Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Charles VII. |
Année : 1429 |
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Jeanne d'Arc
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La
France appartenait pour ainsi dire aux Anglais : maîtres déjà des
provinces qui bordent le littoral de l'Océan, ils commandaient encore
dans le nord. Calais, Amiens, Rouen étaient en leur pouvoir, ils s'étaient
emparés de Paris, et, à la mort de Charles VI, le fils et le successeur
de Henri V d'Angleterre, le jeune Henri VI, avait pris le titre de roi de
France; tandis que Charles VII , l'héritier légitime de la couronne ,
caché dans les montagnes de l'Auvergne, se faisait obscurément reconnaître
de quelques seigneurs dévoués. Cette
longue suite de désastres , qui avait commencé par la fatale journée de
Crécy, semblait ne devoir se terminer que par la ruine complète de la
France. Après
avoir tant fait pour marquer glorieusement sa place parmi les nations,
elle était menacée de voir son nom effacé de l'histoire pour descendre
au rang d'une province anglaise. La
foi aux destinées de la patrie s'éteignait dans les cœurs, étouffée
par l'anarchie et les sanglantes misères de l'invasion, quand du milieu
de ce peuple Dieu suscita l'héroïque courage, le sublime dévouement qui
devait délivrer la France de la domination étrangère. Une
Jeune fille ignorante, modeste, timide, dont jusqu'alors la vie s'était
passée au milieu des champs, fut l'instrument choisi pour sauver une
grande nation. Elle
se nommait Jeanne d'Arc : son père était un pauvre laboureur du village
de Domremi, situé entre la Lorraine et la Champagne, et relevant de la
ville de Vaucouleurs, cédée en 1335 au roi de France par la famille de
Joinville. Jeanne
ne savait ni lire ni écrire, mais son coeur avait été de bonne heure
frappé d'une double impression qui explique jusqu'à un certain point les
secrets entraînements de sa mission. La
religion, que sa mère lui avait racontée plutôt qu'apprise, et la
guerre qui désolait la France avaient excité en elle de longues méditations
; durant ces chaudes journées où seule au milieu de la campagne elle
gardait ses troupeaux, ces vifs souvenirs pénétraient lentement son âme
: elle songeait naïvement aux malheurs du pays, et, par un retour naturel
de son éducation religieuse, c'est en Dieu seul qu'elle en voyait la fin.
A
mesure que sa raison se développait, ces vagues rêveries, prenant plus
de consistance, devenaient de fermes convictions dont son isolement, sa
vie tout intérieure augmentaient encore la force. Enfin,
vers 1423, dit on, par une des plus chaudes journées d'été, se trouvant
dans le jardin de son père, qui touchait aux murs de l'église de
Domremi, Jeanne eut une vision ; il lui sembla voir une éblouissante lumière
d'où sortit une voix qui lui dit "Jeanne
, sois bonne et sage enfant ; va souvent à l'église." Une
autre fois encore elle vit cette brillante clarté, elle entendit la voix
divine ; mais alors dans cette apparition lumineuse se trouvaient de
nobles figures , et l'une d'elles, qui avait des ailes et semblait un sage
prud'homme, s'adressa à la
jeune fille : "Jeanne
, lui dit elle , va au secours du roi de France, et tu lui rendras son
royaume," Puis
ces visions devinrent plus fréquentes : elles poursuivirent constamment
la jeune fille. C'étaient
de blanches figures de saintes qui apparaissaient la tête parée de
couronnes au milieu d'un éclatant nuage ; leurs douces voix lui
rappellent l'oeuvre de salut à laquelle elle était destinée, et
l'engageaient à se rendre vers le roi de France : pendant cinq années
elle reçut ainsi, dans de saintes transfigurations, les ordres d'une
volonté supérieure. Étaient-ce
les rêves animés de son imagination qui la trompaient, était-ce en
effet une manifestation divine dont son âme épurée percevait la réalité
? Que
sert de résoudre cette question ? Si
on ne doit ni ne peut assurer la vérité de ces visions du moins peut-on
aisément en accepter la tradition ; et, s'il fallait un miracle pour
sauver cette France si chrétienne, si fidèle à sa foi , il ne semble
pas impossible que Dieu l'ait accompli. Jeanne
ne douta pas , elle ne s'interrogea pas ; embrasée d'une ardeur, d'un dévouement
supérieurs à tous les sentiments humains, elle résolut d'obéir sans
plus tarder à ces avertissements célestes. Bravant
avec une héroïque douleur les ordres de son père, qui ne voulait pas
lui permettre de partir, Jeanne, accompagnée de son oncle, se rendit à
Vaucouleurs et alla trouver Baudricourt, qui commandait la place ; elle
lui annonça la mission dont le ciel l'avait chargée, et lui demanda les
moyens d'arriver jusqu'au roi. L'incrédule
capitaine se rit d'abord de la villageoise inspirée ; mais, dans la
situation désespérée de la France, il crut cependant devoir faire connaître
au roi ce bizarre événement. Bientôt
il reçut l'ordre d'envoyer Jeanne d'Arc à Chinon, où la cour de Charles
VII résidait. Celle-ci,
de son côté, avait gagné à ses convictions les gens de Vaucouleurs ;
l'assurance de sa parole, son inébranlable confiance, la ferveur de piété
qui éclatait dans ses regards, le mélange de candeur et de fermeté de
ses réponses, tout avait excité les sympathies générales : on espérait
en elle. Avant
son départ , les habitants de Vaucouleurs se réunirent pour équiper
Jeanne d'Arc et lui fournir un cheval ; et , dans le courant de février
1429 , elle se dirigea vers Chinon. La
saison était rude, la route difficile et dangereuse ; partout la guerre
avait laissé des traces : les champs dévastés, les ponts rompus
entravaient incessamment le voyage ; puis les chemins étaient remplis de
soldats grossiers, hardis au pillage, pleins d'insolence, disposés à la
querelle sur le moindre prétexte. Pour une jeune fille qui jamais n'était sortie de son village, cette première épreuve était difficile. Jeanne
la supporta avec courage : "Ne craignez rien , disait elle à ses compagnons , Dieu me fait ma route , c'est pour cela que je suis née." Elle
marchait avec une admirable sécurité , elle se sentait véritablement
protégée et guidée par une force supérieure "Mes saints du paradis me disent ce que j'ai à faire." Elle
arriva enfin à Chinon , et, après quelques délais, on l'introduisit près
du roi. Charles
VII la reçut avec un appareil royal ; mais , pour éprouver cette sorte
de divination qu'on attribuait à l'héroïne de Vaucouleurs, il se mêla
d'abord aux seigneurs de la cour, laissant à sa pénétration le soin de
le distinguer parmi eux. C'était
le soir ; cinquante torches éclairaient la salle de réception, remplie
d'une foule avide de voir la jeune inspirée, Jeanne, qui avait alors dix
huit ans, était une belle fille, assez grande de taille, à la voix douce
et pénétrante. Son
entrée fut solennelle : chacun la considérait avec une curiosité mêlée
de doutes et d'espérances ; trois cents chevaliers et seigneurs, réunis
autour de Charles VII, attendaient pleins d'émotion vers qui elle se
dirigerait d'abord. Jeanne
d'Arc se présenta humblement " comme
une pauvre petite bergerette",
cependant sans trouble, sans hésitation, et, du premier regard, elle
reconnut le roi et le désigna en disant : "
Dieu vous donne bonne vie, très noble roi ! Puis,
embrassant ses genoux, elle ajouta : "Gentil dauphin, J'ai nom Jebanne la Pucelle. Le Roi des cieux vous mande par moi que vous serez sacré et couronné en la ville de Reims ; et vous serez lieutenant du Roi des cieux, qui est roi de France." On céda à l'ascendant de Jeanne d'Arc ; et Charles VII se résolut à remettre ses destinées et celles du royaume de France aux mains de la villageoise de Domremi. On
lui composa une maison militaire, un état
, comme à un chef
d'armes ; elle eut un écuyer, deux pages, deux hérauts d'armes, un aumônier,
une suite de douze hommes d'armes : et bientôt Jeanne, vêtue d'une
armure blanche, couverte d'un casque surmonté de plumes, portait au
milieu des combats son étendard blanc semé de fleurs de lis d'or. Dans
les premiers jours d'avril 1429 elle marcha vers Orléans en remontant la
Loire, et y pénétra le 29 du même mois. La
situation d'Orléans semblait alors désespérée : assiégée depuis sept
mois, les Anglais l'avaient emprisonnée dans une enceinte de forteresses
; et, réduite à la dernière extrémité, la cité allait se rendre,
quand la présence de Jeanne d'Arc vint relever l'espérance des Orléanais. Jeanne
d'Arc entra à huit heures du soir à Orléans. La
foule se pressait sur ses pas et lui permettait à peine d'avancer ;
chacun voulait la voir, chacun voulait toucher ses vêtements, son cheval
: on la regardait comme si on eût vu Dieu, disent les chroniqueurs
contemporains. Aussitôt
arrivée, Jeanne d'Arc appela les Orléanais au combat : le 7 mai elle
s'emparait des forteresses situées au midi d'Orléans ; et le lendemain,
dimanche 8 mai, les Anglais abandonnaient celles du nord et se retiraient
vers Paris. Le 18 juin suivant, Jeanne d'Arc remporta à Patay une seconde victoire qui ouvrit à Charles VII la route de Reims, de la ville du sacre, où la fille inspirée de Domremi allait faire reconnaître le légitime héritier de la couronne de France. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages