Faits mémorables |
||
|
de l'histoire de |
|
France. |
||
L. Michelant. |
Souverain : Henri II. |
Année : 1552 |
|
||
Défense de Metz. |
||
Henri
VIII, roi d'Angleterre, et François 1er étaient morts à deux
mois de distance au commencement de l'année 1547, et Charles Quint seul était
demeuré debout après cette lutte qui agita toute l'Europe occidentale
durant la première moitié du seizième siècle. Mais
il semblait que l'empereur d'Allemagne n'eût été réservé que pour voir
décroître et, s'écrouler presque entièrement l'empire colossal qu'il
avait tenté d'élever. A
chaque pas les obstacles se dressaient devant lui, les échecs se succédaient,
et il pouvait prévoir que pour en conserver les diverses parties il
faudrait morceler cette puissante domination qui avait réuni sur sa tête
la couronne impériale à celle d'Espagne. La
papauté, effrayée de son ambition, ne le secondait plus qu'avec réserve,
un traité d'alliance même avait été négocié contre Charles Quint entre
Henri II et Paul III ; la mort de celui-ci, en livrant le trône pontifical
au faible Jules III, avait à peine relevé à Rome l'influence impériale,
qu'une ligue formée entre les princes protestants, et à la tête de
laquelle s'était placé l'électeur Maurice de Saxe, éclata en Allemagne. Charles
Quint, surpris à Inspruck, malade, sans armée, sans argent, n'eut que le
temps de fuir en litière à travers les montagnes. En
route il apprit que Henri II, s'unissant au mouvement de la ligue
protestante, était entré dans les Trois Évêchés et s'était emparé par
surprise de Metz, grande et riche ville impériale, en même temps que de
Toul et de Verdun. Ce
coup fut le plus sensible pour le vieil empereur : Metz était la première
ville qui couvrait l'empire du côté de la France, et maintenant elle
allait devenir pour la Champagne, jusqu'alors ouverte à toutes les
entreprises, une infranchissable barrière ; c'était un succès qu'aux plus
beaux jours de sa prospérité François 1er eût à peine osé
espérer, et tout d'abord, sans combats, sans efforts, son jeune successeur
l'obtenait et assurait à la France un avantage décisif. Charles
Quint ne songea plus qu'à recouvrer cette importante cité ; il négocia
avec la confédération allemande, garantit par le traité de Passau la
liberté de conscience aux princes protestants, rendit à tous leur indépendance
politique, renouvela les constitutions de l'Empire, et dirigea toutes ses
forces vers la Lorraine, pour se venger du moins sur la France des revers
qui avaient renversé ses projets. Henri
II, prévoyant l'attaque prochaine de Charles Quint, avait envoyé en
Lorraine le duc François de Guise, afin de pourvoir à la défense de Metz
et des autres places des Trois Évêchés. Metz,
sur laquelle allaient se diriger tous les efforts de l'empereur, n'était défendue
que par la Moselle et la Seille, qui l'enferment de trois côtés ; le sud
était à peine garanti par un boulevard, et les hauteurs qui de toutes
parts dominent la cité augmentaient encore les dangers d'un siége. Le
duc de Guise entra dans Metz le 17 août 1552, et aussitôt il se disposa,
secondé par Pierre Strozzi et Camille Marini, à fortifier la place qu'on
lui avait confiée. On détruisit aux environs de la ville menacée tous les édifices qui pouvaient servir aux assiégeants. Les
riches faubourgs, une multitude d'églises, d'abbayes, derniers témoins de
la splendeur de Metz, furent abattus ; la célèbre église de Saint
Arnould, qui renfermait les tombes des rois austrasiens, celles de la première
femme de Charlemagne, de Louis le Débonnaire son fils, ne fut pas même épargnée
: tout fut sacrifié aux nécessités de la défense. Cependant
le duc de Guise, la torche au poing, la tête découverte, accompagné de la
noblesse qui l'avait suivi à Metz, ramena solennellement ces restes précieux
dans la ville et les mit à l'abri de toute insulte. Lorsque
les abords de la place furent dégagés, on travailla ;activement aux
fortifications intérieures ; des batteries furent dressées sur les hautes
plates formes des églises, on éleva des remparts, on creusa des fossés,
on ouvrit des retranchements ; partout les ouvriers, dirigés par Strozzi,
travaillaient avec ardeur ; toutes les troupes que renfermait la ville,
soldats et officiers, remuaient la terre, traînaient les charlots et
s'employaient activement aux préparatifs de défense : les princes mêmes,
pour donner l'exemple, portaient la hotte et besognaient aux fortifications.
Le
duc de Guise, se multipliant sur tous les points, animait ses troupes de sa
présence et de sa parole, et même au besoin s'unissait à leurs efforts :
un ouvrage ayant été reconnu nécessaire du côté des hauteurs de Belle
Croix où on pensait que les ennemis porteraient surtout leurs attaques,
afin de ne pas enlever des ouvriers aux autres parties des fortifications le
duc de Guise lui-même prit la pioche et ouvrit le premier le retranchement
auquel son nom est resté depuis. Enfin,
lorsque les troupes de l'empereur s'avancèrent vers Metz, la place était
en un état complet de défense. L'attaque
commença dans les premiers jours du mois de novembre ; le 20, des salves
d'artillerie annoncèrent la venue de Charles Quint. Depuis
Thionville, l'empereur d'Allemagne était venu en litière ; en approchant
de Metz, il monta à cheval, visita aussitôt la tranchée pour encourager
ses soldats et passa son armée en revue. Tout
présageait un succès certain aux armes impériales : le margrave de
Brandebourg, malgré les protestations d'attachement à la France, avait
rompu son alliance avec Henri II et joint ses troupes à celles de Charles
Quint ; trois corps d'armée, réunissant cent mille hommes, investissaient
alors Metz ; en un mois et demi de siège quatorze mille coups de canon
vinrent battre en brèche les remparts improvisés par le duc de Guise ; de
toutes les hauteurs les boulets tombaient dans la ville, des mines éclataient
sous les retranchements, des brèches de cent pas semblaient ouvrir un
facile passage aux assiégeants. Mais
tant d'efforts échouèrent contre le courage du duc de Guise et de ses
soldats ; derrière les murs ruinés on voyait s'élever en une nuit de
nouveaux remparts ; à chaque heure des sorties meurtrières inquiétaient
l'armée impériale ; et, après quarante cinq jours de siège, Charles
Quint dut reconnaître que sa fortune encore une fois l'abandonnait. Malgré
le serment qu'il avait fait de ne pas quitter Metz qu'il ne l'eût ramenée
à son obéissance, le 1er janvier 1553 il s'éloigna emportant
dans le coeur un découragement profond qui décida, dit on, cette
abdication par laquelle se termina si étrangement la carrière aventureuse
de l'empereur d'Allemagne, de ce souverain qui avait dit avec orgueil que le
soleil ne se couchait pas sur ses vastes états. En reprenant la route de
Thionville : "Je
vois bien, dit tristement le vainqueur de François 1er en jetant
vers Metz un regard d'adieu, que la fortune est une femme, mieux aime-t-elle
un jeune roi qu'un vieil empereur." Au moment où il se retiroit avec une troupe de cavalerie espagnole, il fut atteint, dit Salignac, l'historien du siége de Metz, par une troupe que le duc de Guise avoit fait sortir de la ville : Que demandent les François ? s'écria le commandant espagnol. Nous cherchons à combattre et à donner le coup de lance, lui répondit-on. Nostre troupe, reprit l'Espagnol, n'est maintenant en état pour répondre à cela. Nous nous retirons, laissez nous aller en paix." Les
Français respectèrent cette infortune, et l'empereur put passer librement. Les
fatigues de ce siège avaient tellement épuisé les troupes impériales
que, "de quelque côté qu'on regardât, racontent les contemporains, on ne voyoit que soldats morts ou à qui il ne restoit qu'un peu de vie, étendus dans la boue par grands troupeaux ; d'autres assis sur de grosses pierres, ayant les jambes dans les fanges, gelées jusqu'aux genoux et ne les pouvant retirer, criant miséricorde et priant qu'on les achevât : on oyoit se plaindre dans les loges une infinité de malades ; en chaque quartier étoient de grands cimetières fraîchement labourés ; les chemins étoient couverts de chevaux morts, les tentes et les armes abandonnées." Tant
de misères et de souffrances touchèrent le duc de Guise, et il couronna
dignement sa victoire par son humanité : il fit ensevelir les morts,
soigner et recueillir les blessés ; il ordonna des aumônes pour les
malheureux délaissés sans ressources devant Metz, leur distribua des
vivres, des vêtements, et les renvoya en Allemagne. La
défaite de Charles Quint et la délivrance de Metz remplirent la France à
la fois de joie et d'orgueil ; on était fier d'avoir triomphé de
l'empereur d'Allemagne, qui si souvent nous avait vaincus. La
brillante réputation du duc de Guise commença à ce moment, dès lors il
prit rang parmi les meilleurs capitaines de son temps ; bientôt la victoire
de Renti et la prise de Calais confirmèrent entièrement les éloges qu'on
adressait à son courage et à son expérience. Metz,
que tant et de si anciens liens rattachaient à l'empire, et qui venait en
quelque sorte d'être vaincue avec Charles Quint, ne s'associa peut-être
pas complètement à la joie générale ; mais lentement elle se rattacha
aux destinées de la France, et, comme Strasbourg, comme Besançon, comme
Perpignan, comme Lille et tant d'autres villes réunies tour à tour au
territoire national, elle arriva à s'unir fortement à sa nouvelle patrie
par son courage et son patriotisme. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages