Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XIV. |
Année : 1709 |
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Fénelon recueille les blessés de Malplaquet. |
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L'archevêque
de Cambrai était un de ces hommes qui honorent autant
l'humanité qu'ils font honneur aux lettres par leurs talents supérieurs.
Une
noble simplicité répandue sur toute sa personne et je ne sais quoi de sublime dans le simple ajoutaient à son caractère
un certain air de prophète. Cette
opinion, exprimée au sujet de Fénelon par le chancelier d'Aguesseau, nous
semble retracer avec une vérité touchante les admirables qualités de
l'archevêque de Cambrai. Avec
Bossuet, Fénelon fut l'honneur de l'épiscopat français à cette époque ;
et pour briller par des qualités différentes, il n'a pas un mérite moins
éclatant que celui de l'illustre évêque de Meaux. Fénelon
est à la fois le modèle le plus parfait de toutes les vertus chrétiennes
et humaines ; à quelque heure qu'on le surprenne, élevé par la faveur de
Louis XIV ou frappé de sa disgrâce, on le trouve constamment pur, désintéressé,
pieux, humble dans la grandeur, soumis dans le malheur, maître de lui-même
dans les plus délicates circonstances et en même temps ferme dans ses
convictions, inébranlablement attaché à ses croyances au prix de ce qui séduit
le plus les hommes, au prix de son repos, de son crédit et de sa fortune. A
ces admirables dispositions, fortifiées et soutenues par une intelligence
supérieure, Fénelon unissait un sentiment profond de charité et de dévouement
qui l'élève jusqu'à la sainteté. Si
l'éloquent Bossuet, par l'ardeur de sa controverse, par sa sublime parole,
fut un père de l'Église au dix septième siècle, on peut dire que Fénelon
fut un apôtre par la vivacité de sa foi et la douceur pénétrante de son
enseignement. Le
premier surprend notre admiration par les hautes qualités de son esprit,
par la force, par l'éclat de ses écrits, par l'énergie et l'inflexibilité
de ses principes, par la magnificence toute chrétienne de ses oraisons , il
force enfin notre respect plus que notre attachement ; Fénelon nous entraîne
par la bienveillance, par la charité de son caractère, par cette simplicité
de coeur qui jamais ne l'abandonne, par son éloquence naturelle, douce et
fleurie. L'aigle
de Meaux est grand surtout quand, du haut de la chaire, il laisse tomber sur
le cercueil de Condé ses magnifiques paroles et déclare, en présence des
restes du vainqueur de Rocroi , de Nordlingen, de Lens, la vanité des
choses humaines ; jamais au contraire le précepteur du duc de Bourgogne,
l'auteur de du traité de l'éducation
des filles, ne nous paraît plus admirable qu'à l'époque où, exilé pour
ainsi dire à Cambrai par la colère de Louis XIV, il parcourt son diocèse
portant partout ses bienfaits avec de douces et consolantes exhortations et
venant lui même enseigner aux petits enfants le catéchisme. C'est
durant ce séjour de dix années à Cambrai que Fénelon déploya, surtout
ces vertus chrétiennes qui donnèrent à son caractère une renommée si
pure ; et les malheurs de la guerre de 1709, dont son diocèse fut le
principal théâtre, lui fournirent l'occasion de montrer toute l'étendue
de sa bienfaisance pour les souffrances et les misères humaines. La
grande bataille de Malplaquet, si vivement disputée, si glorieusement
perdue, où les ennemis de la France payèrent par la perte de vingt deux
mille hommes une victoire incertaine, avait encombré le diocèse de Cambrai
de soldats blessés et réduits à un dénuement absolu ; les vivres
manquaient, la retraite habilement dirigée par le maréchal de Villars forçait
d'abandonner presque au hasard les magasins remplis de malades. Dans
cette extrémité, l'illustre prélat fut la providence de nos armées ; son
palais devint un hôpital ouvert à tous ceux qui souffraient ; ses
richesses soulagèrent nos troupes ; et son nom, respecté de tous les
partis, des étrangers comme des Français, protégea les fugitifs de
Malplaquet. L'archevêque
de Cambrai étendait en tous lieux sa charité ; il visitait les malades,
leur offrait ses soins, calmait leurs douleurs et leurs ressentiments par de
chrétiennes consolations, et tout à la. fois guérissait leurs âmes et
leurs corps. On
le vit alors parcourir les rues de Cambrai, s'arrêtant à chaque souffrance
qui l'appelait, pansant de ses mains les blessés et leur apportant en même
temps tous les secours de la religion. Cette
infatigable activité, cette généreuse hospitalité, qui fit de la ville
et du palais de Cambrai l'asile secourable de nos armées pendant la
campagne de 1709, excita une admiration générale. "Sa maison ouverte et sa table de même, avait l'air de celle d'un gouverneur de Flandres et tout à la fois d'un palais vraiment épiscopal" dit
Saint Simon, dont l'amertume habituelle, la verve railleuse sont pour ainsi
dire vaincues par la vertu de l'archevêque de Cambrai, "toujours
beaucoup de gens de guerre distingués et beaucoup d'officiers malades,
blessés, logés chez lui, défrayés et servis comme s'il n'y en eût eu
qu'un seul ; et lui, ordinairement présent aux consultations des médecins
et des chirurgiens ; il faisait
d'ailleurs auprès des malades et des blessés les fonctions du pasteur le
plus charitable, et souvent il allait exercer le même ministère dans les
maisons et les hôpitaux où l'on avait dispersé nos soldats, et tout cela
sans oubli, sans petitesse, et toujours prévenant avec les mains ouvertes. Une
libéralité bien entendue, une magnificence qui n'insultait pas et qui se
versait sur, les officiers et les soldats , qui embrassait une vaste
hospitalité et qui, pour la table, les meubles et les équipages, demeurait
dans les justes bornes de sa place. Aussi
était-il adoré de tous les habitants des pays quels qu'ils fussent." La
disette qui signala l'hiver de 1709 vint encore accroître, sans la lasser,
la bienfaisance éclairée de Fénelon ; les armées de Louis XIV lui durent
leur subsistance, il suffit à tous les besoins et, ne conservant pour lui-même
que le strict nécessaire, il livra aux soldats tous les approvisionnements
dont il pouvait disposer. Le
respect qu'inspirait son nom l'aida dans cette pieuse prodigalité ; les généraux
ennemis faisaient conserver les grains et les bois de Fénelon avec autant
de soin qu'ils en auraient apporté à la sûreté des domaines des
souverains dont ils commandaient les troupes. En
1711, Marlborough, maître de Cateau-Cambrésis, qui renfermait d immenses réserves
de blé appartenant à l'archevêque les fit conduire à Cambrai, et Fénelon
aussitôt remit cet approvisionnement aux ministres de la guerre et des
finances. Lorsqu'on
s'adressa à lui, pour connaître de quel prix on devait payer ces secours
considérables : "Je vous ai abandonné mes blés, monsieur, répondit le prélat, ordonnez ce qu'il vous plaira, tout sera bien." En
même temps il écrivait au duc de Chevreuse "Si
on manquait par malheur d'argent pour de si pressants besoins, j'offre ma
vaisselle d'argent et tous mes autres effets ainsi que le peu qui me reste
de blé ; je voudrais servir de mon argent et de mon sang, et non faire ma
cour." Durant
toute cette désastreuse campagne qui attrista la fin du règne de Louis
XIV, le zèle de Fénelon ne se ralentit pas un seul instant ; et, dans les
pénibles extrémités où le pays fut réduit, il dut une partie de son
salut à la générosité et au dévouement de l'archevêque de Cambrai
: ce fut lui qui soigna nos blessés, qui nourrit les restes épuisés
de nos troupes et qui fit pour ainsi dire de son diocèse un pays neutre,
ouvert à toutes les souffrances et à toutes les infortunes de la guerre. Nous
ne saurions mieux exprimer cette intervention bienfaisante qu'en rappelant
le Passage dans lequel l'historien de Fénelon, le cardinal de Bausset, a
conservé le touchant souvenir de cette heureuse influence
: "Les
Anglais, les Allemands, les Hollandais rivalisaient d'estime et de vénération
avec les habitant , de Cambrai pour leur archevêque. Toutes
les différences de religion et de secte, tous les sentiments de haine et de
jalousie qui séparaient les nations disparaissaient en sa présence. Il
fut souvent obligé de tromper les armées ennemies pour échapper aux
honneurs qu'elles voulaient lui rendre ; il refusa les escortes militaires
qu'elles lui offraient pour assurer le paisible exercice de ses fonctions
religieuses, et, sans autre cortège que quelques ecclésiastiques, il
traversait les campagnes désolées par la guerre
: les peuples respiraient au moins en paix pendant ces intervalles
trop courts, et les visites pastorales de Fénelon pouvaient être appelées
la trêve de Dieu." Le
7 janvier 1715, quelques mois seulement avant la mort de Louis XIV, dont les
préventions ne s'étaient point dissipées, Fénelon, âge de soixante
quatre ans, vit s'éteindre avec calme une vie également illustrée par ses
vertus et ses disgrâces. Ses
derniers jours furent attristés par la fin prématurée du duc de
Bourgogne, dont l'éducation avait été un de ses plus nobles ouvrages et
pour lequel il avait résumé les devoirs de la royauté, dans cette
touchante recommandation : "Il faut vouloir être le père et non le maître ; il ne faut pas que tous soient à un seul, mais un seul doit être à tous pour faire leur bonheur." |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages