Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Assemblée Législative. |
Année : 1792 |
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La levée en masse. |
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L'héroïque résistance que la France opposa à l'invasion étrangère demeurera l'éternel honneur de la révolution. Les opinions peuvent différer sur les rigoureuses mesures inspirées par de pressantes nécessités, on doit regretter les excès qui parfois ont compromis la cause de la liberté mais, à quelque parti que l'on appartienne, dans quelque rang qu'on soit, il faut admirer sans réserve le dévouement avec lequel un peuple entier se lève pour défendre son indépendance, pour conserver l'intégrité du territoire national. Cet enthousiasme, cet ardent patriotisme communiquent à l'âme une sympathique exaltation, éveillent une invincible fierté. Plus tard, sous l'Empire, on combat avec courage, on remporte des victoires plus brillantes, plus nombreuses peut être que celles de la révolution ; mais on ne retrouve pas à un égal degré l'amour de la patrie, le culte exclusif de la France, dont les volontaires de la république présentent de si beaux exemples : alors l'empereur, la gloire militaire tiennent la première place dans le coeur des soldats, la France n'a que la seconde. En 1792 une seule pensée conduit nos armées : l' indépendance de la patrie, sa sûreté ; la conquête n'est point le but de la guerre, elle n'en est que le résultat inévitable : on est citoyen, en un mot, autant que soldat ; quelques années après on est soldat plus que citoyen. La formation des armées à ces deux époques indique profondément au surplus cette différence ; sous Napoléon, le recrutement est un impôt, le plus dur de tous, auquel on cherche par tous les moyens à se soustraire : pendant la révolution, la vie est un don volontaire que chacun offre au pays ; on part en chantant, sans seulement songer aux glorieuses récompenses, et l'on meurt en criant Vive la France ! vive la liberté ! Ces mouvements spontanés, cette ardeur de dévouement, qu'excitèrent les principes nouveaux proclamés par la révolution française, éclatèrent surtout avec un élan remarquable à l'heure du péril, quand la France, cernée par l'Europe entière, menacée de voir se réaliser le manifeste insolent de Brunswick, cria à tous ses enfants : Aux armes ! Le 11 juillet 1792, après une discussion animée, où Vergniaud, l'admirable orateur de la Gironde, exposa hardiment les dangers auxquels la silencieuse faiblesse du roi entraînait le pays, dans un discours qui renfermait ces retentissantes paroles : "C'est au nom du roi que les princes, français ont tenté de soulever l'Europe ; c'est pour venger la dignité du roi que s'est conclu le traité de Pilnitz ; c'est pour venir au secours du roi que le souverain de Hongrie et de Bohême nous fait la guerre, que la Prusse marche vers nos frontières" le président de l'Assemblée législative, au milieu d'une émotion profonde, d'un recueillement solennel, prononça ces mots : CITOYENS, LA PATRIE EST EN DANGER !
Dès cet instant, dit M. Thiers, les séances furent déclarées permanentes ; des coups de canon, tirés de moment en moment, annoncèrent cette grande crise : toutes les municipalités, tous les conseils de district et de département siégèrent sans interruption, toutes les gardes nationales se mirent en mouvement ; des amphithéâtres étaient élevés au milieu des places publiques, et des officiers municipaux y recevaient le nom de ceux qui venaient s'enrôler, volontairement. Le 22 juillet la municipalité fit officiellement proclamer la déclaration de l'Assemblée législative. A six heures du matin le canon d'alarme du parc d'artillerie du Pont Neuf annonça par une salve de trois coups, qu'il répéta toutes les heures, et le danger commun, et l'appel que ses représentants adressaient au pays. En même temps deux cortèges formés d'officiers municipaux, d'un détachement de garde nationale, précédés de tambours, de trompettes, de canons, couverts pour ainsi dire chacun par une vaste bannière tricolore sur laquelle on lisait : "Citoyens, la patrie est en danger !" partirent de la place de Grève ; et sur les différentes places de Paris, sur les boulevards, aux carrefours des rues ils s'arrêtaient, et l'envoyé de la Commune proclamait la formule solennelle. Puis, quand partout ils eurent jeté cette parole d'alarme, ils revinrent à l'Hôtel de ville ; un des étendards fut attaché à la façade de la Maison commune, l'autre alla flotter au parc d'artillerie du Pont Neuf. Alors, sur les places principales, au parvis Notre Dame, à la place Royale, à la place Dauphine, à l'Estrapade, au carré Saint Martin, devant le Théâtre Français et le Théâtre Italien, on éleva de vastes estrades sur lesquelles se dressaient des tentes ornées de rubans tricolores, de drapeaux et d'armes, de couronnes de laurier et de chêne entrelacés ; devant chaque tente on avait placé, une longue table posée sur deux tambours ; des registres étaient ouverts ; et trois magistrats municipaux, ceints de l'écharpe tricolore, restaient constamment à ces amphithéâtres, afin de recevoir les enrôlements des citoyens qui voulaient se rendre aux armées. Les engagements volontaires furent nombreux et durèrent pendant huit jours sans interruption. A chaque heure on voyait arriver des bataillons de volontaires, portant le drapeau tricolore, armés les uns d'une pique, d'autres d'un fusil de chasse, quelques uns d'un sabre seulement, mais tous enflammés d'enthousiasme pour la patrie ; ils s'inscrivaient, et souvent ils se dirigeaient de suite vers le corps d'armée auquel ils étaient destinés. Cette grande nécessité du salut public dominait tous les coeurs, élevait tous les courages : les femmes mêmes réprimaient les mouvements de leur sensibilité et envoyaient à la frontière leur époux, leurs frères et leurs enfants. La France suivit l'exemple du Paris, dans tous les départements les enrôlements volontaires se multipliaient ; non seulement de toutes les villes, mais des moindres villages on voyait partir des compagnies de volontaires pour la lutte qui se préparait et qui devait agiter l'Europe durant vingt cinq ans. L'année suivante, malgré des succès décisifs, le danger d'une invasion menaçait de nouveau la France ; après une année d'efforts, de victoires, après la prise de Mayence et de Nice, le pays fut un moment ramené à une situation effrayante ; la défection de Dumouriez devant les Autrichiens leur avait ouvert le nord ; Custine, par de fausses opérations, avait compromis la sûreté de la frontière de l'est : Condé venait de se rendre, Valenciennes ne pouvait plus résister, les émigrés s'assemblaient à Jersey, sur le Rhin, en Suisse, ils pénétraient même en France, la révolte troublait plus de cinquante départements, trente mille paysans des Cévennes étaient soulevés, la Vendée avait proclamé Louis XVII le jeune dauphin captif au Temple, et formé une armée de soixante mille hommes. De toutes parts environnée d'ennemis, la Convention se jeta dans cette politique impitoyable qui sauva le pays au prix de tant de rigueurs. A Paris elle gouverna avec la loi des suspects et le tribunal révolutionnaire. Pour repousser l'étranger elle renouvela, au nom du salut public, avec plus de vigueur encore que l'Assemblée législative, l'appel aux armes de 1792. C'est alors qu'elle rendit ce décret célèbre par sa concision et le caractère énergique dont il est empreint : ARTICLE 1er. Dès ce moment jusqu'à celui où les ennemis auront été chasses du territoire, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées. Les jeunes gens iront au combat, les hommes mariés forgeront les armes et transporteront les subsistances ; les femmes, feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux ; les enfants mettront le vieux linge en charpie ; les vieillards se porteront sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers. ART. 2. Les maisons nationales seront converties en casernes, les places publiques en ateliers d'armes ; le sol des caves enlessivé pour en extraire le salpêtre. Le chant révolutionnaire de la Marseillaise retentissait chaque soir sur les théâtres. Au milieu de la scène on plaçait l'autel de la patrie, des choeurs remplissaient le fond du théâtre ; et dans cet appareil on disait l'hymne de la révolution, qui formait un draine rapide, plein d'émotion, auquel le public s'associait avec enthousiasme. A la fin de ces représentations, les spectateurs, transportés par ces accents passionnés, se précipitaient dans le foyer et couvraient à l'envi de leurs noms la liste partout et toujours ouverte des engagements volontaires. Aux heures de calme, ces moyens hors la loi étonnent notre esprit, ces mesures d'une implacable sévérité troublent notre coeur, et cependant c'est par ces énergiques inspirations qu'au moment suprême la Convention put envoyer quatorze armées aux frontières et sauver en semble la France et la liberté. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages