Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XIV. |
Année : 1674 |
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Etablissement
de l'hôtel Royal des Invalides. |
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L'hôtel
royal des Invalides est un des monuments qui font le plus d'honneur au règne
de Louis XIV ; son but, sa magnificence architecturale, la renommée des
artistes qui y ont attaché leur nom, les nobles souvenirs qu'il éveille,
les gloires qu'il renferme le placent au premier rang des splendeurs léguées
à l'avenir par le grand roi. On
excuse presque. en voyant la richesse, la grandeur de cet édifice consacré
à la vieillesse et aux souffrances de l'armée, le faste ruineux que Louis
XIV déploya à Versailles pour loger convenablement sa royauté. Longtemps
avant lui, il faut le reconnaître, on avait songé déjà à ouvrir un
asile où les soldats blessés en défendant le pays pussent se reposer vers
les derniers jours de leur laborieuse existence. Philippe
Auguste, dès la fin du douzième siècle, avait voulu fonder un hospice
destiné aux hommes d'armes, et son projet échoua seulement par le refus
que fit le pape d'affranchir la congrégation militaire de la discipline épiscopale. Trois
siècles plus tard ce projet fut, en partie, réalisé par Henri III, qui
forma rue de l'Oursine une maison royale et hospitalière pour les gens de
guerre que l'âge enlevait au service actif. Cette
institution, qui durant les guerres de religion s'était perdue, fut
renouvelée par Henri IV au profit de ses compagnons d'Ivry et d'Arques ; un
édit de 1597 leur assura un refuge rue Saint Marcel. Louis
XIII fit également en 1632 une fondation pour les vétérans
: il acheta le vieux château de Bicêtre, auquel on ajouta une
chapelle et des bâtiments ; érigea cet établissement en commanderie de
Saint Louis, et y plaça les officiers invalides. Jusqu'alors
ces diverses institutions n'avaient pas eu d'organisation régulière
: Richelieu avait le dessein d'établir un hôtel de retraite
militaire, il voulait agrandir et rendre durable la commanderie formée à
Bicêtre, y ajouter de vaste dépendances, y faire élever une église ;
mais la mort l'arrêta, et encore une fois fut ajourné l'acquittement de
cette dette contractée envers le courage et le dévouement de l'armée. Le
prince qui à tant de reprises avait couvert l'Europe de ses armées et sur
le règne de qui la gloire militaire avait jeté tant d'éclat, devait plus
qu'aucun autre ce paisible asile aux soldats frappés en combattant pour
l'honneur et l'indépendance de la France. Louis
XIV accepta royalement cette charge, et sut réaliser dignement cette généreuse
pensée de protection et de reconnaissance. Le
préambule de l'ordonnance de 1674, qui règle l'organisation intérieure du
nouvel établissement fondé par la royauté et lui donne le nom d'hôtel
royal des Invalides, reconnaît noblement ces obligations et mérite d'être
conservé. "La paix, y est il dit, qu'il plut à Dieu de nous donner vers la fin de l'aimée 1659, et qui fut conclue aux Pyrénées entre nous et le roi catholique, ayant rétabli pour lors le repos dans toute la chrétienté, etc.. . , nous avons estimé qu'il n'étoit pas moins digne de notre pitié que de notre justice de tirer de la misère et de la mendicité les pauvres officiers et soldats de nos troupes qui, ayant vieilli dans le service ou qui dans les guerres passées ayant été estropiés, étoient non seulement hors d'état de continuer à nous rendre des services, mais aussi de rien faire pour pouvoir vivre et subsister ; et qu'il étoit bien raisonnable que ceux qui ont exposé, librement leur vie et prodigué leur sang pour la défense et le soutien de cette monarchie, et qui ont si utilement contribué au gain des batailles que nous avons remportées sur nos ennemis, aux prises de leurs places et à la défense des nôtres, et qui par leur vigoureuse résistance et leurs généreux efforts les ont réduits souvent à nous demander la paix, jouissent du repos assuré à nos autres sujets et passent le reste de leurs jours en tranquillité" "Après avoir fait examiner plusieurs moyens qui nous ont été proposés sur ce sujet, nous n'en avons pas trouvé de meilleur que celui de faire bâtir et construire en quelque endroit commode et proche de notre bonne ville de Paris un hôtel d'une grandeur et espace capable d'y recevoir et loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caducs de nos troupes, et d'y affecter un fonds suffisant pour leur subsistance, etc." Déjà
à cette époque les principales constructions de l'hôtel des Invalides,
alors situé hors du mur d'enceinte de Paris, étaient terminées et
capables de recevoir dix mille vétérans. Libéral
Bruant avait commencé l'édifice
; Jules Hardouin-Mansard, nommé surintendant des bâtiments, fut chargé de
le terminer, et il s'appliqua à lui donner le caractère de majesté qui
appartenait à sa glorieuse destination. Au
moment où il dirigeait les travaux, le célèbre Wren élevait à Londres
le fameux temple de Saint Paul ; l'architecte français voulut lutter avec
l'artiste anglais, et il résolut de couronner l'église des Invalides par
un dôme. Il
en présenta les plans à Louis XIV, qui les agréa, et en 1675 il entreprit
cette magnifique coupole qui est demeurée, par l'élégance de ses formes
et l'originalité de ses dispositions, le chef d'oeuvre de Mansard. Cette
coupole, qu'on a comparée, sinon pour la grandeur, du moins pour sa beauté,
à celles de Saint Pierre et de Sainte Sophie, est disposée, a dit Milizia
dans ses Mémoires sur l'architecture ancienne et moderne, de manière qu'en
se plaçant à son centre on jouit d'un des spectacles les plus splendides
que puisse donner l'architecture. L'hôtel
royal des Invalides fut achevé complètement en 1706. On
a souvent reproché au souverain et à l'artiste qui exécutait ses volontés
la magnificence apportée dans les constructions de ce vaste monument mais
ce n'était point un hôpital, un séjour de misère et de mendicité que
Mansard devait construire ; c'était une noble habitation, un hôtel où la
vieillesse du soldat trouvât un asile, une récompense, et non pas une aumône.
C'est
précisément ce luxe royal, ces grands développements, ces cours qui
rappellent celles d'un palais, qui convenaient à cette héroïque retraite. Le
roi fut satisfait de Mansard et le récompensa par le cordon de l'ordre de
Salint Michel, accordé, pour la première fois en France à un artiste. La
peinture et la sculpture vinrent encore rehausser par leurs travaux l'oeuvre
de Mansard : Lafosse peignit à
l'intérieur de la coupole la gloire des bienheureux, les réfectoires
furent décorés de tableaux représentant les victoires principales du
grand' roi ; Coysevox, Coustou, Pigale l'enrichirent de leurs sculptures, et
désormais les défenseurs du pays ne craignirent plus ces retours de
fortune qui, après une vie de combats et de luttes, ne leur laissaient
d'autres ressources qu'une misère honteuse. L'exemple que la France donnait fut admiré et suivi par l'Europe entière. Charles
II demanda à Louis XIV les plans de l'hôtel des Invalides, et fit élever
à Chelsea un édifice consacré aux vieux soldats ; en 1708 Guillaume
d'Orange ordonna la construction de l'hôtel militaire de Greenwich,
magnifique résidence réservée aux marins anglais; en 1748 Frédéric le
Grand songea également à la vieillesse des soldats qui l'aidaient à
fonder la domination prussienne, un hôtel des Invalides fut établi par ses
ordres aux portes de Berlin et à l'entrée principale il fit placer cette
belle inscription :" Loeso et invicto militi.
Au soldat blessé mais non vaincu ; en Russie, Pierre le Grand
non plus n'oublia pas la visite qu'il avait faite à l'hôtel des Invalides : tous les souverains enfin imitèrent la haute pensée de prévoyance
de Louis XIV, mais c'est à lui que revient l'honneur de l'avoir le premier
réalisée. Les
arts s'étaient réunis pour décorer la calme retraite de nos soldats, leur
courage lui fournit son plus bel ornement ; un siècle après que Louis XIV
avait ouvert l'hôtel des Invalides, neuf cent soixante drapeaux, trophées
de nos victoires, suspendus aux voûtes de l'église, rappelaient par quels
services nos armées méritaient qu'on leur fit ce noble repos. Sous ces étendards, cachés un moment à l'heure de la défaite et qui depuis 1830 s'agitent de nouveau aux voûtes de l'église des Invalides, dorment dans un glorieux sommeil les héros illustres qui ont conduit les destinées militaires de la France : Vauban, Turenne sont étendus à côté de Kléber, Duroc, Jourdan ; et seul, les couvrant pour ainsi dire de sa grande ombre et s'en formant un cortège, Napoléon, selon son dernier voeu, repose sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français qu'il a tant aimé. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages