La
gloire de notre nation ne craint aucune comparaison avec celle de Rome et
nous pouvons fièrement opposer notre Clovis à son Romulus, Charles
Martel à Camille, Charlemagne à César.
Nos
Godefroy, nos Raimond, nos Du Guesclin, nos Dunois, nos Bayard, nos
Coligny, nos Montmorency, nos Catinat, nos Turenne, nos Villars, nos Condé
peuvent marcher à côté de ses consuls, et de nos jours une foule de héros
égalent tous ceux de la Grèce et de l'Italie.
Saint
Louis, Charles V, Louis XII, Henri IV semblent avoir été vivifiés par
l'âme des Antonins ; Louis XIV, comme Auguste, a donné justement son nom
à son siècle ; depuis, un nouvel Alexandre a brillé et a disparu ainsi
que le Macédonien : génie
Immense,
universel, conquérant rapide, guerrier long temps indomptable, aussi
belliqueux que Trajan, il a porté notre gloire, nos armes et son nom en
Afrique, en Germanie, en Italie, en Espagne, en Scythie, au centre de
l'Asie, et, comme lui, a perdu ses conquêtes pour avoir refusé de leur
fixer des bornes, laissant à la
fois après lui la renommée de la gloire et de l'infortune.
Sully,
L'Hôpital et d'Aguesseau, célèbres par leurs vertus autant que par leur
habileté; l'immortel Bossuet, le touchant Fénelon, l'illustre
Montesquieu, le sublime Corneille, l’inimitable Racine, ce Montaigne si
original, ce Molière et ce naïf La Fontaine, qui n'ont point eu de
rivaux dans leur genre ; enfin un nombre prodigieux d'écrivains
brillants, d'ingénieux moralistes de poètes harmonieux, de savants
profonds et d’éloquents Orateurs ne nous laissent rien à envier pour
les palmes de la chaire. du barreau, de la tribune, du théâtre et pour
toutes les couronnes que décernent les muses
Nos
découvertes dans les sciences, nos progrès dans les arts, le
perfectionnement de l'agriculture et de toutes les industries. le pinceau
des Poussin, des Lesueur, des David : le ciseau de Puget, de Houdon, de
Pigal et de leurs émules : la création de nos machines, la diversité de
nos métiers, les prodiges de nos manufactures, la destruction de tout
esclavage, la variété et la multiplicité des jouissances qui
embellissent la vie des citoyens de tous les rangs, des laboureurs comme
des citadins, nous feraient trouver aujourd’hui si elles reparaissaient,
Athènes sauvage et Rome barbare.
Soyons
donc fiers de notre siècle et de notre France, de cette France que
l'Europe liguée a tant redoutée dans ses triomphes, quelle a respectée
encore dans ses défaites et que ses efforts réunis ont ébranlée sans
pouvoir l'anéantir.
Mais,
avant décrire les fastes de la France, parcourons rapidement ceux des
Gaulois et des Francs. nos aïeuls ; remontons orgueilleusement à la
source de notre existence et de notre gloire ; saluons avec respect
nos vieux et rustiques monuments ; pénétrons dans les vastes et
sombres forêts qui ombrageaient notre berceau.
Au
signal de la destruction de l’Empire romain en Italie, l’occident est
devenu la proie des sauvages guerriers du Nord : une moitié du monde
s’est vue esclave et musulmane, l'autre chrétienne mais barbare : les
arts, les lumières, les richesses, la
civilisation de tant de siècles ont fui devant le fer des celtes et des
Scandinaves ; l'Olympe est sans dieux. le Parnasse sans muses.
Le voile sombre
de l'ignorance s'est étendu sur ces belles contrées où les sciences
jetaient naguère un si vif éclat :
ce Capitole où montaient tant de triomphateurs, ce Forum où Cicéron
enchaînait par son éloquence une foule attentive, cette superbe
Rome que
Virgile enorgueillissait en ressuscitant les héros troyens, cette cité célèbre
où les vers harmonieux d'Horace disposaient le cruel Octave à faire chérir
le pouvoir d'Auguste, où le sévère Tacite faisait pâlir les tyrans, ne
retentissent plus que des cris de guerre des Hérules, des Goths et des
Lombards.
L'indomptable
Espagne a succombé sous les coups des Suèves, des Visigoths ; les
Vandales l'ont traversée pour ravager l'Afrique.
Enfin la Gaule,
depuis longtemps plus tranquille, plus riche, plus florissante que
l'Italie; la Gaule, inondée par un torrent dévastateur de Goths. de
Bourguignons, de Huns, d'Allemands, d'Alains et de Francs, a vu ses champs
dépouillés, ses écoles désertes, ses
temples renversés, ses cirques détruits, ses villes incendiées.
La Gaule, jadis
la terreur de Rome et l'effroi de l'Asie ; la Gaule, qui coûta dix
années de travaux à César; la Gaule, rempart inexpugnable de l'empire
contre les Germains ; la Gaule, si heureuse sous les Antonins, si
paisible sous Constance, si chère à Julien, la Gaule est devenue
l'esclave de mille tyrans.
Nous la voyons
couverte d'épaisses ténèbres. mais elle n’est qu'abattue et non détruite ;
à la lueur sanglante des glaives meurtriers qui se choquent dans son
sein, admirons ses efforts pour se relever !
Bientôt elle
va civiliser ses farouches vainqueurs ; bientôt cette Gaule fameuse,
se frayant une nouvelle route à la gloire, va, sous le nom brillant de
France disputer encore à Rome son antique renommée, fonder un nouvel
empire d'Occident, servir d'exemple au monde par ses lois, l'étonner par
ses triomphes, l'éclairer par ses chefs-d'oeuvre, l'enrichir par son
commerce et répandre la splendeur de son nom et de ses armes jusqu'aux
extrémités de la terre.
C'est de cette
France prospère que doit s'élever un nouveau monde. plus durable, plus
riche, plus puissant, plus éclairé que l'ancien ; c'est de cette
France glorieuse que sortiront tant de royaumes célèbres, tant de génies
immortels : c'est cette France, Capitole des héros modernes, asile des
sciences, musée des arts, Panthéon de
tous les talents, dont on a voulu retracer l'histoire.
Qu’à ce beau
nom de France la vieillesse se glorifie par ses souvenirs ! que l'âge mûr
suive avec fierté les progrès de la grandeur, toujours croissante
pendant quinze siècles, d'un empire qui ne laisse point encore prévoir
sa décadence ! que la jeunesse surtout étudie avec ardeur ces
fastes d’un pays dont elle est l’espoir !
Puisse ce vaste
tableau de la France antique et moderne inspirer le respect pour nos lois,
l'attachement inviolable à la liberté, et surtout l'amour sacré de la
patrie ! C'est lui seul qui a dicté cet ouvrage, c'est lui seul qui
lui donne quelque espoir de succès ; et, en cédant
à son inspiration, on n'a invoqué d'autre muse que la vérité.
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