Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis IX |
Année : 1234 |
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Justice de Saint Louis.
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Un
des plus remarquables côtés du caractère de Saint Louis c'est sans
contredit ce profond sentiment d'équité qui fut la règle constante de
toute sa vie. Rien
de plus élevé, rien de plus pur que cette âme dévouée au bien, au bon
droit, sans autre aiguillon que le devoir. On
peut trouver, dans l'histoire de la France. un règne brillant d'un plus
vif éclat ; mais il n'en est point dont le récit offre autant que
celui-ci des exemples parfaits de justice et de loyauté. Dans
les grandes aussi bien que dans les plus médiocres circonstances, qu'il
ait à juger les querelles qui arment les barons anglais contre leur roi
ou les différends des bourgeois de Paris, Saint Louis montre une égale sincérité
de cœur, une semblable impartialité. et ses propres intérêts même ne
peuvent altérer cette pieuse candeur, qui puise sa force dans les
inspirations de la foi. Chez
la plupart des princes, l'illustration est pour ainsi dire inséparable
des gloires du champ de bataille ou des splendeurs de la royauté ; jamais,
au contraire, Saint Louis ne paraît plus admirable que l'orsqu'on
pénètre dans l'intimité de son existence : il tire de lui seul une
grandeur particulière qu'on ne retrouve qu'à de bien rares intervalles
dans les pages de notre histoire. Sa
valeur n'était pas dégénérée de celle de ses prédécesseurs, les
exploits de Taillebourg en font foi ; mais, au dessus des succès
militaires, il estimait le bonheur de son peuple. Les
paroles qu'il adressa à son fils durant une dangereuse maladie qu'il fit
à Fontainebleau, où il se plaisait à passer de longues retraites dans
le recueillement et la prière, révèlent la tendre inquiétude que lui
inspirait le repos de la France. "Beau
fils, dit- il au jeune prince je te prie que tu te fasses aimé du peuple
de ton royaume ; car vraiment j'aimerois mieux qu'un Escot (Écossais) vînt
d'Écosse et gouvernât le peuple du royaume bien et loyalement, que tu le
gouvernasses mal apertement." Cette
constante sollicitude n'est pas exprimée avec moins de force dans les
dernières instructions qu'il donna à son fils, Philippe le Hardi au
moment où, mourant sous les murs de Tunis, il remit entre ses mains les
destinées du royaume de France. Aie
le coeur doux et pitoyable pour les pauvres, les chétifs, les malheureux,
et les réconforte en aide autant que tu pourras. Maintiens
les bonnes coutumes du royaume et détruis les mauvaises... Sois
loyal et roide pour tenir justice et droit à tes sujets, et soutiens la
querelle du pauvre jusqu'à
ce que la vérité soit éclaircie... Et
si tu entends que tu tiennes nulle chose à tort, ou de ton temps ou du
temps de tes prédécesseurs, fais-le de suite rendre, bien que la chose
soit considérable, ou en terre,
ou en deniers, ou en autre chose. " Pour
rendre la véritable expression de cette grande figure, dont nous essayons
de réunir les traits divers, nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter
au naïf biographe de Louis IX, à Joinville. le récit des assises
populaires tenues par le Saint roi sous les hautes verdures de Vincennes,
ou dans le jardin de son palais de Paris. "Maintes
fois il advint qu'en été il alloit s'asseoir au bois de Vincennes après
la messe. et se accostoit (s'appuyait)à un chêne, et nous faisoit
asseoir autour de lui : et tous ceux qui avoient affaire venoient lui
parler sans empêchement d'huissier ni d'autres. Et
lors il leur demandoit de sa bouche : Y a t il ici quelqu'un qui ait
partie (procès) ? Et
ceux qui avoient partie se levoient, et lors il disoit
: Taisez vous tous, et on vous expédiera l'un après l'autre. Et
lors il appeloit monseigneur Pierre de Fontaines et monseigneur Geoffroy
de Villette, et disoit à l'un deux : : Expédiez moi cette partie. Et,
quand il voyoit quelque chose à amender dans le discours de ceux qui
parloient pour autrui, lui-même il l'amendoit de sa bouche. Je
le vis aucune fois en été que pour expédier ses gens il venoit au
jardin de Paris vêtu dune cotte de camelot, d'un surtout de
tiretaine(laine) sans manches, d'un manteau de cendal (taffetas) autour du
cou, moult bien peigné et sans coiffe, et
un chapel de paon blanc sur la teste, et faisoit étendre un tapis pour
nous seoir autour de lui. Et
tout le peuple qui avoit affaire par devant lui se tenoit debout autour de
lui, et lors il les faisoit expedier en la manière que je vous ai dit
devant au bois de Vincennes." Cette
justice paternelle, sans gardes ni huissiers, si simple dans ses formes,
n'excluait cependant pas à l'occasion la fermeté, et Saint Louis se
sentait alors d'autant plus fort: qu'il ne cédait qu'aux plus impérieuses
convictions. Enguerrand
de Coucy. chef de la maison de Coucy. qui avait pris pour devise ces fières
paroles : Je ne suis roi, ne duc, prince, ne comte aussi ; je suis le sire de Coucy, avait
fait pendre trois jeunes gens nobles qui, dans l'ardeur de la chasse, étaient
venus tuer du gibier sur ses terres. Aussitôt
que le roi de France eut appris cette exécution faite à la hâte, il
cita devant lui le sire de Coucy, le fit arrêter, conduire à la tour du
Louvre et comparaître devant sa cour pour rendre compte de cette
violence. L'accusé.
dont la famille était alliée à toutes les maisons souveraines, et même
à celle de France. demandait la preuve en combat singulier, et sa prétention
était appuyée par le duc de Bourgogne, les comtes de Champagne, de Bar,
de Soissons, qui s'étaient rendus auprès du roi pour défendre leur
parent et leur ami. Mais
le roi refusa cette épreuve, qui le plus souvent donnait gain de cause à
l'épée la mieux
trempée plutôt qu'au bon droit. "Au
fait des pauvres, des églises et des personnes dont il faut avoir pitié,
l'on ne doit pas aller avant par gage de bataille, répondait-il à leurs
instances, car on ne trouveroit pas facilement aucuns qui voulussent
combattre pour de telles personnes contre
les barons du royaume."
Malgré toutes les sollicitations la justice eut son cours régulier. Le
sire de Coucv, privé du droit de haute justice et de chasse, fut condamné
à une amende de douze mille livres et à de nombreuses expiations. Ce
jugement par voie de droit excita de violents murmures parmi les
barons, qui le considéraient comme une atteinte à leur indépendance
politique et à leur liberté personnelle. L'un
d'eux même, Jean Thourot, châtelain de Noyon, qui avait pris vivement la
défense du sire de Coucy osa dire ironiquement au roi
: "Si
j'avois été le roi, j'aurois fait pendre tous les barons : car un
premier pas de fait, le second ne coûté rien." Certainement
je ne ferai pas pendre mes barons, reprit sévèrement le roi mais je les
châtierai s'ils méfont." Cette
énergie, si différente de la douceur habituelle de Saint Louis, ajoute
encore, il nous semble, à l'éclat de ce caractère, qui fut la gloire du
moyen âge. Inflexible
envers les autres, il ne l'était pas moins envers lui même ; tourmenté
par des scrupules de conscience sur le droit qu'il pouvait avoir
de conserver les provinces conquises sur l'Angleterre durant les règnes
précédents, après d'attentives consultations il se résolut à les
rendre, avec un désintéressement
que la politique a pu condamner, mais que cependant on est obligé
d'admirer. Nous
insistons sur cette équité naturelle, sur ces qualités supérieures aux
passions ordinaires du coeur humain, parce que ce sont elles surtout qui
font de Saint Louis l'homme modèle du moyen âge, en qui on ne sait
lequel plus admirer, a dit M. de Châteaubriand, du chevalier, du clerc,
du patriarche, du roi et de l'homme. Sa
piété si vive, si profonde, que chacun, les prestres mesmes, désiroient
suivre sa vie, n'obscurcit jamais cette pure raison, qui recherchait avant
tout la vérité et la préférait à toutes choses ; obligé de défendre
contre le pape les droits de l'église de France, il le fit avec fermeté.
Sa
célèbre ordonnance connue sous le nom de Praqmatique Sanction,
qui posa les premières bases des libertés de l'église gallicane, témoigne
de son indépendance vis-à-vis du Saint Siége. Quand
bien même, comme l'a prétendu, et sur de fortes présomptions, M. Ch.
Lenormand, on ne devrait pas attribuer cette énergique protestation
contre les empiétements de la cour de Rome à Louis IX, l'accord avec
lequel les historiens font remonter jusqu'à lui cet acte important serait
encore un indirect hommage rendu à sa raison et à l'ascendant de sa
vertu. Quel
prince pouvait en effet mieux juger ces délicates questions que celui
dont le coeur semble dégagé de toute préoccupation mondaine et
personnelle ? En
qui pouvait-on avoir plus de confiance qu'en ce Saint roi, qui, dans
l'ardeur de sa foi, écrivait à sa fille pour dernier adieu : "Chère fille, la mesure par laquelle nous devons aimer Dieu, c'est de l'aimer sans mesure." |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages