Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Bonaparte. |
Année : 1797 |
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Bonaparte
présente le traité de |
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Échangeant
son rôle de conquérant contre celui de pacificateur, Bonaparte, après la
brillante campagne d'Italie de 1796, voulut donner la paix à la France, qui
lui devait tant de victoires, et le vainqueur d'Arcole, de Rivoli, de
Millesimo, demanda au Directoire les pouvoirs nécessaires pour traiter avec
l'Autriche. Chargé
de cette difficile mission , le jeune général la conduisit avec fermeté.
; et dans ses négociations avec le comte de Cobentzel, plénipotentiaire de
l'Autriche, il sut lutter par sa hardiesse, par sa décision, contre tous
les détours que lui opposait le ministre allemand. Soutenu
par le sentiment de sa force et par la confiance de la République, qui
avait remis entre ses mains ses précieux intérêts, Bonaparte alla droit
au but, posa nettement ses conditions en négociateur qui a derrière lui
une armée victorieuse, et déploya toute cette énergie de volonté qui
devait le conduire à une si haute fortune. Les
bases principales de la paix étaient posées, mais M. de Cobentzel refusait
de conclure si, en échange de Mayence, cédée à la France, on,
n'accordait Mantoue à l'Autriche. C'est
là notre ultimatum, disait-il ; car, si l'empereur mon maître consent à
vous donner les clefs de Mayence, la
place la plus forte de l'univers, ce serait un acte déshonorant s'il ne les
échangeait contre les clefs de Mantoue. , Cette prétention faillit rompre
les négociations ; le 16 octobre 1797, la discussion sur ce point s'anima
tellement, le comte de Cobentzel, oubliant la situation de l'Autriche,
montra tant d'arrogance et de hauteur que Bonaparte ne put contenir plus
long temps son impatience. Le
plénipotentiaire autrichien, rappelant tous les avantages du traité qu'on
offrait à la France, accusa en terminant le négociateur de sacrifier l'intérêt
et le repos du pays à son ambition militaire. A peine eut il achevé que Bonaparte, se dirigeant vers un guéridon chargé de porcelaines données par la grande Catherine à Cobentzel, s'en saisit et le brisa avec colère sur le parquet en disant au négociateur frappé d'étonnement : "La
guerre est déclarée : mais souvenez-vous qu'avant trois mois je briserai
votre monarchie comme je brise cette porcelaine." Puis,
sans rien écouter, il sortit, monta en voiture pour regagner son quartier général,
en envoyant un officier prévenir l'archiduc Charles, qui commandait l'armée
autrichienne que les hostilités recommenceraient dans vingt quatre heures. M.
de Cobentzel effrayé se décida à accepter l'ultimatum de la France, et le
lendemain, 17 octobre 1797, le traité de paix fut signé à Pazzeriano,
quartier général de Bonaparte ; toutefois cette convention fut datée du
village de Campo Formio, situé entre les deux armées. Le
traité de Campo Formio fut le premier que la République française conclut
avec l'empereur d'Allemagne ; l'article 1er, dans lequel
l'Autriche avait cru devoir reconnaître l'existence du gouvernement avec
lequel on traitait, était ainsi conçu : L'empereur
d'Allemagne reconnaît la République française. Bonaparte
fit rayer ces mots : "Effacez
cet article, dit-il, la République française est comme le soleil, est
aveugle qui ne la voit pas. Le
peuple français est maître chez lui, c'est son droit imprescriptible : la
forme de son gouvernement n'est qu'une affaire de loi intérieure." Impatient
d'ajouter à sa gloire militaire une gloire nouvelle, dans ses négociations
Bonaparte n'avait pas exactement suivi les instructions du Directoire ; mais
cette paix, telle qu'il l'avait obtenue ou plutôt exigée, assurait trop
d'avantages à la France pour n'être pas acceptée avec enthousiasme, le
pays était las de la guerre qui depuis six ans demandait tant d'efforts et
de sacrifices. Le
traité de Campo Formio donnait à la France ses limites naturelles, fondait
à côté de la République française une république italienne, notre
soeur de liberté, et reconnaissait par le fait même de sa conclusion la légitimité
du mouvement révolutionnaire. Aussi
Berthier et Monge, envoyés par Bonaparte au Directoire afin de lui annoncer
la ratification de la paix, furent-ils accueillis avec transport par les
Parisiens : l'heureuse nouvelle circula rapidement, le nom de Bonaparte était
partout répété ; on racontait ses succès, on exaltait sa gloire, qu'il
avait sacrifiée, disait-on, au repos de la patrie. Le
peuple attendit avec impatience le jour où il pourrait saluer de ses
hommages le négociateur dont les victoires avaient préparé cette paix désirée. Le
5 décembre 1797 Bonaparte arrivait à Paris et rentrait dans sa modeste
demeure de la rue Chantereine, qui le lendemain même prenait, par une décision
de la municipalité de Paris, le nom de rue de la, victoire. Aussitôt
qu'on apprit son retour, le général de l'armée d'Italie fut environné de
l'admiration générale : on se pressait dans ses salons, chacun voulait
voir le héros d'Italie ; lorsqu'il sortait, quand il paraissait aux théâtres,
dans les promenades, un cortège se formait sur son passage et
l'applaudissait. Le
Directoire, bien qu'il ne crût pas le négociateur exempt de reproches,
voulant s'associer cependant à la joie universelle, à l'enthousiasme
public, et remercier Bonaparte des services qu'il avait rendus à la France,
prépara au Luxembourg une réception triomphale pour la remise du traité
de Campo Formio et la présentation des drapeaux enlevés à l'Autriche. Le
10 décembre 1797, cinq jours après l'arrivée de Bonaparte, les
directeurs, revêtus de leur costume officiel, placés sur une estrade élevée
au fond de la vaste cour du Luxembourg, attendaient avec impatience l'homme
illustre dont la gloire remplissait la France. Le
lieu choisi pour cette fête extraordinaire avait été décoré avec
magnificence ; des tentures tricolores recouvraient les murs du palais, de
glorieux trophées formés des drapeaux ennemis s'élevaient de distance en
distance autour de la cour. Le
Corps législatif, le Conseil des Anciens, les ambassadeurs d'Espagne, de
Naples, de Sardaigne, de Prusse, de Danemark, de la Porte Ottomane, les
envoyés des républiques batave, cisalpine, ligurienne, organisées et protégées
par la République française, les principaux magistrats, assistaient à
cette grande cérémonie, à laquelle tout Paris était pour ainsi dire représenté
par l'élite de la société, par les artistes les plus célèbres, par les
écrivains les plus distingués de cette époque. Bientôt
l'artillerie placée aux environs du palais annonça de sa grande voix
l'arrivée du héros de la fête. Bonaparte,
entouré de son état-major, parut au milieu d'acclamations que prolongeait
longuement la foule réunie aux abords du palais. Talleyrand,
en qualité de ministre des relations extérieures, présenta le négociateur
de Pazzeriano aux directeurs ; et il sembla tout à la fois encourager son
ambition et annoncer ses hautes destinées, lorsqu'il ne craignit pas de
dire au gouvernement de la République : "Loin de redouter ce qu'on appelle son ambition, je sens qu'il nous faudra peut être un jour la solliciter." A
peine cette prophétique parole fut elle entendue ; Bonaparte attirait tous
les regards, fixait toute l'attention : son attitude simple, les lignes
pures et fermes de cette figure toute romaine, son oeil ardent, son front élevé,
plein de génie, produisirent sur les spectateurs une impression profonde ;
et quand il s'adressa à Barras, après lui avoir remis le traité, un avide
silence recueillit ses paroles. "Le
peuple français, dit il dans son style bref et coloré, pour être libre
avait les rois à combattre ; pour obtenir une constitution fondée sur la
raison, il avait dix huit siècles de préjugés à vaincre : Ia
constitution et vous avez triomphé de ces obstacles. Vous
êtes parvenus à organiser la grande nation dont le vaste territoire n'est
circonscrit que parce que la nature elle même en a posé les limites. Vous
avez fait plus, les deux plus belles parties de l'Europe, jadis si célèbres
par les arts et les sciences, voient avec les plus grandes espérances le génie
de la liberté sortir du tombeau de leurs ancêtres. J'ai
l'honneur de vous remettre le traité de Campo Formio, ratifié par Sa
Majesté l'Empereur. La
paix assure la liberté, la prospérité et la gloire de la République." Barras,
président du Directoire, répondit longuement à ce discours ; puis des
choeurs chantèrent un hymne de Chénier composé pour cette circonstance. Deux
généraux, Joubert et Andréossy, portant un drapeau sur lequel étaient
inscrites en caractères d'or toutes les grandes actions de la campagne
d'Italie, s'avancèrent ensuite pour recevoir l'accolade de Barras ; après
eux Bonaparte la reçut également, mais, lorsqu'il s'approcha, par un
mouvement spontané tous les directeurs se levèrent pour presser dans leurs
bras le vainqueur d'Italie. Les cris : Vive la République ! Vive Bonaparte ! retentirent de nouveau, la musique fit entendre ses accents, le canon résonna, et le peuple salua une dernière fois de ses applaudissements le héros que la France adoptait. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages