Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Henri III. |
Année : 1589 |
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Assassinat de Henri III. |
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L'assassinat
du duc de Guise rompit les derniers liens qui unissaient encore la cause de
la royauté, de Henri III , à celle de la Ligue : lorsque les Parisiens
connurent l'attentat clandestin du château de Blois, l'autorité royale, déjà
déconsidérée, fut entièrement méconnue. La
nouvelle arriva pendant la nuit de Noël : le peuple remplissait les églises,
il priait pour le triomphe de la foi quand il apprit que le héros du
catholicisme venait de succomber à une trahison infâme. Une
douleur et une haine incroyables animèrent à la fois cette population dont
des prédications ardentes échauffaient incessamment le zèle. Le
roi fut maudit et excommunié du haut de la chaire, la Sorbonne décida que "le peuple françois étoit délié du serment de fidélité prêté à Henri III ; que, en assurée conscience, ledit peuple pouvoit s'armer, s'unir, lever argent et contribuer pour la défense de la religion catholique contre les conseils pleins de méchanceté et efforts dudit roi." Une
assemblée de la bourgeoisie, du parlement et du clergé se forma à l'hôtel
de ville et créa, pour le gouvernement provisoire de l'Etat : "un conseil général de l'union pour le bien et conservation de l'Etat, tant au fait de la guerre que, des finances et police du royaume, en attendant la tenue des états généraux." Enfin
le duc de Mayenne, qui venait d'arriver à Paris, fut nommé lieutenant général
du royaume, et le duc d'Aumale gouverneur de Paris. Ce
mouvement, cette révolution furent approuvés par le pape et le roi
d'Espagne, Philippe Il. A
ce dernier le duc de Mayenne avait même ouvertement avoué les desseins de
la Ligue : "Les catholiques sont résolus, écrivait-il', à s'opposer à tous les desseins et tyrannies du roi, et de ne jamais poser les armes qu'ils n'aient achevé sa ruine, sans laquelle ils ne peuvent plus espérer de sûreté pour eux ni pour la religion. Vainement
Heuri III avait sollicité l'Espagne de se séparer de la Ligue, qui n'était
plus qu'une rébellion ; l'ambassadeur de Philippe Il s'était rendu à
Paris et avait reconnu le conseil général de l'union comme véritable
gouvernement de la France. Dans
cette extrémité, abandonné de ses sujets, privé de l'habileté de sa mère,
qui était morte le 5 janvier 1589, douze jours après le meurtre du duc de
Guise, Henri III, malgré sa répugnance à s'unir au protestantisme, s'était
rapproché du roi de Navarre, et, le 3 avril, il avait signé avec lui un
traité où celui-ci s'engageait à le servir contre ceux qui violaient
l'autorité de sa majesté et troublaient son État. L'alliance
de Henri III et du chef du protestantisme releva le parti du roi de France. La
noblesse et les huguenots accoururent sous ses drapeaux, et au mois de
juillet les deux princes s'avançaient jusqu'à Saint Cloud avec une armée
de trente mille hommes ; Henri se trouva, alors en face de la capitale
rebelle, résolu à la châtier "Ce
seroit grand dommage, disait-il en considérant sa capitale des hauteurs de
Saint Cloud, où il avait établi son quartier, de ruiner une si belle et
bonne ville. Toutefois
il faut que j'aie raison des rebelles qui sont dedans et m'en ont
ignominieusement chassé ; c'est le coeur de la Ligue, c'est droit au coeur
qu'il faut la frapper." Cependant
Paris, menacé d'une ruine complète, se préparait à une résistance désespérée
; toute la population,. hommes, femmes, enfants, moines, soldats, s'occupait
de fortifier les murailles, de réunir des vivres et des armes, et tous ne
quittaient les travaux de défense que pour assister aux prédications
furieuses dans lesquelles on désignait hautement le roi à la mort : les
places, les rues, les églises retentissaient d'invectives, d'injures contre
Henri, contre le persécuteur, le nouvel Hérode, le Néron de la France. Ces
cruels enseignements, ces discours fanatiques, ces appels au régicide jetés
parmi des passions violentes rencontrèrent une imagination qui les
accueillit comme des ordres. Un
religieux dominicain jeune, ardent, grossier, se crut l'instrument d'une
divine volonté, et résolut de délivrer Paris, de sauver l'union par un
meurtre. De
secrets encouragements excitèrent encore ce zèle aveugle, ces transports
d'un esprit faible ; on trompa Jacques Clément par de misérables prestiges
; au milieu d'apparentes révélations, on lui mit un poignard à la main ;
et, la veille d'un assaut général qui vraisemblablement aurait livré
Paris au roi de France, il partit pour Saint Cloud avec une lettre où on
avait contrefait l'écriture d'Achille de Harlay, alors détenu à la
Bastille. Clément
quitta Paris le 31 juillet, arriva le soir à Saint Cloud, et le lendemain 1er
août se présenta au quartier général de Henri III : il était environ
huit heures du matin quand il fut introduit dans la chambre du prince. Les
gardes lui avaient d'abord refusé l'entrée de l'appartement royal ; mais
Henri, par un aveuglement fatal, ordonna de l'amener. Jacques
Clément s'approcha respectueusement du roi en lui présentant les lettres
dont il était chargé ; ayant ajouté qu'il avait en outre des
renseignements secrets à lui communiquer, Henri écarta du geste les
officiers qui l'entouraient et resta seul avec le moine. Alors,
tandis que Henri III lit attentivement la lettre qu'on lui a remise, Jacques
Clément, tirant de sa manche un long couteau, le plonge tout entier dans le
ventre du roi. Celui
ci, se sentant blessé, a encore la force de retirer de sa plaie le couteau
et en frappe l'assassin au visage en s'écriant : "Ah,
le méchant moine ! il m'a tué, ,, qu'on le tue !" Aussitôt
les gentilshommes, les officiers se précipitent sur Jacques Clément et le
tuent avec une précipitation qui donna lieu à d'étranges interprétations. Henri
III était mortellement blessé, cependant il ne mourut que le lendemain ;
à ses derniers moments il fit reconnaître Henri de Navarre pour son
successeur, et, l'embrassant avec tristesse : "Soyez certain, lui
dit il, que vous ne serez jamais roi si vous. ne vous faites
catholique." Le
dernier des Valois expira le 2 août 1589, à l'âge de trente huit ans, après
un règne de quinze ans. Avec
lui finit la race des Valois si fatale à la France, qui vit tant et de si déplorables
événements, et dont le souvenir n'a conservé quelque éclat que par ce génie
des beaux arts, cette passion des lettres et de l'érudition qui l'anima
d'un noble enthousiasme. Tandis
qu'à Saint Cloud le cadavre de Jacques Clément était tiré à quatre
chevaux et jeté au bûcher, à Paris on honorait le moine fanatique comme
un saint et comme un martyr. Des
messes funèbres furent célébrées pour le repos de son âme, les églises
retentirent de son éloge, et son portrait fut même placé sur l'autel. On
le nommait le libérateur de la religion, le sauveur de Paris ;
l'ambassadeur d'Espagne annonçait à Philippe Il l'assassinat de Henri III
en disant : "C'est à la main seule du Très-Haut qu'on est redevable de cet heureux événement." L'égarement
en vint à ce point qu'on demanda au pape la béatification de Jacques Clément,
et, dans les processions, on portait son image sur une bannière comme celle
d'un saint et d'un héros. La
Ligue se croyait sauvée : c'était alors un singulier aveuglement de penser
qu'un crime était la meilleure issue aux plus difficiles situations ; bien
des exemples avaient contredit cette coupable politique qui, en toute extrémité,
recourait à l'assassinat, et néanmoins on y persistait. La
Saint Barthélemy avait donné au protestantisme une énergie nouvelle,
Henri III avait augmenté les périls de la situation par le meurtre du duc
de Guise ; l'assassinat de Saint Cloud éleva contre la Ligue, au lieu d'un
prince inactif, indécis, un prince courageux, énergique, habile, persévérant,
que neuf années d'efforts conduisirent au trône. D'abord
le parti de la Ligue parut triompher ; une partie de l'armée réunie devant
Paris refusa de voir dans le chef des huguenots le légitime successeur de
Henri III, les principaux chefs catholiques se rassemblèrent et déclarèrent
au roi de Navarre qu'il fallait choisir entre sa foi et la couronne de
France. A
cette condition, durement présentée, Henri fut troublé, mais il montra de
la fierté : "Me prendre à la gorge, dit il, sur le premier pas de mon avènement et à une heure si dangereuse ! Auriez vous donc plus agréable un roi sans Dieu ? J'appelle de vos jugements à vous mêmes, messieurs ; et ceux qui ne pourront prendre une plus mûre délibération, je leur baille congé librement pour aller chercher leur salaire sous des maîtres insolents : j'aurai parmi les catholiques ceux qui aiment la France et l'honneur." Puis,
se tournant vers le maréchal de Biron, le plus habile des chefs royalistes
: "C'est à cette heure, continua-t-il, qu'il faut que vous mettiez la main droite à ma couronne ; venez moi servir de père et d'ami contre ces gens, qui n'aiment ni vous ni moi." Cette
noble fermeté ne put vaincre cependant toutes les répugnances, plusieurs
seigneurs catholiques se retirèrent ; le Béarnais, devant cette ligue
forte et puissante soutenue par l'Espagne et Rome, resta avec une faible armée
de dix mille hommes mais il avait de l'audace, de l'intelligence ; et à la
longue la cause de la royauté, la cause de la France, triompha avec Henri
de Navarre. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages