Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Charles V. |
Année : 1380 |
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Mort de Du Guesclin. |
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Si
la vie de Bertrand Du Guesclin, comblée de la gloire et des d'honneurs
que méritait l'homme qui avait délivré la France des Anglais, forme une
des plus nobles pages de notre histoire, sa mort et les circonstances
touchantes dont elle fut entourée expriment mieux encore, peut-être,
l'estime qu'inspirait ce beau caractère aussi bien à ceux qu'il
combattait qu'au peuple pour qui il tirait l'épée. Du
Guesclin s'était rendu en Auvergne afin de compléter le grand oeuvre
d'affranchissement auquel il avait consacré sa vie ; les Anglais, chassés
des plus importantes provinces, étaient encore maîtres de quelques
forteresses que le connétable voulait leur enlever. Au
commencement du mois de juin, il rejoignait le maréchal de Sancerre, son
ami, devant le château de Randon, où s'était renfermé une de ces
compagnies franches auxquelles le meurtre et le pillage étaient habituels
et qui désolaient le pays de leurs excès. Du
Guesclin pressa le siége avec vigueur : à diverses reprises, il avait
tenté l'assaut sans réussir à pénétrer dans la place ; mais la résistance
qu'on lui opposait, loin de le décourager, n'avait qu'excité son ardeur,
et il jura de n'abandonner Randon que le jour où il y aurait planté son
étendard. Il
avait complètement investi la place, et plusieurs fois il avait sommé le
gouverneur de se rendre ; celui-ci qui attendait des renforts
d'Angleterre, avait énergiquement refusé, acceptant seulement pour toute
condition de livrer la forteresse de Randon à Du Guesclin si, dans un
intervalle de quinze jours, il n'avait point reçu de secours. Durant
cette négociation, Du Guesclin était tombé dangereusement malade ; mais on avait réussi à cacher au commandant de
Randon ce triste événement : le maréchal de Sancerre avait été
l'intermédiaire de sa soumission conditionnelle, et l'orgueil irrité du
connétable avait servi de prétexte pour expliquer son absence. Le
mal fit de rapides progrès, et bientôt Du Guesclin dut faire à ses amis
d'éternels adieux ; il leur adressa ses derniers conseils, leur
recommandant, avec une humanité qu'on se plait à voir unie à tant de
valeur, de ne jamais considérer comme ennemis, dans quelque pays qu'ils
fissent la guerre, les gens d'église, les femmes, les enfants, les
vieillards et tout le pauvre peuple. Se
tournant enfin vers Olivier de Clisson, son compagnon d'armes : "Messire
Olivier, lui dit-il, je sens que la mort m'approche de près, et ne vous
puis dire beaucoup de choses. Vous
direz au roi que je suis bien marry que je ne lui aye fait plus longtemps
service, de plus fidèles n'eussé-je pu ; et si Dieu m'en eût donné le
temps, j'avois bon espoir de lui vuider son royaume de ses ennemis
d'Angleterre. Il
a de bons serviteurs qui s'y emploieront de mesmes effets que moi, et
vous, messire Olivier, pour le premier. Je
vous prie de reprendre l'espée de connestable et la lui rendre : il saura
bien en disposer et faire élection de personne digne. Je
lui recommande ma femme et mon frère ; et adieu, je n'en puis plus." Ce
souvenir touchant de Du Guesclin, à sa dernière heure, pour le prince à
qui il devait sa fortune, semble heureusement démentir cette mésintelligence
qu'on prétend avoir séparé, sur la fin de leur vie, le connétable et
le roi de France, le serviteur fidèle et dévoué et le maître
reconnaissant. Lorsqu'on le voit sur son lit de mort se préoccuper si vivement encore
du salut de la France, on a peine à croire qu'il eût dès lors résolu
de porter ses services à l'Espagne et d'abandonner le pays pour lequel il
avait si vaillamment et si longtemps combattu. Bertrand
Du Guesclin, le bon connétable, comme on l'appelait, mourait le 13
juillet 1380, et le même jour expirait le délai accordé au gouverneur
de Randon pour la reddition de la place qu'il avait courageusement défendue.
Lorsqu'il
se présenta au camp français, il le trouva silencieux et triste ; les
soldats, dans ce chef qui les avait conduits si souvent à la victoire,
pleuraient leur défenseur et leur père, celui qui avait fait leur
fortune, et qui plus d'une fois avait payé de ses propres deniers la rançon
qu'exigeait l'ennemi. Le
capitaine anglais, reçu par le maréchal de Sancerre, traversa le camp,
et lorsqu'il arriva à la tente de Du Guesclin il vit le connétable à
qui il venait faire sa soumission, étendu inanimé sur son lit de mort. Toutefois
il ne se crut pas dégagé de sa promesse ; mais il ne voulut remettre
qu'au connétable seul les clefs du château de Randon. Réunissant
ses troupes, il revint à cette tente, où il ne restait plus qu'un noble
souvenir, déposer sur le cercueil de Du Guesclin les clefs de cette
forteresse qu'il livrait pour ainsi dire à la glorieuse mémoire du brave
chevalier breton. Cet
hommage touchant, qui honore également le vainqueur et le vaincu fut
bientôt suivi de ceux de toute la France ; la mort de Du Guesclin fut
l'objet d'un deuil auquel toutes les villes s'associèrent, le
peuple n'avait pas oublié que c'était Du Guesclin qui avait chassé
l'Anglais du sol national, et il voulut que ses regrets témoignassent
hautement de sa reconnaissance. Partout
où le cortège passa, dit un historien, il fut accompagné d'un concours
prodigieux de peuple, qui, avec de grands gémissements, priait pour le
connétable et le comblait de bénédictions et d'éloges. Les
chapitres et les évêques le recevaient dans leurs églises, et il n'en
partait qu'après les services qui se faisaient pour lui et les oraisons où
on le nommait le conservateur du royaume et le libérateur de la patrie. Le
convoi se rendait à Dinan, où Du Guesclin devait être enseveli, quand
un ordre du roi changea la direction de cette marche funèbre. Charles
V avait réservé un honneur suprême au vaillant chevalier, au connétable
dont les services avaient affermi sur son front la couronne de France : il
voulut que les restes de Du Guesclin reposassent à Saint Denis, dans la
noble sépulture des rois de France. Le
cercueil de Du Guesclin arriva à Saint Cloud dans le commencement du mois
d'août, et de là, sans traverser Paris, il se rendit à Saint Denis. Sur
son passage se pressaient les Parisiens empressés de saluer encore une
fois le héros à qui la France devait son indépendance. La
cérémonie fut célébrée avec une pompe royale ; tous les princes qui
se trouvaient à Paris et les plus grands personnages de la cour de
Charles V y assistèrent, et l'illustre connétable qui fut : "Bayard
dans sa jeunesse, Turenne dans son âge mûr," a dit M. de
Chateaubriand, reçut, avant de prendre pour toujours place parmi les
cendres royales, des honneurs dont l'éclat prouve que la France était
digne de la grandeur de son dévouement. Deux
mois après la mort de Du Guesclin, le 16 septembre 1380, Charles V
mourait, et à côté des restes du connétable on déposait le corps du
roi : la pensée persévérante et sage et le courage inébranlable qui
avaient réparé les malheurs du règne précédent étaient réunis dans
leur éternel repos, comme ils l'avaient été pour le salut de la
monarchie dans leur heureuse activité. En
1389, Charles VI, dont la démence
devait ramener en France les ennemis que la sagesse de son père en avait
éloignés, rendit dans l'église de Saint Denis un nouvel hommage à la mémoire
de Du Guesclin. La
popularité du bon connétable s'était accrue depuis sa mort ; sa vie
avait été écrite pour l'enseignement du jeune roi, qui admirait avec
passion les hauts faits du chevalier breton, dont l'écrivain qui nous les
a transmis dit, dans son naïf enthousiasme : "Ses
actions n'étaient que hérauts de sa gloire ; les défaveurs, théâtres
élevés à sa constance ; son cercueil, embasement d'un immortel trophée." Charles
VI et avec lui le duc de Touraine, son frère ; le comte de Nevers, fils
du duc de Bourgogne, qui depuis fut Jean sans Peur ; le fils du roi de
Navarre ; Clisson, qui avait obtenu la charge de connétable ; tous
portant l'épée nue, environnés d'écuyers qui tenaient chacun une bannière
éployée aux armes de Du Guesclin, d'argent, à l'aigle impérial de
sable, avec sa devise, vinrent solennellement à Saint Denis, dont ]es voûtes
retentirent encore une fois de l'éloge de l'Aigle de l'Ouest, comme les
chroniques nomment parfois le chevalier breton. La
tombe de Du Guesclin, placée dans l'église royale, était de marbre noir
et surmontée de sa statue en marbre blanc ; sur cette tombe on lisait
cette épitaphe : ICY GIST MESSIRE BERTRAND DU GUESCLIN, COMTE DE LONGUEVILLE, CONNESTABLE DE FRANCE, QUI TRÉPASSA AU CHATEL NEUF DE RANDON EN GÉVODAN, EN LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BEAUCAIRE, LE TREIZIÈME DE JUILLET 1380. Longtemps une lampe brûla incessamment devant le tombeau du noble chevalier dont le nom, au milieu de nos guerres fatales contre l'Angleterre, jette un si pur et si vif éclat dans l'histoire de la France. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages