Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Napoléon. |
Année : 1804 |
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Sacre de l'empereur. |
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Élevé
à la dignité, impériale par le vœu du Corps législatif, du Tribunat et
du Sénat, Napoléon ne se satisfît pas de l'assentiment de la nation et de
l'armée, qu'il avait obtenu par les voies des municipalités et dans, les
acclamations du camp de Boulogne, il voulut que la religion catholique à
laquelle il venait de rendre ses temples et son culte, consacrât par ses
prières sa jeune dynastie. Comme
Charlemagne, comme les empereurs romains, il désira que le, pape lui-même
répandit l'huile sainte sur son front : mais le nouvel élu n'alla pas
chercher dans Rome la bénédiction papule ; ce fût le souverain pontife
qui, traversant une partie de l'Europe, vint la lui donner dans la capitale
de l'Empire français. Cette
solennelle cérémonie, qui, après quinze années de troubles, de dangers,
de changements continuels, de vives ardeurs pour la liberté et l'égalité,
ramena, du moins en apparence, le pays à la forme de gouvernement qu'on
avait aboli un 1792, eut lieu le 2 décembre 1804. Le
sacre de Napoléon fut environné de tout l'éclat qu'on crut capable d'émouvoir
profondément la France ; l'empereur, dès les premiers jours de sa
puissance, avait renouvelé toutes les grandes charges, toutes les hautes
dignités de la royauté, toutes les préséances et les minutieuses étiquettes
de cour. Il
avait, le 18 mai 1804, créé six grands dignitaires de l'empire inamovibles
: un grand électeur, un archichancelier d'empire, un archichancelier d'état,
un architrésorier, un connétable, un grand amiral ; le lendemain un second
décret élevait au grade longtemps oublié de maréchal tous ces généraux
qui s'étaient illustrés sous la république dans les plaines de l'Italie
et de l'Allemagne. La
cour des Tuileries fut formée presque entièrement d'après les traditions
de l'ancienne monarchie ; bientôt la noblesse, les titres accordés selon
le bon plaisir du souverain, les grands apanages, les fiefs distribués aux
soldats heureux que distinguait l'empereur complétèrent ce retour aux
souvenirs déchus du passé. Ce
fut au milieu de cet appareil, dans cette pompe si éloignée de la
simplicité à laquelle on était habitué depuis le commencement de la révolution,
que l'empereur se rendit à Notre Dame, et c'est assisté de tous ces généraux
autrefois ses compagnons, maintenant ses sujets, qu'il prit cette couronne
impériale qu'ils l'avaient aidé à conquérir. Cette journée, dans
laquelle Napoléon vit un pape prier Dieu pour la dynastie qu'il fondait ; où,
conduit par la destinée favorable qui secondait si merveilleusement tous
ses désirs, l'ancien lieutenant d'artillerie prit possession du suprême
pouvoir environné d'une pompe qui satisfaisait son orgueil, fut l'une des
plus belles de la vie impériale. Le
9 décembre, dès le matin, le canon retentissant dans Paris annonça au
peuple le sacre de Napoléon ; le ciel s'échauffa pour ce grand jour, comme
s'il eût voulu s'associer à la fortune impériale. La
veille, la neige était tombée sans interruption ; mais le 2 décembre,
l'air s'épura, les rayons d'un soleil resplendissant vinrent éclairer la cérémonie
du sacre. Dès
le matin Napoléon et Joséphine quittèrent les Tuileries accompagnés de
tous les dignitaires, de tous les grands fonctionnaires de l'État, et,
entre les rangs de ces vieux soldats heureux d'assister au triomphe de leur
général, l'empereur et l'impératrice arrivèrent aux portes de Notre
Dame. La
vieille basilique avait été, revêtue d'un costume de fête ; comme si ses
murs eussent été trop sombres pour les splendeurs de cette solennité, on
les avait recouverts jusqu'à la hauteur des premières galeries d'une décoration
dans le goût de l'architecture antique. Intérieurement
les hautes colonnes se cachaient sous je magnifiques tentures, l'éclat des
bougies illuminait la vaste église dans toute son étendue ; ses riches
tribunes étaient remplies d'une foule empressée, qui, dès qu'apparut
l'empereur, fit éclater des cris d'enthousiasme. La
nation était, officiellement représentée par des députations de toutes
les gardes nationales de l'empire. L'Europe
un instant pacifiée avait envoyé ses ambassadeurs à Notre Dame. Tous
les corps de l'État, les princes de la famille impériale, les membres du
sacré collège, les envoyés de la république italienne remplissaient la
nef. L'empereur
fut reçu par le pape : Pie VII avait quitté l'Italie le 3 novembre,
accompagné de quatre cardinaux, de deux archevêques et d'une suite
nombreuse, pour venir en France sacrer l'homme des destins ; on lui avait
partout rendu les honneurs souverains, et la nation avait escorté de ses
respects le pontife qui venait bénir le chef qu'elle s'était choisi. Pie
VII officia avec toute la pompe de l'église romaine : l'empereur avait
rendu au trésor de Notre Darne, enlevé durant la révolution, les riches
ornements, les vases précieux en vermeil enrichis de diamants, nécessaires
aux cérémonies religieuses ; sur l'autel brillaient sous la lumière des
flambeaux d'or les dons magnifiques de Napoléon. Durant
l'office, Napoléon et Joséphine, revêtus tous deux du manteau impérial
semé d'abeilles d'or, reçurent les saintes onctions ; puis, tandis qu'on récitait
les prières du sacre, ils retournèrent s'asseoir sur leur trône, d'où
ils s'avancèrent de nouveau, vers l'autel pour la cérémonie du
couronnement. Immédiatement
après que le pape eut béni la couronne impériale sans permettre au
pontife de la placer sur sa tète, Napoléon la saisit brusquement, la posa
sur son front, puis ensuite couronna lui même l'impératrice toujours
agenouillée au pied de l'autel. Le
nouveau souverain ne voulut qu'aucune main étrangère touchât à cette
couronne qu'il prétendait ne devoir, après Dieu, qu'à la confiance d'un
grand peuple et à son épée. Lorsque
l'office divin fut terminé, l'empereur, assis, la couronne sur le front, la
main posée sur l'Évangile, que tenait le grand maître des cérémonies,
prononça, devant les trois présidents du Tribunat, du Corps législatif et
du Sénat, le serment qui le liait pour toujours à la France. Alors
le héraut d'armes d'une voix forte et élevée s'écria : "Le très glorieux et très auguste empereur Napoléon, empereur des Français est couronné et intronisé : vive l'empereur ! vive l'impératrice !" Les
voûtes de la métropole retentirent au même instant des cris de Vive
l'empereur ! Vive l'impératrice ! Les
deux époux quittèrent l'église au bruit des mêmes acclamations, qui se
prolongèrent jusqu'à ce que l'empereur et l'impératrice furent rentrés
au palais des Tuileries. La
République avait cessé d'exister, la révolution pour un temps allait
s'arrêter ; l'empire commençait, avec toutes ses gloires, avec toutes ses
grandeurs, son triomphe de dix années. Pendant
trois jours des fêtes brillantes célébrèrent dans toute l'étendue de la
France l'inauguration du nouveau pouvoir. Le
5 décembre, Napoléon distribua à ses soldats assemblés les enseignes
sous lesquelles ils devaient marcher désormais ; pour cette cérémonie,
des députations de l'armée, de la marine, des gardes nationales du royaume
remplissaient la vaste étendue du Champ de Mars, qui n avait point vu
depuis le jour de la Fédération de si imposante solennité. L'empereur
occupait une tribune à la hauteur des appartements de l'École Militaire ;
autour de son trône étaient réunis les grands corps de l'État, les hauts
dignitaires de l'empire ; aux pieds de l'empereur pour ainsi dire, la France
se tenait remplie d'admiration et de respect ; enfin les colonnes s'ébranlent
et s'approchent du trône qu'environnaient des officiers et les présidents
des collèges électoraux, portant les drapeaux surmontés d'un aigle. Alors Napoléon se lève, et s'adressant aux troupes : "Soldats,
leur dit-il d'une voix haute et énergique, voici vos drapeaux ; ces aigles
vous serviront toujours de point de ralliement, elles seront partout où
votre empereur les jugera nécessaires pour la défense de son trône et de
son peuple." Vous jurez de sacrifier vos vies pour les défendre et de les maintenir constamment par votre courage sur le chemin de la victoire : vous le jurez., Nous le jurons !" répètent
les députations militaires, les gardes nationales et la foule qui se presse
sur les amphithéâtres, et l'empereur remet à chaque corps ces étendards
sous lesquels pendant neuf années nos soldats devaient victorieusement
parcourir l'Europe. L'année
suivante, à la couronne impériale Napoléon réunissait la couronne de fer
des anciens rois lombards. L'Italie
avait suivi l'exemple de la France, et une députation solennelle était
venue offrir à l'empereur une royauté nouvelle. En
1805, Napoléon traversait les Alpes pour recevoir l'hommage de l'Italie :
ce second couronnement eut lieu à Milan, avec une magnificence égale à
celle qu'on avait déployée à Paris ; là encore, Napoléon, avant que le
pontife déposât la couronne sur son front, s'en empara fièrement et se
couronna lui-même aux acclamations de la foule. Cette cérémonie excita le plus vif enthousiasme dans ce beau pays, qui, après tant de siècles, voyait renaître sa nationalité et s'unissait à de si glorieux destins. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages