Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Louis XVI. |
Année : 1778 |
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La France reconnaît
l'indépendance des Etats Unis. |
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La guerre de l'indépendance des colonies du nord de l'Amérique fut une cause véritablement nationale pour la France ; la lutte s'engagea autant entre elle et l'Angleterre qu'entre cette dernière et les provinces révoltées. Lorsque le cabinet de Versailles, entraîné par l'enthousiasme de la nation, par l'évidence de nos intérêts politiques, par l'aventureuse expédition de La Fayette, se décida à combattre, il le fit loyalement et courageusement. Une fois résolu à s'unir aux Américains, il mit nos soldats, notre armée, notre argent au service du parti qu'il adoptait et ne posa pas les armes avant qu'il eût atteint son but : l'affranchissement de l'Amérique du nord. Dès le commencement de 1777, les États Unis avaient envoyé trois commissaires à Paris pour obtenir la conclusion d'un traité avec la France ; depuis un an on négociait, sans que le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, voulût reconnaître officiellement la mission des agents américains. Cependant ses intentions étaient évidemment favorables : les représentants de la jeune république étaient accueillis avec bienveillance ; Franklin surtout, dont le nom était populaire, le caractère respecté, obtenait une considération, une influence qui excitèrent les susceptibilités de l'Angleterre. On autorisait tacitement ses démarches ; il envoyait aux Américains des armes, des munitions, il délivrait des lettres de marque aux corsaires français, sans que le gouvernement apportât d'obstacles à ses efforts. Mais Louis XVI hésitait à se déclarer ouvertement ; il redoutait de s'engager dans une guerre générale et d'accroître les difficultés qui déjà entravaient son administration. Enfin l'éclat de joie avec lequel fut accueillie par la France la nouvelle de la capitulation du général Burgoyne, qui avec dix mille hommes s'était rendu aux insurgés, mit un terme aux irrésolutions du roi, et à la fin de 1777 il consentit à se prononcer en faveur des États Unis d'Amérique. Le 6 décembre 1777 le secrétaire du conseil d'État se rendait à l'hôtel des commissaires américains et leur déclarait, par ordre du roi : "qu'après de longues et mûres délibérations sur leurs propositions Sa Majesté avait résolu de reconnaître l'indépendance des États Unis, de faire avec eux un traité de commerce et d'alliance. Il ajouta que non seulement le roi reconnaissait leur indépendance, mais qu'il la soutiendrait par tous les moyens qui étaient en son pouvoir ; qu'il allait peut-être s'engager pour eux dans une guerre coûteuse, mais qu'il ne demanderait pas le remboursement des dépenses qu'elle occasionnerait : parce que, en définitive, les Américains ne devaient pas croire qu'il n'avait pris cette résolution que dans la vue de les servir, attendu qu'indépendamment de son attachement véritable à leur cause il était évidemment de l'intérêt de la France d'affaiblir la puissance de l'Angleterre en en détachant les colonies. Cette déclaration franche, précise expliquait tout à la fois les doutes et la détermination de Louis XVI. Les mots qui la terminaient exprimaient assez la répugnance qu'il avait éprouvée à s'unir à un peuple en insurrection, et témoignaient qu'il sacrifiait encore plus la paix aux intérêts évidents du pays qu'à l'indépendance des colonies anglaises. Pour la France, au contraire, c'était avant tout à la liberté de l'Amérique qu'elle se dévouait. Après deux mois de conférences, dans lesquelles furent arrêtées les conditions de l'alliance de la France avec les États Unis ; le 6 février 1778, le docteur Franklin, Silas Deane et Arthur Lee, plénipotentiaires des États, et le comte de Vergennes assisté du secrétaire du conseil d'État, qui avait principalement suivi les négociations, signaient, au nom des treize provinces des États Unis d'Amérique et de Sa Majesté très chrétienne le roi de France, un traité d'amitié et de commerce. Cet acte, le premier par lequel l'indépendance des provinces du nord de l'Amérique fut reconnue, est un des plus importants de la diplomatie du dernier siècle. Il introduit parmi les États modernes une nouvelle puissance, il suscite une rivalité qui va devenir bientôt redoutable à l'orgueil maritime de l'Angleterre ; quelque réserve enfin qui l'ait précédé et qu'il contint, il renfermait une révolution morale, il déclarait pour ainsi dire la légitimité de l'insurrection en certaines circonstances. Le traité de 1778 consacrait enfin l'existence de droit des États Unis, dont la paix de 1783 devait constater l'existence de fait. Aussi l'Angleterre le considéra comme une déclaration formelle d'hostilités . elle rappela son ambassadeur, le nôtre quitta Londres ; et la guerre ne tarda pas à éclater entre les deux nations. Tandis que l'ambassadeur d'Angleterre s'éloignait sans même solliciter une audience de congé du roi de France, le docteur Franklin, à la persévérance de qui l'Amérique devait en partie le succès de ses négociations, était officiellement présenté à Louis XVI par le comte de Vergennes comme le représentant d'un peuple allié. Lorsque l'envoyé de la république des États Unis, accompagné de quelques uns de ses concitoyens, pénétra pour la première fois dans les galeries de Versailles et fut admis à l'audience du souverain le plus absolu, peut-être, de l'Europe, la curiosité fut vivement excitée par cette étrange réception : l'âge de Franklin, la simplicité affectée de ses vêtements, sa réputation de savant et de philosophe, l'alliance dont il avait été le plus actif négociateur, tout contribuait à fixer l'attention publique ; et s'il pouvait s'étonner, comme autrefois le doge de Gênes, de se trouver à Versailles, la France, Louis XVI et sa cour ne devaient pas être moins surpris de l'y voir. Le ministre des affaires étrangères écarta difficilement la foule des courtisans, quand, revêtu du brillant costume de la cour de France, l'épée au côté, la poitrine couverte d'ordres en pierreries, de cordons, il conduisit vers le roi ce vieillard dont les longs cheveux blancs, sans apprêt, couvraient les épaules, qui ne se distinguait par nul insigne, par nulle décoration, sur le vêtement sévère duquel n'éclatait aucune broderie. Franklin aborda Louis XVI sans trouble, mais non sans une profonde émotion et une respectueuse reconnaissance ; il s'inclina devant le monarque, qui lui dit : "Monsieur, vous pouvez assurer de mon amitié, les Etats Unis d'Amérique ; je dois vous dire aussi que je suis très satisfait de votre conduite en particulier depuis votre arrivée dans mon royaume." Et d'un geste il congédia le ministre américain, le vieil imprimeur de Philadelphie. Après cette audience, Franklin traversa la cour du palais pour se rendre dans les bureaux du ministre des affaires étrangères : alors la foule, qui attendait impatiemment son passage, l'accueillit avec enthousiasme et le salua de ses acclamations ; des applaudissements, des cris de joie prouvèrent chaleureusement au nouvel ambassadeur quel sincère intérêt la France prenait aux affaires de l'Amérique. Bientôt elle le témoigna mieux que par de vaines démonstrations : ses flottes sortirent des ports ; d'Orvilliers, d'Estaing, le bailli de Suffren attaquèrent la puissance anglaise dans tous ses établissements coloniaux, la frappèrent à la fois dans l'Inde et dans l'Amérique. Un an plus tard, en 1779, l'Espagne décidée par notre exemple accordait son appui à l'Amérique, unissait ses vaisseaux aux nôtres, tandis que la France réunissait en Normandie une armée prête à franchir le détroit au premier signal. La terreur fut un moment dans Londres, on trembla à la menace d'une invasion : "Si l'ennemi eût débarqué, s'écria un orateur en plein parlement, nous aurions combattu, mais nous aurions succombé. Les tempêtes écartèrent ce danger des côtes de la Grande Bretagne, les flottes française et espagnole furent dispersées par les vents et obligées de regagner les ports de France. Mais néanmoins l'Amérique triompha par notre courage et notre constance, on peut le dire ; quand elle désespérait de sa cause, lorsqu'elle refusait d'y sacrifier sa fortune , nous la défendions de notre or et de notre sang. En même temps que la France envoyait dix millions au congrès américain six mille hommes d'élite commandés par le comte de Rochambeau, se joignant aux troupes conduites en Amérique par La Fayette, se plaçaient sous les ordres de Washington. Ces puissants auxiliaires amenèrent, en 1781, la célèbre capitulation de York Town, qui ne fut pas moins désastreuse pour l'Angleterre que celle de Saratoga. Enfin, fidèles au parti que nous avions embrassé, nous combattîmes pour l'Amérique sur terre et sur mer jusqu'à ce que la paix de 1783 vînt garantir aux États Unis l'indépendance reconnue par le traité de 1778. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages