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Recueil      
  des      
    Brochures et écrits 
     

publiés

 
   

depuis 1839 jusqu'à ce jour  (1880.)

   

Henry de Lur-Saluces.

Dates.

Titre. Pages.

17 mars 1848

Circulaire 

182/184.

 aux électeurs du département de la Gironde.

 

Il serait curieux de comparer cette circulaire à celles de beaucoup d’autres prétendus conservateurs qui depuis ont accusé M. de Saluces d'être trop avancé. 

Ils acclamaient alors la République et reniaient le gouvernement de Louis Philippe.

 

 

Messieurs,

J'ai brigué l'honneur de représenter le département de la Gironde à une époque calme ; ce précédent me fait un devoir de me mettre de nouveau sur les rangs dans un moment où le bien est difficile à faire et où la situation est tellement complexe, que les meilleurs citoyens peuvent hésiter à se mettre en avant s'ils n'ont déjà fait un premier pas dans la vie publique.

Mes opinions sont connues ; elles sont celles du parti modéré, du parti du milieu : je croyais et je crois encore que dans la Charte libérale de 1830 se trouvaient renfermés tous les germés d'un progrès illimité, la dynastie d'Orléans n'étant autre chose que la révolution française couronnée et fixée.

Je regrette que les constitutionnels indépendants n'aient pas été en assez grand nombre à la chambre pour offrir toute garantie aux amis sincères du progrès.

Enfin, dans le renversement de la constitution, je déplore surtout l'envahissement du palais législatif par la force armée ; de pareils faits, alors même qu'ils paraissent être accomplis dans l'intérêt de la liberté, tracent la voie où la vraie liberté peut périr un jour !

Page 183

Peut être le gouvernement déchu a-t-il eu tort de ne pas paraître s'appuyer assez sur la révolution qui était et son point de départ et sa force.

Plusieurs de ses amis l'ont pensé ainsi ; moi-même j'écrivais en 1842 :

« l'ère nouvelle, la base de tout gouvernement en France, doit être la révolution parce qu'avec elle ont pris naissance, parce que sur elle reposent les droits civils et politiques de la généralité des citoyens, etc. »

En 1846, j'ai dit encore :

« et si le pouvoir me semblait disposé à oublier, son origine, je croirais devoir la lui rappeler dans son intérêt comme dans le nôtre. »

Quoi qu'il en soit, ce que tous les hommes de bonne foi reconnaîtrons sans nul doute, c'est que le gouvernement de notre pays présente des difficultés immenses.

Il ne suffit donc pas, pour avoir le droit de condamner sévèrement un pouvoir déchu, de l'avoir renversé... Il faut avoir gouverné et avoir fait mieux que lui.

Au reste, quelle que soit l'opinion que l’on ait sur les dix sept années qui viennent de s'écouler, on ne saurait nier que la paix et l'ordre légal maintenus n'aient fait faire à la raison publique d'immenses progrès.

Si la république eût été proclamée en 1830, la guerre civile et la guerre étrangère étaient imminentes ; aujourd'hui la guerre civile est impossible et la guerre étrangère pourra peut-être être évitée.

Enfin, la sage résolution d'un appel au pays prise par le gouvernement provisoire, a été approuvée par tous les citoyens ; de telle sorte que les partis semblent avoir oublié leurs anciennes querelles pour ne penser qu'à ce qui est bien réellement l'intérêt général, l'ordre et la paix de la patrie.

Page 184

Maintenant, si l'assemblée nationale adopte, ainsi que le courant des idées l'indique, une constitution démocratique et républicaine, il importe qu'il soit fait, dans cette constitution, une large part aux administrations locales.

Il faut que presque toutes les fonctions publiques soient, ainsi qu'aux Etats Unis, soumises à l'élection.

Il faut enfin que les attributions des conseils généraux soient étendues, de manière à ce que la plupart des dépenses reportées du budget de l'Etat à celui du département, puissent être votées et contrôlées par eux.

On comprend, en effet, qu'un gouvernement démocratique étant essentiellement mobile par sa nature, si sous ce régime les moindres places continuaient à être données et les moindres affaires décidées à Paris, le pouvoir serait constamment assailli par des chefs de parti, soutenus par l'armée innombrable des solliciteurs éconduits ; nous marcherions de révolution en révolution, et les départements seraient, encore plus que par le passé, la proie des ambitieux de la capitale.

Toutefois, la décentralisation administrative, qui serait la conséquence des idées qui précèdent, devrait être combinée de manière à ne diminuer en rien, en cas de guerre, l'action du pouvoir.

Dans ce cas, en effet, il importe que le gouvernement ait une latitude en quelque sorte dictatoriale, car la guerre doit être faite avec une grande vigueur pour être promptement terminée, et, afin que le pays puisse s'occuper  sans retard, du développement de l'industrie et du travail dans la paix, conséquences vraiment logiques des principes de la révolution française.

 

 

 

 

Table des matières.

Réalisée le 10 septembre  2005  André Cochet
Mise sur le Web le  septembre  2005

Christian Flages