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Recueil | ||||
des | ||||
Brochures et écrits | ||||
publiés |
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depuis 1839 jusqu'à ce jour (1880.) |
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Henry de Lur-Saluces. |
Dates. |
Titre. | Pages. | ||
18 avril 1848 |
Circulaire |
187/189. |
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aux électeurs du département de la Gironde. |
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Messieurs, En
portant à votre connaissance la lettre qui précède, je crois devoir répéter
que les dangers dont la future assemblée nationale est, dît-on, menacée
font un devoir à ceux qui ont brigué la députation à une époque
calme de se mettre de nouveau sur les rangs aujourd'hui. J'étais
conservateur, et ce titre, je ne saurais le renier, maintenant qu'il est
en quelque sorte proscrit. Mais,
dans le parti conservateur, il existait plusieurs nuances, et je tiens
à préciser qu'elle était celle à laquelle j'appartenais. Pour
cela, je n'ai qu'à rappeler ce que j'ai écrit et signé à plusieurs
reprises. Je détache de ces écrits les phrases suivantes : « L'ère nouvelle, la base de tout gouvernement en
France doit être la révolution, etc. ...
Dans une âme élevée, le sentiment de l'égalité n'est autre que
celui de la justice ; dans une âme basse seulement il devient de la
jalousie. ... On ne peut vouloir faire à la société française une
application intempestive des principes aristocratiques. La démocratie
est aujourd'hui la seule forme qui lui soit propre. ... Je crois, avec l'opposition, que le développement de la démocratie est un des voeux les plus formels de la France, etc.
... Le vrai progrès démocratique est celui qui résulte des
partages égaux entre les enfants, des fortunes nouvelles créées par
l'industrie, et de l'accroissement rapide de la classe estimable des
propriétaires cultivateurs qui ensemencent le sol pour eux-mêmes et
par les soins qu'ils y apportent en doublent le produit.» J'étais
peu partisan des changements de ministère parce que : « en
arrivant au pouvoir, beaucoup d'hommes voient de près les difficultés
qu'ils accusaient leurs prédécesseurs de ne pas savoir surmonter, et
de bonne foi ils modifient leurs opinions. On crie alors : voilà des
renégats ! Souvent
on se trompe ; ils ont acquis de l'expérience ; mais cette expérience,
les administrés la paient, et voilà pourquoi ces derniers sont tout
simplement absurdes, lorsqu'ils s'entêtent à recommencer chaque jour
de nouvelles éducations. » Ma
voix était indépendante, car je disais, en parlant des ambitieux qui
se disputaient les ministères : « Si donc nos hommes politiques n'ont pas assez de
patriotisme, d'abnégation pour renoncer à une guerre impie, renonçons,
nous, du moins, à leur servir de soldats ; acceptons le ministère, non
parce qu’il est composé d'hommes de notre choix, mais, parce qu'il
existe et que sommes las des changements. » Enfin, je résumais mes sentiments et mes opinions, et, m'adressant aux électeurs, je leur disais :
« Mon
ambition, Messieurs, c'est de ne pas vivre oisif au milieu d'une société
où chacun travaille , c'est de porter ma part des labeurs sociaux,
puisque j'ai ma part des bienfaits de la civilisation ; c'est de mériter
votre estime à la fin de ma carrière, si vous jugez que ma vie a été
utile à d'autres qu’à moi. Voilà, Messieurs, mon ambition et toute mon ambition ; voilà l'ambition que j'avais à dix huit ans, que j'ai encore et que j'aurai toujours. Et ne pensez pas que je me fasse illusion sur l'importance des services que je puis vous rendre ; je ne suis ni avocat, ni jurisconsulte, ni diplomate, ni écrivain ; mais je sais ce que je veux et où je vais, et cela dans un temps où quelques hommes sont d'une mobilité extrême, etc. » Or, messieurs, ce que je veux encore aujourd'hui 18 avril 1818, c'est ce que je voulais sous la monarchie. Je veux que le gouvernement républicain préside au mouvement sage et régulier de la démocratie ; je veux que les lois civiles et politiques qu'il va ajouter à nos lois soient en rapport avec nos moeurs nationales et non en contradiction flagrante avec elles. En rappelant ce que j'écrivais et pensais sous le gouvernement déchu à une époque où quelques hommes (bien peu nombreux à mon avis) voulaient refouler la révolution et reconstituer une aristocratie, je crois avoir donné plus de garanties aux partisans éclairés de la démocratie, que si j'avais depuis la révolution de février témoigné à plusieurs reprises un grand enthousiasme républicain.
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Réalisée le 10 septembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le septembre 2005 Christian Flages