairie, il ajoute quelques autres pièces de pins, de près, de jardins et
de landes, plus un troupeau de 80 têtes de brebis ( évalué 600 Livres ) qui
vit sur le domaine. En bref , Arnaud BATAILLEY liquide tout. il ne conservera
que deux ruches:
" avec
les mouches à miel dont elles sont garnies..."
parce qu'il a
toujours été très attaché à la production de la cire et du miel, ainsi
que:
" le
chêne qui est près du four... qu'il fera couper et transporter à ses frais
parce qu'il en a besoin pour faire un pressoir à BUDOS."
Page (412) |
Cette vente
générale supplémentaire est conclue pour le
Six jours
plus tard, tout le monde se retrouvait à LASSUS dont Arnaud LEGLISE prenait
possession réelle selon le cérémonial habituel, ouvrant portes et
fenêtres, allumant du feu et l'éteignant,
"
puisant de l'eau au puits..." arrachant de l'herbe, etc... C'en était
fini, une page était tournée, les BATAILLEY de BUDOS n'auraient jamais plus
rien à voir avec leurs racines de St SYMPHORIEN…"
Et c'est
comme cela que, dans une seule et même opération, deux fils appartenant à
la même génération firent table rase de la volonté nettement exprimée par
leurs Pères respectifs, moins de trois ans après leur disparition.
La
fin d'une petite exploitation familiale,
histoire des DURON dits Peseou
au quartier des Moulies.
Marie FOURNIE
était tombée veuve de Jean DURON dit PEZEOU le 20 Juin 1766. Elle avait
alors 64 ans tandis que son mari en avait 76.
Ils avaient
vécu jusque là sur un tout petit bien situé au quartier des MOULIES.
Certes, ils étaient " laboureurs ", propriétaires fonciers libres
et indépendants, mais, de partage en partage, ils en étaient venus à vivre
moins que modestement.
Ils
disposaient d'une petite maison en pierre, couverte de tuiles, d'un parc à
bétail assorti d'un appentis en forme d'auvent, d'un four à pain, de
quelques terres labourables, près et jardin. On remarquera qu'il n'est pas
ici question de vignes; il semble bien qu'ils n'en aient pas possédé et
c'est peut-être pour cela qu'ils étaient de condition si modeste. Au
demeurant, la totalité de leurs biens sera, un peu plus tard évaluée aux
environs de 1.200 Livres, maison et mobilier compris. C'étaient donc de bien
petits laboureurs.
Deux
garçons, issus de ce mariage avaient survécu entre pas mal d'autres enfants
décédés en bas âge: Jean, l'aîné, et Nicolas, le plus jeune.
Le Père
n'ayant pas établi de testament, le bien devait se partager par moitié entre
ces deux frères sans qu'aucune garantie d'usufruit vienne protéger les
intérêts de leur Mère.
Seule, une
clause testamentaire aurait pu la mettre à l'abri; à défaut, elle ne
pouvait que s'en remettre à l'exercice du devoir filial de ses enfants,
encore qu'elle possédât, en bien propre, lui venant de ses parents, une
minuscule propriété foncière qui sera ultérieurement évaluée à 72
Livres...
Page (413) |
Pour être
complet , il faut ajouter que, du fait de son contrat de mariage, il lui
revenait également une somme de 30 Livres au
Pendant les six mois qui suivirent la mort de leur Père, les deux frères travaillèrent de concert, à côté de leur Mère, sur leur petite exploitation désormais indivise entre eux. Mais voilà que le 17 Janvier suivant, à l'aube de 1767, Nicolas, le cadet, vint à se marier avec une certaine Marguerite BARON.
A partir de
ce moment-là, il n'y eut plus assez de travail ni assez de ressources pour
faire vivre tout le monde aux MOULIES. Au surplus la maison n'était pas assez
grande pour loger le jeune ménage. Quelqu'un devait donc partir. Et
contrairement aux usages, parce qu'il était célibataire, ce fut l'Aîné des
garçons qui quitta la maison.
Il s'en fût
se placer comme valet de ferme à POMPEJAC en BAZADAIS.
Entre sa
jeune femme et sa Mère, Nicolas restait donc seul exploitant du petit bien
des MOULIES bien qu'il n'en fût que partiellement propriétaire.
Le temps
passa; quatre années; quatre années sur lesquelles nous sommes très mal
renseignés mais qui paraissent avoir été un temps de cohabitation difficile
entre la Mère et le jeune ménage.
Il faut dire aussi que la période était mauvaise. La récolte de céréales de 1770 avait, souvenons nous en, été très déficitaire; celle de 1771 fut proprement catastrophique. C'est l'année où il neigea, précisément sur les MOULIES, au soir du 16 Avril. Il ne se récolta ni légumes ni fruits, ni millade, ni chanvre.
La situation
de chacun était devenue réellement précaire. D'ailleurs cette année là,
il ne se célébra pas un seul mariage dans la Paroisse de BUDOS, ce qui
constitue un cas à peu près unique dans les annales locales. La trop grande
misère s'était montrée dissuasive.
A la fin de
l'été, Nicolas DURON prit à son tour la décision de partir en emmenant sa
femme, pas pour aller bien loin, puisque c'était pour s'installer au quartier
de LAULAN, à 1500 mètres de là.
Il n'est pas
possible d'analyser les motifs qui ont pu inspirer cette décision. Nous ne
saurons donc jamais quelle part a pu avoir l'aiguillon de la famine durement
ressentie sur un bien trop modeste, ni quelle part a pu revenir aux
difficultés de cohabitation entre Marie FOURNIE et le jeune ménage.
Ce qui par contre est bien établi, c'est que Nicolas prit contact avec un certain Jean CASTENCAU, Meunier à CABANAC, lequel disposait d'une ferme à LAULAN.
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Une ferme
composée d'une maison et d'un parc à bétail, le tout en pierre et couvert
de
Finalement le propriétaire se réserva le droit de couper les gros pins et les chênes pendant la durée du contrat . Par contre, il laissa dans la ferme trois vaches lui appartenant et dont il accepta d'abandonner les produits à DURON. L'affaire se conclût peu avant la St MICHEL, le 27 Septembre 1771, pour une durée de neuf années au prix de 60 Livres annuelles payables en deux versements égaux.
Toutefois,
CASTENCAU, qui connaissait bien l'a
situation familiale de son nouveau fermier, tenait à ce que celui-ci vienne
effectivement habiter sur le domaine. Il voulait que sa ferme soit
réellement occupée et connaisse une présence permanente. Il le
stipula expressément dans le contrat.
Qu'à cela ne
tienne, DURON embarqua sur une charrette tous les meubles de la maison des
MOULIES, avec sa jeune femme et les maigres produits de la récolte
précédente. Et le voilà parti s'installer au quartier de LAULAN en plantant
là sa Mère et la laissant toute seule dans un total dénuement. A 69 ans,
elle se retrouvait dans une maison quasiment vide et pratiquement sans
ressources, n'étant plus à même de faire valoir, avec ses seules forces, le
petit bien familial.
A POMPEJAC, Jean, le fils aîné, prit connaissance de cette situation aussi nouvelle qu'imprévue. Mais que pouvait-il faire? Il est valet de ferme et engagé pour longtemps. Quant à sa situation il est nourri et logé mais pour ses gages (au demeurant bien modestes ) , il ne les percevra, selon l'usage, que dans quelques années, lorsqu'il quittera sa place, pour cause de mariage par exemple. D'ici là, il ne recevra que quelques maigres deniers, à l'occasion d'une Fête, pour s'arrêter un moment chez l'Hôte du Village en sortant des Vêpres. Il n'a pas un sou vaillant.
Alors, il
emprunte quelque argent pour secourir sa Mère, cette pauvre Mère que son
frère a laissé, dit-il:
"
inhumainement et sans attention à son devoir filial... sans pain, obligée
pour subsister d'aller mendier. "
Mais il
n'entend pas en rester là.
Voilà plus
de quatre ans que son jeune frère vivait sur l'héritage de leur Père
devenu, depuis lors, leur bien commun, et qu'il en a recueilli tous les fruits
sans rien lui en donner.
Dès le 21
Octobre de la même année 1771, il va donc trouver Me PERROY, Notaire à
NOAILLAN, et lui explique tout cela.
Qu'est-donc
devenue la vache ( seul cheptel de leur exploitation qu'ils avaient à la mort
de leur Père ? Elle a été vendue, alors que la moitié de son prix aurait
dû lui revenir.
Et les grands
chênes ? ceux:
"qui
étaient dans ledit bien..."
Ils ont été
coupés et vendus, eux aussi, sans que l'aîné des
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Aussi
adresse-t-il une sommation à son cadet en vue de:
"
rétablir et rapporter tous les meubles et effets paternels et la récolte de
la présente année dans leurdite maison paternelle des MOULiES d'où il les a
sortis."
pour qu'ils
soient répartis entre eux, tout comme le prix de la vache et des chênes, et
qu'il soit enfin procédé au partage des propriétés laissées par leur
Père.
Mais ce qu'ignore Jean, l'Aîné, et qu'il apprend à ce moment là, c'est que le jeune DURON, entre temps, est allé beaucoup plus loin. Il a tiré un trait définitif sur le bien familial des MOULIES. Dès le 3 Octobre, soit donc six jours seulement après avoir pris possession de sa ferme à LAULAN, il a vendu, oui, vendu sa part d'héritage à un tiers, un autre DURON ( ils étaient passablement nombreux ), Pierre , celui-là, dit PINOT, vigneron.
En fait, il a vendu les droits à sa moitié d'héritage sans procéder à un quelconque partage. Et il est même si pressé d'en finir et de couper tous ses liens avec les MOULIES, qu'il vend ses droits sans en fixer le prix, celui-ci devant être déterminé plus tard à dire d'experts.
Pour
l'instant, il se contente d'encaisser une provision de
200 Livres versées comptant. A la fin du même mois, le 29 Octobre, ces
experts fixeront la valeur de cette part d'héritage à la somme de 524 Livres
dont le solde lui sera compté.
Ainsi donc,
l'Aîné apprend soudain qu'il n'a plus rien à voir avec son frère à
l'avenir, et qu'il se trouve désormais en présence d'un tiers
copropriétaire, du moins pour le partage des immeubles car, pour la vache,
les chênes et les meubles, la question reste pendante.
Entre temps,
Marie FOURNIE, leur Mère a fait un testament affectant les deux tiers de son
petit bien propre à l'aîné et réduisant la part du cadet au dernier tiers.
Puis, probablement bouleversée par tous ces évènements, elle meurt aux
MOULIES quatre mois plus tard, le 23 Février 1772.
Son héritage
devait être, en effet, bien modeste car le tiers revenant à Nicolas
consistait en tout et pour tout en une petite pièce de terre:
"
dont la portion est de mince objet..."
selon ce qu'en dit le Notaire, et que l'on évalue à 24 Livres. Objet si mince que Nicolas préfère l'abandonner à son frère le 5 Juillet suivant. Moyennant cet abandon et par le jeu de diverses compensations englobant la valeur de la vache, des chênes, des meubles, mais aussi de quelques dettes laissées par le Père et que Nicolas avait réglées, tous les comptes étant définitivement arrêtés, c'est finalement Jean qui reste redevable à son cadet de la bien modeste somme de 9 Livres qu' il ne peut néanmoins lui régler sur l'heure, faute de les avoir.
Pour les
obtenir, il lui faudrait vendre une parcelle de sa part d'héritage, ce qu'il
ne veut, pas faire. Il s'engage donc à régler sa dette dans un délai d'un
an, à pareil jour, et sans intérêts.
Tout cela ne
respire pas la fortune, tant s'en faut
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En
définitive, l'Aîné reviendra s'établir à BOMMES et, le 27 Mai 1776,
vendra à son tour sa part d'héritage lui venant de ses Père et Mère :
En quatre ans
d'abandon, le temps n'avait rien arrangé, et la maison familiale qui, à
l'origine de cette histoire, faute de moyens, n'était peut-être déjà pas
dans son meilleur état, se trouve désormais " délabrée".
Quant à Nicolas, il poursuivra sa carrière de fermier. On le voit faire de louables efforts pour se tirer d'affaire. Il prendra même à ferme, avec deux associés, la propriété de FOND de BAQUEY mais se fera gruger et y laissera des plumes.
En dépit de
la vente de sa part d'héritage et des 524 Livres qu'il en avait tirées,
moins de trois ans plus tard, il ne dispose pas des 110 Livres qui lui
seraient nécessaires pour acheter une paire de vaches de travail. A
l'évidence, il n'avait pas fait fortune. Peut-être a-t-il eu parfois
l'occasion de repenser au statut de petit propriétaire, bien modeste, certes,
mais libre et indépendant, qu'il avait abandonné en 1771 pour embrasser
celui de fermier, plus incertain et, tous comptes faits, moins gratifiant.
Cet épisode
marque la disparition et la fin d'une très vieille famille Budossaise,
implantée aux MOULIES depuis les temps les plus reculés. Une Famille de
laboureurs dans laquelle s'étaient pourtant trouvés, au décès de leur
Père, deux garçons dans la force de l'âge et que l'on aurait pu croire, de
ce fait assurée d'un meilleur avenir. On peut y voir une preuve de la
fragilité de ce genre de position sociale. La moindre erreur, la moindre
maladie, la moindre malchance pouvait leur être fatale.
Comment apprenait-on un métier ?
Le métier de
vigneron ou d'agriculteur s'apprenait en famille, au quotidien, par
transmission directe du savoir et de l'expérience des anciens aux plus
jeunes. On ne sortait pas du cadre de la maison.
Pour les
activités artisanales, il en allait tout autrement. Pour tous ceux qui
envisageaient de prendre un état l'apprentissage chez un professionnel était
de règle. Un apprentissage dont les conditions et obligations réciproques
étaient définies par un contrat notarié en bonne et due forme.
Quels
métiers trouvait-on à BUDOS en cette fin du XVIIIème siècle ?
D'abord les
métiers du bois: scieurs de long, charpentiers de haute futaie, tonneliers,
faiseurs de cercles de barriques, sabotiers, etc...
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Ensuite les
métiers du fer forgerons, charrons et
maréchaux ferrants.
Puis les
métiers du textile et de l'habillement: cardeurs de laine, tisserands,
foulons et tailleurs d'habits.
Enfin les
métiers divers tels que maçons, tuiliers, meuniers, chirurgiens, etc…
Certains métiers n'étaient pas représentés dans la Paroisse. Pour trouver un boucher, il fallait aller à LANDIRAS, PODENSAC ou BARSAC; pour un charcutier ( le " boucher de cochons ") on allait à BARSAC, pour un chapelier, à CADILLAC ou à LANGON, pour un verrier à VILLANDRAUT, etc . . .
Le plus
curieux est peut-être l'absence de menuisier que l'on peut constater à
BUDOS. On ne peut affirmer qu'il n'y en ai pas eu. Mais aucune mention n'en
est faite nulle part, ce qui rend tout de même son existence assez
improbable.
A côté de
ces artisans, il y avait aussi des " marchands", mais les textes ne
font pratiquement jamais état de l'objet de leur commerce. En tous cas, aucun
d'entre eux ne semble avoir jamais eu d'apprenti. Seuls, les métiers exigeant
des tours de main faisaient l'objet d'enseignement ( y compris celui de
chirurgien ).
L'apprentissage
pouvait commencer très tôt. On en trouve quelques cas à partir de l'âge de
douze ans, mais c'est relativement rare. Plus fréquents sont les débuts
entre 15 et 17 ans, mais on en trouve aussi au-delà de 20 ans.
"L'apprentif
", selon le terme du temps était généralement présenté par son Père
ou son tuteur, qui souscrivait le contrat pour son compte. Mais on rencontre
aussi quelques cas dans lesquels un adulte se place de lui-même en
apprentissage.
Il était
d'usage que l'apprentissage se fit hors de la Paroisse d'origine. On
souhaitait manifestement couper l'apprenti de son milieu familial pour mieux
l'intégrer dans la famille de l'artisan qui allait l'accueillir pendant le
durée de son contrat. On ne l'envoyait jamais vraiment très loin, mais, dans
un temps où un jeune de cette condition ne se déplaçait qu'à pied, une
distance de 15 à 20 kilomètres suffisait amplement à provoquer cette
rupture.
Tous les cas d'apprentissage recensés sont masculins, du moins en milieu rural car, en ville, il pouvait en aller tout autrement. Pour expliquer cette exclusivité, on pourrait avancer deux raisons, la première est assez déterminante, la seconde beaucoup moins.
En premier
lieu, on notera qu'en campagne, il existait très peu de métiers féminins de
type artisanal. Les seules activités qui nous aient été rapportées sont
celles de " marchandes " (sans autre précision avons-nous d i t )
quelquefois d'Hôtesse de l'Estaminet
local (mais c'était relativement rare ) de couturière avec un seul
cas indiscutable recensé et de sage femme ( une par Paroisse ).
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La seconde
raison pourrait être une certaine répugnance à l'expatriement des filles
hors du cadre familial, mais, sur
Pour en
revenir aux garçons, il nous faut maintenant illustrer notre première
approche de l'apprentissage de quelques cas concrets empruntés à la vie
locale. Nous nous limiterons volontairement à trois exemples mais qui sont
bien représentatifs de tous les autres.
Ce sera tout
d'abord le cas de Jean LAGARESTE, natif de MAZERES, qui vient faire son
apprentissage de forgeron à BUDOS. Le contrat est passé devant Me DUFAU,
Notaire à PREIGNAC, le 22 Décembre 1783 :
"
Pardevant le Notaire Royal en GUYENNE soussigné, en présence des témoins
ci-après nommés, est comparu Pierre LAGARESTE, laboureur, habitant de la
Paroisse de MAZERES, lequel a, par les présentes (dispositions) mis et placé
Jean LAGARESTE, son fils, âgé d'environ vingt et deux ans, chez Gabriel
PEYRI, Maître Forgeron, habitant de la Paroisse de BUDOS, pour y apprendre le
métier que ledit PEYRI fait valoir (à) BUDOS; le présent apprentissage,
fait pour deux années complètes, consécutives et révolues, à commencer de
ce jour; pendant lequel temps ledit LAGARESTE Père promet que (son) fils sera
fidèle, soumis et obéissant audit PEYRI son Maître, qu'il sera assidu et
actif en tout ce qui aura du rapport audit métier de forgeron. (En) raison de
quoi, ledit PEYRI s'oblige expressément de lui bien montrer ledit métier aux
fins de procurer à son apprentif les moyens de parvenir à la perfection de
(celui ci), de ne lui commander que des choses licites et non contraires
à son état ... "
On trouvera
des dispositions très voisines pour Thomas LACASSAIGNE, fils de Bernard, dans
un contrat passé devant Me SEURIN, Notaire à BARSAC, le 17 Février 1779.
Jean BOIREAU, sabotier à BARSAC s'oblige à le:
Un peu
différent est le cas de Bertrand PARAGE car c'est lui-même qui se place en
apprentissage par un acte passé le 18 Juin 1772 devant Me BAYLE, Notaire à
PUJOLS. Ce jour là, dans l'après midi:
" fut
présent Bertrand PARAGE, natif et habitant de la Paroisse de BUDOS, âgé
d'environ vingt ans, lequel, pour son profit et avantage s'est mis ... pour
serviteur et apprentif avec Jean BOUROUSSE, charpentier de haute futaie,
habitant de la Paroisse de PUJOLS ici présent et acceptant pour le temps et
espace de trois années consécutives qui commencent de ce jourd'hui pour ne
finir qu'à pareil jour de l'année... mil sept cent
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Ces textes
sont très explicites quant à la soumission, l'obéissance et l'assiduité que
l'on attend de l'apprenti. Elles doivent être totales et n'ont pour limite que
le bon vouloir du Maître et les bonnes moeurs ( les choses licites). Le garçon
est désormais intégré dans la famille de l'artisan et ne pourra plus s'en
séparer qu'au terme du contrat.
Dans la quasi totalité des cas, cet apprentissage est payant et d'un prix généralement assez élevé. En contre partie, le Maître doit entretenir l'apprenti comme ses propres enfants. Il y a cependant à cette règle quelques exceptions, ainsi que nous allons le voir tout à l'heure, et c'est pour cela que nous avons retenu le cas du contrat de Bertrand PARAGE.
Ces contrats
prévoient tout, selon des modalités particulières à chacun d'entre eux. On
trouve ainsi évoqué l'éventualité des cas de maladie de l'apprenti selon
leur gravité et leur durée, les abandons d'emploi et même, parfois, le cas de
la mort éventuelle du garçon ... !
Les exemples
que nous avons retenus vont nous éclairer sur chacun de ces points. Ainsi, en
ce qui concerne Jean LAGARESTE, le forgeron PEYRI :
"
sera tenu de nourrir ledit apprentif, de le blanchir, coucher et rapiécer ses
hardes et linge tout ainsi et de même qu'à ses propres enfants et ce, le tout
en (état de ) santé seulement, car si ledit apprentif venait à tomber malade
pendant le cours dudit apprentissage, dans ce cas il sera tenu de rentrer dans
la maison de son Père pour s'y faire panser, traiter et médicamenter à ses
propres frais et dépens (ce) à quoi ledit PEYRI ne sera nullement obligé; et
immédiatement après son rétablissement, il sera également obligé de
retourner chez son… MaÎtre pour y reprendre (le) métier et réparer en même
temps le temps perdu pour cause de maladie. Et si pendant le cours dudit
apprentissage, ledit apprentif venait à quitter (son) Maitre par pur caprice et
sans cause légitime, dans ce cas il sera permis audit PEYRI de prendre et
substituer à son lieu et place un ouvrier de pareille capacité aux dépens
dudit LAGARESTE Père, à quoi celui-ci (consent et fait) promesse à cet
égard... Ledit apprentissage (a été) ainsi fait et accepté de part et
d'autre... moyennant le prix ... de cent cinq Livres que ledit LAGARESTE Père
promet et s'oblige de payer audit PEYRI en argent... du cours... le mois de
Septembre de l'année prochaine mil sept cent quatre vingt quatre sans intérêt
jusqu'alors et, le terme (étant) échu, (avec intérêt) jusques à parfaite
libération..."
Quant au
jeune Thomas LACASSAIGNE, le sabotier BOIREAU s'engage à
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" le
nourrir, coucher et chauffer pendant l'espace de trois ansi… et dans le cas
que ledit LACASSAIGNE Fils vînt à tomber malade et que sa maladie ne durât
que quinze jours, ledit BOIREAU sera tenu... de le nourrir et en avoir soin
comme s'il était en santé, sauf des soins et ) remèdes de chirurgie que ledit
LACASSAIGNE sera tenu de supporter , comme, aussi de (rendre) à la fin dudit
temps expiré les jours que ledit LACASSAIGNE pourrait (avoir perdu)… et ( le)
cas arrivant que ledit LACASSAIGNE Fils viendrait à sortir ( et ) quitter la
maison dudit BOIREAU avant (que) le susdit temps (soit) expiré (il serait
convenu) de mettre un ouvrier à (sa) place, d'égale force et savoir et de
rembourser audit BOIREAU le salaire dudit ouvrier..."
Il est
spécifié que le Père paiera à BOIREAU 300 livres pour les trois années
selon des modalités dont le détail n'apporterait rien de plus à notre étude.
Au surplus, il est enfin:
"
convenu et accordé entre les parties que, (le) cas arrivant que ledit
LACASSAIGNE apprentif vint à décéder avant ( la fin de ) son apprentissage...
ladite somme de trois cent Livres serait répartie et employée au profit des
parties à proportion du temps."
Pour
Bertrand PARAGE, le charpentier BOUROUSSE
" promet
et s'oblige... (de) le nourrir, blanchir à son ordinaire, sain et malade,
pourvu toutefois que la maladie ne soit pas plus de huit jours, et si elle
était plus longue, ledit apprentif sera tenu (de) lui rembourser ou indemniser
des frais ou bouillons (c'est à dire des remèdes) de ladite maladie; et, (le)
cas arrivant que ledit apprentif vint à quitter ou s'absenter (d'auprès)
BOUROUSSE son Maître, par caprice ou autrement, (en ce ) cas ledit PARAGE sera
tenu (de) réintégrer la maison de (celui-ci) tout de suite ; faute de (cela,
il sera) permis audit BOUROUSSE de prendre un ouvrier pour le remplacer
Ce sont donc
des conditions très voisines des autres contrats, mais celui-ci comporte une
particularité tout à fait exceptionnelle. Ce n'est pas l'apprenti ou sa
famille qui paieront la pension, c'est le Maître qui s'engage à payer le jeune
PARAGE :
" de
son côté ledit BOUROUSSE promet et s'oblige... (à) lui fournir une paire de
souliers neufs et faire remonter une autre paire chaque année, ce qui fait
trois paires de souliers neufs en trois remontages..."
Il aurait
trouvé là une sorte de main d'oeuvre " au pair " qui pouvait
effectivement l'interesser. Mais de là à payer cet apprenti, et à le payer au
prix d'une paire de soulier par an, il y a un large pas à franchir; surtout
quand on sait que les souliers constituaient alors le signe d'une certaine
aisance dans une société où les
Page (421) |
Mieux
encore, le fait de prévoir une paire de ces souliers chaque année, là où
la plupart des gens se contentaient d'en avoir une ou deux paires dans leur
vie, finit de rendre cette démarche totalement incompréhensible.
Peut-être y a-t-il à cela une explication simple quelque part, mais au vu
de ce seul document, elle n'apparaît pas et nous ne la connaîtrons
probablement jamais.
D'ailleurs, faute d'avoir atteint l'âge de 25 ans révolus, Bertrand PARAGE était mineur . Et à ce titre, il n'avait absolument pas la capacité de passer cet acte. S'il était seul dans la vie, il lui fallait demander au Juge de BUDOS de lui désigner un tuteur qui aurait passé le contrat pour son compte. Sous avons déjà rencontré cette situation.
Or, il n'est
absolument pas ici question d'un quelconque tuteur, pas davantage de
"Lettres de Bénéfice dâge ", équivalant à une sorte
d'émancipation. Cet acte est donc nul et n'a aucune valeur juridique. Et
personne ne s'en émeut, ni les parties en cause, ni surtout le Notaire qui,
lui, aurait dû pourtant réagir, comme le font tous ses collègues en
pareil cas. C'est bien le signe que quelque chose nous échappe dans cette
affaire...
A travers ces
quelques exemples, et bien d'autres semblables, on devinera aisément que la
condition des apprentis de ce temps-là était plutôt rude. Elle dépendait
en fait exclusivement du caractère, de l'humeur et du bon vouloir de leur
MaÎtre. Mais dans le contexte de l'époque, cela ne choquait personne.
La vie était
difficile pour tous, et les jeunes, quel que soit leur état, l'apprenaient
dès leur plus jeune âge.
Un accident de circulation.
Le 12 Juin
1770, Arnaud BEDOURET conduisait une charrette chargée de fumier,
appartenant à Jean LAFON, son Beau Père, pour aller l'épandre sur une
pièce de terre située dans le bas BUDOS. Par un malheureux accident, aux
abords du Quartier de PERON, et à la suite d'on ne sait trop quelle fausse
manoeuvre, une roue de cette charrette passa sur la cuisse de l'un des
enfants d'Arnaud FERRAN.
Cet Arnaud FERRAN, nous l'avons déjà maintes fois rencontré au détour de nombreuses anecdotes, toujours prêt à entamer une bonne et solide procédure sous des prétextes parfois bien futiles. Pour lors, il était plutôt mal engagé dans un procès qu'il avait suscité lui-même en refusant un droit de passage sur une prairie au dénommé Pierre RICAUD.
Nous avons
évoqué cette affaire dans le Chapitre consacré à la Justice . Rappelons
simplement que ce procès se termina si mal , en 1772, que seule
l'intervention du Curé DORAT avait sauvé sa famille d'un complet
désastre.
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C'est dans ce
contexte que survint l'accident. Belle cause en perspective Comme on peut
s'en douter, Arnaud FERRAS repoussa toute proposition d'indemnisation de
BEDOURET et de LAFON. Il lui fallait un bon procès , un de plus... Et pour
cela, il s'adressa au Tribunal de BUDOS, en portant plainte " au
criminel " et en demandant un transport immédiat de Justice sur les
lieux de l'accident. De tout cela, disent les textes,
" il fut
fait une procédure considérables ...."
La petite victime de cet accident était Catherine FERRAS, pour lors âgée de 3 ans ( elle était née à PERON le 21 Juin 1767 ). L'accident n'était pas contestable, et la responsabilité d'Arnaud BEDOURET n'a jamais été mise en doute par quiconque.
Par contre, on peut réellement se demander si la roue de la charrette est réellement passée sur la cuisse de cette enfant, car sous la charge d'une charrette chargée de fumier, la pauvrette aurait été immanquablement horriblement écrasée.
Or, la
première expertise médicale effectuée par le Sieur CHOLET, Chirurgien, le
18 Juin, six jours après l'accident, pour aussi sévère qu'elle soit dans
ses conclusions, ne dresse pas un tableau à la hauteur du drame que l'on
aurait pu imaginer. L'homme de l'art :
"
constate que ladite FERRAN a l'os de la cuisse droite fracturé à la partie
moyenne supérieure et une contusion et gonflement à l'autre
cuisse..."
Peut-être y
avait-il eu quelque exagération dans le propos de FERRAN qui nous a, en
d'autres affaires, habitué à des dramatisations assez systématiques.
Reste que, à n'en point douter, l'état de la fillette était grave surtout
au regard des moyens dont disposait à l'époque la chirurgie locale. Il est
bien probable qu'elle aura connu des séquelles graves et durables, sinon
même définitives. Le Tribunal en était d'ailleurs bien conscient et ne
s'en tint pas à cette première expertise. Par une décision du 25 Juin
suivant, il :
"
ordonne que ladite Catherine FERRAN sera de nouveau visitée par les Sieurs
CARROUGE, Médecin, et BENOIT, Chirurgien, qui donneront leur rapport de l'estat
de ladite FERRAN... "
Cette
fois-ci, nous nous sommes élevés d'un cran dans le niveau des
compétences. Les Médecins étaient rares dans la région, et pour tout
dire, il n'y en avait même qu'un seul, Nicolas CARROUGE, établi à BARSAC
et, entre autres lieux, propriétaire à BUDOS, au Quartier de MOULAS; nous
l'avons d'ailleurs déjà rencontré plusieurs fois. Le fait de faire appel
au Docteur CARROUGE, constitue un signe évident de la perplexité du
Tribunal quant aux conséquences des blessures constatées en vue de la
détermination du préjudice.
Ce Rapport
commun sera remis au Juge, sous la foi du serment, le 27 Septembre suivant.
Mais entre
temps, il s'était passé pas mal de choses. Le Juge avait demandé aux
parties de comparaître devant lui à l'audience du 16 Juillet 1770. FERRAN
se présenta, mais BEDOURET et LAFON firent défaut. Manifestement, cette
défection fit
Page (423) |
Le Juge décida sur le champ que s'ils ne se présentaient pas à la prochaine audience, le " Décret d'Ajournement Personnel " (citation à comparaître ) les concernant serait automatiquement transformé, sans autre intervention, en Décret de Prise de Corps " (arrestation et incarcération.) Cette mauvaise impression s'alimentait aussi d'une autre défaillance.
Le Juge avait
demandé aux deux responsables de verser un provision à FERRAN; et faute de
s'être exécutés, une saisie conservatoire avait dû être prononcée au
bénéfice de FERRAN. Tout cela faisait incontestablement désordre.
BEDOURET et LAFON comparurent à la prochaine audience, le 30 Juillet suivant. Le premier demanda une " décriminalisation" (dépénalisation) de la cause , estimant qu'il n'y avait aucune raison de la poursuivre sur le plan pénal puisque la responsabilité de l'accident n'était pas contestée. FERRAN s'y opposa, soutenu en cela par le Procureur d'Office.
Ce dernier
avait en effet une idée derrière la tête. Il voulait faire de ce procès
un exemple pour tous les bouviers et conducteurs d'animaux circulant dans
BUDOS. Nous l'avons déjà vu, en 1763, estimer que la circulation devenait
de plus en plus difficile et dangereuse dans le Village, et cet accident
venait lui apporter la preuve que la situation ne s'était pas améliorée
depuis lors. Il ne tenait donc pas à ce que ce procès se termine par un
simple arbitrage civil entre particuliers.
Et de fait,
le Juge décidera, le 3 Septembre suivant, que l'on resterait sur le terrain
" criminel ". Quant à LAFON, il demanda qu'il soit fait main
levée de la saisie exercée sur ses biens par
FERRAN. Le Juge s'y refusera également le 3 Septembre suivant en
rappelant qu'il a prescrit le versement d'une provision entre les mains de
FERRAN et que ce versement doit être fait.
LAFON est
débouté de cette action incidente et condamné à ses dépens ce qui lui
fera une somme de 12 Livres 11 Sols et 9 Deniers supplémentaires à payer.
L'affaire
désormais va suivre son cours avec une sage lenteur.
18 Février 1771, le Juge acceptera enfin de " civiliser" la
cause, ce qu'il avait refusé de faire le 3 Septembre précédent. Mais il a
pris bonne note du désir du Procureur d'Office de faire un exemple de cette
affaire, et, le moment venu, ne manquera pas de s'en souvenir.
Finalement
une décision intervient. Les responsables sont condamnés à 24 Livres de
dommages et intérêts ( ce qui parait
Ici, nous
abrégerons les différentes péripéties judiciaires qui présentent peu
d'intérêt au regard du déroulement de l'histoire. Nous n'en retiendrons
que la conclusion. Le Parlement confirma la responsabilité pleine et
entière de BEDOURET et de LAFON et renvoya la cause devant la Cour de BUDOS
pour chiffrer le dommage.
Page (424) |
Le 4 Mai
1772, tous se retrouvèrent à Budos devant ce
Là, le Procureur d'Office se déchaîna. Il proposa de fixer à 200 Livres les dommages et intérêts à verser à FERRAN; peutêtre l'état de la victime s'était-il entre temps aggravé. Mais surtout, il demanda qu'il soit enjoint aux deux auteurs et à:
Il demanda
également que le Jugement soit affiché à la porte du Parquet et de l'Eglise
de BUDOS après qu'il en ait été fait une lecture publique afin que nul
n'en ignore. Le Juge accéda à son désir mais ramena de 200 à 100 Livres
les dommages et intérêts à verser à FERRAN et fixa les dépens de cette
partie du procès à 126 Livres pour BEDOURET et à 44 pour LAFON.
FERRAN fut un peu déçu, surtout qu'il avait bien besoin de cet argent pour régler les conséquences d'un autre procès ... il s'en serait néanmoins contenté. Mais il y en a un qui ne décolère pas et qui va faire rebondir toute l'affaire. C'est Jean LAFON, le Beau Père, un fanatique de la procédure celui-là... Il va interjeter un nouvel appel de cette sentence devant la Chambre de la Tournelle à BORDEAUX.
Cette fois-ci
il n'évoquera plus les questions de responsabilité puisque la matière est
tranchée en dernier ressort et a désormais l'autorité de la chose jugée,
mais il attaquera la détermination du montant de l'indemnité arrêtée par
le Juge. Et là, un nouvel appel est effectivement recevable.
Arnaud
BEDOURET son Gendre se refuse absolument à le suivre dans cette nouvelle
action et tente de lui faire con, prendre qu'il s'agit d'une pure folie.
Peine perdue... Et pourtant il détient des arguments solides. Ils ont
déjà une idée de ce qu'a pu coûter leur premier appel au Parlement, et
pour gagner quoi ? Une modeste réduction au demeurant bien improbable des
100 Livres de dommages, mais à quel prix ? Rien n'y fait.
Arnaud
BEDOURET prend peur. Faute d'avoir pu faire entendre raison à son Beau
Père, le 31 Janvier 1773, il se précipite à PUJOLS en l'Etude de Me BAYLE
pour lui faire signifier qu'il se dessolidarise totalement de cette
démarche et que, pour sa part, il s'en tient à la dernière décision du
Juge de BUDOS, celle du 28 Septembre 1772. Dans la foulée, il demande au
Notaire de signifier le même acte à Arnaud FERRAN afin qu'il sache bien
que, en ce qui le concerne, cette affaire est terminée:
"
Protestant d'avance tant contre l'un que contre autre (entendons par là son
Beau Père et FERRAN)
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Et l'affaire
va reprendre son cours en dehors de BEDOURET qui, désormais, ne s'en
mêlera plus et attendra la suite. Il l'attendra longtemps... Jusqu'en 1782,
soit douze ans après l'accident...
Entre temps,
toute cette agitation ayant passablement perturbé les relations familiales,
le Gendre et le Beau Père s'étaient séparés et BEDOURET était parti en
emmenant sa femme. Mais s'ils étaient désormais indépendants l'un de
l'autre, ils n'en restaient pas moins solidairement condamnés par le
Jugement du 28 Septembre 1772.
Passons
rapidement sur maintes péripéties intermédiaires pour en venir au 18 Mai
1782. Ce jour-là, les trois protagonistes de l'affaire se retrouvèrent
réunis au Presbytère de BUDOS en présence de Me BAYLE et du Curé DORAT.
Et là, la raison allait enfin commencer à parler. Il était grand temps !
" Les
parties voyant que cet appel les conduisait à leur ruine, elles se sont
rapprochées les unes des autres afin d'exécuter la sentence (du Juge de
BUDOS) entre elles..."
Passons également très vite sur les comptes d'apothicaire qui s'ensuivirent, car l'affaire était complexe. Il y avait, certes, les 100 Livres d'indemnité, mais aussi tous les dépens des procès successifs; toutefois, en déduction, il fallait décompter la valeur des récoltes saisies, sur ordre du Parlement, au bénéfice de FERRAN.
Soit, mais il
fallait ajouter les frais relatifs à la mise sous séquestre; et puis il ne
fallait pas oublier non plus les intérêts qui avaient couru, etc... etc...
A défaut de savoir lire, les intéressés savaient compter.
Le produit de la "saisie des fruits" de 1773 n'est pas précisé, mais il semble qu'il ait dû être assez important puisque le solde définitif dont LAFON, pour sa part, se trouve redevable, ne dépasse pas 120 Livres et 3 Sols. Mais ce chiffre est trompeur, comme le sont tous les montants des dépens qui nous sont annoncés à la fin des procès.
Il ne représente en fait que le montant des seuls frais de justice engagés devant le Tribunal par les deux parties antagonistes. Il ne rend néanmoins aucun compte des frais que le perdant a engagés de son propre chef : honoraires de son Procureur Postulant ( devant la Cour de BUDOS ), honoraires de son Avocat ( devant le Parlement ), frais d'assignation ( Notaire, éventuellement Huissier, etc... ) sans parler des épices versées aux Juges qui sont toujours très difficilement chiffrables parce qu'elles peuvent être aussi bien remises en nature qu'en espèces.
Bref, connues
ou inconnues, les sommes à liquider sont si considérables que LAFON est
absolument incapable de s'en libérer. C'est ainsi que, pour désintéresser
FERRAN, il se voit contraint de lui remettre en paiement une pièce de vigne
en joualles située au lieu-dit du JAUGUA. C'est une bonne illustration des
conséquences que pouvaient avoir les procès sur les patrimoines familiaux.
Quant à
BEDOURET, c'est une autre affaire. Il n'a pas à répondre des frais
engagés à l'occasion du dernier procès d'appel
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Mais par ailleurs, il ne bénéficie d'aucune réduction du fait du produit des saisies de 1773 car elles ont été effectuées sur les revenus de son Beau Père et de lui seul. En un mot, au total, il doit moins, mais il doit tout car il n'a encore rien payé. Son compte est ainsi arrêté à 438 Livres qu'il lui faut maintenant trouver pour désintéresser FERRAN.
Où donc les
trouver ? Car il ne les a pas bien sûr. Il s'engage donc à verser 100
Livres aux vendanges prochaines. Quant au solde, il s'en acquittera en trois
années successives, sans intérêt, à raison de 112 Livres 13 sols et 4
deniers à chaque bout de l'an.
Moyennant
l'ensemble de ces dispositions, toutes les procédures encore pendantes sont
abandonnées.
Mais le coup de théâtre, c'est que dés que Jean LAFON a pris congé et a quitté le Presbytère, FERRAN et le Curé DORAT se retrouvent face à face en présence de BEDOURET qui, lui, est resté et va servir de témoin... Et là, devant le Notaire, on apprend une fois encore que c'est le Curé DORAT qui a servi de banquier à FERRAN.
Sans les nombreuses avances qu'il lui a consenties, il n'aurait jamais pu mener son affaire à terme; et cela durait depuis des années. En bref, la dette est de 540 Livres et 9 sols. Une belle somme en vérité ! Et comme il ne les a évidemment pas , il promet de se libérer de 217 Livres, lui aussi, aux vendanges prochaines et le solde en trois annuités de 107 Livres 16 sols et 4 deniers.
Autrement
dit, chaque année, il restituera à très peu près ce que lui versera
BEDOURET aux mêmes dates...
C'est ainsi
que se referma curieusement la boucle, fort complexe, qui s'était amorcée,
douze ans auparavant, à l'occasion d'un accident de circulation. Personne,
absolument personne, n'a jamais plus reparlé du sort de la malheureuse
victime qui, entre temps, avait atteint l'âge de 15 ans.
La fin d'une petite industrie locale,
la tuilerie de Budos.
BUDOS en
cette fin du XVIIIème siècle, offrait
très peu d'activités industrielles; le terme d'industrie il étant
d'ailleurs un peu démesuré pour qualifier des activités qui dépassaient
de fort peu le stade purement artisanal. Leur seule spécificité était de
comporter quelques installations techniques un peu plus conséquentes que
les seuls outils d'un artisan.
Nous
connaissons trois de ces activités le Moulin de FONBANNE, le Moulin à
foulon du BATAN, et la Tuilerie. Il n'apparaît pas, sauf omission, qu'il
ait pu y en avoir d'autres.
Les Moulins
exigeaient des retenues d'eau, des biefs, des roues à pales et des
machineries appropriées à leurs activités. La Tuilerie comportait des
aires de séchage et des fours bâtis destinés à la cuisson des terres.
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Si les
moulins se sont maintenus très longtemps ( celui de FONBANNE n'a cessé son
activité qu'en 1885 ), la tuilerie avait déjà disparu dès 1769. Parce
que son histoire est moins connue et que son souvenir s'est estompé dans
les mémoires, il nous a paru intéressant d'en évoquer les dernières
années ainsi que les causes de sa disparition.
Le terrain appartenait à Monsieur De CONILH, Conseiller au Parlement de BORDEAUX. Il faisait partie d'un vaste ensemble foncier qui, du nord au sud, allait d'un seul tenant des abords du quartier de LA PEYROUSE à ceux de MEDOUC en passant par la ferme de PAUL et la Chapelle St PIERRE. Il correspondait à très peu près à l'actuelle propriété du LIOÏL qui en est directement issue.
Le siège
principal de l'exploitation était d'ailleurs fixé au LIOÏL. Le nombre de
valets de vigne travaillant pour le compte de Monsieur De CONILH donne à
penser qu'il avait opté pour la formule du faire valoir direct. Parmi eux,
nous connaissons déjà la famille MAGNA qui vivait à PAUL et dont
précisément le Père et la Mère étaient " valets de vigne chez Mr
De CONILH ", de même connaissons nous la famille DUCOS, du même
état, qui, elle, était logée au LIOÏL.
Ce Monsieur
De CONILH n'avait pas porté beaucoup d'intérêt à ce gisement d'argile
situé à l'extrême limite de son domaine. Il aurait pu l'aménager
lui-même et en confier l'exploitation à un fermier. C'est ce que le Baron
avait fait pour ses moulins.
Il n'avait
rien fait de tel. Il s'était borné à concéder le terrain à Arnaud
BEDOURET, dit AMBROISE, que nous connaissons déjà, et qui était un
laboureur de BUDOS, en contre partie d'une rente annuelle fixe. C'était une
location de terrain de longue durée assortie d'un droit de prélèvement
des argiles nécessaires au fonctionnement de la tuilerie.
Cette
tuilerie appartenait à Arnaud BEDOURET avec toute ses installations, mais
il ne l'exploitait pas lui-même. Il l'affermait à des professionnels
généralement , venus, de l'extérieur de la Paroisse. Le bail comprenait
la carrière de terre, les installations proprement dites, et en particulier
les fours, le tout situé sur le terrain loué à Monsieur De CONILH, ainsi
que :
" une
chambre de maison, au Village de MEDOUC (ainsi) qu'une pièce de pré
appelée au MARAING, ces deux (bien appartenant en) propre audit BEDOURET
."
En 1766, il
avait concédé cette exploitation au dénommé Arnaud MARTIN dit NAUTILLE,
originaire de SAINT SYMPH0RIEN, tuilier de métier. Curieusement ce bail
portait,on ne sait trop pourquoi, sur une très courte période de quatre
mois. Le prix convenu pour ce laps de temps, était de 90 Livres, argile
comprise. MARTIN était venu s'installer avec son Valet ANDRE, ouvrier
tuilier, dans la pièce de maison de MEDOUC, et
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Travail
qui ne devait pas y manquer puisque nous le voyons tenter de jouer des
prolongations qui ne sont pas du tout du goût de BEDOURET. Ce premier
épisode se termine sur un acte notarié de sommation en date d u 22 octobre
1776 par lequel le bailleur invite son fermier à vider les lieux.
On notera en
passant que cet acte est adressé à MARTIN dit NAUTILLE:
"
actuellement faisant du tuile à la tuilerie de BUDOS . . "
Il ne s'agit
nullement d'une erreur de transcription, mais le Notaire traduit simplement
dans son acte, en français, ce que son client est en train de lui dicter en
gascon, langue dans laquelle le mot " tuile " appartient au genre
masculin ( " lou téoule ") . Ce petit exemple vient nous rappeler
fort à propos que si tous les textes qui nous sont parvenus sont bien
rédigés en français, ils ont été conçus et discutés en gascon.
S'adressant
donc à Arnaud MARTIN, Arnaud BEDOURET expose qu'il:
" lui
afferma sur la fin du mois de Mai dernier (1766) sadite tuilerie de BUDOS
pour quatre mois seulement, c'est-à-dire jusqu'à la St MICHEL dernière
29.7bre (ce) qui comprend les mois de Juin, Juillet, Août et Septembre
derniers; ledit NAUTILLE prétendant que (BEDOURET) lui (avait) donné
encore quinze jours après la St MICHEL dernière dans le cas où il se
trouverait quelque marchandise à faire cuire ou perfectionner, ce que
(BEDOURET) n'a pas voulu contredire pour éviter toute discussion. Mais
quoique les quatre mois de la ferme et les quinze jours de grâce soient
expirés depuis le quinze du présent mois, ledit NAUTILLE ne fait aucun
semblant de laisser ni vider ladite tuilière ... avec tous ses outils,
ustensiles, (la) chambre et (les) deux lits que BEDOURET lui a fournis et
délivrés avec ladite tuilière pour les quatre mois (et) quinze jours, et
pour la somme de quatre vingt dix Livres, (sur le) compte de laquelle somme
(BEDOURET) n'a reçu dudit NAUTILLE que la moitié (savoir) celle de
quarante cinq Livres (tandis que) les autres quarante cinq Livres lui sont
encore.. dues . "
Bref,
BEDOURET, qui a peut-être un autre fermier en vue, somme MARTIN de
déguerpir au plus vite, et de laisser tous les outils et installations :
" en
bon état, et non gâtés ou détériorés..."
faute de quoi
il se pourvoira en Justice.
Les archives
ne nous ont pas conservé les suites de cette première passe d'armes.
Toujours est-il que les choses vont évoluer rapidement dans une toute autre
direction. En effet, moins de quatre mois plus tard, le 14 Février 1767,
nous voyons le même BEDOURET affermer sa tuilerie pour cinq ans au même
Arnaud MARTIN... Ce dernier a dû réaliser entre temps qu'il y avait là
suffisamment de travail pour bien gagner sa vie, tandis que BEDOURET
revenait sur ses premières préventions.
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Mieux encore,
voici que MARTIN s'installe à demeure puisqu'il se marie à BUDOS, le mois
suivant, le 3 Mars 1767, avec une certaine Jeanne RICAUD.
Et voilà
tout le monde au travail.
Du travail ?
Certes, il y en avait, car toutes les maisons de BUDOS, même les plus
modestes, étaient couvertes de tuiles. Seules quelques dépendances avaient
des toits de chaume. Il fallait donc des tuiles et les fabriques n'étaient
pas très nombreuses. Outre celle de BUDOS, il en existait une à ILLATS,
près du quartier de LA SABLEYRE, à un kilomètre environ avant de parvenir
au Bourg de la Paroisse; une autre aux limites de VILLANDRAUT, il n'y en
avait pas, semble-t-il, à BALIZAC, par contre, il s'en rencontrait
plusieurs dans la vallée de la GARONNE.
A la
différence de certaines exploitations mieux pourvues en bonne argile, BUDOS
ne fabriquait que des tuiles, des briques et des carreaux de sol, à
l'exclusion des vaisselles et poteries. La technique utilisée était
relativement simple, mais tout se jouait au moment de la cuisson. En
l'absence de tout instrument de mesure des températures, le tuilier devait
se fier à sa seule expérience pour déterminer les différentes phases des
opérations. Toute erreur d'appréciation ou même une simple mauvaise
répartition de la chaleur pouvait rendre une fournée inutilisable.
Après extraction, la terre était malaxée et passée dans des bassins successifs dans lesquels on la débarrassait de ses plus grosses impuretés. Puis, on réalisait les formes ( tuiles, briques, carreaux ) qu'on laissait ensuite sécher à l'air libre pendant plusieurs semaines. On les passait ensuite dans un four à chaleur mesurée pendant environ huit heures afin d'exsuder l'humidité qui pouvait encore s'y trouver.
Enfin, et
c'était la partie de l'opération la plus délicate, on élevait la
température jusqu'aux environs de 1.000 degrés pendant bien près de 24
heures. Il ne restait plus qu'à attendre patiemment le refroidissement des
produits, sans les toucher. Ce n'est qu'au terme de cette attente que l'on
savait si l'on avait ou non réussi sa fournée.
Il est bien
évident que la qualité de l'argile était déterminante si l'on voulait
obtenir un bon produit, solide et marchand. Une terre trop maigre manquait
de liant et se fendillait dès la phase de séchage au soleil. Elle ne
pouvait évidemment, dans ces conditions, affronter l'épreuve de la
cuisson. Même doté d'une solide expérience, un bon tuilier ne pouvait
rien tirer d'une mauvaise terre.
Or, c'est
bien ce qui allait arriver à BUDOS.
Arnaud MARTIN
dit NAUTILLE, jeune marié et plein d'ardeur, S'était mis courageusement au
travail mais dans des conditions qui lui parurent rapidement devenir de plus
en plus difficiles. Au bout de deux ans, début 1769, notre tuilier
commença à éprouver les plus grandes difficultés à trouver de la bonne
argile sur le terrain qui lui avait été concédé.
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Il allait de
trou en trou, en ouvrait de nouveaux, toujours en vain. Il lui fallut bientôt
s e rendre à I'évidence, le filon était épuisé alors qu'il lui restait
encore trois ans de bail à courir. Cette situation n'était plus tenable.
C'est donc dans ces conditions que le 3 Juillet 1769, MARTIN, par un acte
notarié, s'adressa à BEDOURE.T son bailleur :
"
depuis le jour du bail, MARTIN n'a trouvé qu'à grand peine, et à grands
frais, de la terre propre à faire de la tuile, brique et carreau, qu'en
cherchant et changeant à tous moments de trous pour trouver de la terre
propre à faire lesdites marchandises; peine et recherches qu'il n'a subies
continuellement que dans l'espérance de trouver quelque coin de terre dans le
(ressort) de ladite tuilière... mais en vain (et) inutilement; toute la bonne
terre se trouve epuisée, au point que (MARTIN) a actuellement tous ses sols
couverts de marchandises dont la qualité de la terre n'a pu supporter de
sécher au soleil sans se fendre et se gàter, ce qui cause à (MARTIN) un
dommage considérable et une perte totale qui (l')oblige de dénoncer tout
cela... (à) BEDOURET, dit AMBROISE, en lui déclarant que ladite ferme ne
peut plus avoir cours ni lieu, faute de terre propre à une tuilière; que
(MARTIN) cesse et cessera toute fabrique dès aujourd'huy... se contentant de
faire cuire son reste de marchandise précédente à celle qui est pourrie sur
le sol. En conséquence, (MARTIN) a fait abandon et pure rétrocession audit
BEDOURET de son bail à ferme... lui déclarant qu'il n'entend ni ne peut plus
s'immiscer dans ladite tuilière à l'avenir ni, par conséquent, lui en payer
le prix..."
Et le texte
s'achève sur une ouverture faite au bailleur
"
sauf audit BEDOURET de se pourvoir lui-même contre ses auteurs et commettants
... (il s'agit ici de Mr De CONILH), ainsi qu'il avisera..."
s'il n'y a
plus d'argile pour MARTIN, il n'y en aura pas davantage pour un autre. Il
suggère donc à BEDOURET de se retourner vers le propriétaire du terrain et
de remettre en question la rente qu'il lui verse. Le reste de l'affaire n'est
plus qu'arrangements juridiques sans intérêt pour nous.
C'est comme
cela, qu'au cours de l'été 1769, BUDOS vit disparaître une activité "
industrielle " qui avait connu son temps de prospérité et apporté pas
mal d'animation en ce coin isolé de la Paroisse, tout juste aux confins de la
lande.
Nous venons
d'évoquer quelques anecdotes et faits divers liés à la vie quotidienne des
manants du Village. Il serait facile de prolonger l'exercice en les
multipliant. La matière ne ferait certes pas défaut, mais il n'est pas sûr
que l'intérêt du lecteur en supporterait l'épreuve. Ces quelques touches
devraient suffire pour compléter les tableaux maintenant plus familiers que
nous avons vus surgir au fil des précédents Chapitres.
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Peut-on
espérer avoir restitué un peu de cette vie des nobles, des bourgeois et des
manants vaquant à leurs affaires, à leurs travaux, à leurs amours, pétris
de joies et de peines, supportant de lourdes contraintes, celles de la nature
comme celles de la société, mais heureux aussi de bonheurs simples qu'ils
savaient apprécier et que nous ne savons plus bien souvent reconnaître.
Ils allaient, venaient, s'affairaient, se disputaient, s'aimaient, achetaient et vendaient, riaient et pleuraient, priaient, chantaient, bref, ils vivaient, et c'est toute la vie du Village qui, à travers leurs modestes aventures et comportements, se dessine et se met peu à peu en place dans un ensemble qui exigera pourtant encore, pour s'animer vraiment, un effort d'imagination du lecteur.
Un
effort pour que sortent des textes et prennent stature et figure humaine tous
ces personnages, bien réels qui, tous, ont existé et ne doivent strictement
rien à la fiction. Des gens qui ont fait ce Village et sans lesquels il ne
serait pas, et nous ne serions pas, ce que nous sommes.
Rien qu'à ce
titre, ils méritaient bien que nous fassions ce modeste effort pour les faire
ressurgir du passé.