Faits mémorables |
||
|
de l'histoire de |
|
France. |
||
L. Michelant. |
Souverain : Louis XIII. |
Année : 1628 |
|
||
Prise de La Rochelle. |
||
L'édit
de Nantes, rendu en 1598 par Henri IV, avait non seulement assuré aux
protestants la liberté de conscience, mais encore leur avait accordé
d'importants privilèges politiques. Ces concessions, arrachées a Henri IV par les nécessités de son époque, et peut-être aussi par les souvenirs de son ancienne union avec les huguenots, avaient, en peu d'années, donné au parti calviniste une force et une influence également dangereuses pour la tranquillité du royaume. Il
formait véritablement un État dans l'État même, une puissance de fait à
côté de la puissance de droit. Cette
usurpation, qui s'était affermie tant que l'autorité royale fut abandonnée
par Louis XIII aux mains inhabiles du maréchal d'Ancre et du duc de Luynes,
rencontra dans le cardinal de Richelieu un redoutable adversaire. Il
pressentit tous les périls dont une semblable organisation menaçait l'unité
politique à laquelle la France s'efforçait d'arriver ; déjà les
protestants avaient, dès 1620, montré leurs desseins sans réserve : dans
une assemblée tenue à La Rochelle, ils avaient divisé en huit cercles les
sept cent vingt deux églises qu'ils possédaient en France ; chacun de ces
cercles devait être gouverné, par un conseil représentatif et par un chef
civil et militaire. Ce
projet, hautement délibéré, était la ruine de la France, la substitution
d'une république fédérative à l'unité monarchique ; l'homme de génie,
le grand politique que Louis XIII avait appelé au ministère, le cardinal
de Richelieu ne s'y trompa point, et dès lors tous ses efforts s'appliquèrent
à rompre le faisceau menaçant de l'union protestante. La
révolte des Rochelais, au moment où l'Angleterre venait de déclarer la
guerre au roi de France, lui en fournit une occasion qu'il ne laissa pas échapper.
Le
10 août 1627 une armée conduite par le roi lui même, accompagné du
cardinal ministre, du duc d'Angoulême et du maréchal de Bassompierre,
investissait La Rochelle, la plus importante des villes livrées aux réformes,
le boulevard du protestantisme, comme on l'appelait alors. La
lutte fut longue et terrible ; les Rochelais, fiers de leur puissance
maritime, de leurs richesses, aspirant à rivaliser sur l'Océan avec les
Hollandais, leurs coreligionnaires, étaient décidés à une résistance désespérée
: ils comptaient sur l'appui de l'Angleterre, et espéraient assurer à
jamais la fortune de leur parti s'ils obtenaient un succès militaire sur
les armes du roi de France. A
l'approche des troupes de Louis XIII, ou, pour dire plus exactement, du
cardinal de Richelieu, ils avaient élu pour maire l'amiral Guiton, l'un des
chefs les plus fermes, les plus intrépides de la réforme. Après
avoir résisté au choix des habitants, Guiton accepta enfin la magistrature
qu'on lui offrait et, prenant un poignard, il le montra à la foule qui
l'entourait en disant : "je serai maire, puisqu'absolument vous le voulez ; mais c'est à condition qu'il me sera permis d'enfoncer ce poignard dans le sein du premier qui parlera de se rendre. Je consens qu'on en use envers moi dès que je proposerai de capituler, et Je demande que ce poignard demeure tout exprès sur la table de nos assemblées." Avec
un chef rempli d'une telle résolution, maîtres de la mer par leur port,
secondés par une flotte anglaise, animés enfin d'une courageuse ardeur,
les calvinistes semblaient invincibles, mais ils avaient à combattre une énergie
supérieure à la leur, une volonté indomptable, un caractère inflexible. Le
cardinal était résolu d'abattre enfin ce refuge du calvinisme et de la
noblesse, d'où l'on bravait depuis trop longtemps l'autorité du roi. "Il savait, a t il écrit lui-même, que, tant que les huguenots auraient le pied en France, le roi ne serait jamais le maître au-dedans ni n'entreprendrait aucune action glorieuse au-dehors, aussi peu rabattrait l'orgueil des grands, qui regardaient La Rochelle comme une citadelle à l'ombre de laquelle ils pourraient témoigner et faire valoir impunément leur mécontentement." Il
fallait que La Rochelle tombât pour que Richelieu pût librement marcher
dans l'administration du royaume et aucun obstacle ne réussit à le détourner
de ce but Important. A
la fois général, ingénieur, administrateur, l'infatigable ministre
suffisait à tous les soins, à tous les travaux : il traçait les plans
d'attaque, ordonnait la marche des troupes, surveillait l'arrivée des
convois, s'occupait enfin des affaires les plus considérables et des plus médiocres
détails avec un sens et une
vigilance admirables. Soldat
au besoin, le cardinal se couvrait d'un casque, d'une cuirasse, et
parcourait la tranchée. Chef toujours habile, il ne s'oubliait pas un instant ; il communiquait aux troupes son ardeur, et tout le monde répétait avec lui ce mot d'ordre donné au commencement du siége : Passer ou mourir. Pour
cette expédition, pour attaquer La Rochelle, Richelieu avait créé une
marine, il avait établi des chantiers, formé des matelots, organisé une
flotte qui occupait la mer tandis qu'une ligne de circonvallation de trois
lieues d'étendue, garnie de forts et défendue par vingt cinq mille hommes,
cernait sur le continent la cité rebelle. Cependant,
malgré tarit d'efforts, La Rochelle résistait : la ville était très
forte, les hommes les plus décidés de la cause protestante s'y étaient
renfermés ; et Guiton, fidèle à sa mission, se défendait avec intrépidité.
La
disette pouvait seule réduire les habitants à la soumission ; mais leur
marine, unie à celle de l'Angleterre, tenait l'entrée du port libre et
permettait de renouveler constamment les approvisionnements. Le
cardinal fit alors construire par Metezeau, architecte du roi, une vaste
digue qui fermait le port aux vaisseaux étrangers, et enlevait à la ville
assiégée tout secours extérieur. Trois
expéditions anglaises vinrent successivement échouer contre cet obstacle
gigantesque, dont actuellement encore on aperçoit les traces à marée
basse. Les
Rochelais, réduits à leurs propres ressources, se défendirent pendant
plusieurs mois avec un héroïque courage : ils supportèrent toutes les
horreurs de la famine sans consentir à se rendre. La moitié de la population avait succombé, la garnison se composait de cent .cinquante quatre hommes quand, pour la première fois, on parla de capituler ; mais, au milieu de la misère générale, en face du désespoir des habitants, Guiton demeurait inébranlable : "Pourvu qu'il reste un homme pour fermer les portes, cela, suffit !," Enfin,
après quatorze mois de siège, après une résistance qu'on ne pouvait
comparer qu'à l'opiniâtreté de l'attaque, les Rochelais, perdant tout
espoir de salut, quelques citoyens se rendirent vers Richelieu pour obtenir,
par son entremise, une capitulation. Le
ministre promit de parler au roi, alors absent, aussitôt son retour, qui
devait avoir lieu dans huit jours. "Comment, monseigneur, huit jours, reprit un des envoyés, n'y a pas dans La Rochelle de quoi en vivre trois !" Le
28 octobre 1628, on signa une convention qui enlevait à La Rochelle tous
ses privilèges ; et le lendemain une députation vint présenter à Louis
XIII les soumissions des habitants : Richelieu put alors pénétrer
triomphant dans cette ville conquise au prix de tant de persévérants
efforts. Le
mercredi 1" novembre 1628 Louis XIII fit son entrée solennelle dans la
cité vaincue. A
la porte il fut reçu par le cardinal ministre, qui lui présenta les clefs
de la Rochelle, dues à la fois à la valeur du souverain, au courage et à
l'intelligence du ministre ; puis, précédé du cardinal Richelieu,
accompagné du duc, d'Angoulême, de Bassompierre, de Schomberg, de Lacurée,
d'Effiat, le roi se rendit à l'église Sainte Marguerite pour remercier le
ciel du triomphe de ses armes, que célébraient les salves retentissantes
de l'artillerie de la ville et du port. Les
habitants de La Rochelle, qui voyaient s'évanouir toutes les espérances
qu'ils avaient formées, qui devaient renoncer à leur indépendance passée
et à la souveraineté maritime qu'ils rêvaient, réunis sur leurs remparts
brisés, reçurent le roi avec plus de désespoir que de repentir. La
prise de La Rochelle fut, avec l'abaissement de la noblesse, l'acte le plus
important de l'administration de Richelieu : elle ruina les prétentions
d'indépendance du protestantisme et lui porta un coup mortel ; elle enleva
un de ses plus sûrs appuis à la rébellion des grands, et rendit à la
souveraineté sa liberté d'action à l'intérieur et à l'extérieur. "Elle
fonda tout à fait, a dit un historien du règne de Louis XIII, la puissance
du prélat ministre, amiral et général d'armée, jusqu'ici incertaine et
contrariée, dépendante encore de la reine mère, réduite à des hésitations
ou à des complaisances, maintenant établie sur le roi par l'autorité d'un
grand service, sur le royaume par l'estime ou la crainte, au dehors par une
éclatante renommée. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages