.
Recueil | ||||
des | ||||
Brochures et écrits | ||||
publiés |
||||
depuis 1839 jusqu'à ce jour (1880.) |
||||
Henry de Lur-Saluces. |
Dates. |
Titre. | Pages. | |||||||||||
25 juillet 1846 |
Circulaire |
166/177. |
|||||||||||
Adressée aux électeurs de l'arrondissement de la Réole. |
|||||||||||||
Messieurs, M.
Solar vous a adressé une circulaire qui contient contre ma candidature
quelques objections auxquelles il m’est bien facile de répondre. Vous
allez en juger. M.
Solar commence par établir que la franchise de mes opinions ne peut
être mise en doute par personne ; cela est loyal à lui ; et après
une déclaration semblable une discussion devient possible entre deux
candidats du même parti, et même sans danger pour la considération du
parti et pour celle des candidats eux-même. M.
Solar dit ensuite que ma position particulière, m'ôte toute liberté
en cas de guerre civile, par ce que mon opinion est contraire à celle
de plusieurs membres de ma famille. Est-ce
bien un homme grave qui énonce une pareille opinion ? Quoi ! si l'on a un frère, un parent, un ami légitimiste ou républicain, on ne peut plus être même simple garde national ? Car n'est-il pas évident qu'un garde national peut se trouver dans la position dramatique où me place l'imagination de M. Solar ?
Aux
prochaines élections des officiers de la garde nationale parisienne, il
sera curieux de voir les journaux de l’opposition, se servir des
arguments de M. Solar pour repousser tout candidat conservateur dont le
fils, le frère ou le cousin se trouvera par hasard faire partie des
jeunes républicains des écoles de droit ou de médecine. Voilà
pour la garde nationale ; passons à la chambre des pairs. M.
Solar reconnaît, sans doute avec moi que cette chambre a prêté au
gouvernement de 1830 un ferme et loyal concours. Eh
bien ! Monsieur, votre écrit, lu à la chambre des pairs, serait le Mané
Thecel Pharez du festin de Balthazar. Ne
voyez vous pas d'ici MM. de Beauveau, de Broglie, Crillon, d'aubusson-Lafeuillade,
Montmorency, Brissac, Biron, Montesquiou, Laforce Grammont, Rohan-Chabot,
Chastellux, Castellanne, Mortemart, etc., etc., etc. ; les trois quarts,
en un mot, des membres de la chambre, se voiler la face et reconnaître
qu'ils se sont étrangement abusés en restant depuis 1830 au bord du précipice
où vous voulez les empêcher de tomber ? Les
trois quarts, en effet, des membres de la chambre n'ont-ils pas des frères,
des fils, des cousins tout aussi légitimistes que peuvent l'être les
membres de ma famille ? Passons
à l'armée. Le
général d’Hautpoul commande à Marseille ; un autre d'Hautpoul est
ou a été auprès du duc de Bordeaux. Le
général Castellane commande à Perpignan ; plusieurs membres de la
famille Castellane sont légitimistes. Le général d'Astorg, après 1830, fut nommé au commandement du département du Rhône ; son frère était aide de camp du duc de Bordeaux.
Je
pourrais multiplier ces rapprochements à l'infini. Mais est ce bien,
encore une fois, à un homme politique que je réponds ? A
un homme qui doit savoir l'histoire de la Révolution française,
puisqu'il a travaillé jusqu'ici à transformer en un seul et même
grand parti national tous les partis qui, par suite de cette révolution,
ont si longtemps divisé notre patrie ? Rappelons
donc encore quelques uns des noms qui ont figuré dans cette histoire,
et voyons combien est illogique le raisonnement de mon honorable
contradicteur : Mirabeau
dirige la révolution française, tandis que son frère organise à la
frontière une légion d'émigrés. Mathieu
de Montmorency défend avec zèle les principes de la révolution dans
l'assemblée nationale ; le duc de Montmorency Luxembourg préside les
membres de son ordre qui refusent de reconnaître l'assemblée. Biron
commande l'armée des républicains contre la Vendée ; un autre Biron
combat à l'armée de condé. Clermont-Tonnerre,
Ségur, ... Cent autres adoptent la cause de la révolution ; leurs frères
se trouvent dans le parti contraire, etc., etc. Enfin,
et en dernière analyse, votre journal soutient à Libourne l'élection
de M. de Larochefoucauld-Liancourt. Cependant, M. Sosthène de
Larochefoucauld, cousin de M. de Liancourt, est légitimiste et a été
aide de camp de. Charles X. Je
sais, il est vrai, que les ducs de Larochefoucauld et de Liancourt ont
toujours été les plus fermes soutiens des principes libéraux et
philanthropiques... Je sais encore que le nom de Larochefoucauld-Liancourt étant connu de l'Europe entière, l'arrivée de M. de Liancourt à la chambre doit prouver aux cabinets étrangers qu'une fusion s'opère, et qu'ils ne doivent plus compter sur la division des partis.
Mais
cela n'empêche pas que M. de Liancourt ne puisse se trouver vis-à-vis
de quelques uns de ses parents dans la position où vous avez supposé
que je pouvais me trouver moi-même. Si
je voulais continuer cette revue, je vous mettrais cent fois en
contradiction, car votre journal défend la candidature de plusieurs légitimistes
ralliés, et les légitimistes ralliés ne peuvent offrir au parti
constitutionnel les garanties que leur offre celui à la franchise
duquel vous ajoutez une foi entière, et qui, depuis 1830, a constamment
proclamé et soutenu les mêmes principes et les mêmes opinions. Vous
nous dites, monsieur, que depuis dix ans vous défendez les principes
conservateurs avec une grande indépendance ; cela est vrai et cela vous
honore ; sur vous, d'ailleurs, doit retomber une partie de la juste célébrité
qu'a acquise le courrier de la gironde. Mais,
il y a dix ans, le gouvernement était déjà établi et consolidé,
tandis que c'est au mois d'août 1830 que j'ai prêté serment, puis
signé l'adhésion envoyée au ministre de la guerre. Alors,
pourtant, ces présages de guerre civile que vous évoquez aujourd'hui,
n'étaient que trop menaçants. Mais je compris, ainsi que je le
comprends encore, que le triomphe du parti modéré pouvait seul les détourner
de nous, et voilà pourquoi en tout temps mes efforts tendront à
assurer ce triomphe. Au reste, monsieur, voici ce que j'ai écrit en 1842. Après avoir exprimé le voeu que la guerre civile devînt désormais impossible, j'ajoute :
Et
si c'est un rêve, prolongeons le du moins de tout notre pouvoir, afin
que si l'heure des combats sonne un jour, la responsabilité des
malheurs publics sur la conscience de ceux qui auront provoqué les tempêtes !!!. Vous
le voyez donc, pourvu que je n'aie point à me reprocher d’avoir
contribué à amener la guerre civile, je ne recule pas devant ses conséquences. Lorsque
j’ai déclaré que je ne voulais du gouvernement ni faveur ni place,
c'est parce que j'ai voulu réduire le calomniateur, le plus effronté
à l'impossibilité de pouvoir soutenir que c’était par intérêt que
je ne comptais pas dans les rangs du parti légitimiste, où les liens
nombreux dont j'ai parlé paraissaient devoir me retenir. Mais
cette déclaration faite et nettement établie ; Mais lorsqu'il est bien
prouvé que mon âme et mon sang ne sont pas de ceux qui se vendent !.. Je
reconquiers ma liberté et je prends rang parmi ceux vers lesquels ma
raison m’appelle, parmi ceux dans les rangs desquels je compte depuis
longtemps de fidèles amis !!! Vous
êtes dans une position particulière, me dites vous ; oui, sans doute.
Et vous le répétez après moi. Vous
ajoutez ensuite : Cette position vous annule. Oui,
en présence de la faveur, jamais en présence du danger. Comprenez
bien la différence, la question est là tout entière et un
homme de cœur ne s’y méprendra pas ! Dans
non premier écrit, j'ai posé en principe qu'il fallait défendre le
roi. Je n’ai point fait de distinction parmi ses ennemis. Donc c’est
envers et contre tous que l’on doit le défendre !!! Maintenant, voulez-vous connaître le fond de ma pensée ?
J’ai cette conviction, profonde, que si je suis jamais appelé à l’honneur de protéger les jours du roi, je n’aurai point à combattre contre les personnes de ma famille. Vous
le savez aussi bien, mieux que moi peut être le danger de la monarchie
actuelle ne vient pas du côté des légitimistes. Les légitimistes
peuvent rendre difficile la marche du gouvernement ; ils font même à
cet égard tout ce que l'esprit de parti peut leur suggérer, mais une révolte
à main armée… Elle
n'est pas possible... Et la raison en est bien simple: les légitimistes
ont beaucoup d'officiers, mais point de soldats. D'ailleurs,
le représentant le plus loyal du parti légitimiste ne nous a-t-il pas
dit du haut de la tribune qu'il repoussait avec horreur toute pensée de
guerre civile ? Si
donc quelques fous venaient à adopter une résolution contraire, la
mienne ne varierait point pour cela, et je vous ai dit : que j'avais
signé en 1830 une adhésion sans réserve à la charte et à la
dynastie nouvelles. Mais
voyez encore une fois combien vous êtes exclusif ! Le
duc de Valmy n'est-il pas le petit fils du maréchal Kellermann ? Et
n'est-ce pas le maréchal Kellermann qui a battu les émigrés à Valmy
? Valmy,
cette première et décisive victoire de la révolution française sur
le drapeau blanc ! Or, lorsque les convictions du duc de Valmy l'ont porté à se rallier à ce drapeau, est-on venu lui dire qu'il n'était pas libre, parce que son père et son grand père avaient glorieusement servi sous le drapeau tricolore ?
D'un
autre côté, l'extrême gauche ne s'est-elle pas toujours contentée de
demander au gouvernement d'éloigner de lui les hommes dont le dévouement
aux principes de la révolution étaient douteux ? Tandis,
que vous, vous voulez que les conservateurs éloignent, non seulement
les hommes douteux, mais encore ceux dont la conviction aux principes
conservateurs est pleine et entière... Et
cela, parce qu'ils ont des parents légitimistes ? Mais c'est la loi des
suspects que vous venez proclamer !!! De
plus, l'extrême gauche ne compte-t-elle pas ou n'a-t-elle pas compté
dans son sein MM. De Grammont, de Thiars, de Tracy, d'Argenson, etc.,
etc. ? ... Eh
bien ! ces honorables députés n'ont-ils pas, dans le parti légitimiste,
des liens de parenté nombreux ? Ainsi
donc votre écrit porte à faux sur tous points et doit être sévèrement
jugé par tout homme politique ayant une connaissance vraie de l'état
actuel de la société française ! Vous
avez rappelé ce que j'avais perdu à la révolution de 1789. Mais
ne vous ai-je pas dit, et les arrêts du conseil d'état ne vous répètent-ils
pas, que ma famille avait dépensé au service du pays presque tout son
patrimoine ? N'ai-je
pas d'ailleurs cherché à faire comprendre qu'aux yeux de tout homme
connaissant véritablement le passé, l'ancien régime ne devait être
regretté par aucun de nous ? Enfin,
monsieur, vous dites que la révolution de 1789 vous a fait homme... Si
elle vous a fait homme, elle nous a tous indistinctement faits libres. Voici
comment j'en ai parlé moi-même : Après avoir indiqué les voies que l'on aurait pu suivre pour arriver sans secousses aux résultats utiles de cette révolution, j'ajoutais :
"Mais
ce qui est hors de doute, ce qui est positif, ce qui devrait être évident,
même aux yeux de ceux dont l'esprit sommeille, c'est que, la lutte une
fois engagée, la révolution accomplie, l'ère nouvelle, le point de départ
de tout gouvernement en France doit être cette révolution, parce
qu'avec elle ont pris naissance, parce que sur elle reposent les droits
civils et politiques de la généralité des citoyens, parce qu'elle
efface les derniers souvenirs, les dernières traces de servitude que
l'invasion des francs avait laissées après elle ! ... Et
si le retour du duc de Bordeaux est à jamais impossible, c'est parce
que ce prince, d'abord par sa naissance, mais bien plus encore à cause
des fautes de ses partisans, représente la contre révolution ainsi que
la série d'opinions d'intérêts et de sentiments qui en sont la suite,
et pour lesquels l'antipathie de la nation ne saurait être
douteuse."
Vous
le voyez donc, je suis tout aussi révolutionnaire que vous, plus que
vous peut être... Et si les conseillers de la royauté actuelle
venaient à oublier les principes de cette révolution, je croirais
devoir les leur rappeler dans l'intérêt de la monarchie de juillet, et
dans notre propre intérêt. Après
m'être défendu contre vos injustes attaques, je vais vous prier de
vouloir bien me défendre vous-même, et pour cela, je vais citer votre
journal. Je fais toutefois des réserves sur les éloges exagérés qu'il contient, et que je ne dois, je le reconnais, qu'à la politesse du rédacteur :
Courrier
de Bordeaux du 26 février 1839. Lettre
de M. Henry de Lur Saluces aux électeurs de La Réole. Il
y a dans la lettre de M. Henri de Lur Saluces une entente parfaite de la
position actuelle de l'ancienne noblesse française ; il
comprend admirablement que le rôle de l'aristocratie de naissance est
de se rallier au parti conservateur pour donner appui à la cause de
l'ordre, de la véritable liberté et du progrès social. Au
lieu de poursuivre une chimère de restauration au travers de la réforme
électorale et d'une révolution nouvelle dont personne ne peut prévoir
l'issue et les résultats, M. Henri de Lur Saluces veut que ses amis
acceptent franchement la position ; il veut qu'ils songent qu'au dessus
des sentiments particuliers qui les attachent à une famille il y a
leurs devoirs envers la France envers la société, envers la cause de
la civilisation et de l’humanité tout entière. Il
existe sans doute plus d'un point de dissentiment entre nous et M. de
Lur Saluces, mais cela ne nous empêche pas de reconnaître ce qu'il y a
de noble et d'intelligent dans sa manière d’envisager les choses. Il
y a, en effet dans sa démarche, un caractère de fermeté, de loyauté,
de haute portée d'esprit qui doit lui rallier de nombreuses sympathies. Sur une brochure intitulée observations politiques. M.
de Lur Saluces est un de ces légitimistes sages et généreux qui
n’ont pas cru devoir faire payer au pays leurs rancunes personnelles,
et qui se sont rangés sous la bannière de l'ordre et de la
conservation en repoussant l'alliance adultère des démocrates. M.
de Lur Saluces a fait plus encore : il a pensé qu'il ne pouvait, sans
manquer à ses devoirs de citoyen, se borner à prêter au gouvernement
de son pays un secours négatif. Si
le culte du souvenir et les glaces de l'âge peuvent excuser chez une
certaine génération de légitimistes le rôle passif d'observateurs,
ce rôle était-il excusable chez la jeune génération, et n'en
avait-elle pas un plus noble et plus digne à remplir en prenant sa part
dam la lutte contre l’anarchie, etc , etc. Le courrier parle ensuite du recensement dont il est question dans une de mes brochures, puis il ajoute : Abandonnant
bientôt cette question accessoire, M. de Lur Saluces s’attaque aux
plus hautes questions de la politique et même de la philosophie
historique. Peut être manque-t-il à ce rapide aperçu cet esprit d’analyse et de méthode qui permet la brièveté peut être aussi M. de Lur Saluces augure-t-il trop de l'avenir et de la puissance de l'élément démocratique et n’est-il pas assez pénétré de la nécessité éternelle d’une démocratie ?
Mais
nous ne lui adressons pas sur tous ces points que des critiques
dubitatives, car nous savons bien que les idées qui manquent de développement
peuvent être mal saisies par le lecteur. Ce
qui est à l’abri de toute contestation, dans la brochure de M. de Lur
Saluces c'est sa ferme résolution de prêter secours aux institutions
actuelles. Puis,
après diverses citations, le courrier reprend : Nous
ne pouvons aussi qu'applaudir aux reproches pleins de raison et de
loyauté qu'adresse M. de Lur Saluces aux légitimistes. Lorsque
les arguments des légitimistes sont épuisés, dit M. de Lur Saluces,
ils ajoutent : si
le gouvernement peut faire, comme on le prétend, le bonheur de la
France, en définitive nous ne l'en empêchons pas ; nous nous
contenterons d'en douter jusqu'au jour où il nous en donnera la preuve.
Cette
réponse serait raisonnable si elle était sincère ; mais elle est bien
plutôt une sanglante ironie... Quoi ! Vous ne l'empêchez pas ; et
toutes les forces actives du parti sont employées à grandir les
obstacles que le gouvernement rencontre ou à lui en susciter de
nouveaux ! Ce
reproche n'est que trop fondé. Les légitimistes dont il s’agit
aident à créer l'obstacle, et ils emploient ensuite l'obstacle comme
un argument. Ils
font le mal et ils arguent du mal qu'ils ont fait ; etc., etc. Quelques
mots sur la brochure de M. de Lur Saluces. Nous
nous plaisons à revenir sur cet ouvrage, non pas parce que nous sommes
entièrement unis d'opinion avec son auteur, car nous différons
essentiellement sur quelques points fondamentaux, mais parce que M. de
Lur Saluces est un homme de sens et de courage auquel il ne manque, à
notre avis, qu’un peu plus d’expérience du gouvernement et des
hommes, pour être compté au rang des hommes politiques les plus
distingués. Nous avons déjà cité une partie des reproches que M. de Lur Saluces adresse aux légitimistes ; voici encore quelques observations pleines de sens sur la même sujet :
tout
le monde se plaint en France de la confusion des idées ; on en
recherche les causes. La plus active de toutes à mes yeux est la marche
illogique adoptée, par le parti légitimiste. Ce parti en effet, qui
renferme des éléments d’ordre nombreux, ce parti ne signale son
existence que pour arriver presque toujours en aide aux désorganisateurs. Or,
un état social quelconque doit être constitué de manière à pouvoir
résister aux attaque de ceux qui souffrent, de ceux dont j’ai parlé
plus haut, incapables en général de se rendre compte des principes sur
lesquels toute société repose, incapables surtout de juger si l'état
qu’ils veulent atteindre ne sera pas plus fâcheux que celui qu’ils
essaient de fuir. Leur
hostilité est naturelle. Le gouvernement doit, autant qu’il le peut,
venir à leur aide, les guider avec prudence, et cependant les contenir. Cet
obstacle n'est, après tout, que celui qu'ont rencontré tous les
gouvernements. Mais
lorsqu'une société ne reconnaît d'autres différences entre les
citoyens que celles de la fortune, si ceux qui jouissent de ses faveur
et des nombreux avantages qui en sont la suite dans un pays où la
civilisation est avancée, si dis-je, ceux-là sont les premiers à
faire à cette société une guerre ardente, il y a évidemment
perturbation morale, et la perturbation matérielle ne saurait être
loin !... Or,
c’est en France que ces choses se passent ; c’est le parti
royaliste qui s’est chargé de donner au bon sens et à la raison
pratique un éclatant démenti. On
vous dit, il est vrai, que l'on doit obéissance et respect à la
vieille race de ses rois, qu'il est beau de rester fidèle au malheur et
que son culte est celui des âmes élevées… Sans
doute, le culte du malheur est un noble culte ; mais si vous lui
sacrifiez les intérêts de la généralité des citoyens, il devient
une idolâtrie, et si vous allez jusqu’à provoquer en sa faveur une
guerre civile, il n'est plus qu’un odieux fanatisme. D'un
autre côté, avec un peu de mémoire, on se rappellerait que la
soumission et le respect du parti royaliste firent souvent défaut à la
politique conciliante et modérée de louis XVIII et lui manquèrent même
assez complètement, pendant les dernières années de son règne pour
l’entraîner bien au delà de ses opinions. On
se rappellerait encore le peu de sympathie du parti pour M. Le duc d’Angoulême,
parce que ce prince avait paru adopter les idées de son oncle et
traitait avec une prédilection toute particulière les officiers de
l'ancienne armée. Ainsi avec de la mémoire et de la bonne foi on cesserait de faire de la politique une question de personnes, les princes deviendraient aux yeux de tous ce qu’ils sont réellement, des drapeaux ; on renoncerait à accuser ses adversaires d'une odieuse ingratitude et a se targuer d'un généreux dévouement, l’un et l'autre étant beaucoup plus rares qu'on n'affecte de le croire ; on renoncerait enfin à la haine aveugle que l'on a vouée à la famille royale et aux injures dégoûtantes dont on l'accable, et, après avoir fait ainsi quelques pas vers la vérité, on serait moins éloigné de l'apercevoir dans tout son jour.
Nous
croyons qu’il n’est pas un légitimiste de bonne foi qui ne
reconnaisse la vérité et la justice, de ces paroles, dites par un
homme que tant de liens attachent à ce parti qu'il attaque, et dont il
démontre si clairement les fautes anti-sociales. Personne,
certes, ne soupçonnera son indépendance, car il en donne une grande
preuve en s'élevant ainsi au dessus des préjugés et des rancunes
injustes du parti au milieu duquel il a vécu. Encore
quelques années, M. de Lur Saluces, désabusé de quelques erreurs généreuses
sur la possibilité de gouverner par la démocratie, deviendra l’un
des hommes les plus utiles de notre département où sans doute il est
appelé à jouer un rôle politique. Je
reviens à vous maintenant, Messieurs les électeurs, pour vous rassurer
au sujet de ces effrayants tableaux de guerre civile dont j'ai dû
cependant vous entretenir. J'ai
une foi sincère, une espérance profonde !!! Ces
temps de malheur s'éloignent de plus en plus de nous. La
civilisation et la liberté, voilà l'avenir des sociétés humaines. Le
travail et le respect pour les lois, voilà les routes sûres de ce
noble avenir !!! Cependant,
messieurs, ma sécurité n'est pas complète, et j'ai une crainte dont
je dois vous faire part ; cette crainte, c'est de voir le budget de l'état
grossir indéfiniment, si vous confiez le soin de le voter à ceux qui
semblent chercher dans l'instabilité du ministère un moyen de réforme,
à ceux qui ont leur fortune à faire ou à ceux qui ne sont pas décidés
à rester indépendants du pouvoir.
|
Réalisée le 10 septembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le septembre 2005 Christian Flages