Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Charles VI. |
Année : 1407 |
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Assassinat du duc d'Orléans. |
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Quand
l'apparition de la forêt du Mans eut ravi au fils de Charles V la raison
et l'autorité, pour ne lui laisser qu' un vain titre, qui ne fît que
mieux ressortir l'abandon et la misère où Charles l'insensé termina sa
vie, le gouvernement du royaume devint l'objet d'âpres ambitions. Les
plus ardents à la poursuite du pouvoir vacant furent le duc d'Orléans,
.frère du roi, et Jean Sans Peur, duc de Bourgogne ; la lutte entre eux
fut acharnée et commença cette longue suite de troubles et de guerres
civiles qui conduisirent la France à une ruine presque complète. Dès
que la démence de Charles VI l'eut mis dans l'impossibilité de diriger
les affaires, le duc d'Orléans réclama la régence comme premier prince
du sang ; toutefois, tant que vécut Philippe le Hardi, chef du deuxième
duché de Bourgogne, le duc d'Orléans, son neveu, contint ses désirs. Mais
lorsque Jean Sans Peur succéda à son père, les prétentions rivales des
maisons d'Orléans et de Bourgogne éclatèrent sans réserve : les deux
cousins avec une profonde animosité se disputèrent l'administration du
royaume, s'appuyant, l'un sur la bourgeoisie de Paris, parmi laquelle il
était rendu populaire ; l'autre, le frère de Charles VI, sur les
seigneurs qu'il attirait par les séductions de son esprit, par le luxe de
ses habitudes. Durant
trois années cependant, de 1404 à 1407, la querelle fut entre eux en
quelque sorte toute politique , ils s'attaquaient seulement encore par les
mesures qu'ils obtenaient réciproquement du conseil institué pour
administrer le pays. Le
duc de Bourgogne apportait une constante opposition à tout ce que décidait
son adversaire : il protestait hautement contre l'établissement des impôts
excessif, levés pour payer les immenses prodigalités, les ruineuses
magnificences du frère de Charles VI ; il s'unissait intimement aux
Parisiens, relevait leurs barricades et les soulevait contre l'épouse et
le frère de Charles VI. En
1405 ses intrigues excitèrent une révolte dans Paris, il la seconda avec
une petite armée, s'empara du jeune dauphin, et obligea le duc d'Orléans
et la reine Isabeau de Bavière à fuir ; la guerre était imminente, le
duc fugitif était revenu vers Paris avec une armée, on allait combattre,
quand les négociations du duc de Berry amenèrent un accommodement. Le
duc d'Orléans se vengea l'année suivante, en faisant échouer, par
l'influence qu'il exerçait sur le gouvernement, une entreprise d'un haut
intérêt pour la France et pour la popularité de son adversaire : en
1106 le duc de Bourgogne avait fait des préparatifs considérables contre
Calais, il avait assemblé des troupes lorsqu'il fut arrêté par la pénurie
du trésor, qu'avaient épuisé les largesses et les fêtes splendides de
son rival ; il reçut l'ordre de licencier ses soldats et revint animé
d'une haine violente contre celui qui l'avait empêché, d'accomplir la
conquête brillante qu'il méditait. A
ces ressentiments politiques, à cette lutte d'ambition, se joignaient
dans les derniers temps des raisons plus intimes, des injures domestiques
qui compromettaient également l'honneur des deux princes. Encore
une fois cependant, le duc de Berry tenta de réconcilier ses neveux ; il
parvint même à leur faire jurer paix et amitié en présence du conseil
du roi, ils rompirent ensemble l'hostie sainte en témoignage de leur sincérité
et s'embrassèrent. Mais
chez le duc de Bourgogne ces bienveillantes démonstrations n'étaient
qu'apparentes, il gardait toujours un désir féroce de vengeance et, à
l'instant même où il promettait l'oubli devant Dieu, il méditait une
horrible violence. Le
23 novembre 1407, le lendemain même d'un repas offert aux deux princes
par le duc de Berry pour sceller mieux leur réconciliation, le duc d'Orléans
étant allé dans la soirée visiter la reine Isabeau de Bavière à son hôtel
de la rue Barbette, un valet de chambre du roi, complice de ses ennemis,
lui vint dire : "Monseigneur, le roi vous mande que sans délai veniez devers lui et qu'il a à parler à vous hâtivement et pour chose qui grandement touche à lui et à vous." Le
prince, sans défiance, sans aucun soupçon, sortit aussitôt accompagné
seulement de deux écuyers, de quelques pages et de quatre ou cinq valets
de pied portant des torches. Il
s'en allait, vêtu simplement d'une robe de damas noir, en arrière de ses
gens, chantant à demi voix en se jouant avec insouciance, quand tout à
coup vers la moitié de la rue Barbette une troupe d'hommes armés, cachée
dans une maison, se précipite sur son escorte, renverse les torches, les
foule aux pieds, et court au duc en s'écriant : A
mort ! à mort ! D'abord
le prince crut à une méprise et s'écria : Je
suis le duc d'Orléans. C'est ce que nous demandons ! lui
répondirent les meurtriers, et ils le jetèrent en même temps de sa mule
en redoublant leurs violences. Ce
fut un instant d'affreux désordre, où se confondaient les cris de
douleur et les menaces de mort ; les assassins frappaient de haches et d'épées
leur victime, qui essayait vainement de parer les coups avec son bras. Le duc tomba sans que la fureur de cette attaque se ralentît : ses cris éveillaient au loin l'écho sans qu'on accourût à lui ; les fenêtres restaient fermées, la rue déserte. Cependant,
au commencement de ce tumulte, les chevaux des écuyers qui précédaient
le duc s'étaient emportés, et quand ils purent les arrêter ils aperçurent
la mule de leur maître qui les suivait sans porter de cavalier. Alors
ils redoutèrent un malheur et revinrent sur leurs pas ; en voyant le duc
d'Orléans accablé par cette bande d'assassins, ils coururent à l'hôtel
de la reine en criant au
meurtre ! Enfin
on s'agita, on vint au secours du prince ; alors un homme cache jusqu'aux
yeux sous un grand chaperon rouge, sortant d'une maison voisine,
s'approcha des meurtriers en leur disant : Eteignez
tout, allons nous-en, il est bien mort, et tous s'enfuirent en semant la
rue de chausses trappes et en incendiant une maison pour arrêter les
poursuites. Cette triste lueur éclaira une scène de désolation : le prince était étendu dans la boue, la tête brisée, le corps couvert de blessures, un main séparée du bras ; à ses côtés gisait un jeune écuyer, autrefois son page, qui avait été tué en le défendant. Ces misérables restes soigneusement recueillis furent placés dans un cercueil de plomb et ensevelis avec solennité, tous les seigneurs qui formaient surtout le parti du duc d'Orléans, ses oncles les ducs de Berry et de Bourbon, les comtes de Nevers, de Clermont, de Vendôme, de Saint Pol assistèrent à la funèbre cérémonie. Le
duc de Bourgogne se mêla à cette foule et vint donner de feints regrets
à sa victime ; mais il ne trompa personne, nul n'ignorait le nom de
l'assassin : tout d'abord on avait désigné Jean Sans Peur ; on prétendit
même l'avoir aperçu parmi les hommes de la vue Barbette. Cependant
le conseil des princes se réunit pour découvrir l'auteur du crime, et le
duc de Bourgogne, qui avait repris son audace, s'avoua hardiment comme le
meurtrier et se réfugia dans ses états. Cette
précaution était inutile, on n'osa pas le poursuivre ; la duchesse d'Orléans,
Valentine de Milan, demanda justice sans pouvoir l'obtenir, et la voix
seule de cette épouse désolée s'éleva contre cette lâche et horrible
violence. Les
Parisiens, qui détestaient le duc d'Orléans pour son faste et son
orgueil, applaudirent hautement ; les états de Flandre et de Bourgogne,
auxquels le duc exposa "comment
il avoit fait occire le duc Louis et la cause pourquoi il l'avoit
fait," approuvèrent
également sa conduite. Le
duc de Bourgogne ne resta pas longtemps éloigné de Paris, il revint avec
une armée, malgré les défenses du roi, et fut reçu comme un protecteur
par les Parisiens ; ils saluèrent son retour de leurs acclamations, et
l'entrée du meurtrier du frère de Charles VI sembla un triomphe. Afin
qu' il fût complet, Jean Sans Peur fit prononcer publiquement en présence
de la cour, par un cordelier appeler Jean Petit, une apologie de son crime
; étrange monument des mœurs de ce siècle, lâche discours qui déshonorait
tout à la fois et celui qui le prononçait et ceux qui l'écoutaient. On
profita d'un instant de calme pour faire déclarer à Charles VI qu'il ne
conservait aucune déplaisance de la mort de son frère, et le duc de
Bourgogne se crut suffisamment absous. En
1409 de nouvelles négociations eurent lieu, et la reine et les princes
d'Orléans, qui jusqu'alors s'étaient refusés à toute paix,
consentirent à pardonner au meurtrier du duc d'Orléans. La
réconciliation eut lieu dans l'église de Chartres : les fils du duc
d'Orléans jurèrent qu'ils ne gardaient aucune malveillance contre leur
cousin, et celui-ci voulut bien demander pardon au roi : "pour
le fait commis en la personne du duc d'Orléans pour le bien du royaume et
de sa personne ;" on
se promit solennellement, en face de l'autel, une inviolable amitié et
l'oubli du passé. Jean Sans Peur put alors croire son crime entièrement expié ; mais il avait donné aux partis un exemple fatal , qui ne fut point oublié : un jour on devait, lui rappelant l'assassinat de la rue Barbette, le frapper en prétextant le bien du royaume, comme il l'avait fait lui même pour justifier sa vengeance. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages