VARIÉTÉS BORDELOISES ou E S S A I HISTORIQUE ET CRITIQUE SUR LA TOPOGRAPHIE ANCIENNE ET
MODERNE DU DIOCÊSE DE BORDEAUX PAR L'ABBÉ BAUREIN TOME III BORDEAUX FERET ET FILS, LIBRAIRES‑ËDITEURS 15 Cours de L'INTENDANCE 1876 |
Extrait :
Livre sixième
Article XI
Pages :269
à 274
Collection :
SAINT‑MARTIN de
BALIZAC
L'Eglise de cette
Paroisse est insuffisante pour contenir le nombre actuel des Paroissiens; ce
qui est une preuve, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, que la population y est
accrue ; car il ne faut pas s'imaginer que, dans le principe, on n'ait pas
proportionné la grandeur des Eglises à la multitude du peuple qu'elles devoient
contenir. Si ces Eglises sont devenues insuffisantes à cet égard, on ne peut en
assigner d'autre cause que la crue de la population dans l'étendue de cette
Paroisse : en pareil cas, si la Fabrique n'a ni fonds ni revenus pour faire
construire des Collatéraux suffisans, il faut que les Paroissiens y contribuent
volontairement; et dans le cas où ils ne seroient pas d'accord entr'eux, qu'ils
aient recours à l'autorité, pour y contraindre ceux qui refuseroient de se
prêter à une construction aussi nécessaire.
Quoique la
dénomination de la Paroisse de Balizac soit très‑ancienne, et que sa
terminaison en ac paroisse annoncer qu'elle appartient au langage Celtique,
nous ne pouvosib
P.270
néanmoins,, souscrire à l'opinion de M. l'Abbé Expilly, qui, au mot Aquitaine, pense que Balizac représente
Oppidum Belendorum, qui appartenoit aux Belendi,
peuples de la seconde Aquitaine. Tous les Savans, avant M. l'Abbé Expilly,
avoient pensé que Belin ètoit le chef‑lieu des Belendi. En effet, la dénomination de Belin a bîen plus d'analogie que celle de Balizac avec le mot Belendi. D'ailleurs, on,ne voit pas sur
quoi M. l'Abbé Expilly se fonde, pour avancer que Balizac représente Oppidum
Belendorum. La Paroisse de Balizac qui n'est pas placée à une grande
distance de celle de Belin, peut bien avoir fait partie de la cité ou
territoire des Belendi, mais rien ne
nous porte à croire ni même à penser qu'elle en ait été le chef‑lieu.
Balizac est compris
dans l'étendue de l'Archiprêtré de Cernès. On voit dans le cimetiere de cette
Paroisse, des tombeaux en pierre, qui servoient autrefois à ensevelir les corps
des défunts, mais qui n'ont plus d'autre usage que pour désigner les.
sépultures des anciennes familles de la Paroisse. L'usage d'ensevelir les corps
des défunts dans des,tombeaux de pierre, n'étoit pas particulier à la Paroisse
de Balizac; il étoit général dans toutes les Paroisses du Diocese. Il n'y a
point de cimetiere dans lequel on ne trouvât de ces tombeaux, s'ils n'en
avoient pas été enlevés; car il s'est trouvé dans tous les temps des personnes
qui ont mérité le reproche que la Loi leur fait dans le Code, en ces termes : Pergit audacia ad busta defunctorum et aggeres consecratos, etc. Il faut pourtant convenir que les
cimetieres sont circonscrits dans des bornes trop étroites, pour être
susceptibles de contenir un grand, nombre de ces sortes de tombeaux, et qu'on a
été forcé d'en enlever ceux qui se trouvoient à la superficie, pour avoir de
l'espace, afin d'y ensevelir les défunts; et c'est, selon les apparences, le
trop grand espace qu'occupoient ces tombeaux, qui a mis fin à. leur usage.
La Cure de Balizac
est séculiere et est à la collation des
P. 271
Chapitres
de Villandraut et d'Uzeste, qui ont chacun six mois pour la çonférer; ensorte
que la collation de cette Cure appartient à celui de ces. deux Chapitres dans
les six mois desquels elle vient à vaquer. Le Curé de Balizac jouit des deux
tiers de la dîme; les deux Chapitres n’en perçoivent qu'un tiers pour leur
portion.
Les principaux
Hameaux ou Villages de çette Paroisse, sont : le Bourg.. .. Pinot, dans
l'étendue duquel est situé le çhâteau de Castelnau de Cernès ….. Mahon….Bordes…Lanere.... Trescos……Moureu….Hat….
Chantalaude….Gariat….Bernadet. Il existe, outre cela, des maisons et. Des
Métairies qui. ont des dénominations particulieres.
Il y a beaucoup de bois‑taillis dans Balizac, au lieu
appellé à. Peylebre. Il existe aussi dans l'étendue de cette
Paroisse quantité de pignadas ou forêts de pins. La majeure partie des uns et
des autres appartient au Seigneur du lieu : le reste est possédé, en propriété
utile, par les habitans.
Le terroir de Balizac
est de trois especes : une grande partie est sablonneuse; une partie tient de
la nature de l'argile, et l’autre est un terrein de grave. Quoique le
territoire de Balizac soit assez enfoncé, il ne. laisse pas que de former une
plaine d'une grande étendue, qui est bornée, vers le levant, par les Paroisses
de Villandraut et de Saint‑Leger; vers le midi, par celle de Saint‑Symphorien;
vers le couchant, par celles d'Origne et du Tuzan, et vers le nord, par celles
de Landiras, Budos et Léojats. Au, reste, n'ayant pas eu occasion de voir les
lieux par nous‑même, nous sommes obligé de nous en rapporter aux mémoires
qui nous ont été fournis. Nous soupçonnons que les aires de vents, selon
lesquelles on a fixé les limites de cette Paroisse, pourroient n'avoir pas été
assignées avec l'exactitude la plus scrupuleuse. En tout cas, la méprise, s'il
y en a, ne tire point à conséquence. Il y a une grande lieue du distance de
l'Eglise de Balizac à celles des Paroisses qui environnent cette premiere.
P.272
on compte huit lieues
de Balizac à Bordeaux, et trois de Bazas et de Langon à Balizac. Cette Paroisse
a quatre lieues de circonférence. Le Village le plus éloigné est placè à la
distance d'une grosse demi‑lieue de l'Eglise. Les principales productions
de cette Paroisse sont les laines, les seigles et les millets, la cire, le
miel, les bois de construction et de chauffage, les bois de pins, soit en
échalas, ou exploités en diverses autres manières.
La principale
occupation des hommes consiste en charrois de leurs denrées aux ports de
Portets, de Podensac, de Barsac, de Preignac et de Langon, tous placés à la
distance de trois grandes lieues de Balizac. Telle est leur occupation
ordinaire pendant tout le cours de l'année, à l'exception du temps de la
moisson. Ce sont aux femmes et aux enfans que les travaux des champs sont
abandonnés pendant le reste de l'année.
On remarquera que
quoique les gens de Balizac soient dans l'usage de semer beaucoup de pins (la
quantité en est si considérable, que le tiers de la Paroisse est employé à
cette culture), il ne s'y recueille néanmoins que très‑peu de résine; ils
font un usage de ces arbres bien différent de celui qu'en font les gens de la
Lande; ils ne s'occupent pas, comme eux, à tirer de la résine; il les
exploitent, au, contraire, en planches, en barres fortes, en soliveaux et
chevrons, qu'on apporte par bateaux, tous les Lundis, à Bordeaux, et qui y sont
enlevés tout de suite. Lorsque ces arbres sont encore jeunes, ils en arrachent
une certaine quantité qui servent d'échalas pour les vignes; ils font même
servir des vieux pins à faire de la
carrassonne, qui sert également à échalasser les vignes. Ainsi ces gens‑là
peuvent être considérés et comme cultivateurs et comme appliqués à une espece
de petit commerce, qui est d'autant plus nécessaire pour les faire subsister,
qu'il ne croît dans cette Paroisse que des seigles et des millets. On v
recueille, à la vérité, de la cire et du miel; mais ce
P. 273
sont, comme on sait, des
denrées trop casuelles pour que
l'on
y puisse compter.
Il y a quelques
landes dans cette Paroisse, mais qui ne sont pas suffisantes pour le pâcage des
bestiaux : d'ailleurs, on les défriche peu à peu pour les ensemencer en pins;
ensorte que tôt ou tard on n'y pourra tenir des troupeaux, si on ne pourvoit
pas par quelqu'autre voie à leur pâture.
Cette Paroisse est
traversée par deux ruisseaux, l'un appellé la
Hure, et l'autre est connu sous la dénomination de Balizac; celui‑ci vient de la Paroisse d'Origne, et l'autre
de celle de Saint‑Symphorien. Il y a un moulin assis sur chacun de ces
ruisseaux
On compte 120 feux ou
familles dans cette Paroisse. On y voit, comme on a déjà dit, un Château très‑ancien,
qui appartient à M. le Marquis de Pons, Seigneur foncier, direct et Haut‑justicier
de la Paroisse de Balizac, laquelle dépend de la Seigneurie de Castelnau en
Cernès, qui appartient à ce même Seigneur. Il paroit, par les rôles Gascons (t.
i, p. 108), que Bernard Eziu, Seigneur
d'Albret, rendit hommage, en l'année 1341, à Edouard III, Roi d'Angleterre,
de la Seigneurie de Castelnau en Cernès : celle‑ci fut, sans doute
confisquée dans la suite au préjudice de la Maison d'Albret, puisqu'il résulte
de ces mêmes rôles (ibid, p. 209),
qu'elle fut donnée, avec quelques autres Seigneuries, à Gaston de Foix, Comte
de Longueville, par Henri VI, Roi d'Angleterre, et ce, en l'année 1426. Ce don
fut confirmé à ce Seigneur, par ce même Roi, en l'année 1434 (ibid., P. 215). Mais, il faut en
convenir, ces sortes de dons n'étoient d'aucune consistance; ils étoient
révocables à la volonté du Prince. On trouve dans ces mêmes Rôles, des années
1436 et 1437 (P. 216), que le château de Castelnau de Cernès, dont les murs
étoient en très‑mauvais état, à raison du siège qu’il venoit d'essuyer,
fut donné à François de, Montferrand, Chevalier. Pro Francisco de Montferrand,
Milite, habendo locunt de
T. 111. (Edit.
Baur., vol. VI.)
P. 274
Novo‑Castro in Sarnesio, ubi magna pars murorum prostrata est per canones et
ingenia. Telles étoient les tristes circonstances où se trouvoit le Pays
Bordelois, pendant le temps qu’il a resté
sous une domination étrangere : on y étoit continuellement en guerre; et la
prise d'un Château, dont ce Pays étoit abondamment pourvu, y faisoit autant de
sensation que s'il eût été question
d'une place des plus fortes.