Faits mémorables |
||
|
de l'histoire de |
|
France. |
||
L. Michelant. |
Souverain : Hugues Capet. |
Année : 987 |
|
||
Election de Hugues Capet.
|
||
L'empire de
Charlemagne, partagé d'abord entre les fils de Louis le Débonnaire par
le traité de Verdun, s'était lentement divisé en grands fiefs, bientôt
héréditaires, qui méconnaissaient complètement l'autorité royale. Cet édifice,
hardiment élevé par la maison d'Héristal, s'était brisé dans des démembrements
successifs, et les derniers Carlovingiens, sans pouvoir, sans influence, réduits
à un vain titre, rappelaient dans leur affaiblissement le triste
spectacle offert à I'histoire par les Mérovingiens. Au centre même
de leur domination, à Paris, les Carlovingiens n'étaient plus maîtres ;
la puissance leur échappait avec la possession réelle du territoire et,
tandis qu'ils s'éteignaient dans leur incapacité, une famille obscure,
sans passé, sans souvenirs, s'élevait rapidement et préparait à la
France une glorieuse dynastie. Par les
services quelle rendait au pays elle se créait un parti et acquérait
pour l'avenir des titres solides ; c'était elle qui luttait
courageusement contre les Normands auxquels les chefs de l'empire
n'osaient résister : Robert
le Fort mourait en les combattant ; Eudes, son fils, alors que Charles le
Gros abandonnait lâchement Paris aux attaques des hommes du Nord, défendait
vaillamment la cité assiégée. Aussi. Lorsqu'â
la mort de Charles le Gros les royaumes réunis un moment sous sa
domination se séparèrent, les habitants du duché de France,
déjà même on peut dire les Français, proclamèrent roi Eudes,
comte de Paris, fils de Robert le Fort, cet aventurier d'origine saxonne,
dont la race devait porter plus de couronnes qu'aucune autre maison
royale. Cependant Eudes
ne fut pas le chef de la dynastie nouvelle ; après lui, par un
inexplicable dédain de Hugues le Grand, son fils, pour la couronne, un
Carlovingien, Louis d'Outremer, monta sur le trône et régna sous la
tutelle immédiate et impérieuse du duc de France. A Louis
d'Outremer succédèrent deux princes, Lothaire et Louis V, derniers représentants
de Charlemagne ; deux ombres
qui n'ont laissé d'autre souvenir dans l'histoire que leur nom. Le moine
Gerbert, qui illustra le trône pontifical sous le nom de Sylvestre et qui
s'était placé à la tête du clergé de France pour conduire le
mouvement auquel les Capétiens allaient devoir la couronne, disait avec mépris
du roi Lothaire : Il est roi
seulement de nom ; Hugues n'en porte pas le titre, mais il est roi et par
le fait et par les oeuvres. « Et de Louis V : Il ne fit rien ; à charge
à ses amis, il ne donnait pas beaucoup d'inquiétudes à ses ennemis et
pendant ce temps la grande affaire de sa ruine se traitait sérieusement
en secret. " Hugues Capet
avait hérité de tout le pouvoir de Hugues le Grand ; toutefois, plus
ambitieux que son père, il voulait avec cette autorité le titre de roi
qui lui manquait encore. Il avait
souffert le règne de ces princes à qui Hugues le Grand avait accordé
son appui, mais il s'apprêtait à s'emparer de leur succession. Cette
importante révolution, décidée par tant de causes, s'accomplit enfin ;
la dynastie des Carlovingiens céda le trône à celle des Capétiens, et
le changement se fit presque sans secousse, sans contestation. Louis V, après
une année de règne, était mort sans enfants '', cependant il restait
des héritiers de sa couronne:Charles, duc de Basse Lorraine,
second fils de Louis d'Outremer, frère de Lothaire. avait des
droits légitimes. Avant qu'il eût
pu les faire valoir Hugues Capet réunit ses partisans, les principaux
seigneurs du duché de France, à Noyon, et à la fin de mois de mai de
l'année 987 il est élu ou plutôt choisi, reconnu roi de France. Quel l'ut le
caractère de cette assemblée, on l'ignore ; mais iln'y faut
vraisemblablement chercher ni règles précises, ni acceptation réfléchie
ce fut un mouvement spontané, une acclamation en quelque sorte. Cette élection,
dit M. Augustin Thierry dans ses "Lettres
sur l'histoire de France, n'eut point lieu avec des formes régulières,
on ne s'avisa ni de recueillir, ni de compter les voix des seigneurs, ce
fut un coup d'entraînement, et Hugues Capet devint
roi des Français parce que sa popularité était immense." L'archevêque
de Reims, Adalberon, sacra le nouveau souverain et ratifia au nom de l'église
le choix des seigneurs francs. Hugues Capet
n'oublia jamais la protection que lui avait donnée le clergé ; arrivé
au trône en
s'appuyant sur lui, il ne cessa de rechercher son concours : trop humble
pour porter la couronne, il revêtait seulement aux jours solennels la
chape de saint Martin et n'usait de la souveraineté dont on venait de
l'investir qu'avec une prudente réserve. Les es chefs égaux
à Hugues par l'étendue de leur domaine ne semblent avoir fait aucune
opposition à son élection. Au nord les
services de son père et de son aïeul l'avaient rendu populaire : puis
ces seigneurs féodaux s'accommodaient mieux d'un roi d'origine récente
:ils préféraient aux Carolingiens, à qui ils avaient ravi leur royaume
province par province, à qui ils avaient arraché des concessions révocables
après tout, un roi pris parmi eux et dont en fait la véritable force ne
s'augmentait pas. L'assemblée de
Noyon n'étendit pas la puissance réelle du fils de Hugues le Grand, elle
le laissa duc de France ; seulement elle revêtit cette domination d'un
titre plus général dont les Capétiens devaient par une sage politique
se faire une supériorité profitable. Enfin Hugues
Capet était en quelque sorte protégé par l'orgueil même de ceux qui
l'avaient reconnu ; le titre qu'ils lui accordaient leur semblait sans
importance, ils prétendaient à une complète égalité de rang et
surtout de pouvoir avec le successeur des Carlovingiens. Arnould II,
comte de Flandre, et Herbert III, quatrième comte de Vermandois, se
faisaient contraindre par les armes à reconnaître la dignité nouvelle
du duc de France, et c'était là tout ce que Hugues pouvait obtenird'eux. Richard 1er,
duc de Normandie, accordait l'hommage au roi de France, mais il l'exigeait
à son tour de lui. Conan le Tors,
comte ou duc de Bretage, restait entièrement étranger àla royauté capétienne.
Enfin, Hugues
Capet, afin d'assurer l'avènement de son fils aîné, convoqua les
seigneurs francs à Orléans et fit reconnaître à l'avance Robert comme
son successeur. Pendant deux siècles
les roi imitèrent cet exemple, et cette politique persévérante rendit
à la longue la couronne de France héréditaire. Au midi à
peine s'inquiéta-t-on de celui qui prenait le titre de roi, tant son
influence était vaine sur les grands fiefs situés au sud de la Loire. On ignorait son
nom, et les seigneurs des provinces méridionales après son élection
inscrivaient toujours en tête de leurs actes
: Dieu régnant en
attendant un roi. Hugues Capet
voulut essayer son pouvoir, il ne réussit guère à le faire accepter.
Ainsi Adalbert 1er comte de Périgord, s'étant allié avec
Foulques Nerra, cinquième comte d'Anjou, assiégea Tours, qui appartenait
à Eudes 1er, comte de Blois. Celui ci eut
recours au roi de France, qui ordonna au comte de Périgord de lever le siége.
Comme Adalbert
n'obéissait pas, Hugues lui envoya dire
. Qui t'a fait comte?
.. Qui t'a fait roi ? répondit
fièrement Adalbert. Toutefois l'avènement
de la troisième dynastie est un événement considérable ; définitivement
la royauté française, nationale est constituée. Longtemps
encore elle restera faible, peu étendue, dépendante des seigneurs féodaux
qui sont restés maîtres du territoire de la Gaule ; mais la patience, le
temps. une singulière habileté, une modestie opportune unie au courage
et à l'intelligence lui préparent de grandes destinées et finissent par
lui assurer une autorité suprême, immense, incontestable. M. Augustin
Thierry, qui a apprécié avec son habituelle supériorité cette révolution
nationale, en exprime ainsi les résultats et le caractère : «L'avènement
de la troisième race est dans notre histoire nationale d'une bien autre
importance que celui de la seconde ; c'est à proprement parler la fin du
règne des Francs et la substitution d'une royauté nationale au
gouvernement fondé par la conquête. Dès lors notre
histoire devient simple ; c'est toujours le même peuple qu'on suit et
qu'on reconnaît, malgré les changements qui surviennent dans les moeurs
et dans la civilisation." Un singulier
pressentiment de cette longue succession de rois paraît avoir saisi
l'esprit du peuple à l'avènement de la troisième race ; le bruit courut
qu'en 981 saint Valeri, dont Hugues Capet, alors comte de Paris, venait de
faire transférer les reliques, était apparu en songe au roi futur et lui
avait dit : "A
cause de ce que tu as fait, toi et tes descendants vous serez rois jusqu'à
la septième génération : c'est à dire à perpétuité." Cette parole était
prophétique ; pendant neuf cents ans les Capétiens,toujours grandissant
au milieu des désastres, des révolutions, des attaques extérieures et
intérieures, occupent le trône sans interruption et donnent des rois à
la plupart des peuples de l'Europe.
|
Table chronologique des faits mémorables.....
Réalisée le 20 novembre 2005 André Cochet Mise sur le Web le novembre 2005 Christian Flages