Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : François 1er. |
Année : 1520 |
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Entrevue du camp du drap d'or. |
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Malgré les prétentions de François 1er,Charles
Quint avait été élu empereur d'Allemagne : et l'on pouvait prévoir la
lutte qu'allaient faire éclater les espérances déçues de l'un et
l'ambition du second, encouragée par un si noble succès. Mais, avant de commencer cette guerre qui devait se continuer
presque sans interruption durant vingt sept années, les deux rivaux
sentaient la nécessité de trouver des alliés qui secondassent leurs
efforts. Henri VIII, roi d'Angleterre, était sans contredit l'un des
plus importants dont on pût s'assurer le concours, et il le savait si bien
qu'il avait pris pour devise ces orgueilleuses paroles : Qui j'accompagne est maître. Les souverains qui allaient se disputer la domination de
l'Europe s'empressèrent de rechercher l'appui du prince anglais par les
moyens que leur inspiraient à chacun les dispositions de leur caractère :
l'un par les manoeuvres habiles de la politique, l'autre par le faste ét.
la grandeur de sa puissance. Charles Quint, en se rendant d'Espagne dans les Pays Bas, relâcha
à Douvres et, sans déployer un luxe qui pouvait exciter quelque envie chez
Henri VIII, il alla simplement le visiter à Cantorbéry, sous le prétexte
d'offrir ses respects à sa tante Catherine d'Aragon, reine d'Angleterre. Il sollicita l'alliance du roi d'Angleterre en rendant
hommage à sa haute influence, et en même temps il circonvenait par des
flatteries et d'adroites promesses le cardinal Volsey, ministre favori du
roi, à qui il fit espérer le trône pontifical après la mort de Léon X. A la suite d'une négociation suivie par l'amiral Bonnivet et
le cardinal Volsey, une entrevue fut également décidée entre les rois de
France et d'Angleterre pour conférer des affaires de l'Europe. La plaine qui s'étend entre Ardres et Guines, à peu de distance de Calais, fut choisie pour le lieu de ce rendez vous solennel. Ce fut au mois de juin 1520 que s'ouvrit cette célèbre conférence,
dont les splendeurs ont laissé de si vifs souvenirs dans l'histoire, et qui
fut, à cause du luxe inouï qu'on y montra de part et d'autre, désignée
sous le nom de Camp du Drap d'Or. Le 7 juin, les deux monarques, montés sur de superbes
chevaux d'Espagne, suivis d'un nombre égal d'archers et accompagnés, le
roi de France de l'amiral Bonnivet et du chancelier Duprat, le roi
d'Angleterre du cardinal Volsey et des ducs de Norfolk et de Suffolk, se
rencontrèrent dans la vallée d'Ardres, exactement entre Ardres et Guines. De chaque côté les gardes s'arrêtèrent aux barrières, et
François 1er, et Henri VIII, s'avançant l'un vers l'autre, se
donnèrent chevaleresquement l'accolade, sans descendre de cheval ; puis
seulement ils mirent pied à terre pour s'entretenir. Après une courte conversation ils se séparèrent pour
retourner dans leurs résidences ; le roi de France demeurait à Ardres, et
le roi d'Angleterre au château de Guines, situé dans les environs de
Calais, qui faisait encore partie du territoire anglais. Le cérémonial de l'entrevue avait été réglé dans ses
moindres détails par les deux négociateurs Volsey et Bonnivet ; mais ces
précautions minutieuses fatiguèrent bientôt François 1er. Enfin il réussit, par une démarche franche et loyale, à
rendre à ses relations avec le roi d'Angleterre l'abandon qu'il désirait
voir régner entre eux. Sortant un matin d'Ardres plus tôt qu'il n'en avait
l'habitude, il se dirige vers Guines dans un costume fort simple, et
seulement accompagné de deux gentilshommes et d'un page. Arrivé au château de Guines, il pénètre au milieu des
archers anglais qui en gardaient l'entrée, et avant qu'ils lui eussent
exprimé leur surprise de voir le roi venir ainsi, sans escorte, se confier
à la bonne foi du roi d'Angleterre : "Rendez vos armes, leur dit-il en riant, et
conduisez-moi à la chambre de mon frère." Henri VIII reposait encore ; mais, malgré toute résistance,
François 1er pénètre dans son appartement, ouvre les rideaux
de son lit, et l'éveille. Henri, étonné et touché en même temps de cette noble
confiance, dit au roi de France : "Mon frère. vous me faites le meilleur tour que jamais homme fit à un autre, et me montrez la grande fiance que je dois avoir en vous, et de moi je me rends votre prisonnier dès cette heure et vous baille ma foi." En prononçant ces paroles, il détache de son cou un
magnifique collier et l'offre à son illustre visiteur. Je le porterai, reprit celui-ci, à condition que vous
porterez aussi ce que je vous offre. Et il lui remit un bracelet qui valait le double du collier
qu'il acceptait. François 1er, continuant la visite avec sa même
familiarité, voulut aider le roi d'Angleterre, à faire sa toilette, et il
ne se retira qu'après avoir reçu de vives protestations d'amitié. Les combats en champ clos, les passes d'armes, les luttes
occupèrent les derniers jours de l'entrevue. Les reines de France et d'Angleterre, Claude et Catherine, la
duchesse d'Angoulême, Louise de Savoie, mère de François 1er,
Marguerite d'Alençon sa soeur, environnées des dames de leur suite et témoins
des joutes, distribuaient des prix aux vainqueurs. Ces jeux furent signalés par un étrange épisode. Aux coups de lance et d'épée avaient succédé des luttes
corps à corps, dans lesquelles les lutteurs anglais l'avaient constamment
emporté sur les français ; animé par leurs succès, Henri saisit François
au collet en lui disant : "Mon frère, je veux lutter avec vous",
Le roi de France était à la fois agile et vigoureux ; bientôt
il se fut dégagé de l'étreinte de son royal adversaire, et, le soulevant
avec force, il lui donna, disent les auteurs, un merveilleux saut. Henri réclamait sa revanche, mais les courtisans réussirent à faire cesser ce combat peu convenable. Les fêtes et les danses succédèrent aux joutes ; elles se
tenaient alternativement dans de magnifiques pavillons, ou plutôt dans de véritables
palais que les souverains avaient fait élever près de leurs résidences. Celui de Henri VIII, formé de pièces de bois ajustées en
Angleterre et transportées à Guines, représentait la maison ou bourse des
marchands de Calais : il se composait d'un vaste corps de logis principal,
flanque de tours à chacun de ses angles ; au sommet, on avait placé des
statues dans diverses attitudes ; extérieurement, il était revêtu de
toiles habilement peintes, qui lui donnaient l'aspect monumental d'un édifice
en marbre et en pierre ; dans la cour d'honneur se trouvait une fontaine
dont le triple jet donnait à la fois de l'eau, de l'hypocras et du vin. La tente du roi de France, de forme ovale et à deux étages,
était placée à peu de distance d'Ardres et surmontée d'une statue de
saint Michel en or creux ; construite en charpente légère, elle était au
dehors entièrement couverte d'une toile en drap d'or ; et, au dedans, les
galeries, les chambres, les salles de réception étaient garnies de
tentures en velours bleu semées de fleur de lis d'or ; les cordons qui
l'attachaient à la terre étaient également tissés d'or et de soie. Entre les pavillons royaux, étaient au loin répandues, pour
les princes les plus illustres et les seigneurs invités à cette réunion,
des tentes décorées avec une extrême richesse, et, comme celles des
souverains, ornées à profusion d'étoffes précieuses d'or et d'argent, de
velours, de damas flamboyants. Le jour, quand le brillant soleil d'été éclairait de tous
ses feux ces magnifiques tapisseries étincelantes d'or, rehaussées des
plus vives couleurs, des dessins les plus charmants ; quand les bannières
et les étendards des deux nations flottaient au caprice de l'air ; quand
les nombreux cortèges de dames et de cavaliers, vêtus d'élégants
costumes en satin, en velours, en brocart, enrichis des plus délicates
broderies, parcouraient la plaine, c'était le plus splendide spectacle
qu'on se pût imaginer. Le soir, toutes les tentes s'illuminaient de mille feux ; la
musique, les chants, les joyeux propos retentissaient, et les danses commençaient
alors pour ne cesser qu'aux premières lueurs du jour. Avant de se séparer François et Henri assistèrent à une
messe célébrée par le cardinal Volsey et ils rompirent ensemble, selon la
coutume, l'hostie consacrée, en témoignage de bonne amitié. Après cet acte de dévotion les rois de France et
d'Angleterre se firent leurs adieux, et la conférence du camp du Drap d'Or
fut terminée ; plus brillante qu'utile, elle ne réalisa aucune des espérances
de François 1er. On rédigea, il est vrai, un projet de mariage entre le
prince Henri, fils de François 1er, et Marie, fille de Henri
VIII ; mais il n'eut aucune suite, et on n'a conservé d'autres souvenirs de
ce traité que les courtoises paroles que Henri VIII adressa à cette
occasion au roi de France. En lisant les formules d'usage, le roi d'Angleterre après ces mots : Je, Henri, roi, allait ajouter à ses titres celui de roi de France, que depuis les guerres heureuses des Anglais en France dans le siècle précédent on continuait de donner aux souverains d'Angleterre, quand, s'interrompant tout à coup avec obligeance, Henri VIII reprit en souriant : j'ai pensé dire roi de France et d'Angleterre ; mais je ne le mettrai point, puisque vous êtes ici. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages