Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XIII. |
Année : 1635 |
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Etablissement de l'Académie Française. |
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Maître
absolu du pouvoir sous le nom de Louis XIII, le cardinal de Richelieu a
justifié par son génie cette surprenante fortune. Epris
de la grandeur de la France, son attention se portait sans relâche sur tout
ce qui pouvait accroître sa puissance et sa prospérité. Au
milieu des graves difficultés de la politique extérieure et de
l'administration intérieure, alors qu'il dirigeait si habilement au profit
du pays les événements compliqués de la guerre de Trente Ans, lorsqu'il réprimait
énergiquement les conspirations de la noblesse liguée contre son autorité,
il trouvait le temps encore de protéger les lettres, de favoriser les beaux
arts, de ranimer les manufactures de luxe établies par Henri IV et de créer
une marine. Aussi
doit-on dire avec justice que non seulement il a fait la gloire du règne de
Louis XIII, mais qu'il a préparé, celle du siècle de Louis XIV. Richelieu
fut le protecteur éclairé de Simon Vouët et de l'école fondée, par ce
maître ; il appela de Rome le Poussin et le combla de distinctions ; il
encouragea de ses bienfaits Le Sueur, Philippe de Champagne, Sarrazin ; aux
lettres enfin il accorda l'établissement de de l'Académie française, qui
a tant contribué, à former la langue et à conserver les précieuses
traditions de notre littérature. Au
commencement du dix septième siècle, vers 1630, quelques écrivains, dont
les noms sont aujourd'hui presque oubliés, se réunissaient une fois par
semaine chez l'un d'eux afin de causer familièrement des travaux littéraires
de leur temps. Cette
assemblée n'avait aucun caractère officiel, ses opinions n'avaient nulle
autorité et restaient renfermées dans l'intimité de ses séances. Le
cardinal de Richelieu fut instruit de ces réunions par Bois Robert, qui y
était admis, et aussitôt il conçut la pensée d'en former une institution
privilégiée qui pût concentrer et diriger les efforts de notre littérature
: il offrit son appui à cette société de gens de lettres et
l'autorisa à lui présenter le projet d'une constitution régulière. Après
quelques jours de délibérations, Beautru, Chastellet et Bois Robert se
rendaient au Palais Cardinal et apportaient au ministre de Louis XIII le
plan sur lequel s'établit l'Académie. Quarante
membres choisis par la voie de l'élection devaient la composer, elle était
présidée par un directeur assisté d'un chancelier et d'un secrétaire
nommé à vie. On
avait hésité sur le titre qu'elle prendrait ; on proposa celui d'Académie
d'éloquence, d'Académie des beaux esprits, et d'Académie française
: ce fut à ce dernier qu'on s'arrêta, "parce
que, disait-on dans la lettre adressée au ministre, il était le plus
modeste et le plus propre à la fonction de la compagnie. Pour
le sceau dont elle se servirait et les privilèges. dont elle jouirait, elle
s'en remettait à son fondateur." Le
cardinal accueillit avec bienveillance cette députation ; il adopta tous
les articles rédigés, sauf celui qui disait
: que chacun des académiciens promettrait de révérer la vertu
et la mémoire de leur protecteur, dont il exigea la suppression Du
reste cet homme si absolu dans ses volontés, qui ne souffrait aucune
contradiction à ses ordres, laissa aux académiciens une entière liberté
dans leurs discussions et dans leurs choix ; il répondit qu'il estimait
toute la compagnie en général et chacun de ceux qui la composaient en
particulier ; qu'il lui savait gré de ce qu'elle lui demandait sa
protection, et qu'il la lui accordait de bon coeur. Enfin,
le 2 janvier 1635, des lettres patentes du roi donnèrent à l'Académie
française son existence officielle ; de ce jour elle devint un des corps de
l'Etat. Dans
le préambule de cette ordonnance de fondation, qui instituait l'assemblée
nouvelle pour surveiller et régulariser les progrès de la langue, on
remarque ce passage, qui n'honore pas moins Louis XIII que son ministre , et
qui atteste au besoin la confiance qu'il avait en lui : "Nous croirions faire tort à la suffisance et à la fidélité qu'il nous a fait paroître, si, en ce qui nous reste à faire pour la gloire et l'embellissement de la France, nous ne suivions ses avis." Au
moment où Richelieu accordait son puissant appui à la littérature et à
la langue, toutes deux sortaient des doutes et des essais du seizième siècle
; elles s'épuraient et acquéraient la clarté, l'expression nette, la
raison sûre qui ont fait leur caractère spécial. Des
formes pédantesques, des tours recherchés, des serviles imitations de
l'antiquité de Ronsard . de Baïf, d'Amyot, se dégageait ce beau langage,
ce style limpide et ferme à la fois, dont notre littérature a laissé tant
d'excellents modèles. Déjà
Corneille composait le Cid, Molière cherchait la voie de son génie,
Malherbe régularisait les élans de la poésie, Descartes recréait la
philosophie et l'écrivait avec une remarquable précision ; Vaugelas,
Balzac, Voiture unissaient également leurs efforts afin d'ouvrir à la
langue sa véritable voie. Mais,
pour que ces tentatives produisissent tous leurs résultats, il était nécessaire
de les associer, il fallait à la littérature l'unité d'action qui avait
fait la force politique de la France. L'établissement
de l'Académie française atteignit ce but, il assura l'avenir littéraire
du pays. C'est
dans cette assemblée que se discutèrent les règles qui ont fixé notre
langue , c'est là que s'est formée sa législation ; elle établit un
centre commun ou vinrent se réunir tous les grands esprits qui à diverses
époques ont honoré la France. La
fortune de l'Académie française s'accrut rapidement, et, dès le règne
suivant, elle devint une des plus brillantes sociétés littéraires de
l'Europe. Successivement
elle attira dans son sein les écrivains supérieurs, et, si l'on parcourt
son histoire depuis son organisation, on y trouve inscrits tous les noms célèbres
de notre littérature. Les
deux Corneille, Racine, La Fontaine, Boileau, Bossuet, Fénelon, Fléchier,
Montesquieu, Crébillon, La Bruyère, Quinault, Condillac, Mézerai,
Voltaire, Buffon ont tour à tour siégé à l'Académie. Les
hommes d'État, les plus illustres par leur naissance, ne dédaignèrent pas
d'y être admis et considérèrent comme un honneur de prendre place parmi
les intelligences d'élite qui y régnaient souverainement. De
tous les grands écrivains du dix septième siècle, Molière seul, par des
susceptibilités qu'explique l'époque, si elle ne les excuse pas entièrement,
manqua à la gloire de l'Académie. Louis
XIV, dès les premières années de son règne, désira remplacer Richelieu
comme protecteur de l'Académie, à laquelle alors il assigna pour ses séances
une salle du Louvre. Bientôt
une Académie des sciences, établie en 1666 par Colbert sur l'ordre du roi
; une Académie des inscriptions et belles lettres, formée en 1701
; une Académie des beaux-arts, définitivement organisée en 1748,
complétèrent l'institution créée par Richelieu et assurèrent aux beaux
arts, aux sciences, ainsi qu'à la littérature, une direction uniforme et
permanente. La
France servit encore cette fois d'exemple à l'Europe, et l'institution de
Richelieu, à laquelle le grand roi accordait son éclatante protection, fut
imitée successivement : en
Allemagne, où des académies furent fondées à Vienne en 1552 et à Berlin
en 1700 ; en Suède, où Linné établit également, en 1739, une assemblée
littéraire et scientifique. La
révolution française interrompit un moment les destinées brillantes de
l'Académie française ; mais, quand le calme fut rétabli, le Directoire réorganisa,
en 1795, cette grande assemblée scientifique et littéraire sous le nom
d'Institut. Bonaparte,
qui considérait comme une précieuse distinction la place qu'il avait
obtenue à la section des sciences, et qui signait volontiers durant la
campagne d'Égypte : Bonaparte, membre de l'Institut, reconstitua complètement
l'oeuvre de Richelieu et de Louis XIV, en lui conservant toutefois le titre
d'Institut. Il
divisa, par l'arrêté du 29 janvier 1803, le corps académique en quatre
classes :
Depuis,
dans les mouvements politiques qui ont agité la France, les dénominations
ont varié, mais rien d'essentiel n'a été changé à la constitution de
l'Académie ; elle est demeurée dépositaire de toutes nos richesses
intellectuelles, de toutes nos illustrations nationales, et, quoi qu'on ait
pu dire, nous ne pensons pas qu'elle ait perdu de son éclat primitif ; elle
est restée la réunion des esprits les plus distingués, les plus vifs, lés
plus ingénieux de la France ; aujourd'hui comme autrefois elle compte
encore dans ses rangs les grands noms littéraires du pays. Nos
meilleurs historiens, nos écrivains célèbres, nos savants les plus éclairés
maintiennent toujours sa supériorité. Si l'on examine l'ensemble de ses travaux aussi bien que les oeuvres individuelles qui ont décidé l'élection des différents membres de l'Académie, si on se rappelle la récente publication du Dictionnaire de l'Académie, si on consulte les excellents rapports de la section des sciences, les comptes rendus de la section des sciences morales et politiques, rétablie depuis 1830, on ne saurait accuser sans injustice cette grande assemblée d'avoir oublié la mission de progrès qui lui a été confiée par la France. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages