Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XI. |
Année : 1465 |
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Bataille de Montlhéry. |
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Si
Louis XI préféra la voie des négociations, les détours de la
diplomatie aux hasards de la guerre, ce n'est pas qu'il redoutât pour
lui-même les périls du combat ; dès les premiers jours de son règne il
avait fait ses preuves de courage, et sa conduite à la journée de Montlhéry
lui donna le droit d'user plus des ressources de son esprit que des lances
de ses hommes d'armes. La
ligue du Bien Public, qui n'eut guère d'autre motif que la défense
des intérêts et des privilèges féodaux contre l'autorité royale,
venait de se déclarer ; les premiers actes de Louis XI, qui révélaient
déjà les desseins de sa politique, avaient armé contre lui tous les
princes et seigneurs de France ; on accusait le roi de vouloir abaisser la
puissance des grands détenteurs de fiefs ; on lui avait entendu dire
qu'il mettrait bien en servage les deux ou trois seigneuries qui restaient
indépendantes, et à cette parole imprudente Jean II, duc de Bourbon,
Jean, duc de Lorraine, et enfin le frère de Louis XI, le duc de Berri lui
même, avaient répondu en s'unissant au duc de Bretagne pour combattre
Louis XI ; bientôt le comte de Charolais, après avoir obtenu de son père
une armée et des Etats de Flandres des subsides, vint seconder de son
concours cette coalition qui prenait le titre de ligue du Bien Public. "parce
qu'elle s'entreprenoit sous couleur de dire que c'étoit pour le bien du
royaume," quoiqu'elle
n'eût au fond d'autre but que la satisfaction d'ambitions individuelles. Devant
cette révolte générale, redoutable par son ensemble et par ses forces,
Louis XI ne perdit pas courage : l'imprudence de ses résolutions, la
liberté avec laquelle il les avait annoncées, la lui avaient attirée ;
pour la réprimer il retrouva toute son activité, toute son adresse. Au
manifeste de la ligue il répondit en dévoilant les projets formés
contre lui par les seigneurs "Si j'avois voulu, dit il, augmenter leurs pensions et leur permettre de fouler leurs vassaux comme par le passé, ils n'auraient jamais pensé au bien public." Puis
il s'occupa de s'assurer du midi, il négocia avec les princes de Bourbon
et d'Armagnac ; et quand il les eut forcés par l'habileté de ses démarches
et par la vigueur de ses armes à se séparer de l'union il revint à
grandes marches vers le nord et dirigea tous ses efforts contre Charles de
Bourgogne, qui s'était mis au premier rang de ses ennemis et déclaré,
le véritable chef de la ligue du Bien Public. A
la nouvelle de l'arrivée du roi le comte de Charolais traversa la Seine
et alla à sa rencontre ; les deux armées se trouvèrent en présence à
Montlhéry ; la lutte entre la royauté , qui chaque jour grandissait, et
la féodalité encore puissante s'engagea sous les tours mêmes de ce château
si célèbre dans l'histoire du moyen âge par ses résistances au pouvoir
royal, et que les premiers successeurs de Hugues Capet ne gagnèrent qu'en
s'alliant aux seigneurs de Montlhéry. Louis
XI, qui désirait éviter la bataille, s'y vit obligé ; mais une fois
qu'on fut aux prises, il sut prouver qu'aucune crainte personnelle ne
l'engageait à reculer et que, s'il redoutait de compromettre la cause du
roi de France dans un combat incertain, il n'était point préoccupé de
sa propre sûreté. Après
s'être observés toute la matinée, les deux chefs mirent leurs troupes
en mouvement le 16 juillet 1465. Vers
midi le comte de Charolais donna le signal et s'avança contre les lignes
de l'armée de Louis XI, formées, derrière un fossé, en bas de la côte
que domine la vieille tour féodale. Jusqu'au
dernier instant on avait pensé qu'il n'y aurait pas d'engagement ; les
manœuvres de l'armée bourguignonne étaient précipitées et mal dirigées,
aussi la mêlée fut pleine de désordre : on s'attaqua mollement, et on
se poursuivit sans haine et sans acharnement. Enfin,
après plusieurs heures de, combat, on se sépara sans qu'aucun avantage
marqué décidât à qui appartenait le succès de cette journée :
toutefois on eut obtenu des résultats plus positifs si les soldats
avaient suivi l'exemple de leurs chefs et imité la bravoure, la vaillante
hardiesse de Louis XI et du comte de Charolais ; l'un et l'autre s'exposèrent
sans ménagement et luttèrent avec un égal courage. Le
roi de France eut un cheval tué sous lui au plus fort de la mêlée ; un
moment on le crut mort et il ne dut sa liberté qu'au dévouement des
archers de la garde, qui le transportèrent à Montlhéry après l'avoir dégagé
des mains des soldats de Bourgogne. Aussitôt
qu'il fut revenu à lui, Louis XI, réparant le désordre qu'avait causé
son accident, rallia ses troupes et trois fois les ramena sur le champ de
bataille ; vraisemblablement il l'eût emporté sans l'abandon du comte du
Maine et de l'amiral de Montauban, qui, dès le commencement de l'action,
avaient fui lâchement. Enfin
vers le soir le roi, jugeant que plus d'efforts seraient inutiles, donna
l'ordre de la retraite et se replia sur Corbeil, d'où il restait maître
du chemin de Paris : c'était un point essentiel pour lui et il put considérer
cette journée comme gagnée a son profit. Néanmoins
le comte de Charolais, demeuré, maître du champ de bataille, "estima la gloire être sienne, ce qui depuis, dit Comines dans ses Mémoires, lui a coûté bien cher, car oncques il n'usa de conseil d'homme, mais du sien propre, et par là fut finie sa vie et sa maison détruite." Sûr
de Paris, où il avait pénétré, Louis XI eut alors recours aux négociations
: il demanda une entrevue au comte de Charolais afin de traiter
directement de la paix avec lui. Presque
sans suite, avec la plus apparente confiance, Louis XI se rendit au camp
bourguignon, et là il essaya sur l'ancien compagnon de sa jeunesse la séduction
de sa parole. Accompagné
seulement de trois ou quatre personnes, il demanda pour toute garantie au
comte de Charolais : Mon frère, m'assurez vous , car autrefois
celui-ci avait épousé Catherine de France, soeur de Louis XI , Charles répondit
: Monseigneur, oui, comme frère. , Satisfait
de cette assurance, le roi aborda ; et, seul au milieu de cette armée
ennemie, au pouvoir de cette ligue formée contre son autorité, il causa
librement, d'un visage tranquille et souriant, avec le comte de Charolais.
Il
lui rappela le passé, les menaces qu'il lui avait faites et qu'il n'avait
que trop réalisées : "Mon
frère, lui dit-il, je connois que vous êtes gentilhomme de la maison de
France. Pourquoi
? lui répondit le comte. Parce
que, continua le roi, quand j'envoyai mes ambassadeurs à Lille, naguère,
devers mon oncle votre père et, vous, et que ce fol Morvilliers parla si
bien à vous, vous me mandâtes par l'archevêque de Narbonne, qui est
gentilhomme, et il le montra bien, car chacun se contenta de vous, que je
me repentirois des paroles que vous avoit dites ledit Morvilliers, avant
qu'il fût le bout de l'an ; vous m'avez tenu promesse et encore beaucoup
plus tôt que le bout de l'an. Et
dit le roi ces paroles en bon visage et riant, poursuit Comines, qui nous
a conservé les détails de cette entrevue, connoissant la nature de celui
à qui il parloit être telle qu'il prendroit plaisir aux dites
paroles." Cet
abandon était en effet le plus sûr moyen d'entraîner le comte de
Charolais, qui s'abandonna aux souvenirs de sa première amitié : entre
ces deux ennemis, l'un si adroit, si réservé au fond, l'autre si
violent, si impérieux, la conversation fut amicale, franche,. sincère ;
ils discutèrent sans trop d'amertume et posèrent les bases de
l'accommodement du roi de France avec ses grands vassaux. Le
roi, entre le comte de Charolais et le comte de Saint Pol, se promena
longtemps sans avoir laissé paraître aucun signe de défiance ; enfin
Louis XI se retira en faisant à son frère de gracieux adieux, remonta
dans son bateau et regagna Paris. Cette
démarche hardie, qu'il devait renouveler avec moins de succès dans une
circonstance semblable, si elle ne ramena pas complètement à lui l'héritier
du duché de Bourgogne dissipa une partie des ressentiments qui les séparaient. Deux
mois plus tard, le 29 octobre 1465, la paix fut enfin signée à Conflans,
entre la ligue du Bien Public et le roi de France ; elle lui coûtait cher
aussi : "Les princes butinèrent le monarque et le mirent au pillage ; chacun emporta sa pièce. Le
duc de Berri obtint la Normandie en souveraineté héréditaire, le comte
de Charolais reprit les villes de la Somme, rachetées deux cent mille écus
quelques mois auparavant ; le duc de Bretagne, le duc de Lorraine, le duc
de Nemours, chacun eut sa part ; on donna à Saint Pol révolté l'épée
de connétable, on rendit ses biens à Chabannes. Tant
de sacrifices semblèrent pénibles au roi ; mais l'important pour lui était
de dissoudre cette dangereuse coalition, isolément il comptait bien
obtenir lentement justice de toutes ces ambitions qu'il n'aurait pu
vaincre réunies : il n'épargna donc rien pour en rompre le faisceau, il
s'humilia, prodigua les caresses, les dons ; et, au moment où il méditait
de s'affranchir de cette orgueilleuse tutelle, il sut se plier à la nécessité,
et sembla se remettre pour ainsi dire entre les mains de cette noblesse
sur laquelle il devait prendre une si complète revanche. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages