Faits mémorables |
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de l'histoire de |
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France. |
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L. Michelant. |
Souverain : Charlemagne. |
Année : 782/814 |
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Charlemagne visite les écoles.
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En même temps
que Charlemagne arrêtait l'invasion des barbares, il essayait de rendre
à l'empire sur lequel s'étendait son pouvoir le goût des lettres et des
sciences et de faire jaillir quelques purs rayons de lumière dans cette
ignorance profonde et cette complète barbarie où, depuis la chute de
l'empire romain, le nord de l'Europe était plongé. Bien que ses
efforts n'aient pas obtenu de considérables résultats, et que
l'influence littéraire, qu'il avait tenté de fonder, se soit perdue au
milieu de ces luttes et de ces agitations dans lesquelles sa race s'est éteinte,
cependant il faut reconnaître que ces travaux de l'esprit, qu'il a
encouragés et de son exemple et de ses récompenses, forment une des plus
nobles portions de sa gloire. Ils donnent à
son époque un caractère élevé et pour ainsi dire tout moderne. Cette première
renaissance, qui précéda de huit siècles celle qui a définitivement
inspiré les littératures modernes, rappelle lointainement par ses études
les grands siècles littéraires ; et les noms d'Alcuin, d'Éginhard, de
Clément d'Irlande, de Théodulfe, de Leidrade, qui forment un savant cortège
à celui de l'empereur d'occident méritent quelques respects du moins
pour leur zèle, sinon pour I'utilité réelle de
leurs recherches, Toutefois leurs
études ne furent pas complètement infructueuses ; et si elles manquent
de cette unité, de ce but formel qu'elles ont dans l'histoire de
l'intelligence moderne, elles présentent cependant un caractère de sérieuse
érudition, d'attentive application, qui atteste un progrès certain dans
les esprits dont elles établissent nettement la direction. C'est la théologie
qui occupe alors le premier rang, c'est elle qui excite les plus vives
discussions, et l'empereur d'Occident se plaît à prendre une active part
aux débats que font naître les questions de controverse religieuse. C'était là le
côté vivant et passionné de la littérature de ce temps, si l'on peut
employer cette expression. L'étude des
langues latine et grecque, seules véritablement littéraires à cette époque,
tirait lentement de l'oubli les élégances de l'antiquité et multipliait
dans les monastères les copies des oeuvres les plus remarquables du passé.
Mais le côté
le plus sérieux de ce mouvement intellectuel fut la fondation des écoles
nombreuses que Charlemagne établit dans tout l'empire et jusque parmi les
Saxons, qu'il voulait civiliser à la fois par la religion et par l'éducation.
L'Anglo-Saxon
Alcuin et l'irlandais Clément secondèrent ou plutôt réalisèrent avec
courage et intelligence les intentions de l'empereur : ils imitèrent son
ardeur pour le rétablissement des écoles dans les villes épiscopales et
les grands monastères, et de toutes parts s'élevèrent ces centres d'études
d'où sortirent les hommes célèbres des siècles suivants, Dès lors les
élèves remplissent les écoles de Ferrières dans le Gâtinais, de Fulde
dans le diocèse de Mayence, de Reichenau dans celui de Constance,
d'Aniane dans le Languedoc, de Saint Wandrille en Normandie. L'école établie
par Charlemagne dans son palais d'Aix-la-Chapelle, et dirigée par Alcuin
lui-même, devint le modèle de toutes celles qui furent ensuite fondées.
On y enseignait la grammaire, la jurisprudence, la poésie, l'astronomie, l'histoire naturelle, la chronologie, l'explication des saintes Écritures, la révision des manuscrits sacrés et profanes, enfin la musique, ou plutôt le chant religieux. Charlemagne,
qui à trente deux ans, avait commencé son éducation et par l'énergie
de sa volonté était devenu un des hommes les plus savants de son siècle
après Alcuin, fut toujours l'un des plus assidus élèves de l'École du
palais, et ceux qui désiraient lui plaire devaient en suivre les leçons
avec zèle. Il marchait à
grands pas dans la voie intellectuelle qu'il s'était ouverte, et il
exigeait que les hommes de
son siècle le suivissent avec un égal empressement. Il animait
chacun de son exemple, se montrait dans l'étude actif, infatigable aussi
bien que dans ses guerres ; sur toutes matières il recevait les
enseignements d'Alcuin, qui continuait l'éducation impériale qu'avait
commencée Pierre Pisan, et, au milieu des incessantes agitations de sa
vie militaire et politique, Charlemagne trouvait le temps d'éclairer son
esprit et de donner à tous par ses progrès l'exemple de l'étude. La nuit, il se
levait soit pour écrire sur ses tablettes, soit pour se livrer aux
recherches astronomiques ; le jour il assistait régulièrement à cette
sorte d'académie, de société littéraire formée dans son propre palais
et parfois la présidait sous le nom poétique de David, du roi-poète,
qu'il avait pris dans son naïf amour de la science et des lettres. Lorsque,
après être allé combattre et soumettre les Saxons au fond de
l'Allemagne, il revenait à Aix-la-Chapelle, sa première visite était
pour l'École du palais. Chacun alors
subissait ses questions : il s'informait des progrès accomplis durant son
absence : et lorsqu'ils ne lui semblaient pas suffisants, quand il
remarquait quelque négligence dans les études, son
mécontentement éclatait en amers reproches. Éginhard, son
secrétaire et l'historien de sa vie, raconte un de ces sévères examens,
qui prouvent tout l'intérêt
que l'empereur d'Occident portait aux écoles qu'il avait fondées dans
les Gaules. Au retour d'une
expédition, Charlemagne alla visiter des enfants de diverses conditions,
dont il avait confié l'éducation au savant Irlandais Clément, et voulut
qu'ils lui montrassent leurs lettres et leurs vers. S'étant aperçu
que, comptant sans doute sur les privilèges de leur rang, les plus nobles
de ces élèves avaient négligé l'enseignement qu'on leur donnait,
tandis que les plus pauvres présentaient des oeuvres au-dessus de toute
espérance, confites dans tous les assaisonnements de la sagesse, ajoute le biographe, le monarque, fit ranger les uns et les
autres autour de lui. S'adressant
alors à ceux qui avaient le mieux répondu à ses
désirs :" Mille grâces, mes fils, leur dit-il, de ce que
vous vous êtes appliqués de tout votre pouvoir à travailler selon mes
ordres et pour votre bien. Maintenant efforcez-vous d'atteindre à la perfection, je vous récompenserai et toujours vous serez honorables à mes yeux. " Puis se tournant, en leur jetant un regard de colère, vers les élèves qui avaient trompé sa confiance : "Vous
autres, nobles, continua-t-il, fiers de votre naissance, vous avez négligé
mes ordres et votre gloire et l'étude des lettres, vous vous êtes livrés
à la mollesse, au jeu et à la paresse ; par le Roi du ciel ! je ne me
soucie guère de votre noblesse, et tenez ceci pour dit, que, si vous ne réparez
par un zèle vigilant votre négligence passée vous n'obtiendrez jamais
rien de Charles." Charlemagne
apportait une même sollicitude à tout ce qui pouvait hâter les progrès
intellectuels dans les Gaules ; il montrait pour la musique le goût
naturel que la race germanique a pour cet art. Il avait réformé
le chant religieux et introduit le chant grégorien ; lui-même assistait
aux offices, indiquait du doigt ou avec une baguette le clerc qui devait
chanter, et remarquait impitoyablement ceux qui s'acquittaient mal de leur
devoir. Partout sa
vigilance éclatait, et la persévérance qu'il avait mise à s'instruire
avant de vouloir enseigner lui donnait le droit de se montrer exigeant. Demandant aux
savants qu'il attirait à Aix-la-Chapelle des leçons à un âge où on
n'essaie guère d'apprendre, il ne s'était pas contenté de savoir sa
langue nationale, il avait étudié le latin et le grec et avait réussi
à parler la vieille langue de Rome avec autant de facilité que la sienne
propre. Dans l'année même
de sa mort, il corrigea les quatre Évangiles avec des Grecs et des
Syriens ; précédemment il avait composé une grammaire tudesque et des
poésies latines. Enfin il prétendait
par les sciences et les lettres donner à son règne l'éclat des beaux siècles
de l'antiquité ; ce fut là sa passion, ce fut là son plus cher délassement,
et il aurait voulu que l'empire entier s'unît à ce mouvement
intellectuel qu'il essayait de propager par tous les moyens. Mais le génie
littéraire des Francs n'était pas encore éveillé, et ils se refusaient
aux efforts de Charlemagne. Alcuin, qui
comprenait à la fois son impatience et les obstacles qui l'entravaient,
lui écrivait : "ll ne dépend
ni de vous ni de moi de faire de la France une Athènes chrétienne.
" En effet, comme
l'a remarqué M. Guizot, "le mouvement donné aux intelligences
comme à la société était hâtif et superficiel, et l'oeuvre de
Charlemagne devait finir avec lui." Mais cependant
il faut louer les efforts de cette puissante volonté et l'énergie avec
laquelle elle essaya d'asseoir sur l'unité de l'enseignement la stabilité
et la grandeur de l'empire qu'elle avait fondé. Aussi la France
n'a-t-elle pas oublié ces nobles désirs qui attiraient Charles vers les
conquêtes de l'esprit ; le souvenir de l'élève d'Alcuin, autant que
celui du vainqueur des Saxons, s'est conservé précieusement dans nos écoles,
dans nos grands établissements d'instruction publique, dans l'université
tout entière. |
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le novembre 2005 Christian Flages