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Recueil | ||||
des | ||||
Brochures et écrits | ||||
publiés |
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depuis 1839 jusqu'à ce jour (1880.) |
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Henry de Lur-Saluces. |
Dates. |
Titre. | Pages. | |||
31 juill. 1846 |
Circulaire |
177/181. |
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Adressée aux électeurs de l'arrondissement de la Réole. |
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Mes
adversaires, pour combattre ma candidature cherchent à réveiller
d'anciens préjugés qui sont aujourd’hui tellement oubliés, que
l'arrondissement de La Réole sera peut être le seul en France où l'on
aura employé un tel moyen. Je
puis le prouver en peu de mots. En
effet, M. Solar a eu l’intention délicate de vous adresser depuis
plusieurs mois un volumineux journal ; or, ce journal, dont les
tendances politiques sont bonnes selon moi, a eu cependant un tort grave
: c'est celui d'avoir, dans la biographie des députés, manqué de
convenance vis-à-vis, de quelques-uns de nos représentants. Néanmoins
et, chose remarquable dans la question qui m'occupe, les biographies de
MM. De Ségur, Castellane, d'Haussonville, Lasteyrie, etc., qui ont avec
moi de grands rapports d'âge, de position et d'opinions, ces
biographies, dis-je, font exception et sont en faveur de ces Messieurs. Il est donc évident et de toute évidence que si M. Solar n'a pas aperçu, dans les candidatures, de MM. Ségur, Castellane, etc., les grands dangers que la mienne lui a fait entrevoir, c'est tout simplement parce qu'il n'a pas eu la pensée d'aller s'offrir aux électeurs de Provins, Murat, etc., en concurrence avec ces Messieurs.
Quelle
opinion faut-il avoir d'un homme politique qui a ainsi deux poids et
deux mesures... Mérite-t-il la confiance des esprits éclairés ? M.
Solar vous à dit que les noms historiques qui se trouvent encore à la
chambre des pairs sont un triste legs de la Restauration... Mais,
monsieur, ces noms disparaissent de jour en jour et sont remplacés,
avec justice, par les hommes que le gouvernement choisit parmi ceux dont
les services personnels sont toute la recommandation. Et
chose à remarquer, Henri Fonfrède, dont vous vous dites l'élève, est
de tous les publicistes de notre temps celui qui a soutenu avec le plus
énergie la cause de l'hérédité de la pairie ; de sorte que si son
opinion eût triomphé, ces noms qui vous paraissent un danger pour la
monarchie de Juillet, auraient été inscrits à perpétuité sur les
registres de la chambre. Tandis
que, de mon côté, j'ai soutenu que l'hérédité de la pairie était
contraire au sentiment national qui, de tout temps en France et dans
toutes les classes, est le sentiment de l'égalité. J'ai
dit en parlant de lui : ce sentiment, je l'approuve ; dans une âme
élevée il n’est autre que le sentiment de la justice ; dans une âme
basse seulement il devient de la jalousie. Vous
voyez donc que les moyens que vous employez pour nuire à ma candidature
devraient vous faire rougir si vous vous souveniez que c’est vous,
vous, Courrier de la Gironde, qui m'avez reproché de n'être pas
assez aristocrate ; qui m'avez reproché les tendances démocratiques
de mes opinions. De mon côté, ai-je tenté de vous répondre en excitant contre vous de blâmables préjugés de religion ; non sans doute j’aurais cru manquer au respect que doivent les candidats au corps électoral et se doivent à eux-mêmes.
Tous
les préjugés indistinctement sont les ennemis de l'humanité ; et
jamais dans un intérêt momentané on ne doit chercher à les faire
revivre ! Votre
journal nous a parlé de M. Furtado, votre aïeul ; j'ajoute que
vous auriez pu joindre à ce nom ceux de Gradis, Raba, Rodrigues,
etc..., honorés et connus de tout Bordeaux. Enfin,
pour ce qui vous est personnel, j'ai dit à plusieurs reprises que vous
aviez un titre particulier aux yeux du parti conservateur, par cela seul
que vous aviez débuté sous le patronage de l'homme qui, par son désintéressement
et sa franchise, avait honoré la presse. Mais
êtes vous bien sûr de mériter dans ce moment la reconnaissance des
conservateurs, vous qui agissez de manière à rendre possible le
triomphe des légitimistes ? Vous
répétez encore que les liens qui m'attachent à ce parti légitimiste
ne me laissent pas toute ma liberté d'action. Et
ne voyez vous pas que ces liens doivent être bien fragiles, puisque ce
parti approuve, tolère, ou tout au moins soudoie les attaques que le
pamphlétaire de la Guienne dirige contre moi ? L'animosité,
je devrais dire la haine qui anime quelques uns des hommes de ce parti
devrait, à elle seule, m'assurer la confiance des constitutionnels sincères. Lorsque j'ai dit que les rancunes et les préjugés des légitimistes étaient exploités par quelques industriels, j'ai mis le doigt sur la plaie.... Et lorsque le bon sens des hommes de ce parti, prenant le dessus sur leurs passions, les aura engagés à juger de sang froid les jongleurs qui vivent à leurs dépens, ce jour là le parti légitimiste viendra se joindre au parti national, et alors les propriétaires, les négociants, les cultivateurs, les pères de famille, réunis et agissant d'accord, pourront peut-être lutter contre les industriels de tout genre assemblés à Paris pour exploiter la France !
Messieurs
les électeurs, on a cherché à me nuire dans votre esprit en vous
disant que l'administration vous offrait pour candidat un noble. Mais ce
n'est pas ainsi que la question doit être posée. L'administration
offre pour candidat à des propriétaires et à des cultivateurs un
propriétaire qui n'a d'autres revenus que ceux que lui donne la culture
de ses propriétés, et qui est plus pénétré que qui que ce soit de
l'injuste répartition des impôts qui pèsent sur nous ! On
vous a parlé des seigneurs et des corvées. C'est
une erreur de date. Les
seigneurs aujourd'hui, ce sont ceux qui arrivent à la Chambre à pied
ou en omnibus, et qui, en reviennent en poste et à quatre chevaux... Les
corvéables, ce sont les propriétaires qui ont la témérité de
confier la surveillance des deniers publics à ceux qui puisent à
pleines mains dans la caisse impure de l'agiotage !!! Enfin,
on vous a parlé d'un chemin de fer et de l'influence qu'un député
pouvait avoir sur des compagnies avec lesquelles il était en communauté
d'intérêts, eh bien ! on vous a rappelé un des plus grands
malheurs de notre époque. Ce
mélange de la carrière législative et de la carrière industrielle
est la plaie du moment ! Si
nous voulons empêcher que la France soit transformée en une immense et
immorale maison de jeu, flétrissons ceux de nos hommes publics qui
escomptent l'influence que leur position politique leur donne ! Les
vrais représentants de la France ne vont point à Paris pour spéculer
et pour s'enrichir ; ils y vont pour combattre les intrigants de toute
espèce. Et
leur récompense unique est en perspective dans l'estime des gens de
bien !!
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Réalisée le 10 septembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le septembre 2005 Christian Flages