Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Charles VI. |
Année : 1415 |
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Bataille d'Azincourt. |
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Henri
V, roi d'Angleterre, profitant des troubles de la France, débarqua en
1415 à Harfleur avec une armée de vingt mille archers et de six mille
hommes d'armes. Les
luttes d'ambition des Bourguignons et, des Armagnacs portaient leurs
fruits, et la guerre civile, enfantait la guerre étrangère. Les
Anglais chassés avec tant d'efforts par CharlesV. traversaient de nouveau
le détroit ; et cette fois ce n'était plus de quelques villes, de
quelques provinces qu'ils devaient s'emparer, c'était presque de tout le
royaume. Du
front de Charles VI, la couronne ;allait un instant tomber sur la tête du
roi d'Angleterre ; et, tandis que le fils de Charles VI, l'héritier légitime,
proscrit, fugitif, s'appellera dérisoirement le roi de Bourges, le fils
de Henri V sera le roi de France et régnera à Paris. Toutefois
l'entreprise du roi d'Angleterre, même au milieu des agitations de la
France, était hardie, téméraire, et Il y eût vraisemblablement succombé
sans l'imprévoyance et l'aveuglement de cette noblesse dont les débats
lui avaient ouvert l' entrée du pays. Mais
la fortune et l'habileté étaient pour lui. Où
il devait échouer il réussit ; et, comme avant lui Édouard III à Crécy,
le prince de Galles à Poitiers, Henri V à Azincourt remporta un de ces
avantages surprenants qui soumettent pour longtemps les destinées d'un
peuple. Après
s'être emparé de Harfleur, Henri V, dont l'armée s'épuisait par épidémie,
résolut, afin de lui donner du repos, de gagner Calais en traversant la
Normandie et la Picardie. Cependant
une armée française se réunissait à Orléans ; depuis celle qui avait
été vaincue à Poitiers, c'était la plus brillante et la plus nombreuse
qu'on eût assemblée en France :
elle formait un corps de quatorze mille hommes d'armes et de cinquante
mille fantassins. Toute
la noblesse de France avait levé l'étendard contre l'invasion anglaise,
et à la tête de ces troupes vaillantes, bien équipées, marchaient les
princes d'Orléans, les ducs d'Anjou, d'Alençon, de Bourbon. Pour
arriver à Calais, pour passer la Somme, il fallait que Henri V perçât,
avec des forces deux fois inférieures, cette menaçante armée qui lui
barrait la route ; il essaya de franchir la Somme à Abbeville, les Français
gardaient toutes les villes. Alors
il remonta jusqu'à Saint Quentin et réussit à passer la rivière ; mais
en se dirigeant vers Calais il rencontra encore devant lui l'armée française.
Inquiété
dans sa retraite, coupé de sa ville de refuge, Henri regretta peut être
à ce moment son imprudente expédition et jeta des regards d'envie vers
les côtes d'Angleterre. Enfin
il fit à ses adversaires des propositions d'accommodement ; elles furent
repoussées par cette noblesse ardente, qui, se croyant invincible malgré
deux défaites, désirait à tout prix une bataille, une revanche de Crécy
et de Poitiers. Elle
envoya demander au roi d'Angleterre, selon les coutumes chevaleresques : "A
quel jour et à quel lieu la bataille ?" Henri
n'avait plus pour ressource que de combattre résolument ; il répondit fièrement
qu'il allait droit à Calais, qu'il n'entrerait dans aucune ville,
qu'ainsi on le trouverait toujours en plein champ, ajoutant
: Nous engageons nos ennemis à ne pas nous fermer la route et
à éviter l'effusion du sang chrétien." Le
jeudi 24 octobre 1415, les deux armées se rencontrèrent au château
d'Azincourt. C'est
là, sur le chemin de Calais, que les Français attendaient le roi
d'Angleterre, voulant l'obliger à une bataille s'il essayait de
poursuivre sa route. Henri
se prépara activement à la lutte à laquelle on le forçait ; il choisit
bien son terrain, disposa habilement les douze mille hommes qui lui
restaient et forma son plan de combat sur les souvenirs de la journée de
Crécy. La
nuit arrivée, l'armée anglaise pria ; les hommes d'armes descendirent de
cheval : et, s'agenouillant
à côté des archers, tous demandèrent à Dieu la victoire. Du
côté des Français, au contraire, il n'y avait que tumulte et confusion.
Chacun
se disputait la première place au combat ; toute cette chevalerie,
couverte de fer et d'or, s'était engagée entre deux bois, dans un
terrain marécageux où les chevaux piétinaient une terre grasse, épaisse,
dans laquelle ils ne pouvaient avancer. Toute
cette lourde cavalerie richement caparaçonnée, couverte de lourdes
armures, d'or et d'acier, formait trois énormes bataillons sans espace,
sans mouvement, pressés l'un sur l'autre, se gênant réciproquement dans
leurs efforts. Des
feux allumés de toutes parts livraient le secret de ce désordre,
qu'augmentaient les cris, les querelles personnelles, l'accumulation de
cette foule indisciplinée. La bataille fut retardée d'un jour afin
d'attendre le connétable de France, qui n'était pas arrivé. Le 25 octobre, le roi d'Angleterre entendit trois messes selon sa coutume, puis se couvrit de son casque, orné d'une couronne d'or, et au pas de son cheval il traversa les rangs de ses soldats en les encourageant de quelques paroles brèves et énergiques : "Souvenez-vous,
dit-il, que vous êtes de la vieille Angleterre, que vos parents, vos
femmes, vos enfants vous attendent là-bas, il faut avoir un beau retour. Les
rois d'Angleterre ont toujours fait belle besogne en France... Gardez
l'honneur de la couronne, gardez-vous vous-mêmes." A
ce moment Henri tenta encore d'obtenir la paix ; il n'y réussit pas, et
le maréchal d'Angleterre jeta son bâton en l'air en disant à haute voix
: Maintenant,
frappe !, Les
Anglais répondirent par un cri de courage et ils attendirent ; l'armée
française ne remua point :
les étendards, les bannières, les armes, les longues lances s'agitaient
; les hommes et les chevaux demeuraient en place, attachés à cette terre
où leurs pieds s'étaient lourdement enfoncés. Les archers anglais commencèrent l'attaque en lançant leurs traits contre cette masse immobile : elle s'ébranla enfin ; mais, lorsque le premier escadron atteignit les retranchements ennemis, des douze cents hommes qui le formaient il n'y en avait plus moitié, les flèches des archers qui garnissaient les bois où s'étaient imprudemment engagés les Français avaient abattu le surplus. Ceux
qui restaient jetèrent en reculant le désordre dans l'avant-garde, où
les rangs étaient nombreux, pressés, sans pouvoir agir, dans la position
qu'avait choisie l'armée française. Ce
fut alors un horrible désastre ; les Anglais, voyant devant eux cette
foule impuissante, incapable de se mouvoir, étaient sortis de leur camp
et l'attaquaient de la hache, de l'épée, de la masse plombée, presque
sans trouver de résistance. L'avant
garde et le centre furent ainsi enfoncés ; l'arrière-garde, laissée
sans chef, ne combattit même pas, elle prit tout d'abord la fuite et
donna l'exemple de la déroute. A vrai dire, il n'y eut pas de bataille ; l'intrépidité de la noblesse française ne se retrouva que dans quelques actions individuelles : ainsi, dix huit gentilshommes, qui avaient fait vœu de mourir ou d'abattre la couronne du roi d'Angleterre, s'acharnèrent contre lui et succombèrent tous dans la lutte. Le
duc d'Alençon s'attacha également, dit-on, à combattre Henri ; il
fendit en deux la couronne qui décorait son casque et tomba frappé par
le roi d'Angleterre. Au
moment où l'avant garde était déjà rompue, le duc de Brabant, frère
du duc de Bourgogne, dont on avait refusé Ies secours, arriva en toute hâte
sur le champ de bataille ; il avait devancé tous les siens et ne s'était
même pas revêtu de sa cotte d'armes
: au défaut il prend sa bannière, y fait un trou, y passe sa tête
et se jette à travers les Anglais, qui le tuent à l'instant même. De
fatigue les Anglais s'arrêtèrent, et le massacre cessa. Les
Français avaient perdu dix mille hommes ; l'élite de la noblesse ou était
demeurée sur le champ de bataille, ou se rendait captive en Angleterre. Parmi les morts on comptait deux frères du duc de Bourgogne, les ducs de Brabant et de Nevers, le connétable d'Albret, le duc de Bar et ses deux frères. Il
n'y eut que quinze cents prisonniers, le reste de cette brillante
chevalerie tout étincelante d'or, d'acier, vêtue de velours, était étendu
dans la boue et le sang ; mais les prisonniers étaient les ducs d'Orléans,
fils de Louis d'Orléans assassiné par Jean Sans Peur, le duc de Bourbon,
le comte d'Eu, le comte de Vendôme, le comte de Richemont, le maréchal
de Boucicaut : tous les noms
illustres de la France s'étaient donné rendez-vous à Azincourt, et tous
y restèrent aux mains du roi d'Angleterre. La
France apprit avec consternation l'immense défaite d'Azincourt. Du
moins, à Crécy, à Poitiers, on avait combattu, on s'était vaillamment
défendu ; mais à Azincourt à peine si l'armée, une armée de
chevaliers, avait résisté aux archers anglais. Les intérêts et l'honneur du pays avaient à la fois succombé, la route de Paris était ouverte, la France encore une fois appartenait aux Anglais, contre eux tous les efforts allaient être vains jusqu'au jour enfin où l'héroïque épée de Jeanne d'Arc les chasserait pour toujours de la France. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages