Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XI. |
Année : 1472 |
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Défense de Beauvais. |
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Le plus intéressant spectacle de la fin du quinzième siècle
est sans contredit celui de la lutte de Louis XI contre Charles le Téméraire
; du génie politique naissant en Europe contre l'orgueil féodal, dont le
duc de Bourgogne fut le dernier représentant. Jamais peut être on ne vit aux prises de si divers caractères,
des esprits si opposés : l'un, rempli de fierté et d'ardeur, marche à
son but avec violence, sans calculer aucune chance ; l'autre, courageux au
fond, n'estime véritablement que la prudence. Les liens qui avaient autrefois uni le roi de France au comte
de Charolais ajoutent encore à l'intérêt de ce débat, dans lequel se
trouva si fortement engagée la grandeur de la France. Avant même que la mort de Philippe le Bon, son père, livrât
au comte de Charolais, à Charles le Téméraire, le duché de Bourgogne,
il s'était déclaré contre Louis XI ; dans la guerre du Bien Public, il
avait été un des chefs les plus actifs de la ligue féodale formée
contre le nouveau roi de France. Lorsqu'il prit enfin le gouvernement du duché de Bourgogne,
sa haine éclata tout entière ; et jusqu'à sa mort les guerres se succédèrent
presque sans interruption entre la France et la Bourgogne : celle qui
suivit la mort du duc, de Guienne, frère du roi, est l'une des plus
importantes par les desseins menaçants du duc de Bourgogne, par les
rigueurs qu'il exerça, contre la France, et surtout par la résistance héroïque
des habitants de Beauvais, qui arrêtèrent Charles dans sa course
victorieuse et l'empêchèrent d'échanger contre une couronne de roi sa
couronne ducale. En 1472 une ligue nouvelle avait réuni contre le roi de
France le roi d'Angleterre, le roi d'Aragon, le duc de Bretagne, le frère
même de Louis XI, le duc de Guienne, et enfin le duc de Bourgogne, qui était
l'âme de cette coalition, dont le but n'était pas un mystère. On avait résolu le démembrement de la France : « J'aime mieux le bien du royaume qu'on ne pense, disait Charles ; car pour un roi. Qu'il y a, j'en voudrais six." Le partage était fait : Charles le Téméraire prenait la
Picardie et la Champagne ; le roi d'Angleterre, la Guienne et la
Normandie, et Charles de France, duc de Guienne, devait ceindre la
couronne à demi brisée de son frère. Jamais la situation n'avait été plus désespérée pour
Louis XI : Personne ne veut plus de lui, disait-on ; Anglais, Bourguignons
et Bretons vont lui courir sus. La mort imprévue du duc de Guienne vint heureusement rompre
cette menaçante union et rétablir ses affaires, ou du moins en diminuer
les périls ; il s'empara rapidement de l'apanage fraternel , le roi
d'Angleterre hésita ; et de tous ses ennemis, le duc de Bourgogne fut le
seul dont la résolution ne fut pas ébranlée. Il avait rassemblé une armée considérable sur la frontière
de Picardie ; aussitôt qu'il apprit que le duc de Guienne venait de
succomber, il pénétra en France, s'empara de Nesle, publia un manifeste
dans lequel il accusait Louis XI d'avoir empoisonné son frère ; il
poursuivit sa route vers la Normandie, où il voulait se réunir au duc de
Bretagne. La courageuse défense des habitants de Beauvais changea
l'issue de cette guerre et assura le succès de la politique de Louis. Charles le Téméraire avait espéré surprendre Beauvais :
la ville n'avait pas de garnison et il pensait n'avoir qu'à se présenter
pour la soumettre ; mais on n'était plus au temps des luttes funestes, où
les divisions intérieures aidaient au triomphe des Anglais. La France avait retrouvé le sentiment de sa nationalité ;
elle commençait à rattacher ses intérêts à ceux de la royauté, et
les diverses provinces se sentaient unies par ce lien commun qui fondait
l'unité du royaume. A l'approche des Bourguignons, les citoyens de Beauvais, livrés
à eux mêmes, fermèrent leurs portes, montèrent sur les remparts et résolurent
de résister à cette armée si belle et si nombreuse que conduisait
Charles le Téméraire. Les soldats du duc de Bourgogne s'emparèrent aisément des
faubourgs ; mais lorsqu'ils furent en face des murailles, ils s'aperçurent
que ce siège présenterait plus de difficultés qu'on ne l'avait supposé
: les postes étaient gardés ; les arquebusiers, les couleuvrines amenées
par les gens de la ville garnissaient les remparts, et tout annonçait une
ferme résistance. Chacun se disposait à payer de sa vie, s'il le fallait, le
salut de tous, et cette milice bourgeoise réunie à la hâte se tenait
aussi fièrement aux plus périlleux endroits que les meilleurs soldats.
Cependant Charles donna le signal de l'assaut et l'armée s'élança
contre la ville : les échelles manquaient aux assiégeants, et celles mêmes
qu'ils avaient étaient trop courtes ; mais le succès semblait si facile
que ces obstacles ne les arrêtèrent pas, et, s'aidant les uns les
autres, animés par la présence du duc de Bourgogne, ils essayèrent de
forcer la porte où se dirigeait leur attaque et d'escalader les murs. C'est alors que, partageant héroïquement les dangers de leurs époux et de leurs frères, les femmes de Beauvais donnèrent l'exemple d'un courage qu'on ne pouvait attendre de leur sexe. Conduites par l'une d'entre elles dont l'intrépidité
dépassait encore celle de ses compagnes, par Jeanne Hachette, car
nous conserverons à Jeanne Lainé le surnom que lui valut l'arme dont
elle fit si glorieux emploi, elles arrivent sur les remparts et se mêlent
aux combattants. Sans crainte, sans trouble au milieu du tumulte, des éclats
du canon, des flèches qui de toutes parts tombent sur les assiégés,
elles s'emploient selon leurs forces, apportent des pierres pour charger
les couleuvrines, des traits pour les arquebusiers ; versent sur les assiégeants
l'eau chaude, l'huile bouillante, la graisse fondue. Cependant les Bourguignons ne se décourageaient pas : l'un
d'eux même avait atteint le sommet du rempart, sur lequel il allait
planter l'étendard de Bourgogne, lorsqu'une femme, c'était Jeanne
Hachette, s'élance vers lui, saisit son drapeau, le lui arrache ; et
tandis que le soldat, rudement repoussé, roule au pied de la muraille, la
jeune héroïne échauffe encore le courage des défenseurs de Beauvais en
élevant au dessus d'eux le trophée de sa victoire. Ce combat, dans lequel Beauvais montra tant de fermeté et de
constance, durait depuis neuf heures, quand tout à coup, vers le soir, on
entendit un grand bruit ; c'était la garnison de Noyon qui venait au
secours de Beauvais, le peuple l'accueillit aux cris joyeux de : Noël ,
et sans même prendre de repos, après une marche de quatorze lieues, la
milice de Noyon monta aux remparts. Le lendemain et les jours suivants, d'Amiens, de Senlis, de
Paris, arrivèrent de nouvelles troupes, et en même temps des farines, du
vin, de la poudre, des outils, qui multiplièrent les moyens de résistance.
Cependant Charles, après des assauts inutiles, ne pouvait se
résoudre à céder, il voyait son honneur engagé à la prise de
Beauvais. Son artillerie battait incessamment la ville, les bombardes y
allumaient à chaque moment l'incendie ; mais les bourgeois voyaient brûler
leurs maisons avec cette fermeté inébranlable qu'ils avaient montrée
sur les remparts. Un mois presque s'écoula ainsi, sans que Charles eût obtenu
d'avantage décisif ; et la garnison, qui s'augmentait constamment,
rendait son entreprise chaque jour plus incertaine. Enfin il ordonna, contre l'avis de tous les capitaines, de
tenter encore une fois l'assaut. Le 9 juillet 1472, à sept heures du matin, les soldats
bourguignons se présentaient de nouveau devant les remparts de Beauvais ;
tout avait été préparé pour cette attaque : on avait jeté un pont sur
le fossé, les eaux qui l'emplissaient avaient été détournées ; les
assaillants étaient pleins de hardiesse et d'ardeur. Mais les assiégés n'en avaient pas moins, et leur énergie
d'ailleurs s'augmentait encore par le succès de leur résistance. Les femmes , toujours dirigées par leur glorieuse Jeanne
Hachette, revinrent au combat avec autant d'empressement qu'au premier
assaut : elles apportaient les traits et les pierres, distribuaient aux
combattants des brocs de vin, se montraient partout où il y avait du
danger, ramassaient les flèches qu'envoyaient les Bourguignons pour les
donner aux archers qui défendaient Beauvais. Tous les efforts des Bourguignons furent vains ; trois fois
ils plantèrent sur la muraille l'étendard de Bourgogne, et trois fois
ils furent repoussés et rejetés au bas des remparts. Après quatre heures d'une rude mêlée, Charles le Téméraire
dut, avec une colère qu'il ne savait plus contenir, donner le signal de
la retraite. Le 22 juillet, pendant la nuit et dans un profond silence,
l'armée abandonna Beauvais et se dirigea vers la Normandie ; mais Louis
XI avait eu le temps de préparer la défense du royaume et de négocier
grâce à la résistance de Beauvais, sa couronne était sauvée. Aussi il témoigna royalement sa reconnaissance : la ville,
par lettres patentes, fut déclarée exempte de tout impôt et reçut le
privilège d'élire son maire et ses échevins. Jeanne Hachette, qui parmi les bourgeoises de Beauvais est
demeurée la plus célèbre, fut anoblie et mariée par les soins du roi ;
et l'étendard qu'elle avait enlevé aux Bourguignons, longtemps conservé
dans l'église des Jacobins, est déposé aujourd'hui à l'hôtel de ville
de Beauvais. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages