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Recueil | ||||
des | ||||
Brochures et écrits | ||||
publiés |
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depuis 1839 jusqu'à ce jour (1880.) |
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Henry de Lur-Saluces. |
Dates. |
Titre. | Pages. | |||
26 juin. 1878 |
Circulaire |
343/346 |
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Adressée aux électeurs de l'arrondissement de Bazas. |
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Messieurs, M.
le baron Jérôme David se plaint, dans la circulaire qu'il vous a
adressée, de ce que des allégations fausses ont amené son
invalidation. En
présence du volumineux dossier qui constate les faits ; vis-à-vis de
vous surtout, Messieurs, qui connaissez l'agent voyer d'arrondissement
mis malgré lui à la retraite, les maires et les Conseils municipaux révoqués,
les cafés fermés, les instituteurs violemment déplacés, etc.,, etc.,
la plainte est singulière. Les
victimes de ces actes sont vos voisins, vos amis ; il est impossible que
vous ignoriez ce qui s'est passé, il est impossible que vous
l'approuviez. ! Au
reste, M. le baron Jérôme David se trompe étrangement lorsqu'il réduit
à une question personnelle l'a mesure qui l'a frappé. M. David est dans la Gironde, le représentant le plus connu d'un régime qui a élevé la candidature officielle à la hauteur d'un dogme. Il
est donc bien naturel que ceux qui pensent que ce dogme est la négation
audacieuse du régime électif soient carrément ses adversaires. C'est ce qui m'est arrivé dans le passé ; c'est ce qui m'arrive aujourd'hui. Rien de plus simple.
En
1869, je vous disais: « Je n'ai voté pour l'Empire a aucune des phases
de son établissement ; je porte dans mon coeur le culte de la loi ; le
règne de la force m'est antipathique. » Et
quelques lignes plus loin, après avoir signalé l'isolement où
l'absence de liberté électorale plaçait le pouvoir, j'ajoutais: «
Une catastrophe est imminente. » Cette
catastrophe, je la prévoyais pour l'Empereur. Hélas
!Hélas ! elle devait s'étendre à la France entière ! Aussi,
Messieurs, et c'est là où je voulais en venir, lorsque vous entendrez
blâmer vos représentants parce que depuis sept mois, et avec une
persévérance que rien ne lasse, ils poursuivent les prévaricateurs en
matière électorale, prenez hardiment la défense de vos députés ;
leur but est des plus nobles : ils veulent qu'à l'avenir notre pays
puisse être cité dans le monde entier comme celui où la liberté du
vote sera le mieux pratiquée. Étrange
aberration, en effet, de l'esprit de parti !! Comment ! voilà des adversaires, venus des pôles les plus opposés de la politique, liés seulement entre eux par des rancunes pareilles, qui, le 24 mai 1873, se proclament gouvernement de combat, c'est à dire poussent un cri de guerre ; qui s'intitulent l'ordre moral, alors qu'ils sont l'anarchie morale élevée à la troisième puissance ; qui gardent indûment le pouvoir pendant plus de trois ans ; qui, forcés enfin de consulter la nation, reçoivent d'elle la réponse la plus précise ; qui méprisent cette réponse ; qui, le 16 mai 1877, mettent la Chambre en interdit ; qui, le mois suivant, invalident d'un trait de plume au moins 400 députés, car si 363 seulement ont protesté, d'autres en grand nombre, ont gémi ;
qui, cet acte de violence accompli, cherchent par tous les moyens a opprimer le corps électoral, et qui,
forcés enfin dans leurs derniers retranchements et obligés de se
retirer devant la réprobation de l'opinion publique, jettent les hauts
cris, par ce que l'on prend contre eux des mesures rendues
indispensables par suite de leurs propres excès... On
nous a invalidés au nombre de 400. Pour
rétablir les principes, nous répondons, et nous invalidons tout au
plus le sixième de ce nombre. Sommes
nous donc trop sévères ? L'opinion
publique jugera. Maintenant,
Messieurs les Électeurs, vous savez, et déjà de longue date, que j'ai
l'habitude d'en appeler à la raison et à la raison seule. Je
veux donc préciser encore mieux et vous faire toucher du doigt, en
quelque sorte, l'inanité des raisonnements de nos adversaires. Le
gouvernement de notre pays repose sur l'élection ; le président de la
République lui-même est l'élu de vos élus ; le pouvoir exécutif qui
lui est attribué met à sa disposition une partie des forces et des
richesses de la France. Il est donc en quelque sorte l'homme d'affaires
du peuple souverain Mais
à côté de lui la Constitution a placé les élus directs de ce même
peuple, chargés de contrôler les actes du pouvoir, voter les
ressources et vérifier les comptes. Or, que diraient, par exemple, les grands propriétaires de Bazas, en cause dans ce moment, et qui eux aussi ont leurs hommes d'affaires, si ces derniers déclaraient à leurs maîtres ne vouloir rendre des comptes qu'à des agents choisis par eux, hostiles, au besoin, au propriétaire et à ses, vues ? Certes, dans ce cas et sans hésitation aucune, les propriétaires mettraient à la porte de tels serviteurs. Et en bonne justice, ils feraient bien.
Pourtant,
voilà en peu de mots toute la théorie du régime impérial: avoir
l'air d'accepter un contrôle, mais se réserver absolument le choix des
contrôleurs. Vous
savez où cela nous a conduits ; n'hésitez donc pas à rompre, sans
appel, avec un système qui, quoique absolu, n'a pas même le mérite de
l'être franchement. Je
vous aurais adressé ces quelques lignes plus tôt si je n'avais tenu à
connaître le libre choix que vous avez fait. Aujourd'hui
je vous félicite, car vous avez pour candidat républicain un des
hommes les plus
intelligents de la Gironde. En
outre, ceux d'entre vous qui sont partisans de l'élection à deux
degrés ont un argument décisif en faveur de M. Léon, puisqu'il a
été élu président du Conseil général, où sa rare capacité était
jugée et appréciée par ceux-à même qui se sont faits ses
électeurs. D'un
autre côté, n'oubliez pas que l'arrondissement de Bazas possède deux
chemins de fer qui jusqu'ici sont restés sans issue. Qui
donc, mieux que votre honorable candidat, peut se dire en mesure de
conduire où elles doivent arriver ces deux voies commencées ? Enfin,
vous possédez les meilleurs vins blancs de la Gironde, pour lesquels la
liberté commerciale est une question de vie ou de mort. Or,
nul n'a défendu avec plus de talent et de persévérance que lui la
cause du libre échange. Faites
donc acte de civisme, Messieurs et chers compatriotes, et, en nommant M.
Alexandre Léon, suivez le mouvement général de la France, qui voit
dans l'affermissement de la République le gage certain du règne de
l'ordre dans la paix et la liberté.
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Réalisée le 10 septembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le septembre 2005 Christian Flages