Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Philippe 1er |
Année : 1099 |
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Prise de Jérusalem par les croisés.
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Aux bandes indisciplinées qui, sous la conduite de Pierre l'Ermite, de Gauthier Sans-Avoir, de Godescald, étaient allées se perdre ou périr dans l'Asie Mineure,
avait succédé la véritable armée des croisés, celle qui devait
accomplir I'oeuvre sainte prêchée au concile de Clermont, la délivrance
de Jérusalem. L'élite de
l'Europe se trouvait réunie sous les étendards de la foi ; dans les
rangs nombreux de la noblesse française, allemande et italienne on voyait
d'abord Godefroi de Bouillon, le héros de cette expédition par sa vertu,
son courage, son dévouement, celui qui devait être le véritable chef de
la première croisade ; puis, se pressant à ses côtés le comte de
Vermandois, frère du roi de France ; Robert, duc de Normandie ; les frères
de Godefroi, Eustache et Baudouin; Robert, comte de Flandre ; le vieux
Raimond de Saint Gilles, comte de Toulouse ; Bohémond, prince de Tarente
; l'aventureux et hardi Tancrède son cousin ; enfin toute la fleur de
cette brillante chevalerie, l'orgueil du moyen âge. Godefroi de
Bouillon était parti le premier, le 15 août 1096 ; bientôt il fut
rejoint par les différents princes croisés, et tous arrivèrent à
Constantinople choisie pour le rendez vous général. A la vue de
cette multitude où se rencontraient tous les langages, tous les costumes,
toutes les armes de l'Europe, l'empereur Alexis regretta l'appel qu'il
avait fait aux Latins et "les
Grecs énervés du Bas Empire ne virent pas sans terreur défiler devant
eux cette effrayante revue du genre humain, ne pouvant croire, a dit
M. Michelet, que le torrent passât sans les emporter." Mais. sauf
quelques ambitions individuelles, excitées par les richesses que
renfermait la ville de Constantin, par ces dômes d'or, ces palais de
marbre, par tant de chefs d'oeuvre de l'art antique entassés, pour ainsi
dire, dans la capitale de l'empire, la foule des croisés ne voyait que la
Palestine ; elle ne demandait, dans son ardeur, que les lieux saints : Jérusalem
! Jérusalem ! était toujours son cri de guerre et d'espérance. Le 10 juin 1099
les croisés, après avoir lentement traversé la Syrie et la Palestine,
après avoir enduré d'inexprimables souffrances, atteignirent enfin Jérusalem,
le cher objet de leurs voeux. Ils arrivèrent durant la nuit sous ces murs
consacrés ; encore quelques heures, et ils allaient pouvoir contempler
cette terre illustrée par les sublimes mystères de la religion : ce fut
une attente pleine d'émotion. Tous les yeux
fixés sur la ville sainte essayaient de pénétrer les ténèbres pour
l'apercevoir ; chacun voulait
le premier la saluer de ses prières
: une même pensée, un même délire agitaient tous les coeurs,
enflammaient tous les esprits. Lorsque le
soleil éclaira enfin la cité révérée, un seul mot circula
d'abord dans cette armée de
pèlerins rangée en bataille sur les hauteurs de Sion et le mont des
Oliviers Jérusalem! Jérusalem! Dieu le veut Puis éclata un
admirable désordre ; les uns s'agenouillaient et baisaient cette terre
sainte ; d'autres contemplaient en pleurant la cité silencieuse, enfoncée,
cachée parmi les rochers ; tous priaient, tous poussaient des cris
d'amour, des cris de vengeance, et d'une seule voix ces soixante mille
hommes chantèrent ces paroles prophétiques du psaume "Lève
toi, Jérusalem, sors de la poussière voici le libérateur qui vient
briser tes fers." Ils étaient
donc devant Jérusalem, Jérusalem qui pour eux était plus que la patrie,
que la ville natale, qui était la cité de rédemption. Dans les
premiers transports de leur enthousiasme ils voulurent l'enlever à
l'improviste, et s'avancèrent en ordre vers les remparts. Jamais l'armée
chrétienne n'avait montré tant d'ardeur ; et s'ils eussent eu des échelles
et des machines de guerre, ce jour même les croisés fussent entrés dans
Jérusalem. Mais leurs
efforts furent inutiles, et, après plusieurs tentatives, ils se virent
obligés de regagner leur camp :
pour délivrer la cité captive il fallait se résigner aux lenteurs d'un
siége, dernière et pénible épreuve que les ardeurs de la foi pussent
seules faire supporter aux croisés. Dès leur
approche les Égyptiens, maîtres de Jérusalem, après leur avoir
vainement offert la paix. avaient tout préparé pour une résistance désespérée.
Autour de la
ville sainte tout avait été ravagé, les maisons incendiées, les arbres
rasés ; sous ce ciel brûlant l'eau et l'ombre manquaient également, de
toutes parts on ne rencontra qu'une terre aride, desséchée par le
soleil, ruinée par les assiégés. Il fallait,
pour le siége qu'on allait entreprendre, des machines, des
retranchements, des échelles. et on n'avait pas de bois. Une solitude désolante
; derrière eux le désert, devant eux une ville qui renfermait quarante
mille combattants, voilà quelle était la situation des croisés, ils
faillirent y succomber ; un instant
ils doutèrent et le succès leur parut impossible. Dévorés par
la soif, ils se roulaient dans le sable : et. jetant un regard d'adieu et
de désespoir à Jérusalem où ils avaient espéré le triomphe et la délivrance,
ils n'attendaient plus que la mort ou I'esclavage. Enfin on découvrit
au fond d'une caverne quelques poutres, et l'on put commencer les travaux.
Bientôt une flotte génoise apporta des provisions et des outils ; un Syrien indiqua, à quelques lieues du camp des chrétiens, près de Naplouse, une forêt où les ouvriers trouvèrent en abondance les bois nécessaires pour la construction des machines. Les plus
importantes furent trois immenses tours du haut desquelles on pouvait
dominer les remparts de la ville; ces mobiles forteresses avaient trois étages
: au premier se tenaient les
ouvriers qui en dirigeaient les mouvements, les deux autres étaient
destinés aux combattants ; au sommet de ces tours on avait disposé un
pont levis qui devait s'abattre sur les murs et fournir un chemin pour pénétrer
dans la place. Quand toutes
les dispositions furent prises, les croisés se préparèrent à un assaut
général par une grande cérémonie religieuse. Après trois
jours d'un jeûne rigoureux, l'armée tout entière, la tête et les pieds
nus, enseignes déployées,
précédée de prêtres vêtus de blanc, fit processionnellement le tour
de la ville sainte en récitant des cantiques. Lorsqu' elle fut arrivée sur la montagne de Sion, on célébra le sacrifice de la messe en face de ce Golgotha où le Christ avait racheté les hommes au prix de son sang divin ; puis le cortège reprit sa marche en continuant ses prières et rentra au camp. Tandis que les
croisés faisaient retentir de leurs chants les hauteurs du mont des
Oliviers et les échos de la vallée de Josaphat, les Sarrasins, réunis
sur les remparts accablaient la croix et les chrétiens de malédictions
jurant de défendre une ville qu'ils nommaient la maison de Dieu. Le soir, la
voix grave des imans, qui,.du haut des minarets, appelaient les musulmans
à la prière, se confondit encore une fois avec celle des chrétiens ; de
part et d'autre on invoqua le Dieu tout puissant pour le combat du
lendemain ; puis tout rentra dans le silence, et la nuit couvrit de ses
ombres la dernière veille des croisés. Le jeudi 14
juillet 1099, dès que le jour parut, les fiers accents du clairon éclatèrent
dans le camp, les croisés s'armèrent, les machines s'ébranlèrent :
enfin on entendit le signal de cet assaut si impatiemment attendu. Pendant la nuit
les tours avaient été approchées des murs de Jérusalem, et du haut de
leurs plates formes les chefs animaient l'armée par leur exemple ;
Godefroi de Bouillon, dont la forteresse était surmontée d'une croix
d'or, se signalait surtout par sa vaillance
: placé au premier rang, il défiait les Sarrasins, et chacun des
traits qu'il lançait portait la mort parmi eux. Aux pierriers,
aux mangonneaux qui leur envoyaient une grêle de pierres, aux béliers
qui venaient frapper le pied des murailles, aux nuées de traits des arbalétriers,
les assiégés opposaient l'huile bouillante, le terrible feu grégeois,
les flèches empoisonnées ; enfin la nuit sépara les combattants sans
qu'on pût encore prévoir l'issue de la lutte. Le lendemain le
combat reprit avec un nouvel acharnement
: à diverses reprises les assiégeants s'approchent des remparts
sans pouvoir pénétrer dans la ville, Godefroi de Bouillon lui-même
essaie vainement d'ouvrir un passage aux siens ; la résistance désespérée
des Sarrasins menace les croisés d'un second échec, déjà leur courage
faiblissait, ils demeuraient immobiles, quand, disent les chroniqueurs de
la première croisade, apparut sur le mont des Oliviers un cavalier
agitant un bouclier et faisant signe aux croisés d'entrer dans Jérusalem.
Godefroi et
Raimond, qui l'aperçurent les premiers, crièrent aux combattants que
saint Georges venait à leur aide. Cette parole
jetée au milieu du tumulte ranime l'ardeur des chrétiens, ils tentent un
dernier et suprême effort ; Godefroi de Bouillon réussit à jeter le
pont levis de sa tour sur le rempart, et il ouvre aux siens un chemin
glorieux. A ce brusque
retour les Sarrasins troublés hésitent, reculent, et, le vendredi 15
juillet 1099, à trois heures, à l'heure et au jour même de la Passion,
l'armée chrétienne se précipite dans Jérusalem au cri de victoire Dieu
le veut! Dieu le veut! La première
croisade était accomplie, l'étendard de la foi flottait sur Jérusalem ;
les chrétiens désormais pouvaient venir librement se prosterner devant
le Saint Sépulcre.
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Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le novembre 2005 Christian Flages