Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Napoléon. |
Année : 1813 |
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Bataille de Leipzig. |
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Autant la fortune avait partout secondé les desseins de Napoléon autant, depuis le désastre de Russie, elle déjouait constamment les efforts de son génie. Une étoile pâlissait, dit Napoléon à Sainte Hélène ; je sentais les rênes m'échapper, et je n'y pouvais rien. Un coup de tonnerre pouvait seul nous sauver... Et chaque Jour, par une fatalité on une autre, nos chances diminuaient. Les mauvaises intentions commençaient à se glisser parmi nous. La fatigue, le découragement gagnaient le plus grand nombre ; mes lieutenant devenaient mous, gauches, maladroits, et conséquemment malheureux. Ce n'étaient plus les hommes du début de notre révolution ni ceux de mes beaux moments... Les hauts généraux ne voulaient plus de la guerre : je les avais gorgés de trop de considération, de trop d'honneurs, de trop de richesses. Ils avaient bu à la coupe des jouissances et eussent acheté du repos à tout prix... Le feu sacré s'éteignait. Napoléon l'emportait encore sur les champs de bataille, mais c'étaient toutes victoires sans résultats. Les intrigues de la politique autrichienne et russe trompaient tous ses calculs. Ses généraux avaient perdu de leur activité, l]'empereur lui-même se sentait par instants fatigué et quand cette grande intelligence reprenait sa force, un revers soudain, imprévu anéantissait ses espérances. les mieux fondées : Napoléon n'était plus heureux ! Après les victoires de Lutzen et de Bautzen il accorde, presque malgré lui, contre sa conviction, un armistice aux alliés, afin de donner un gage de sa modération ; les vaincus en profitent pour se remettre de l'ébranlement des deux défaites qu'ils ont éprouvées, sans accueillir aucune proposition de paix. "J'ai accepté l'armistice, dit hautement le roi de Prusse à ses sujets, afin que la force nationale que mon peuple a si glorieusement montrée puisse se développer entièrement." A Dresde, une marche rapide de l'empereur lui vaut un succès important ; l'armée autrichienne doit être entièrement détruite : Napoléon se voit maître de la campagne ! il tombe subitement malade ! !Ses lieutenants continuent mollement la poursuite. Vandamme, interprétant mal un ordre, tombe au pouvoir de nos ennemis en déroute, qui le font prisonnier avec une partie du corps qu'il commande. Enfin les plus lâches défections s'ajoutent à nos revers ; les alliés de notre prospérité nous trahissent honteusement sur le champ de bataille aux jours de l'infortune, et ravissent à la France le prix de son courage. La journée de Dresde, si heureusement commencée,,, et dont un malentendu a compromis les avantages, oblige Napoléon de se jeter sur Leipzig afin de garder le chemin de la France, qu'on menace de lui fermer. C'est là que se livra cette célèbre et funeste bataille de Leipzig, la plus sanglante des temps modernes. Le 15 octobre 1813, l'armée française, forte de cent quarante mille fantassins et de vingt mille cavaliers, adossée aux faubourgs de Leipzig, attendait l'attaque de l'armée autrichienne. Le 16, trois colonnes se portaient contre les positions des Français, qui furent prises et reprises jusqu'à six fois. La victoire demeurait incertaine ; mais l'ennemi fut décidément repoussé dans la soirée, il se retira avec des pertes considérables. La journée du 17 fût employée à réorganiser les différents corps, à fortifier les positions qu'on occupait, et, le 18, la lutte commença dans des conditions de force encore plus inégales pour les Français que celles du premier engagement. Les alliés s'étaient augmentés de plus de cent mille hommes conduits par Blücher et par Bernadotte, prince royal de Suède, qui, oubliant à la fois son ancienne patrie et les intérêts véritables de sa royauté, se montrait le plus acharné, des ennemis de la France. Trois cent mille hommes, enfermant cent quarante mille soldats dans un demi cercle dont le centre se trouvait à Leipzig, s'avancèrent contre Napoléon. Les soldats de Lutzen et de Dresde déployèrent un admirable courage ; ils se maintinrent opiniâtrement dans toutes leurs lignes, opposant au nombre une inébranlable énergie : jamais, de l'avis de leurs ennemis, ils n'avaient montré plus de bravoure. Sur aucun point ils n'auraient été, entamés sans une infâme trahison : au plus fort de la mêlée, au moment où Bernadotte attaquait avec cent mille hommes et trois cents canons la gauche, formée de quarante mille hommes seulement, sans pouvoir la faire reculer, douze mille Saxons, arrivés la veille à Leipzig, feignant d'effectuer une charge, passent dans les rangs ennemis et se déshonorent à la face de deux armées par l'action la plus flétrissante que puissent commettre des soldats ; les transfuges aussitôt tournent leur artillerie contre les frères d'armes qu'ils viennent d'abandonner, et leurs pièces vomissent la mitraille. Néanmoins, malgré cette lâche défection, quand la nuit vint mettre un terme à cette sanglante mêlée, nos régiments n'avaient pas cédé devant ces trois cent mille hommes qui les pressaient de toutes parts. Malgré la défection de l'armée saxonne au milieu du combat, malgré le courage ardent et persévérant des troupes alliées, rapporte Robert Wilson, témoin de la journée de Leipzig, on ne put enlever aux Français un seul des villages qu'ils s'étaient proposé de conserver comme essentiels à leurs positions. Le 19 octobre, Napoléon, à qui les munitions manquaient, dut se décider à quitter Leipzig afin de se rapprocher de ses dépôts d'approvisionnements. Le mouvement de retraite fut ordonné. Tandis qu'une portion de l'armée se met en marche, Lauriston, Macdonald et Poniatowski, formant l'arrière garde, défendent les barrières du midi. Dès que les alliés avaient pu reconnaître que les Français se retiraient, ils avaient réuni tous leurs efforts contre Leipzig ; mais chaque rue, chaque maison devenait une citadelle que nos soldats disputaient avec un courage héroïque. Déjà Victor, Augereau, Ney, Marmont suivaient en sûreté la route de Lindenau. Napoléon, après être allé, dans une touchante entrevue, dégager de notre alliance le roi de Saxe, plus fidèle à sa parole que ses sujets, avait rejoint ses troupes ; Lauriston s'ébranlait pour s'éloigner aussi de Leipzig : encore deux heures, et nos bagages, notre artillerie, notre armée intacts échappaient aux alliés. Tout à coup la fusillade s'anime vers l'unique pont qui sert à traverser l'Elster, une explosion terrible retentit, domine tous les bruits du combat, et vient au loin agiter l'âme de Napoléon de tristes pressentiments. Le pont de l'Elster avait sauté, et trente mille hommes, cent cinquante pièces de canon, Poniatowski, Macdonald, Lauriston étaient encore dans Leipzig ; leur retraite était coupée. Alors le désordre fut au comble : les soldats acculés à l'Elster luttaient sans espoir ; plusieurs régiments, Macdonald et Poniatowski cherchèrent un chemin périlleux dans les eaux de l'Elster. Quelques-uns atteignirent la rive opposée, beaucoup se perdirent au milieu du fleuve ; Poniatowski, le vaillant Polonais dont l'intrépidité et le dévouement avaient fait un enfant de la France, blessé au bras à la bataille de Leipzig, ne put maîtriser son cheval et fut emporté dans un gouffre : deux jours auparavant Napoléon, pour récompenser sa valeur, lui avait envoyé les insignes de maréchal d'empire. Les hommes qui purent traverser l'Elster firent enfin connaître la cause du nouveau désastre qui venait de porter aux destinées impériales un coup à peu près irréparable. Au moment de sortir de Leipzig, Napoléon avait donné l'ordre de s'assurer du pont de l'Elster dans ces termes précis "On devra le faire sauter quand le dernier peloton sortira de la Ville et qu'il ne restera plus que cet obstacle à opposer à l'ennemi." On commença alors à miner le pont. Pendant que la retraite se faisait en bon ordre grâce aux efforts de nos troupes, une défection nouvelle, celle d'un bataillon badois, avait livré une porte de Leipzig aux alliés ; ceux-ci avaient pénétré dans la ville et poursuivaient les Français : non pas toutefois sans avoir à combattre les trois corps d'arrière garde, qui, tout en se défendant, s'efforçaient d'arriver à la route que suivait Napoléon ; ils l'auraient rejointe, si, par une fatale méprise, le sapeur chargé de faire sauter le pont, entendant la fusillade se rapprocher, n'eût pensé que l'ennemi arrivait et n'eût mis le feu aux poudres. En résumé, la journée de Leipzig fut perdue pour la France ; mais, si l'on se rappelle et le témoignage de nos ennemis et les coups imprévus qui nous frappèrent : la défection des Saxons, celle des Badois, l'explosion prématurée du pont de l'Elster, on peut dire à bon droit que cette bataille des nations, comme l'appelèrent les Allemands, fut encore glorieuse pour nous ; elle peut exciter en France de tristes souvenirs, mais aucune honte. L'empereur remporta encore la victoire de Hanau, sur la rive droite du Rhin ; puis, pour la première fois, les Français repassent en retraite la frontière de France : la campagne de 1814 allait s'ouvrir. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre2005
André Cochet
Mise sur le Web lenovembre2005
Christian Flages