Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XIV. |
Année : 1675 |
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Mort de Turenne. |
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Tandis
que le prince de Condé se reposait des fatigues et des gloires de sa
jeunesse sous les ombrages de Chantilly, Turenne poursuivait avec une
infatigable activité sa brillante carrière. Nommé
par Louis XIV maréchal général des armées, il ne considérait cette
haute distinction que comme un encouragement donné à de nouveaux services.
Partout
où il se montrait, il gagnait la victoire au drapeau de la France, et son
expérience, formée par la méditation, pour ainsi dire par la pratique des
champs de bataille, savait constamment abaisser les ennemis du grand roi. Jusqu'à
ce qu'il eût atteint ce but, le repos lui parut impossible, et, quelque
multipliées que fussent les guerres, quelque nombreux que semblassent les
ennemis, au premier ordre il était toujours prêt lorsqu'il fallait
repousser les coalitions qui réunirent si souvent l'Europe entière contre
Louis XIV. Après
la campagne de Hollande en 1672, qu'il avait en partie conduite, Turenne était
revenu sur le Rhin, et, dans le cours de 1674, il avait repoussé, les Impériaux
commandés par Montécuculli, sauvé la France d'une invasion et pour jamais
affermi nos conquêtes du Rhin. A
peine était-il de retour et avait-il joui du triomphe que la nation avait
fait à son libérateur, des éloges du roi, dont l'orgueil fut contraint de
s'incliner devant tant de valeur, que le maréchal se rendit de nouveau en
Alsace pour diriger la campagne de 1675. C'était
la dernière qu'il devait commander, et ce fut le chef d'oeuvre d'un général
dont la renommée était faite : jamais il ne déploya plus de qualités,
plus de ressources ; lui et Montécuculli, dans leurs manoeuvres, luttèrent
d'habileté, d'adresse, sur un terrain de quelques lieues carrées ; mais ce
fut Turenne qui l'emporta, et c'est à lui que demeura, avec la supériorité,
l'honneur de ces mouvements par lesquels les deux généraux cherchaient à
s'attirer réciproquement dans une situation favorable à leurs desseins. Montécuculli,
après avoir longtemps manoeuvré, fut obligé de reculer vers Saltzbach,
dans une position difficile qui le forçait ou d'accepter le combat, ou de
se jeter dans la Forêt Noire. Turenne
prévoyait tous les succès de la journée qui se préparait ; lui,
d'habitude calme et réservé, laissait éclater sa joie : "Je
les tiens, ils ne m'échapperont plus : s'écria-t-il avec une assurance qui
lui était permise, lorsqu'il eut enfin amené les Impériaux sur le terrain
qu'il avait choisi. L'ardeur
inaccoutumée qui animait sa figure disparaissait par instants sous un air
pensif et réfléchi, tant les importants résultats de la bataille qu'il
allait engager le préoccupaient. Avant
de mettre ses troupes en mouvement, Turenne voulut une dernière fois
parcourir le champ de bataille où il se promettait de remporter la
victoire. Le
samedi 27 juillet 1675 il monta à cheval à deux heures, et se dirigea vers
les lignes ennemies. M.
d'Hamilton, qui le rencontra près du lieu où il allait, lui dit : "Monsieur,
venez par ici, on tirera du côté où vous allez." Turenne
se rendit à cet avis : "Vous
avez raison, répondit-il, je ne veux point du tout être tué aujourd'hui ;
cela sera le mieux du monde." Et
il se retirait, lorsque M. de Saint Hilaire, qui commandait l'artillerie,
arriva pour lui montrer une batterie placée d'après ses ordres sur une
hauteur. Ce
retard devait être fatal à Turenne ; au moment où Saint-Hilaire étendait
le bras, en lui indiquant la direction de la batterie, un boulet tiré au
hasard, emportant du même coup le bras de Saint Hilaire, vint frapper dans
la poitrine le maréchal qui revenait sur ses pas ; son cheval ne fut même
pas arrêté, et l'entraîna au galop tandis qu'il était tombé sur l'arçon
de la selle. Dans
le premier instant, on ne s'aperçut pas de la perte immense que l'armée
avait faite mais le cheval s'arrête, le héros tombe entre les bras de ses
gens ; il ouvre deux fois de grands yeux et la bouche, et demeure tranquille
pour jamais. On
le couvre d'un manteau et on le porte sous une haie ; puis, un carrosse étant
arrivé, les restes de Turenne sont transportés dans sa tente. A
ce moment, le fils de Saint Hilaire, voyant que son père a le bras emporté,
se jette sur sa poitrine en fondant en larmes : "Ce
n'est pas moi qu'il faut pleurer, dit celui-ci en montrant le corps de
Turenne ; c'est ce grand homme." "Ainsi finit au comble de sa gloire, a dit le marquis de La Fare son contemporain, non seulement le plus grand homme de guerre de ce siècle et de plusieurs autres, mais aussi le plus homme de bien, le meilleur citoyen et celui qui m'a paru le plus approcher de la perfection." Le
deuil fut universel. C'était
un homme qui faisait honneur à l'homme, dit Montécuculli en apprenant
la mort de son illustre adversaire ; les soldats se rappelaient les
bienfaits de leur général pour le pleurer avec plus d'amertume ; tous les
citoyens regrettaient le plus habile et le plus généreux défenseur de la
gloire nationale ; et Louis XIV, lorsqu'on lui annonça ce triste événement,
s'écria : "Hélas : nous perdons tout aujourd'hui ; M. de Turenne est mort." Aussitôt
qu'il n'est plus, l'armée, qui avait en lui toute confiance, se trouble et
hésite ; les généraux, qui ignoraient ses plans, ne savent à quelle résolution
s'arrêter ; Montécuculli reprend l'avantage, les Français repassent le
Rhin ; et la présence de Condé put seule ramener à la victoire les
soldats découragés. Inférieur
en forces à son adversaire, Condé s'inspira des idées de Turenne . avec
l'ombre duquel il aurait voulu converser, disait-il. Il
força les Impériaux à évacuer l'Alsace, et termina glorieusement cette
campagne si heureusement commencée par Turenne. Après
ces derniers succès, qui couronnaient dignement sa vie, le vainqueur de
Rocroi revint aux belles solitudes de Chantilly, dont il ne sortit plus
jusqu'à l'époque de sa mort arrivée onze ans plus tard, en 1686, se délassant
là des souvenirs de la guerre dans les nobles entretiens de Bossuet. Le
retour du corps de Turenne, qu'on ramena à Paris, fut une marche à la fois
triomphale et funèbre à travers la France ; les hommages qu'il reçut au
passage rappellent ceux adressés autrefois à Du Guesclin lorsque du château
de Randon il fut conduit à Paris. A
chaque ville, les magistrats et les citoyens en habit de deuil se rendaient
au devant du convoi et accompagnaient dans un solennel recueillement ; on le
recevait comme un triomphateur, et partout la religion catholique, qui avait
quelques années auparavant obtenu la conversion de Turenne, honorait de ses
prières et de ses bénédictions cet illustre cercueil. A
Paris, les obsèques de Turenne furent célébrées avec une magnificence
royale. Comme
le connétable de Charles V, le maréchal de Turenne fut enseveli à Saint
Denis ; et sur sa tombe Fléchier, inspiré par un si grand sujet, fit
entendre des accents dignes du héros qu'on regrettait. Le
corps de Turenne resta à Saint Denis jusqu'en 1793. A
cette époque, où les passions politiques, exaltées jusqu'à la fureur,
semblaient vouloir anéantir le passé, hontes et gloires, sous des ruines,
la tombe de Turenne fut brisée ; et son corps, arraché à son glorieux
repos, demeura presque sans sépulture pendant trois ans. En
1796 il fut enfin transporté au "Musée des monuments français",
où il resta quatre années. Mais,
à son avènement au pouvoir, Napoléon, qui devait tant à la gloire des
armes , voulut témoigner avec éclat son respect pour l'une des plus
grandes renommées militaires du pays , et consacrer à Turenne une tombe
digne de sa gloire et des services qu'il avait rendus à la France. Le
23 septembre 1800, sur les ordres du premier consul, qui par cet hommage
rattachait pour ainsi dire aux illustrations du passé son illustration
personnelle et mêlait dans ce délicat et noble souvenir, la gloire du héros
d'Italie à celle du conquérant de l'Alsace, les restes de Turenne furent
solennellement transportés dans l'église des Invalides, où ils reposent
aujourd'hui auprès de ceux du vainqueur d'Austerlitz, du héros qui leur a
choisi cet honorable et dernier asile. Ce
n'est pas seulement en France que le souvenir de Turenne s'est conservé
avec une sincère admiration ; ceux qu'il avait combattus n'avaient pas
oublié son humanité, qui savait tempérer les dures nécessités de la
guerre : les habitants de la Souabe laissèrent longtemps sans la cultiver
la place même où il était mort, et ils ne voulurent pas détruire l'arbre
sous lequel il s'était assis quelques instants ; hommage simple et
touchant, digne du beau caractère de Turenne, de cette forte intelligence
qui unissait à tant de grandeur tant de modestie et de réserve. En 1781, on éleva un monument au lieu où succomba Turenne "enseveli au sein de la victoire." Moreau le fit relever en 1801 ; et nos armées, en traversant cette campagne, ont souvent salué de leurs hommages ce nom, qui égale les plus célèbres de notre temps. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages